Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2018
(n° 474/18 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02522
Décision déférée à la cour : jugement du 23 janvier 2018 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evry - RG n° 17/00913
APPELANTE
Sas Razel Bec, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 562 136 036 00216
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Belgin Pelit-Jumel de la Seleurl Belgin Pelit-Jumel Avocat, avocat au barreau de Paris, toque : D1119
ayant pour avocat plaidant Me Jean-Fabrice Brun, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, substitué à l'audience par Me Gauthier Poulin, avocat au barreau des Hauts-de-Seine
INTIMÉES
Société Commissions Import Export (Commisimpex)
[Adresse 2]
Brazzaville (République du Congo)
représentée par Me Jacques-Alexandre Genet de la Selas Archipel, avocat au barreau de Paris, toque : P0122
ayant pour avocat plaidant Me Michaël Schlesinger, avocat au barreau de Paris, toque : P0122
République du Congo, agissant poursuites et diligences de son ministre de la justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones
Ministère de la Justice
[Adresse 3]
Brazzaville (République du Congo)
représentée par Me Patricia Hardouin de la Selarl 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L0056
ayant pour avocat plaidant Me Kevin Grossmann, avocat au barreau de Paris, toque : D2019, substitué à l'audience par Me Marie-Bénédicte Thomas, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 juin 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre
M. Gilles Malfre, conseiller, chargé du rapport
M. Bertrand Gouarin, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par Mme Camille Lepage, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par une sentence arbitrale du 3 décembre 2000, la Cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale a notamment condamné solidairement la république du Congo et la Caisse congolaise d'amortissement à payer à la société Commission Import Export (Commisimpex) la somme de 232 000 000 d'euros en principal, frais et intérêts, arrêtée au 15 octobre 2016. Par arrêt du 23 mai 2002 signifié le 4 juillet 2002, la cour d'appel de Paris a rejeté le recours en annulation introduit contre cette sentence, conférant l'exequatur à ladite sentence arbitrale.
Par une sentence arbitrale du 21 janvier 2013, la même Cour internationale d'arbitrage a notamment condamné la république du Congo à payer à la société Commisimpex au titre des articles 2 et 3 du protocole du 23 août 2003, la somme de 754 000 000 d'euros en principal, frais et intérêts arrêtée au 15 octobre 2016. Par ordonnance du 13 février 2013, cette sentence du 21 janvier 2013 a reçu exequatur par le président du tribunal de grande instance de Paris. Cette sentence exequaturée a été signifiée par acte du 7 mars 2013. Par arrêt du 14 octobre 2014, la cour d'appel de Paris a rejeté le recours en annulation formé à l'encontre de cette sentence arbitrale.
En exécution de ces deux sentences, par actes des 14 et 28 novembre 2016, la société Commisimpex a fait pratiquer deux saisies-attribution entre les mains de la société Razel Bec, sur toutes obligations portant sur des sommes d'argent, notamment au titre de ses obligations fiscales et sociales, dont cette société serait débitrice, y compris par l'intermédiaire de ses succursales étrangères, envers la république du Congo. Ces saisies ont respectivement été dénoncées les 21 novembre et 6 décembre 2016. La république du Congo a reçu par la voie diplomatique la première dénonciation le 1er juin 2017 et la seconde, le 12 janvier 2017.
Par lettre du 5 décembre 2016, la société Razel Bec a indiqué à l'huissier de justice instrumentaire la liste des créances dont elle était redevable, émettant toutes réserves sur leur caractère saisissable, à savoir les créances suivantes, pour une contre-valeur d'environ 71 000 euros :
- de la caisse nationale de sécurité sociale,
- du Trésor public pour les impôts au titre de la retenue à la source sur sous-traitants,
- du Trésor public pour l'impôt sur le revenu des salariés,
- du Trésor public pour la taxe unique sur les salariés de novembre,
- du Trésor public pour la taxe d'occupation des logements,
- de la société nationale des pétroles du Congo.
Le tiers saisi a mentionné avoir été destinataire d'une circulaire de la république du Congo du 14 décembre 2016 lui interdisant de procéder à la saisie des créances de l'État congolais et de payer le saisissant du fait du caractère insaisissable des créances, l'État congolais indiquant dans cette circulaire qu'il se réservait le droit d'appliquer à son encontre des mesures de « souveraineté » en cas d'inobservation des dispositions de ladite circulaire. C'est dans ces conditions que, par acte du 28 décembre 2016, la société Razel Bec a assigné la société Commisimpex devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evry, aux fins de contestation des deux saisies-attribution. La république du Congo est intervenue volontairement à cette instance.
Par jugement du 23 janvier 2018, le juge de l'exécution a donné acte à l'État du Congo de son intervention volontaire mais l'a déclaré irrecevable en ses demandes propres, a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente d'une décision sur Qpc de la cour de cassation ou de la cour d'appel de Paris, a dit n'y avoir lieu à réouverture des débats, a reçu la société Razel Bec en ses contestations en la forme, a dit que les saisies des 14 et 28 novembre 2016 ne pouvaient porter que sur les dettes envers le Trésor public de l'État du Congo et sur les dettes envers la société nationale des pétroles congolais et a ordonné mainlevée des saisies, en ce qui concerne les dettes sociales envers la sécurité sociale congolaise.
La société Razel Bec a relevé appel de ce jugement, selon déclaration du 26 janvier 2018.
Dans ses dernières conclusions du 15 mai 2018, l'appelante demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de déclarer la société Commisimpex mal fondée en sa demande visant à voir juger l'appel caduc et de la débouter de ce chef, d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes, en conséquence, de prononcer la mainlevée des saisies-attribution des 14 et 28 novembre 2016, de dire et juger la société Commisimpex mal fondée en son appel incident et l'en débouter, de débouter la société Commisimpex de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 8 juin 2018, la société Commisimpex soulève, à titre principal, la caducité de l'appel interjeté et, par voie de conséquence, l'irrecevabilité de l'appel incident de la république du Congo. À titre subsidiaire, elle poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné mainlevée des saisies concernant les dettes sociales envers la sécurité sociale congolaise et sa confirmation pour le surplus. En tout état de cause, elle conclut à l'irrecevabilité des demandes de la république du Congo, à l'irrecevabilité de l'appelante à invoquer les moyens propres à la république du Congo, à la régularité des saisies-attribution et au débouté des parties adverses de leurs demandes. Elle entend que la république du Congo et la société Razel Bec soient condamnées in solidum au paiement d'une somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Par dernières conclusions du 16 mai 2018, la république du Congo, à titre préliminaire, entend être reçue en son appel incident, en son intervention volontaire et en sa contestation des saisies-attribution ; en conséquence, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable son intervention volontaire mais de l'infirmer en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en ses demandes de nullité et de mainlevée des saisies, de juger que le premier juge n'a pas statué sur sa demande tirée de la violation du principe de l'estoppel, d'infirmer le jugement en ce qu'il a n'a pas statué sur cette demande et, statuant à nouveau, de juger irrecevables les demandes de la société Commisimpex au titre des saisies-attribution et d'en ordonner mainlevée.
À titre principal, elle demande à la cour de juger que le premier juge n'a pas statué sur sa demande de nullité et de mainlevée tirée de la violation des principes de territorialité de l'impôt et des voies d'exécution, de juger que les saisies sont afférentes à des droits, taxes et charges dues par la succursale congolaise de la société Razel Bec à la République du Congo et uniquement recouvrables par cette dernière en République du Congo, en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il a validé les saisies litigieuses et, statuant à nouveau, de juger insaisissables les sommes appréhendées.
À titre subsidiaire, elle entend qu'il soit jugé que la saisie-attribution de créances fiscales de la république du Congo contredit les règles du droit public international coutumier et les conventions auxquelles la France est tenue, en conséquence, que soit infirmé le jugement en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité des saisies-attribution et, statuant à nouveau, que soient jugée nulles ces saisies.
À titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la république du Congo bénéficie d'une immunité d'exécution, de juger que les saisies sont afférentes à des créances de nature fiscale et sociale de l'État congolais, donc à des ressources se rattachant à l'exercice de prérogatives de souveraineté, de juger que la république du Congo n'a pas consenti à la saisie de ses créances fiscales au profit de la société Commisimpex ni réservé ou affecté lesdites créances à la satisfaction des demandes de cette société, de juger que la créance cause des saisies, soit l'exécution de sentences arbitrales issues d'un différend lié à l'exécution de marchés, ne présente aucun lien avec les biens objets des saisies, de juger que le jugement entrepris constitue une atteinte aux principes d'égalité souveraine et de non-discrimination ainsi qu'au droit à un procès équitable dont chaque État doit bénéficier, en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il a validé les saisies-attribution et, statuant à nouveau, d'annuler les saisies-attribution.
En tout état de cause, elle conclut au débouté de toutes demandes plus amples ou contraires et de tout appel incident formulé à son encontre, demande à la cour de juger que le premier juge n'a pas statué sur sa demande de nullité et de mainlevée de la saisie-attribution du 28 novembre 2016 en application du principe « saisie sur saisie ne vaut », de juger que ce principe commande que soit invalidée la saisie-attribution du 28 novembre 2016 pratiquée postérieurement à la saisie-attribution du 14 novembre 2016, de juger que le premier juge n'a pas statué sur sa demande de dommages-intérêts, de juger abusive les saisies, en conséquence d'infirmer le jugement de ce chef et, statuant à nouveau, d'annuler la saisie-attribution du 28 novembre 2016, d'en ordonner la mainlevée et de condamner la société Commisimpex à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts pour abus de saisie. Elle entend en outre que la société Commisimpex soit condamnée à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement pour le surplus et de débouter la société Commisimpex de ses demandes.
Le dossier a été communiqué au ministère public le 22 mars 2018, lequel n'a pas fait connaître son avis.
La cour a mis dans le débat la recevabilité des contestations de la république du Congo à l'encontre des deux saisies-attribution, au regard des dispositions de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, alors qu'elle a formé ces contestations par voie de conclusions d'intervention volontaire devant le premier juge. Il a été demandé aux parties d'adresser leurs observations éventuelles sur cette recevabilité dans un délai de 8 jours. La république du Congo a fait parvenir une note en délibéré sur ce point le 4 juillet 2018 et la société Commisimpex le 5 juillet 2018.
SUR CE
Sur la caducité de l'appel principal et sur le recevabilité de l'appel incident de la république du Congo :
La société Commisimpex fait valoir que la société Razel Bec, appelante, ne justifie pas lui avoir notifié l'avis de fixation, soulignant avoir élu domicile chez son conseil puisque du fait des agissements de la république du Congo, les actes qui lui sont adressés dans ce pays ne lui parviennent pas.
Elle relève en outre que, s'étant constituée le 19 mars 2018, l'appelante aurait dû lui notifier l'avis de fixation de l'affaire alors qu'elle s'est contentée de lui notifier une lettre d'information le 20 mars 2018 sans que ne soit joint cet avis. Elle note par ailleurs que la société Razel Bec ne justifie pas avoir déposé ses conclusions dans le délai d'un mois à compter de l'avis de fixation.
Cependant, c'est à bon droit que l'appelante rappelle avoir signifié sa déclaration d'appel à la société Commisimpex par acte du 22 février 2018, soit dans le délai de 10 jours de l'avis de fixation du 15 février 2018, cette signification ayant légitimement été adressée au siège social de la société Commisimpex au Congo, dans la mesure où le jugement entrepris mentionne cette dernière adresse en première page, sans qu'il ne soit attesté d'une élection de domicile chez le conseil de cette société. Les prescriptions de l'article 905-1, alinéa 1er du code de procédure civile ont donc été respectées. De même, la société Razel Bec a remis ses premières conclusions au greffe le 15 mars 2018, soit dans le délai d'un mois à compter de l'avis de fixation.
La déclaration d'appel n'est donc pas caduque et l'appel incident de la république du Congo, qui n'est pas autrement contesté, est dès lors recevable.
Sur la recevabilité des demandes de mainlevée des saisies de la république du Congo :
La société Commisimpex rappelle que, conformément aux articles R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution et 643 du code de procédure civile, le débiteur qui demeure à l'étranger dispose d'un délai de trois mois à compter de la dénonciation d'une saisie-attribution pratiquée à son encontre pour la contester devant le juge de l'exécution, par voie d'assignation. En l'espèce, elle relève que la république du Congo n'a pas contesté les saisies dans les délais, ayant reçu par la voie diplomatique la première dénonciation, le 1er juin 2017, et la seconde le 12 janvier 2017, alors que la débitrice est intervenue volontairement à l'instance introduite devant le premier juge par conclusions du 5 septembre 2017.
La république du Congo réplique être intervenue volontairement devant le premier juge dès l'audience du 18 avril 2017, afin de contester les deux saisies, soulignant que la procédure étant orale en première instance, cette intervention est recevable dès qu'elle est formée à l'audience. Elle note la contradiction du jugement entrepris, qui l'a reçue en son intervention volontaire mais a déclaré ses demandes irrecevables, alors que cette intervention avait nécessairement pour objet de contester les saisies.
La débitrice saisie ne rapporte toutefois pas la preuve d'une intervention volontaire au 18 avril 2017 ou à une date antérieure à celle retenue par la saisissante, alors que le jugement dont appel rappelle cette intervention volontaire mais sans la dater. Or, le délai de contestation des saisies de trois mois, justement rappelé par la société Commisimpex, a commencé à courir à compter de la remise des actes de dénonciation, de sorte que les contestations des saisies-attribution sont irrecevables pour tardiveté. En outre, la contestation d'une saisie-attribution ne peut être formée que par assignation, ainsi qu'il est dit à l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, cette assignation devant, à peine d'irrecevabilité, être dénoncée le jour même à l'huissier de justice ayant pratiqué la saisie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Faute d'avoir respecté ces prescriptions, la république du Congo est également irrecevable à contester les deux-saisies-attribution.
La république du Congo est donc irrecevable en ses demandes, le jugement étant confirmé de ce chef. Elle ne saurait poursuivre la confirmation du jugement en ce qu'il l'aurait reçue en son intervention volontaire, alors que le premier juge n'a fait que lui donner acte de cette intervention.
Sur la recevabilité de l'appelante à invoquer les moyens propres à la république du Congo :
La société Commisimpex estime que le tiers saisi n'est pas recevable à invoquer les moyens propres à la débitrice, à savoir l'insaisissabilité des créances saisies pour cause d'immunité d'exécution, cette immunité ne pouvant être soulevée que par un État, ainsi que la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel.
L'appelante ne soulève pas, dans ses dernières écritures, la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel, de sorte qu'il ne sera pas statué de ce chef, seule la république du Congo, irrecevable en ses demandes, s'en étant prévalue. C'est à bon droit que la société Commisimpex fait valoir que seule la république du Congo peut soulever le moyen tiré de l'immunité d'exécution, cette immunité lui étant personnelle. Il ne sera donc pas statué sur ce second chef.
Sur le moyen tiré de la localisation des créances saisies en république du Congo, dont comprise l'application de la convention fiscale franco-congolaise du 27 novembre 1987 :
La société Razel Bec fait plaider que les dettes fiscales saisies de sa succursale au Congo sont dues au Congo car issus de faits générateurs situés localement, soumis à la loi congolaise, qu'en application de la convention fiscale du 27 novembre 1987 elle n'est pas redevable en France de l'impôt sur les sociétés au titre de l'activité de sa succursale au Congo et que seul le Congo a compétence pour recouvrer les créances fiscales qui lui sont dues. Elle souligne que valider les saisies-attribution équivaudrait à considérer que le recouvrement des créances fiscales qu'elle doit au Congo est opéré en France, indépendamment de toute demande du Congo, ce qui porterait atteinte au pouvoir exclusif de cet État en matière de recouvrement. Elle considère que le fait que sa succursale n'ait pas de personnalité morale est sans incidence dès lors que la république du Congo estime que la succursale a une personnalité fiscale distincte de celle de la société mère pour le paiement des impôts liés à ses activités au Congo.
Cependant, ainsi que le souligne justement la société Commisimpex, le principe de l'unicité de patrimoine conduit à localiser les créances saisies au siège social du tiers saisi, qui se situe en France. Il ne peut être considéré que la succursale du tiers saisi constitue une personnalité fiscale distincte alors que les sommes en question ne sont ni dues ni payées par la succursale, qui ne dispose d'aucun patrimoine propre.
De même, c'est à juste titre que la société Commisimpex relève que le moyen tiré de la convention fiscale franco-congolaise du 27 novembre 1987 est inopérant ; qu'en effet, l'objet de cette convention est d'éviter la double-imposition, en prévoyant notamment que les revenus d'une succursale d'une société française au Congo sont imposables dans cet État, ce qui est sans incidence sur une saisie en France des créances fiscales en question, dont l'objectif n'est pas le recouvrement de l'impôt mais des créances résultant des titres exécutoires dont bénéficie la société Commisimpex.
Sur l'absence de caractère libératoire des saisies et sur l'atteinte aux biens de la société Razel Bec en cas de double paiement :
L'appelante souligne qu'elle sera amenée à payer deux fois l'impôt en cas de validation des saisies, le droit positif congolais, issu notamment de la circulaire du 14 décembre 2016, ne reconnaissant pas le caractère libératoire du paiement dans le cadre de ces saisies, de sorte que ce double paiement aurait pour conséquence une atteinte manifeste à ses biens, ce qui constituerait une violation manifeste de l'article 1er du Protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Elle rappelle que le Congo a fait pression sur elle, en la menaçant de pénalités et d'un traitement particulièrement défavorable dans le cadre d'un redressement fiscal en cours.
Comme la société Commisimpex le rappelle, le paiement fait par la société Razel Bec en exécution des saisies conduit cette dernière à s'acquitter de sa dette à l'encontre du débiteur saisi, auprès du saisissant, ce qui éteint la dette du tiers saisi vis-à-vis du saisi. Ce paiement réduit d'ailleurs d'autant la dette de la république du Congo au titre des deux sentences arbitrales, qui ne s'appauvrit donc pas. Ce moyen n'est donc pas fondé et sera rejeté.
Sur les sommes dues par le tiers saisi à la caisse nationale de sécurité sociale:
La république du Congo, tant en première instance qu'en cause d'appel, a revendiqué être la seule bénéficiaire des créances saisies dues à la caisse nationale de sécurité sociale. L'appelante ne saurait donc soutenir, aux lieu et place du saisi, que cette caisse nationale de sécurité sociale ne serait pas une émanation de la république du Congo et que les sommes saisies à cet égard ne seraient pas une créance du Congo. Il est au surplus relevé que devant le premier juge, la société Razel Bec n'avait pas soulevé ce moyen, ainsi qu'il résulte tant des mentions du jugement que de ses conclusions de première instance, de sorte que le juge de l'exécution s'en est saisi d'office, sans le soumettre à la contradiction.
Sur les autres demandes :
C'est d'une manière inopérante que la société Razel Bec poursuit l'infirmation du jugement pour défaut de réponse du premier juge aux moyens tirés de la localisation des créances sur le territoire de la république du Congo, de celui relatif à la convention fiscale du 27 novembre 1987 et celui sur l'absence de caractère libératoire de la saisie et l'atteinte à ses biens en cas de double paiement ; qu'en effet, ce défaut de réponse allégué s'analyse en un défaut de motifs, sanctionné par la nullité du jugement, non sollicitée par l'appelante au dispositif de ses écritures.
Le jugement entrepris n'étant pas autrement contesté, il convient de le confirmer, sauf en ce qu'il a ordonné mainlevée des saisies pour ce qui concerne les créances dues à la caisse nationale de sécurité sociale.
Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, l'appelante et la république du Congo seront condamnées in solidum à payer à la société Commisimpex la somme de 15 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Déclare la Sas Razel Bec recevable en son appel ;
Déclare la République du Congo recevable en son appel incident ;
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a ordonné mainlevée des saisies-attribution des 14 et 28 novembre 2016, en ce qui concerne les dettes sociales envers la sécurité sociale congolaise.;
Statuant à nouveau du chef de la disposition infirmée ;
Valide les saisies-attribution des 14 et 28 novembre 2016, en ce qu'elles portent sur les sommes dues à la caisse nationale de sécurité sociale ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la République du Congo et la Sas Razel Bec, in solidum, à payer à la Sa Commission Import Export la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la République du Congo et la Sas Razel Bec, in solidum, aux dépens, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE