Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 05 JUILLET 2018
(n°2018 - 228, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/04696
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL - RG n° 14/05148
APPELANTE
La SAS PORSCHE DISTRIBUTION, prise en la personne de son établissement secondaire, dont l'enseigne est CENTRE PORSCHE SAINT MAUR, agissant en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 420 947 533 00063
[...]
Représentée et assistée de Me Laura DUBOIS de la SELAS LPLG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0114
INTIMES
Monsieur Guillaume X...
Né le [...] à CORBEIL-ESSONNES
[...]
ET
Madame Karine Y... épouse X...
Née le [...] à MARSEILLE
[...]
Représentés par Me Etienne C... ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R024
Assistés à l'audience de Me Franck Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et de Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre
Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.
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Vu l'appel interjeté le 22 février 2016, par la société Porsche Distribution d'un jugement en date du 9 février 2016, par lequel le tribunal de grande instance de Créteil a principalement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- Prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 13 janvier 2011 entre M. Guillaume X..., Mme Karine Y... épouse X... et le centre Porsche Saint-Maur portant sur un véhicule d'occasion de la marque Porsche, modèle 997 GT3 immatriculé [...],
- condamné en conséquence le centre Porsche Saint-Maur à restituer à M. et Mme X... la somme de 92 129,50 euros correspondant au prix de vente,
- ordonné la restitution du véhicule,
- condamné le centre Porsche Saint-Maur à payer à M. et Mme X... la somme de 6 304,99 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et la somme de 2 500 euros au
titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le centre Porsche Saint-Maur de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le centre Porsche Saint-Maur aux entiers dépens de l'instance.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 15 mai 2018 aux termes desquelles la SAS Porsche Distribution demande essentiellement à la cour, au visa des articles 1109 et 1116 du code civil, dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, et des articles 1641 et suivants du code civil, de:
- Réformer le jugement déféré,
- débouter les époux X... de leur demande au titre de la garantie légale des vices cachés,
- constater que les conditions de l'article 1343-2 du code civil ne sont pas réunies,
- débouter les époux X... de l'intégralité de leurs demandes,
- les condamner à lui payer la somme de 7 500 euros 7cpc ainsi qu'au paiement des dépens.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 26 avril 2018 par M. et Mme Guillaume X... tendant à voir confirmer le jugement en ce qu'il a:
- prononcé la nullité de la vente,
- ordonné la restitution du véhicule et du prix de vente de 92 129,50 euros,
- condamné la société Porsche à leur payer la somme de 6 304,99 euros au titre de leur préjudice matériel et la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral,
Y ajoutant :
- condamner la société Porsche Distribution à leur payer une somme complémentaire de 5 637,63 euros au titre du préjudice matériel,
A titre subsidiaire,
- juger que le véhicule vendu est affecté d'un vice caché,
- ordonner la résolution de la vente et la reprise du véhicule au frais du garage,
- ordonner la restitution du prix de vente de 92 129,50 euros,
- condamner la société Porsche à leur payer à titre de dommages et intérêts complémentaires les sommes de :
* 752,40 euros TTC au titre des frais de remplacement des plaquettes de freins arrière et remplacement des témoins
* 254,99 euros TTC au titre des frais de changement d'une batterie
* 126,18 euros TTC au titre des frais de contrôle (passage au banc)
* 971,39 euros TTC au titre des frais de révision et d'entretien
*1 793,42 euros TTC au titre du contrat garantie « Porsche Approved »
* 1 700,00 euros TTC au titre du contrat garantie « Porsche Approved »
*1 678,00 euros TTC au titre des frais de changement de pneus,
- outre la somme de 5 637,63 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice matériel subi (971,39 + 4 666,24 euros),
- la condamner à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi,
- la débouter de toutes ses demandes,
- la condamner à leur payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction.
SUR CE, LA COUR:
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; il convient de rappeler que :
* le 13 janvier 2011 les époux X... ont acquis auprès du Centre Porsche Saint-Maur, un véhicule d'occasion de marque Porsche, modèle 997 GT3, immatriculé [...], pour un prix de 92 129,50 euros TTC, mis en circulation la première fois le 16 juillet 2009 et totalisant un kilométrage de 36 200 kms ;
* le véhicule est tombé en panne à quatre reprises les 21 janvier 2011, 4 février 2011, 25 février 2011 et 26 février 2011 ;
* le 26 octobre 2012, ils ont du faire procéder au changement du contacteur d'embrayage et le passage au banc de contrôle du moteur a révélé l'existence d'un sur-régime ;
* après l'échange de plusieurs courriers, l'assureur des époux X... a mandaté un expert lequel a déposé un rapport le 17 avril 2013, concluant que le véhicule avait subi des sur-régimes avant la vente et que les acquéreurs n'en avaient pas été informés ;
* la société Porsche a proposé aux époux X... de reprendre le véhicule en contrepartie de l'achat d'un nouveau, ceux-ci ont refusé, compte tenu du coût supplémentaire ;
* le 14 mai 2014 les époux X... ont fait assigner le Centre Porsche Saint-Maur pour obtenir la nullité de la vente et subsidiairement sa résolution outre des dommages et intérêts ;
* le 9 février 2016 est intervenue la décision dont appel.
La société Porsche fait pour l'essentiel valoir qu'elle a parfaitement respecté son obligation générale d'information en application de l'article L. 111-1 du code de la consommation qui disposait, dans sa version applicable à l'espèce, que "tout professionnel vendeur de bien doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien" et que le fait de ne pas avoir mentionné la présence de sur régimes ne constitue pas une violation de l'obligation de renseignement et de conseil du vendeur professionnel. Elle ajoute que tous les éléments concernant un véhicule d'occasion, s'ils n'affectent ni sa sécurité, ni sa fiabilité, n'ont pas à faire l'objet d'une information particulière avant sa vente, par un professionnel. Elle précise que la garantie « Porsche Approved », qui couvre le système moteur sans exception et s'applique aux véhicules d'occasion dont l'âge est compris entre 1 an minimum et 9 ans maximum et moins de 200 000 kilomètres, a été accordée aux époux X... après réalisation d'un certain nombre de contrôles et tests. Elle précise encore qu'en cas de sur-régime, si une endoscopie des cylindres ne révèle aucune rayure ou marque de frottement, le risque d'incident est écarté et la garantie accordée, en cas de dommage généré par des sur-régimes, la panne qui en résulte survenant dans les heures d'utilisation qui suivent, raison pour laquelle une durée d'heures de fonctionnement permet de confirmer une absence de risque. Elle ajoute que lorsque que le véhicule a fonctionné durant plus de deux cents heures sans qu'aucun défaut moteur ne soit apparu, la garantie « Porsche Approved » est octroyée si le test du moteur ne révèle pas d'endommagement préexistant et pouvant relever d'un sur- régime. Elle précise qu'en, le véhicule a fonctionné plus de quatre cents heures et son contrôle par la société Porsche Distribution, préalablement à sa vente d'occasion aux époux X..., n'a révélé aucune anomalie.
Les époux X... répondent que le vendeur, qui ne pouvait ignorer l'existence des sur-régimes, a fait montre de réticence dolosive, les sur-régimes moteur qui ont lieu au rétrogradage, phase de conduite durant laquelle trop de violence de la part du conducteur peut amener le moteur à dépasser le régime maximum autorisé par le rupteur en phase d'accélération ayant généralement pour effet d'endommager le moteur ou, à tout le moins, étant susceptibles de fragiliser le bas moteur. Ils ajoutent que le passage au banc de contrôle a révélé un certain nombre d'allumages en plage 1 à 3 mais également 4 et 5, alors que, si le véhicule présente un sur-régime au-delà de la plage 3, il ne peut plus être vendu à un particulier en concession et doit être vendu dans un lot à un marchand hors marque.
*************
Selon les termes de l'article 1116 du code civil le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, il ne se présume pas et doit être prouvé par la partie qui l'invoque. En particulier, le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ou bien l'aurait conduit à contracter à d'autres conditions.
Il est constant que le véhicule acquis par les époux X... a subi un sur régime moteur en plage 5 à 130 heures d'utilisation antérieurement à la transaction et que ces informations n'ont pas été communiquées aux acquéreurs.
L'expert A... après avoir effectué des constations en ce sens, se réfère à un document interne confidentiel du constructeur, lequel n'est pas produit à la procédure, pour affirmer: "Cette note technique explique l'application de la garantie souscrite et met en évidence l'absence de préjudice lié au fait que ces informations n'ont pas été communiquées à l'acheteur au moment de la vente".
Il ressort très clairement d'un mail adressé le 28 décembre 2010 par M. Julien B... du centre Porsche de Saint-Maur à M. X..., concernant la reprise de son véhicule Porsche Cayman, que le montant de la reprise dépend de l'absence de défaut de carrosserie ou mécanique, dont défaut moteur avec trace de sur-régime.
Ce seul élément contredit l'affirmation selon laquelle aucun préjudice ne peut être lié à ce défaut d'information d'autant, comme le relève à juste titre le tribunal, que l'ensemble des concessions Porsche consultées par les époux X... indiquent que la garantie "Porsche Approved" ne peut recevoir application en présence de sur-régimes atteignant la plage 4, alors même que l'expertise a révélé que la plage 5 avait été atteinte.
Le tribunal en a justement déduit que les époux X... qui avaient posé de nombreuses questions par mail et qui ont volontairement été tenus dans l'ignorance de cet état de fait, n'auraient pas acquis ce véhicule s'ils en avaient été informés.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu le dol et prononcé la nullité de la vente.
Le tribunal en a logiquement déduit l'anéantissement rétroactif du contrat, les parties devant être replacées dans la situation qui était la leur avant sa conclusion et condamné la société Porsche a réparer l'intégralité des préjudices en lien avec la vente annulée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé le remboursement des frais de changement d'une batterie pour un montant total de 254,99 euros, de contrôle pour un montant total de 126,18 euros, des frais relatifs à la souscription d'un contrat 'Porsche Approved' en 2012 pour un montant total de 1 793,42 euros, de souscription d'un contrat ' Porsche Approved' en 2013 pour un montant total de 1 700 euros, ainsi que des frais de changement de pneus pour un montant total de 1678 euros ;
Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement d'un chargeur qui ne perd pas de son utilité ainsi que des frais de révision et d'entretien pour un montant total de 971,39 euros, lesquels auraient dû être exposés par les époux X... quand bien même ils n'auraient pas acquis en remplacement le véhicule Porsche, dés lors qu'ils possédaient déjà un véhicule équivalent avant l'acquisition de celui objet de la nullité.
Il convient au jour où la cour statue de faire droit à la demande concernant le coût du procès- verbal de constat du 24 août 2016 pour établir le kilométrage de façon certaine de 204,24 euros ainsi que le remboursement des frais de transport lors de la restitution du véhicule selon facture de 840 euros du 21 décembre 2016.
S'agissant des primes d'assurances, il ressort de la comparaison des kilométrages du véhicule que celui-ci a parcouru 7 191 kilomètres entre l'achat et la mesure d'expertise, puis 1093 kilomètres jusqu'au 25 janvier 2015, date à compter de laquelle les époux X... ont cessé de s'en servir ainsi qu'en témoigne le constat du 24 août 2016, de sorte que les époux X... sont fondés à demander le remboursement des primes d'assurances payées pour 2015 et 2016 soit les sommes de 1163+879= 2 042 euros ainsi que les taxes pour véhicule polluant de 2015 et de 2016 soit la somme de 160x2 = 360 euros, soit une somme totale de 3 443,24 euros.
Sur le préjudice moral
Les époux X... sollicitent l'allocation d'une somme de 10 000 euros supplémentaire en réparation du préjudice moral qualifié d'incontestable qu'ils ont subis du fait du comportement déloyal et empreint de mauvaise foi du vendeur, outre la confirmation du jugement qui leur a déjà accordé une somme de 5 000 euros de ce chef.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a justement indemnisé le préjudice moral subi par les époux X... en raison du comportement déloyal du vendeur et les intimés, qui ne justifient pas de l'existence d'un préjudice supplémentaire du fait de l'exercice par la société Porsche de son droit d'appel, seront déboutés de leur nouvelle demande de ce chef.
Sur les autres demandes
Il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge de la totalité de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 9 février 2016;
Y ajoutant,
Condamne la société Porsche Distribution à payer à M. et Mme Guillaume X... la somme de 3 446,24 euros en réparation de leur préjudice matériel supplémentaire;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société Porsche Distribution à payer à M. et Mme Guillaume X... la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société Porsche Distribution au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE