Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 4
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2018
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25191
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 09/08705
APPELANTE
Madame Aude Catherine F... E... H... épouse X...
née le [...] à CAEN (14 )
de nationalité française
[...]
Représentée par Me Matthieu I... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Christian Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0973
INTIME
Monsieur Dominique Jean C...
né le [...] à CLERMONT FERRAND (63)
de nationalité française
[...]
Représenté par Me Laurence J..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Ayant pour avocat plaidant Me Milène K..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1248
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Mai 2018, en chambre du conseil, devant la Cour composée de:
Mme Anne GONGORA, Présidente de chambre, entendue en son rapport
Mme Thérèse ANDRIEU, Conseillère
Mme Isabelle DELAQUYS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Christelle MARIE-LUCE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Anne GONGORA, Présidente de chambre et par Christelle MARIE-LUCE, Greffière présent lors de la mise à disposition.
***
Mme Aude Catherine F... dit H... née le [...], de nationalité française, et M. Dominique Jean C..., né le [...], de nationalité française se sont mariés le [...] devant l'officier de l'état-civil de la commune de [...] après avoir adopté le régime de la séparation de biens aux termes d'un contrat de mariage reçu le 25 septembre 1986 par Maître Dominique Z... notaire à Paris.
De cette union sont issus trois enfants tous majeurs :
* Charles-Antoine Marie X..., né le [...] à Saint-Cloud (92),
* Octave Augustin Marie X..., né le [...] à Saint-Malo (35),
* Iseult Adeline Marie X..., née le l0 [...] [...].
A la suite de la requête en divorce déposée le 3 septembre 2009 par Mme G... E... H... , le juge aux affaires familiales, par ordonnance de non conciliation en date du 21 mai 2010, a fixé la résidence séparée des époux et décidé au titre des mesures provisoires de :
- attribuer la jouissance du domicile conjugal et du mobilier du ménage à titre gratuit à Mme G... E... H... à charge pour elle d'en acquitter les charges courantes,
- attribuer à Mme G... E... H... la jouissance de la maison de Saint Cast, à charge pour elle de s'acquitter de l'emprunt immobilier,
- ordonner la restitution à M. X... de 10 'uvres d'art énumérées dans l'ordonnance de non-conciliation,
- fixer à 5 000 euros par mois le montant de la pension alimentaire due par M.X... à Mme G... E... H...,
- débouter Mme G... E... H... de sa demande de provision pour frais d'instance,
- rappeler l'exercice en commun de l'autorité parentale,
- fixer la résidence de 1'enfant mineur en alternance chez ses parents,
- fixer la contribution du père à l'entretien et à l'éducation à la somme de 500 euros,
- désigner Maître L..., notaire, avec mission de dresser un projet de liquidation du régime matrimonial.
Le notaire expert a déposé son rapport en l'état le 12 juin 2013 faute pour les parties d'avoir communiqué les pièces sollicitées et répondu à ses interrogations.
Par acte d'huissier du 16 novembre 2012, M. X... a assigné son épouse en divorce sur le fondement de l'article 237 du code civil.
Par jugement du 16 juin 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Créteil a notamment :
- constaté que l'ordonnance de non-conciliation autorisant les époux à résider séparément est en date du 21 mai 2010,
- prononcé aux torts exclusifs de M. X... le divorce des époux,
- fixé dans les rapports entre époux les effets du divorce en ce qui concerne leurs biens et leurs intérêts à la date la date du ler janvier 2009,
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux de M. X... et Mme G... E... H...,
- rejeté la demande de Mme G... E... H... en désignation d'un notaire pour procéder à la liquidation et au partage de leurs intérêts patrimoniaux,
- condamné M. X... à verser à Mme G... E... H... , à titre de prestation compensatoire, la somme en capital de 2 000 000 euros (deux millions d'euros),
- condamné M. X... à payer à Mme G... E... H... la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts par application de l'article 1382 du code civil,
- donné acte à M. X... de ce qu'il s'engage à prendre en charge les frais des trois enfants majeurs,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné M. X... au paiement des dépens, dont distraction au profit de Maître Catherine M... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné M. X... au paiement au profit de Mme G... E... H... d'une indemnité d'un montant de 8 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Mme G... E... H... a interjeté appel de la décision le 15 décembre 2016 en intimant M. X... qui a constitué avocat le 04 janvier 2017.
Mme G... E... H..., appelante, dans ses dernières conclusions notifiées le 11 mai 2018, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 16 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a :
* prononcé aux torts exclusifs de M. X... le divorce des époux,
* ordonné la publicité de cette décision en marge des actes d'état civil des époux détenus par un officier d'état civil français conformément aux dispositions de l'article 1082 du code de procédure civile,
* fixé dans les rapports mutuels entre époux les effets du divorce en ce qui concerne leurs biens et leurs intérêts à la date du 1er janvier 2009, * rappelé que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort, accordées par un époux vers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union,
* ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux,
* invité les parties à procéder amiablement aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux devant tout notaire de leur choix, et en cas de litige, à saisir le juge aux affaires familiales pour qu'il soit statué sur le partage judiciaire et ce, conformément aux dispositions des articles 1359 et suivants du code de procédure civile,
* donné acte à M. X... de ce qu'il s'engage à prendre en charge les frais des trois enfants majeurs, jusqu'à ce que les enfants soient autonomes financièrement,
* condamné M. X... à lui payer une indemnité d'un montant de 8.000 euros au titre des trais irrépétibles.
- infirmer le jugement rendu le 16 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a :
* condamné M. X... à lui verser, à titre de prestation compensatoire, la somme en capital de 2.000.000 euros (deux millions d'euros),
* condamné M. X... à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts par application de l'article 1382 du code civil,
Statuant à nouveau :
- condamner M. X... à lui verser une prestation compensatoire en capital d'un montant de 10.000.000 €,
- condamner M. X... à lui verser une somme d'un montant de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du grave préjudice moral causé, en application des dispositions de l'article 1382 du code civil,
- condamner M. X... à lui verser une somme d'un montant de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du grave préjudice moral causé, en application des dispositions de l'article 266 du code civil,
Y ajoutant :
- condamner M. X... en tous les dépens de première instance et d'appel et à lui verser la somme de 35.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Sur la demande reconventionnelle de M. X...,
- déclarer M. X... irrecevable en sa demande en divorce pour faute aux torts exclusifs de son épouse,
- débouter M. X... de toutes ses demandes, fins et conclusions.
M. X..., intimé, dans ses dernières conclusions notifiées le 14 mai 2018 demande à la cour de :
- déclarer Mme G... E... H... mal fondée en son appel, l'en débouter,
- recevant son appel incident, y faisant droit,
- infirmer le jugement prononcé le 16 juin 2016 dans toutes ses dispositions faisant grief et, statuant à nouveau,
- prononcer le divorce des époux X... aux torts exclusifs de l'épouse,
- subsidiairement, le prononcer aux torts partagés des époux,
En tout état de cause, vu les articles 270 et 271 du Code civil :
- dire et juger que les conditions d'octroi à Mme G... E... H... d'une prestation compensatoire ne sont pas réunies,
En conséquence,
- débouter Mme G... E... H... de sa demande,
- dire n'y avoir lieu ni à dommages et intérêts, ni à article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme G... E... H...,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- débouter Mme G... E... H... de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- condamner Mme G... E... H... à payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence J... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2018 pour ouverture des débats le 31 mai 2018.
La cour :
1- Sur le divorce :
Il convient de rappeler que par acte du 16 novembre 2012 M. X... a assigné son épouse en divorce pour altération définitive du lien conjugal ; que Mme G... E... H... a formé une demande reconventionnelle en divorce en sollicitant le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son époux ; qu'en application de l'article 246 du code civil le premier juge a examiné en premier la demande en divorce pour faute, étant précisé que M. X... avait en application des dispositions de l'article 247-2 du Code civil invoqué les fautes de son épouse pour modifier le fondement de sa demande en sollicitant le prononcé du divorce à leurs torts partagés.
Ainsi il apparaît qu'il avait modifié le fondement de sa demande en divorce et que le premier juge a examiné les griefs invoqués par lui à l'appui de sa demande en divorce pour faute même s'il concluait au prononcé d'un divorce aux torts partagés.
La demande de M. X... en cause d'appel tendant au prononcé du divorce aux torts exclusifs de son épouse est recevable en application de l'article 247-2 du code civil.
Pour prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs de M. X..., le premier juge a fait droit à la demande reconventionnelle en divorce pour faute de Mme G... E... H... en retenant qu'elle démontrait :
- l'existence de violences physiques et psychologiques de son époux à son encontre par plusieurs témoignages décrivant l'emprise de ce dernier sur elle, la crainte qu'il lui inspirait et l'attitude irrespectueuse et insultante qu'il adoptait à son égard, grâce à des messages électroniques qu'il lui avait adressés le 14décembre 2007 et le 22 février 2008 lui demandant de le pardonner pour son comportement violent et par une plainte corroborée par un certificat médical en date du 4 septembre 2008.
- la relation adultérine entretenue par M. X... avec Mme Gaëlle G... H..., la propre soeur de l'épouse, qui était omniprésente au plan professionnel, personnel et familial auprès de M. X..., les réservations d'hôtel prises pour leurs déplacements professionnels ne prévoyant qu'une seule chambre double dès juillet 2000.
M. X... conteste ces griefs et sollicite le divorce aux torts exclusifs de son épouse au motif :
- qu'elle a manqué de loyauté dans leurs relations patrimoniales dans la mesure où elle a prélevé sur ses comptes professionnels une somme de 450'000 € avant de saisir le juge aux affaires familiales de sa requête, où elle a opéré une confusion entre le professionnel et le personnel en utilisant la procuration dont elle disposait sur l'ensemble des comptes, tant ceux de PPSAS et de DPA que sur son compte personnel, alors qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, qu'ils n'avaient pas de fortune personnelle et avaient décidé que Madame X... bénéficierait d'un tiers de l'enrichissement de son époux (33 % des parts de sociétés, 38,57 % de la maison de Saint-Mandé), où elle a man'uvré pour l'acquisition et le financement des maisons de Saint-Cast en imitant sa signature et ses paraphes sur l'ordre de prêt immobilier valant contrat de prêt ainsi que sur l'acte de caution annexé à ce contrat donnant en gage à la banque des contrats d'assurance-vie lui appartenant ;
Il souligne que son épouse gérait seule toutes les questions financières et a abusé de sa confiance en outrepassant les pouvoirs qui lui avaient été consentis pour s'enrichir à titre personnel à son insu, n'hésitant pas à octroyer des prêts à des tiers financés par le débit du compte commun puis à se faire rembourser sur un compte personnel ; qu'elle a ainsi souscrit à titre personnel deux assurances-vie à son profit par le débit du compte professionnel de son compte personnel à son insu ;
- qu'elle a manqué au devoir de loyauté en tant qu'épouse en sollicitant continuellement sa soeur Gaëlle pour l'aider à s'occuper des enfants et de lui, puis au départ des aînés des enfants en se tournant vers des mouvements considérés comme sectaires (psychophanie, psychanalyse transgénérationnelle);
- qu'elle a manqué au devoir de loyauté en tant que mère, l' isolant des enfants communs.
Des très nombreuses pièces versées aux débats par les deux parties, il ressort que la réalité des épisodes violents imposés par M. X... à son épouse est établie de même que son comportement insultant à son égard, tant dans le cadre professionnel (en l'éloignant des inaugurations à l'étranger des bâtiments qu'il avait construits alors qu'en qualité de directrice administrative et financière elle avait suivi le déroulement de ces projets, pour s'y rendre avec sa s'ur Mme Gaëlle G... H...), que personnel en entretenant une relation adultère très déstabilisante avec sa propre soeur, témoin de son mariage et marraine d'un de leurs enfants, relation maintenant officielle.
Ces faits constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune. C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que la demande en divorce pour faute formée par Mme G... E... H... est fondée.
Les griefs de déloyauté articulés par M. X..., et notamment ses reproches s'agissant de la gestion financière des sociétés dont son épouse était présidente jusqu'au 16 décembre 2014 relèvent de contentieux professionnels et ne peuvent pas être retenus comme des fautes à l'appui de sa demande en divorce.
Ses griefs concernant la constitution du très important patrimoine de leur couple à la suite de son succès au concours organisé pour la construction de la Bibliothèque Nationale de France n'apparaissent pas fondés. En effet M. X... n'établit pas de faute de la part de son épouse et il apparaît que jusqu'en 2008 elle a rempli ses fonctions de mandataire social en plein accord avec lui, ce qui lui a permis de se consacrer à ses nombreuses réalisations architecturales dans le monde entier et d'être titulaire de la chaire d'architecture de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.
L'expertise graphologique que M. X... verse aux débats n'est pas contradictoire et il ne démontre pas que son épouse ait détourné à son profit des fonds propres et communs pour l'acquisition et le financement en son nom propre des maisons de Saint Cast. Il est en effet établi par les pièces versées au dossier que, bien que mariés sous le régime de la séparation des biens, les époux alimentaient des comptes joints et ont procédé à des acquisitions en indivision, Monsieur X... ayant participé aux choix patrimoniaux et matériels du couple tant pour l'acquisition de leur résidence principale et de leur résidence secondaire en exécution de sa contribution aux charges du mariage que concernant les prises de participation dans les sociétés liées à son activité professionnelle.
Le prélèvement par Madame G... E... H... de la somme de 178'000 € sur les comptes communs entre le 21 octobre 2008 et le 22 décembre 2008 sera pris en compte dans le cadre de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. Le reste des opérations effectuées par elle a été en fonction des pouvoirs qui lui avaient été consentis par son époux très fréquemment absent du territoire national pour les besoins de sa profession.
Enfin M. X... n'établit pas que les troubles d'ordre psychologique qu'il dénonce concernant son épouse, qui aurait été dépressive et anorexique, ce qui l'aurait amenée à avoir recours à des psychothérapies, ont été la cause d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage par cette dernière rendant intolérable le maintien de la vie commune.
M. X... n'établissant pas la réalité des griefs qu'il articule à l'appui de sa demande en divorce aux torts exclusifs de son épouse, il en sera débouté.
Le jugement entrepris qui a prononcé le divorce des époux aux torts de M. X... sera confirmé.
Sur les dommages et intérêts :
Le premier juge a rejeté la demande de Mme G... E... H... fondée sur l'application de l'article 266 du code civil mais a condamné M. X... à lui verser la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du même code.
Elle sollicite l'attribution de la somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil et celle de 50 000 € sur le fondement de l'article 1382 du même code.
M. X..., après avoir relevé que son épouse cherche à obtenir le plus possible de capital pour entretenir un capital qu'elle s'est déjà attribué pour partie, demande à la cour de la débouter de ses demandes de ce chef contestant le harcèlement moral et les violences physiques invoquées au cours des années du mariage et sa relation adultère avec sa belle-s'ur.
C'est à bon droit que le premier juge a considéré que Mme G... E... H... ne subit pas du fait de la dissolution du mariage des conséquences d'une particulière gravité. Elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Cependant il est établi que la relation adultère de M. X... durant le mariage avec la s'ur de son épouse et le dénigrement dont Mme G... E... H... a été l'objet lui ont causé un préjudice moral très important et durable.
Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 20'000 € à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1382 du code civil.
Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.
Sur la prestation compensatoire :
En raison de l'appel total interjeté par Mme G... E... H..., c'est à la date à laquelle la cour statue qu'il convient de se placer pour déterminer si la rupture du lien conjugal créé dans les conditions de vie respectives des parties une disparité qu'il y a lieu de compenser.
La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Le premier juge, après s'être interrogé sur l'opacité des revenus que M. X..., architecte de renommée internationale, pouvait percevoir à l'étranger, et avoir relevé que Mme G... E... H... avait été révoquée de sa fonction de présidente de société et ne percevait plus de dividendes, a, après avoir examiné les patrimoines respectifs des époux et leurs droits à retraite, fixé le montant de la prestation compensatoire que M. X... doit à Mme G... E... H... à la somme de 2 millions d'euros.
Cette dernière demande à la cour de fixer sa prestation compensatoire à la somme de 10 millions d'euros alors que M. X... sollicite le débouté pur et simple de la demande de prestation compensatoire formée par son épouse compte tenu de son patrimoine.
Le mariage a duré 32 ans et la vie commune dans le mariage 22 ans.
Mme G... E... H... est âgée de 61 ans (ce qui justifie que la valeur de son usufruit soit modifiée) et M. X... de 65 ans. Ils ne font état ni l'un ni l'autre de problèmes de santé.
Mme G... E... H... est architecte A... depuis le 13 janvier 1981. Elle a travaillé à partir de 1984 avec M. X... qui deviendra son mari, d'abord dans le cadre d'une SARL BOA Constructors immatriculée le 5 février 1986 qui deviendra la société X... le 25 mai 1993 et sera ensuite transformée en SAS le 29 juin 2004.
Elle détient 35,60 % du capital social, M. X... 64,30 %, Mesdames Gaelle et Bernadette G... E... H... détenant chacune 0,07 % du capital social.
Pour les besoins de la réalisation de la Bibliothèque Nationale de France les époux avaient constitué une nouvelle société X... dans laquelle Mme G... E... H... détenait 33 % du capital social et M. X... 67% et dont elle était présidente. À l'achèvement de la Bibliothèque Nationale de France le 31 mars 1995 le bénéfice de cette société a été de 15,8 millions d'euros après le paiement de l'impôt sur les sociétés et les associés ont perçu ensuite 5 millions d'euros pour l'épouse et 11 millions d'euros pour M. X... au titre de dividendes complémentaires.
Jusqu'au 16 décembre 2014 Mme G... E... H... a rempli ses fonctions de mandataire social, le choix familial des époux durant la vie commune du couple ayant été de favoriser l'activité professionnelle exceptionnelle d'architecte de M.X... que sa notoriété appelait à se déplacer dans le monde entier, tandis que l'épouse s'occupait de leur famille et de la direction sociale, administrative et financière de l'agence.
Par acte du 14 juin 2005 la société X... a fait l'acquisition de 100% des parts de la SCI Prince Eugène détenant un bien immobilier [...] pour un montant de 5'500'000 € comprenant 3500 m² de locaux professionnels et deux appartements avec deux larges terrasses occupés actuellement par M. X.... Le solde du financement de ce bien était en 2016 de 2'565'000 €.
Le 26 juin 2007 M. X..., Mme Aude G... E... H... et sa s'ur Mme Gaelle G... E... H..., designer travaillant depuis de nombreuses années avec M. X..., ont constitué une B... Architecture divisée en 1000 parts, M. X... étant titulaire de 800 parts, Mme Gaelle G... E... H... de 150 parts et Mme Aude G... E... H... de 50 parts.
Ce rappel est nécessaire pour déterminer les revenus des parties et la composition de leur patrimoine.
Mme Aude G... E... H... bénéficie actuellement de la jouissance gratuite du domicile [...] (fiscalisée) et d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours de 5000 € par mois.
Son assurance perte d'emploi des dirigeants d'entreprise ne lui verse plus d'indemnité depuis le 17 avril 2016 et elle n'a plus d'activité professionnelle. Elle explique ne pas pouvoir retrouver un emploi en raison de son âge et du fait que sa carrière s'est entièrement déroulée auprès de son mari qui l'a dénigrée.
Ses revenus actuels sont constitués des dividendes versés par la B... Architecture soit 31'750 € en 2016 et 2017 et de revenus mobiliers. En 2018 elle percevra la même somme, alors qu'au titre de la même société P... perçoit 500'000 € par an.
Compte tenu du montant de son patrimoine (actif net imposable de 15'787'201 € dont 1'048'042 € de liquidités) elle a du régler la somme de 73'897 € d'ISF . Cette somme a vocation à baisser avec l' IFI.
Elle fait état de charges courantes et de charges liées à son patrimoine d'un montant de 256'556 € par an et indique avoir prélevé la somme de 130'000 € sur son capital en 2016 puisqu'elle a du faire face à une charge fiscale annuelle de 109'610 €.
Ayant capitalisé 120 trimestres au titre de ses droits à la retraite, elle va bénéficier d' une retraite de 1575 € par mois à laquelle s'ajoutera une rente de 2157 € par an si elle la demande à l'âge de 62 ans ou de 2361 € par an à l'âge de 65 ans.
M. P..., architecte DPLG de renommée internationale a été élu le 25 février 2015 à l'académie des Beaux-Arts.
En 2016 le montant de ses salaires, revenus libéraux et revenus de capitaux mobiliers dont les dividendes de la SARL DPA s'est élevé à la somme de 2'827'577 € soit 235'631 € par mois, et a généré un impôt de 925'857 € au titre de l'impôt sur le revenu et de 160'783 € au titre de l'ISF.
Il indique ne pas partager ses charges avec Mme Gaëlle G... E... H... qui exerce une activité de designer et bénéficie d'une renommée internationale.
Cette dernière a perçu en 2016-2017 de la B... Architecture un salaire de 39'375 € par mois et des dividendes de 95'250 € par an.
Au titre de ses charges M. P... règle un loyer de 6840 € par mois pour les trois appartements situés [...]. Il prend en charge les frais de sa fille encore étudiante et vient de gratifier ses trois enfants de la somme de 100'000 € chacun dans le cadre d'une donation-partage en date du 22décembre 2017.
M. P..., qui est en bonne santé, envisage de poursuivre son activité professionnelle en l'orientant vers l'enseignement jusqu'à l'âge de 70 ans. À 70 ans et deux mois il pourra bénéficier d'une retraite de 4998 € par mois et de retraites complémentaires de 4198 €, soit 9196 € par mois.
L'analyse des situations respectives des parties démontre que la rupture du lien conjugal crée dans leurs conditions de vie respectives une disparité qu'il y a lieu de compenser, même s'ils sont mariés sous le régime de la séparation des biens.
Le patrimoine des époux avait été évalué par Maître L... le 12 juin 2013 à la somme de 11'884'000 € environ pour Mme Aude G... E... H... et à celle de 14'167'000 € environ pour M. P....
À ce jour les époux disposent chacun d'un patrimoine propre et d'un patrimoine indivis se décomposant comme suit :
M. P... :
Biens propres :
- SCI Montagne de Frapotel (dans l'Oise) : propriété mise en vente au prix de 1550 000 € achetée avec Mme Gaëlle G... E... H...
- droits sociaux, valeurs mobilières auprès des établissements bancaires et biens meubles : 10 797'581 €
- valorisation des actifs professionnels :
64,40 % de la C... Projets propriétaire de 3500 m2 comprenant l'agence d'architecture, deux appartements de 152 et 162 m² et un toit terrasse.
Ces droits, non précisément évalués à ce jour, pourraient représenter une valeur de 6 440'000 €.
80 % de la C... architecture .
Biens indivis :
- résidence principale : [...]
1'351'460 € sur la base d'une estimation de 2'200'000 €
- droits sociaux et valeurs mobilières auprès des établissements bancaires :
3 308 489 € en 2017
- liquidités :
745 987 € en 2017
TOTAL :17 753 517 € - passif de 417'000 € (charge fiscale) = 17'336'517 €
Mme Aude G... E... H... :
Biens propres :
- l'usufruit de la résidence de Saint-Cast-Le Guildo : désormais 40 % de la somme de 1'436'000 € (évaluation réalisée par Mme D..., expert près la cour d'appel de Paris) soit 574'400 € (les trois enfants du couple étant nu-propriétaires de cet ensemble immobilier)
- droits sociaux et valeurs mobilières auprès des établissements bancaires :
230'286 € en 2017
- liquidités :
302'154 € en 2017
- assurances- vie
5'817'453 € en 2017
- biens meubles :
un voilier d' une valeur de 5000 € en 2017
- titre en contrepartie de la souscription au capital d'une PME : 269'451 €
- valorisation des actifs professionnels :
35,60 % de la C... Projets propriétaire de 3500 m2 comprenant l'agence d'architecture, deux appartements de 152 et 162 m² et un toit terrasse.
Ces droits, non précisément évalués à ce jour, pourraient représenter une valeur de 3'560'000 €
5 % de la C... architecture .
Biens indivis :
- résidence principale : [...]
848'540 € sur la base d'une estimation de 2'200'000 €
- droits sociaux et valeurs mobilières auprès des établissements bancaires :
3 308 489 € en 2017
-liquidités :
745 987 € en 2017
TOTAL :11 799 908 € - passif de 1 809 361 € (charge fiscale et emprunt bancaire) = 9' 990 547 €
Même s'il apparaît que Mme Aude G... E... H... bénéficie d'un patrimoine conséquent, il n'en reste pas moins que ses droits à la retraite sont minimes et qu'elle va devoir progressivement entamer son capital pour faire face à ses charges et ce pendant de nombreuses années vu son âge, puisqu'elle ne va plus bénéficier de la jouissance gratuite du domicile conjugal ni de la pension alimentaire qu'elle perçoit au titre du devoir de secours .
Il est établi par les pièces du dossier qu'elle a consacré son activité à sa famille et à l'éducation des enfants communs et que pendant 28 ans elle a activement participé à la gestion des différentes structures dans lesquelles son époux exerçait son activité pendant qu'il voyageait dans le monde entier pour réaliser ses projets architecturaux.
Elle a été très peu rémunérée pour son activité professionnelle pendant de très nombreuses années, au motif notamment qu'il ne s'agissait pas d'un travail à temps plein, mais a pu utiliser les comptes communs personnels et professionnels en vue de la constitution du patrimoine familial, dont une partie lui appartient dans le cadre du régime de la séparation de biens adopté par les époux.
Il convient en conséquence eu égard à la durée de la vie commune à l'importance de son investissement dans la réussite familiale et à la faiblesse de ses droits à retraite de fixer le montant de la prestation compensatoire dûe par M. P... à Madame Aude G... E... H... à la somme en capital de 2'128'000 €.
Le jugement entrepris sera réformé de ce chef .
Sur les autre demandes :
L'appel principal interjeté par Mme Aude G... E... H... n'étant que très partiellement fondé, de même que l'appel incident de M. P..., chacune des parties gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de cette procédure d'appel et elles seront déboutées de leur demande respective fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement le jugement rendu le 16 juin 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Créteil ;
Condamne M. P... à verser à Mme Aude G... E... H... la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du Code civil ;
Condamne M.Dominique X... à verser à Mme Aude G... E... H... la somme en capital de 2'128'000 € ( deux millions cent vingt huit mille euros ) à titre de prestation compensatoire ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Rejette toutes les autres demandes ;
E... que chacune des parties gardera à sa charge ses propres dépens d'appel ;
E... n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE