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06/09/2018 | FRANCE | N°17/15690

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 06 septembre 2018, 17/15690


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2018



(n° 470/18 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15690



Décision déférée à la Cour : jugement du 26 juin 2017 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/80254





APPELANTE



République du Congo agissant poursuites et

diligences de son ministre de la justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones

Ministère de la Justice

[...]



représentée par Me Patricia Z... 2H avocats à la ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2018

(n° 470/18 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15690

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 juin 2017 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/80254

APPELANTE

République du Congo agissant poursuites et diligences de son ministre de la justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones

Ministère de la Justice

[...]

représentée par Me Patricia Z... 2H avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L0056

ayant pour avocat plaidant Me Kevin X..., avocat au barreau de Paris, toque : D2019

INTIMÉS

Le Procureur Général - Service Civil

[...]

Société Commissions Import Export (COMMISIMPEX)

[...]

BP 1244

République du Congo

représentée par Me Jacques-Alexandre A..., avocat au barreau de Paris, toque : P0122

substitué à l'audience par Me Michaël Y..., avocat au barreau de Paris, toque : P0122

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport

M. Gilles Malfre, conseiller

M. Bertrand Gouarin, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par Mme Camille Lepage, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la déclaration d'appel en date du 1er août 2017 ;

Vu les conclusions récapitulatives de la République du Congo, en date du 12 juin 2018, tendant à voir la cour infirmer le jugement entrepris, statuant à nouveau, condamner la société Commisimpex à payer à la République du Congo la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie, la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, débouter la société Commisimpex de l'ensemble de ses demandes ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société Commisimpex, en date du 13 juin 2018, tendant à voir la cour, à titre principal, confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution de Paris le 26 juin 2017, à titre subsidiaire, rouvrir les débats, enjoindre à la République du Congo de communiquer les conventions d'ouverture de chacun des treize comptes saisis avec leurs avenants éventuels, les documents justifiant de l'identité et la qualité des personnes autorisées à les mouvementer, les relevés des opérations et mouvements effectués sur les 13 comptes saisis sur une période suffisante pour déterminer l'utilisation effective des fonds transitant par ces comptes, à titre plus subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée formée par la République du Congo au titre des garanties accordées au ministère de l'économie et des finances et ministère de l'aviation et des transports, en tout état de cause, débouter la République du Congo de l'ensemble de ses demandes, la condamner aux entiers dépens d'appel dont la distraction est demandée et à payer à la société Commisimpex une somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu l'avis du ministère public en date du 6 juin 2018, tendant à la confirmation du jugement attaqué ;

Il est fait renvoi exprès aux écritures des parties pour plus ample exposé du litige.

SUR CE :

Le 19 octobre 2016, en exécution de deux sentences arbitrales rendues les 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013, sous les auspices de la Chambre de commerce internationale, toutes deux revêtues de l'exequatur, la société Commissions Import Export (Commisimpex), auprès de laquelle la République du Congo s'était engagée, le 3 mars 1993, à renoncer définitivement et irrévocablement à toute immunité de juridiction et d'exécution, a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Société Générale, laquelle saisie a été régulièrement dénoncée.

Par lettre du 24 octobre 2016, la Société Générale a déclaré être redevable d'une somme totale de 5 549,63 euros au titre de deux comptes bancaires, à savoir les comptes «'DEL CONGO BRAZZAVILLE'» et «'EQUATORIAL CONGO AIRLINES-ECAIR'» ainsi que, à titre conditionnel, de différents engagements de garantie.

Par jugement du 26 juin 2017, le juge de l'exécution de Paris a rejeté l'ensemble des demandes formées par la République du Congo et a confirmé la saisie pratiquée entre les mains de la Société Générale.

C'est la décision dont appel.

Sur la nature des comptes :

À l'appui de son appel, la République du Congo soutient que les comptes bancaires visés par la saisie litigieuse sont affectés à l'exercice de la mission diplomatique, que la Société Générale, tiers-saisi, indiquait à l'huissier instrumentaire : «Nous vous communiquons la liste ci-jointe des comptes bancaires avec mention de leur nature et leur solde à la date de la saisie-attribution sous réserve du dénouement des opérations en cours», que cette lettre présentait sous forme de tableau, l'intitulé desdits comptes, à savoir:

- « Ambassade du Congo OGES » ;

- « Ambassade du Congo » ;

- « Ambassade du Congo » ;

- « Paierie Pres Ambassade du Congo France » ;

- « Ambassade du Congo-cellule communication » ;

- « Caisse congolaise d'amortissement » ;

- « Del Congo Brazzaville »,

que la Société Générale prenait encore soin de préciser :

« Nous avons également relevé, sauf erreur ou omission, que les garanties suivantes qui

constituent des créances à terme et conditionnelles bénéficiant, à la date de la saisie

attribution aux Ministères et services de la République du Congo Brazzaville ci-après,

ainsi qu'il en est justifié ci-joint :

- Au Ministère de l'Economie et des Finances : garantie au 11 05 2016 de 84 354 000

XAF date d'expiration, 12 05 2017

- Au Ministère de l'Economie, des Finances : garantie au 11 05 2016 de 131 100 000

XAF date d'expiration 12 05 2017.

- Au Ministère Transport et Aviation : garantie au 07 03 2016 de 12 509 458 XAF

date d'expiration 01 10 2017

- Au Ministère Transport et Aviation : garantie au 08 03 2916 de 76 282 euros , date

d'expiration au 01 10 2017 ».

La République du Congo ajoute que la société Commisimpex n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce que ces comptes ne sont pas affectés à la mission diplomatique, qu'il appartient à la République française de respecter son obligation de protéger les missions diplomatiques présentes sur son sol conformément tant à la Convention de Vienne de 1961 qu'à la loi française.

La société Commisimpex soutient que la République du Congo ne rapporte pas la preuve, dont elle a la charge, de la réalité de l'affectation des comptes bancaires saisis, à titre subsidiaire, qu'elle est bien fondée à solliciter la communication des documents pertinents.

Sur la charge de la preuve, elle expose qu'il appartient à l'État étranger de démontrer que les comptes bancaires saisis ont été ouverts pour les besoins de ses missions diplomatiques et au créancier poursuivant, une fois cette démonstration faite, de prouver que les fonds déposés sur lesdits comptes ne sont pas affectés auxdits besoins, que l'intitulé des comptes est déclaratif, facilement modifiable et ne démontre en rien leur affectation et que le tiers saisi a déjà été condamné à lui verser des dommages-intérêts pour avoir refusé de lui verser des sommes valablement saisies entre ses mains au préjudice de la République du Congo.

Elle expose qu'elle bénéficie, comme toute partie, d'un droit à la preuve et qu'il appartient à la République du Congo de lui produire les conventions d'ouverture de ces comptes et leur mouvements sur une durée d'au moins une année.

Pour l'intimée, la saisie a, par ailleurs, porté sur des engagements de garantie consentis par la Société Générale, non pas au profit de l'ambassade de la République du Congo en France, mais au profit de deux ministères, le « Ministère de l'économie et des finances » et « Ministère des transports et aviation ». Elle soutient que le droit international coutumier, ensemble les dispositions de la loi Sapin 2 qui ne sont pas applicables au présent litige, n'exige aucune renonciation spéciale à l'immunité d'exécution au-delà des biens affectés au fonctionnement de la mission diplomatique.

Cependant, il est de principe que les comptes bancaires ouverts par une ambassade sont présumés affectés à l'exercice de la mission diplomatique de celle-ci.

L'intitulé des comptes saisis, tels que rapporté ci-dessus, à l'exception des comptes intitulés «'Caisse Congolaise d'amortissement'» et «'Equatorial Congo Airlines-Ecair'» permet de présumer leur affectation à l'accomplissement des fonctions des missions diplomatiques de la République du Congo et la société Commisimpex n'apporte pas la preuve contraire, dont la charge lui incombe, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'injonction qu'elle sollicite.

En ce qui concerne les engagements de garantie, ainsi que le relève utilement l'intimée, dès lors qu'ils ont été souscrits par la Société générale au profit du «'ministère de l'économie et des finances'» et du «'ministère des transports et aviation'», ils ne sont pas, à l'évidence, affectés au fonctionnement de la mission diplomatique.

Sur la renonciation à l'immunité d'exécution :

À l'appui de son appel, la République du Congo soutient encore qu'elle n'a pas expressément et spécialement renoncé à son immunité d'exécution sur les biens rattachés à sa mission diplomatique, que ce soit aux termes de la lettre d'engagement du 3 mars 1993 ou à ceux des dispositions du règlement CCI sur le fondement duquel ont été rendues les sentences arbitrales de 2000 et 2013.

La société Commisimpex rappelle que les dispositions de la loi du 9 décembre 2016 qui exigent une renonciation expresse et spéciale des États étrangers à leur immunité d'exécution concernant leurs biens diplomatiques ne sont pas applicables à la présente espèce, qu'il convient d'appliquer les dispositions du droit international coutumier qui n'exige pas de renonciation autre qu'expresse à l'immunité d'exécution.

Cependant, contrairement à ce que soutient la société Commisimpex, la jurisprudence (Civ.1, 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72057, Civ1. 28 mars 2013, pourvois n° 10-25093 et n° 11-10450), antérieure à l'adoption de la loi Sapin 2, laquelle est inapplicable au présent litige, mais confortée par celle-ci, subordonnait la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques à la double condition qu'elle soit expresse et spéciale.

La décision de la Cour de cassation du 13 mai 2015, de par sa nature isolée, n'a pu constituer, pour la société Commisimpex, un obstacle à son droit à un procès équitable.

Dès lors qu'il n'est pas discuté que la République du Congo n'a pas renoncé de façon expresse et spéciale à son immunité d'exécution sur ses biens diplomatiques et que la saisie litigieuse a porté sur ces biens tels que déterminés plus haut, il convient d'en ordonner la mainlevée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive :

La République du Congo demande à ce titre la condamnation de la société Commisimpex à lui payer la somme de 10 000 euros.

Dès lors que la société Commisimpex est créancière de la République du Congo et que la saisie litigieuse avait été validée en son entier par le premier juge, le caractère abusif de celle-ci n'est pas établi. Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de demande.

Sur les dépens :

L'intimée, succombant principalement, devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a validé la saisie-attribution du 19 octobre, en ce qu'elle a porté sur les comptes suivants :

-« Ambassade du Congo OGES » ;

-« Ambassade du Congo » ;

-« Ambassade du Congo » ;

-« Paierie Pres Ambassade du Congo France » ;

-« Ambassade du Congo-cellule communication » ;

-« Del Congo Brazzaville », et en ce qu'il a condamné la République du Congo à payer à la société Commisimpex la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution en ce qu'elle porte sur ces comptes;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Condamne la société Commisimpex aux dépens de première instance et d'appel;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 17/15690
Date de la décision : 06/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°17/15690 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-06;17.15690 ?
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