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26/06/2018 | FRANCE | N°17/08512

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 26 juin 2018, 17/08512


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5



ARRÊT DU 26 JUIN 2018



(n° 2018/ 141 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/08512



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/16873



APPELANTES



MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES (MGA) prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

° SIRET : 414 086 355 00040



MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

N° SIRET : 775 364 383 00064



Représentées par e...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 26 JUIN 2018

(n° 2018/ 141 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/08512

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/16873

APPELANTES

MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES (MGA) prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

N° SIRET : 414 086 355 00040

MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

N° SIRET : 775 364 383 00064

Représentées par et ayant pour avocat plaidant Me Christelle C... de la SELARL CHOISEZ & ASSOCIES Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0206

INTIMÉES

GRAS SAVOYE NOUVELLE CALEDONIE, anciennement dénommée l'OFFICE CALEDONIEN D'ASSURANCES MUTUELLES (OCAM), immatriculée au RCS de Nouméa sous le n° 77 B 060 442, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas X... de la Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1042

GRAS SAVOYE, S.A.S., prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

N° SIRET : 311 248 637 00804

Représentée par Me Patricia Z... de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas D... B... ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS : toque R05

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller entendu en son rapport et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

En application de l'ordonnance de Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Paris en date du 5 janvier 2018

Greffier, lors des débats : Madame Viviane REA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Monsieur Christian BYK, Conseiller, faisant fonction de président et par Madame Catherine BAJAZET Greffier présent lors de la mise à disposition.

'''''

Suivant acte sous seing privé signé à Paris les 1er janvier et 7 mars 1977, pour prendre effet au 1er janvier 1977, la société d'assurances LA MUTUELLE et l'OFFICE CALÉDONIEN d'ASSURANCE MUTUELLE (OCAM), courtier, sont convenus d'un contrat de représentation de la MUTUELLE dans les îles de l'Océan Pacifique.

En 1995, la CIMA, compagnie d'assurances appartenant au groupe MONCEAU, a absorbé LA MUTUELLE et poursuivi cette convention puis, le 7 octobre 2004, elle a transféré à la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES (MGA) la totalité de son portefeuille ainsi que les mandats des agents généraux et conventions signées avec les courtiers, au rang desquelles figurait le contrat des 1er janvier et 7 mars 1977. Ce contrat s'est ainsi poursuivi entre la MGA et l'OCAM jusqu'à la notification, le 26 juin 2006, par MGA de sa résiliation pour faute, avec effet au 31 décembre 2006.

Au-delà du 31 décembre 2006, la relation entre les deux parties a cependant perduré partiellement dans les liens d'un protocole de gestion de sinistres en date du 4 décembre 1998 et ce n'est que le 31 décembre 2009 que les parties ont cessé toute relation contractuelle.

Par actes des 19 octobre et 10 novembre 2011, M G A a alors assigné les sociétés GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE(anciennement dénommée OCAM) et GRAS SAVOYE devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir juger que GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE avait commis des fautes graves, dans le cadre de l'accomplissement de la convention de 1977, lui ayant occasionné un 'très lourd préjudice', chiffré à la somme de 24 329 756,28 €, montant dont elle demandait l'indemnisation in solidum à ces deux sociétés, outre 100 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile, le bénéfice de l'exécution provisoire et la condamnation des deux défenderesses aux entiers dépens.

Par jugement du 25 septembre 2012, le Tribunal de commerce s`est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 9 mars 2017, a :

- déclaré la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES (MGA) recevable en ses demandes contre la société GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE pour la période postérieure au 1er janvier et l'a déboutée de ses demandes,

- déclaré la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES recevable en ses demandes contre la société GRAS SAVOYE mais l'en a déboutée,

- déclaré la société MUTUELLE CENTRALE RÉASSURANCE (MCA) recevable en son intervention forcée mais a déclaré prescrite son action contre la société GRAS SAVOYE

NOUVELLE-CALÉDONIE pour les 12 sinistres antérieurs au 31 décembre 2003,

- condamné la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES à payer à la société GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE la somme de 34 794,49 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014 ainsi qu'à payer à chacune des sociétés GRAS SAVOYE la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 24 avril 2017 et enregistrée le 25 avril, les sociétés MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et MUTUELLE CENTRALE de RÉASSURANCE ont fait appel de cette décision et, aux termes de leurs dernières écritures en date du 26 janvier 2018, elles demandent à la cour de :

- dire que la recevabilité des conclusions responsives à intimés de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE ne peut être examinée par la Cour, le conseiller de la mise en état étant exclusivement compétent sur ce point,

- infirmer le jugement du 9 mars 2017 en ce qu'il a :

* déclaré la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES recevable en ses demandes à l'égard de GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE uniquement pour la période postérieure au 1er janvier 2004,

* débouté la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES de toutes ses demandes à l'égard de la société GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE,

* débouté la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES de toutes ses demandes à l'égard de la société GRAS SAVOYE,

* accueilli les sociétés GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE et GRAS SAVOYE en leurs fins de non-recevoir tenant à la prescription de l'action de la MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE,

* déclaré prescrite l'action en paiement de la MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE contre la société GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE de la somme de 912.412,44 euros à titre de dommages et intérêts pour les 12 sinistres antérieurs au 31 décembre 2003,

* condamné la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES à payer 10.000 euros à la société GRAS SAVOYE et à la société GRAS SAVOYE NOUVELLE CALÉDONIE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et la MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE aux entiers dépens, prévus à l'article 699 du code de procédure civile.

- confirmer le jugement pour le surplus ;

-statuant à nouveau,

* juger que GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE a commis des fautes graves dans le cadre de l'accomplissement de la convention du 7 mars 1977 et que ces fautes ont causé à MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES un préjudice se détaillant comme suit :

Sinistres réglés ................................................................................. 2.491.044,27 €

Sinistres provisionnés et en cours de règlement .............................. 4.571.047,08 €

Perte de primes '''''''''''''''''''. .10.965.653,03 €

Perte du territoire ............................................................................. 6.559.487,05 €

Perte d'image'''''''''''''''''''''... 122.350,00 €

Frais de gestion et de vérification .................................................... ...320.000,00 €

TOTAL '''''''''''''''''''''' 25.029.581,43 €

*subsidiairement, juger que la réclamation de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES sur la perte de primes pourra porter a minima sur les années 2004 à 2006, soit 8.385.185 euros ;

En conséquence :

- juger que la responsabilité de GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE est totalement engagée à l'égard de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et la condamner au règlement des préjudices susvisés,

- juger que la société GRAS SAVOYE sera tenue avec sa filiale de l'indemnisation de ces préjudices, outre les intérêts au taux légal à compter de la rupture des relations,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur ces sommes à compter de l'assignation du 10 novembre 2011,

- à titre subsidiaire, condamner GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE et GRAS SAVOYE au paiement de la somme de 867.313,93 € pour les sinistres clos et 85.000 € pour le sinistre non clos à la société MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE correspondant aux indemnisations des douze dossiers sinistres antérieurs au 31 décembre 2003, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 10 novembre 2011,

- débouter les sociétés GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE et GRAS SAVOYE de leurs demandes et les condamner in solidum à verser à MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES la somme de 100.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2018, la société GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE demande à la cour de :

- confirmer le jugement, sauf à ajouter au dispositif que le Tribunal a entendu expressément déclarer irrecevables les prétentions de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES pour la période antérieure au 31 décembre 2003,

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles en réparation du préjudice causé par la rupture brutale de la convention du 7 mars 1977 et en paiement des arriérés de sur-commissions et condamner la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES à lui payer à la somme de 6,860 millions d'euros en réparation du préjudice, outre la somme de 233.327 euros au titre des arriérés de sur-commissions et condamner la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et la société MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE à lui payer la somme de 200.000 euros pour procédure abusive.

Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2018, la société GRAS SAVOYE demande à la cour de :

- déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE,

- déclarer bien-fondé son appel incident du chef de l'irrecevabilité à agir de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et de MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE et du chef de sa demande de condamnation de MONCEAU GENERALE ASSURANCES à la somme de 200.000 euros de dommages et intérêts,

- en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli les sociétés GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE et la société GRAS SAVOYE en leur fin de non recevoir tenant à la prescription de l'action de la MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE et, subsidiairement, pour le cas où l'irrecevabilité à agir totale de MONCEAU GENERALE ASSURANCES et de MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE ne serait pas retenue, confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes, a déclaré prescrite l'action en paiement de la MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE contre la société GRAS SAVOYE NOUVELLE CALEDONIE et condamné MONCEAU GENERALE ASSURANCES à payer à GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE la somme de 34 794,49 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014.

CE SUR QUOI, LA COUR

Sur l'incompétence de la cour au profit du conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité des conclusions responsives à intimés de MONCEAU GENERALE ASSURANCES et MUTUELLE CENTRALE DE REASSURANCE:

Considérant que les intimées demandent à la Cour de dire que cette question relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état ;

Considérant toutefois que le dispositif des conclusions de chacune des sociétés intimées ne contient aucune demande visant à déclarer irrecevables les conclusions des appelantes, qu'au demeurant, celles-ci reconnaissent dans leurs conclusions que les intimées ont déclaré 'choisir de ne pas soulever l'irrecevabilité de ces conclusions', que la demande est donc sans objet ;

Sur les irrecevabilités:

- le défaut d'intérêt à agir en raison de l'absence d'intérêt à agir en défense de GRAS SAVOYE (irrecevabilité au visa de l'article 32 du code de procédure civile)

Considérant que GRAS SAVOYE fait valoir que de même que l'autonomie des personnes morales s'oppose à ce qu'une société filiale puisse être responsable des agissements de sa société mère, la même autonomie des personnes morales s'oppose à ce qu'une société mère puisse être tenue pour responsable des agissements de sa société filiale ;

Qu'elle ajoute n'avoir jamais été en situation de contrôle de l'OCAM au moment des griefs allégués et ce même en droit communautaire des pratiques anticoncurrentielles (règlementation communautaire antitrust) ;

Considérant que les sociétés MCA et MGA répondent que la jurisprudence adopte une conception large de l'intérêt à agir, qui n'est « pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action » (Civ.1ère, 17 mai 1993. Bull. Civ.I, n°169);

Que c'est en application de ce principe qu'il convient également d'écarter le prétendu défaut d'intérêt en défense évoqué par les conclusions d'intimée de GRAS SAVOYE, en ce que cette société, liée par les faits du litige, est mécaniquement intéressée par l'issue du débat judiciaire ;

Considérant que l'irrecevabilité pour défaut de qualité de la défenderesse ne saurait être accueillie, les liens, quels qu'ils oient, qui existent entre elle et GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE n'interdisant pas de rechercher sa propre responsabilité ;

-la nature contractuelle de l'action

Considérant que GRAS SAVOYE estime qu'aucun accord contractuel n'étant intervenu entre GRAS SAVOYE et CIMA, le GROUPE MONCEAU ou MGA, aucune action en responsabilité civile contractuelle ne saurait être intentée envers elle par MGA ;

Qu'elle conteste qu'une prise de participation de 34%, en ce qu'elle aurait prétendument généré le développement du risque entreprise ou conférerait la qualité de co-cocontractant, justifierait le fondement de l'action ;

Qu'en tout état de cause, l'ensemble des demandes de MGA doit être considéré comme irrecevable au visa de l'article 1382 du Code civil ;

Considérant que seule GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE, personnalité juridique distincte de la société GRAS SAVOYE, est partie à la convention du 7 mars 1977 de sorte que la société MGA ne saurait agir sur ce fondement à l'encontre de la société GRAS SAVOYE, que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

Considérant toutefois qu'à titre subsidiaire l'appelant fonde également sa demande sur la responsabilité délictuelle de sorte que l'action ne saurait être déclarée irrecevable de ce chef;

' défaut d'intérêt à agir pour MGA au titre de tous les droits et obligations tirés du portefeuille d'assurances antérieurs au 1er janvier 2004

Considérant que GRAS SAVOYE, soutenue par GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE, avance que seule la société MCR (venant aux droits de CIMA) pouvait, le cas échéant, avoir intérêt à agir au titre desdits faits, MCR, venant aux droits de CIMA, étant cependant prescrite ;

Considérant que les appelantes répondent que s'il est exact que la société CIMA a fait l'objet d'une fusion absorption par la société MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE, à effet du 1er janvier 2004, cependant, cette fusion s'est faite sous déduction des actifs et passifs transférés à la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES ;

Qu'il en découle que les douze dossiers litigieux ne correspondent à aucun contrat en vigueur au 31 décembre 2003 et n'étaient donc pas connus et identifiés au sein du portefeuille de la CIMA du fait du courtier, qui n'avait pas transmis ces informations et est toujours incapable de les fournir, qu'en conséquence, les droits et obligations attachés à ces dossiers n'ont donc pas pu faire l'objet du transfert à la société MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE ;

Qu'en outre, ces sinistres n'étaient pas connus de la CIMA à la date du 31 décembre 2003, les transmissions tardives des sinistres ayant été faites à MONCEAU GENERALE ASSURANCES et non à la MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE ;

Qu'enfin, les indemnisations de ces sinistres ont bien été payées par MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES par prélèvements opérés par le courtier sur le compte de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES de sorte que cette dernière société est subrogée dans les droits de la CIMA ;

Considérant que, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, dont elle approuve la motivation, la cour juge que 'la responsabilité personnelle et individuelle de l'OCAM, prise en sa qualité de mandataire de CIMA, a nécessairement survécu à la substitution du mandant intervenue en 2004, de telle sorte qu'elle doit répondre exclusivement vis-à-vis de CIMA, des fautes qu'elle aurait pu commettre avant le 31 décembre 2003 dans l'exécution de son mandat, MGA, de son côté, ne pouvant se prévaloir de manquements de la part de GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE que pour la période postérieure au 1er janvier 2004" ;

Sur la prescription:

-prescription des fautes (irrecevabilité au visa des articles L114-1 du code des assurances et L225-254 et L 223-23 du code de commerce)

Considérant que GRAS SAVOYE fait valoir que l'action judiciaire de MGA, engagée plus de cinq ans après la résiliation de la convention de 1977, a pour objet de tenter de remédier aux défaillances et négligences de MGA, qui s'attaque à l'OCAM alors que MGA a négligé le suivi des dossiers et qu'elle n'a pas exercé les recours appropriés dans le délai de deux ans de l'article L 114-1 du code des assurances ;

Que l'envoi entre le 28 mai 2008 et le 24 juin 2008 de mises en demeure, concernant des faits dont MGA avait connaissance depuis 2006 (date de la résiliation de la convention de 1977) n'avait aucun intérêt pour ce qui concerne la gestion des sinistres (car les éventuels recours à l'égard des assurés étaient prescrits en application de l'article L 114-1 du code des assurances) et avaient, en réalité, pour unique objet de tenter d'instruire artificiellement un dossier envers l'OCAM de sorte que MGA et MCR sont également prescrites dans leur action au visa de l'article L114-1 du code des assurances ;

Que force est également de constater que les prétendus griefs, allégués par MGA et sur lesquels MGA tente de fonder son action, sont en réalité des allégations de prétendues fautes de gestion aujourd'hui frappées de prescription et nullement des griefs tirés d'une prétendue violation des accords contractuels entre l'OCAM et MGA ;

Considérant que le courrier de résiliation du 26 juin 2006 démontrant la connaissance des griefs par MGA, celle-ci, qui n'a accompli aucun acte d'interruption, se trouve prescrite à agir ;

- irrecevabilité de l'intervention volontaire de MCR en raison de la prescription de son

action

Considérant que les deux intimées font valoir que toute action de MCR est prescrite depuis juin 2013, date de prescription au titre de tous faits antérieurs à 2008 (date de la réforme de la prescription civile) alors que l'intervention volontaire de MCR remonte à mai 2015 ;

Considérant que la société MCR répond que l'action n'est pas prescrite lorsque les circonstances propres de l'espèce démontrent une dissimulation et qu'il y a donc lieu de faire partir la prescription du jour où le fait dommageable est intégralement révélé au demandeur ;

Considérant que dans sa lettre du 26 juin 2006 de résiliation de la convention à effet du 1er janvier 1977, M A..., agissant pour le compte de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et de ses filiales informait l'OCAM de ce que cette résiliation était fondée sur l'article 9 de la convention donnant à une partie le droit de résilier à effet immédiat lorsqu'une autre partie manque aux obligations qui lui incombent, que le courrier détaillait précisément ces griefs et notamment les 'manipulations' de l'OCAM antérieures au 31 décembre 2003 ;

Qu'en conséquence, MCR, qui a présenté sa demande en justice pour la première fois le 20 novembre 2015 sans avoir accompli aucun autre acte interruptif du cours de la prescription extinctive de 10 ans, qui avait ainsi débuté le 26 juin 2006, prescription ramenée à 5 ans, pour s`achever le 17 juin 2013, en application de l'article 26 de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, se trouve prescrite, le jugement déféré étant confirmé de ce chef ;

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE et GRAS SAVOYE:

-demandes de GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE

*rupture brutale des relations commerciales

Considérant que GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE réclame la somme de 6,860 millions d'euros au titre du préjudice résultant de la rupture brutale des relations contractuelles, estimant que la rupture brutale de la convention de 1977, au-delà du manque à gagner qu'elle lui a causé, a également entraîné la perte définitive de la quasi-totalité du portefeuille qui appartenait à l'OCAM ;

Considérant que les appelantes répliquent qu'en raison des fautes commises, la rupture est justifiée et n'a pas à donner lieu à dommages et intérêts en faveur du courtier ;

Qu'en outre, la rupture n'a pas été brusque car depuis 1999, l'assureur a, au contraire, fait tout son possible pour maintenir le lien, malgré les défaillances informatiques imputables aux ajouts de logiciels du courtier, la réorientation de sa politique commerciale et l'absence de coopération de sa part ;

Qu'au demeurant, le courtier n'était d'ailleurs pas mécontent de cette résiliation puisque, dès mars 2006 et alors même que monsieur A... était dans ses murs et que la résiliation n'avait pas été décidée, il recevait un nouvel assureur et convoquait le personnel pour le lui annoncer ;

Qu'enfin, s'agissant de la perte alléguée du portefeuille, MGA réplique que cette perte s'explique parfaitement par la propre politique commerciale du courtier, qui ne souhaitait plus produire en risques Auto Particuliers mais en Entreprise ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société MGA a, pour l'exécution de la résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2006, accordé un délai jusqu'au 31 décembre 2006 à titre de préavis ;

Que, comme le confirme le contenu du courrier adressé le 27 juillet 2006 par le directeur général de l'OCAM au directeur général de MGA, le courtier avait d'ores et déjà pris , en commun accord avec MGA, les mesures 'afin d'éviter tout blocage et de permettre une continuité de gestion', MGA s'engageant à verser les fonds suffisants pour régler les sinistres ;

Que de fait, ainsi que le tribunal l'a relevé, le protocole de gestion de sinistres s'est prolongé jusqu'à la fin de l'année 2009, permettant ainsi à GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE de disposer d'un délai supplémentaire pour assurer sa reconversion, soit un total de 2 ans et demi pour une période de 30 ans de relation ;

Que ce délai est d'autant plus raisonnable que l'OCAM ne démontre pas qu'elle aurait subi un préjudice dans sa réorganisation, aucun élément comptable ne rapportant, au demeurant, la preuve d'une perte de marge brute, seule indemnisable, pendant la période où, selon elle, la relation aurait dû se poursuivre ;

Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

*arriérés de sur-commissions

Considérant que l'OCAM demande à la Cour de tirer toutes les conséquences du refus de MGA de lui communiquer les comptes pour permettre de calculer les sur-commissions dues pour les exercices 2002, 2005 et 2006 ; elle sollicite à ce titre la somme de 233 327 euros;

Considérant que MGA répond que le sur-commissionnement n'a été mis en place que pour rémunérer le courtier du traitement informatique des dossiers par ses services alors que le courtier s'est affranchi de cette tache ;

Qu'au surplus, le ratio sinistres/primes n'a pu être calculé avec précision du fait des problèmes informatiques du courtier (pièce n°255 : lettre du 16/08/2004) et du peu de fiabilité des données transmises par ce dernier ;

Considérant qu'il résulte des engagements entre les parties que GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE peut prétendre à une commission complémentaire au cas où le rapport sinistres sur cotisations des 2 branches maladie et automobile est inférieur à 70%;

Considérant qu'il résulte de la pièce communiquée par MGA en date du 30 octobre 2014 intitulée « Calcul de la commission complémentaire correspondant à l'avenant n°3 du 17/09/1999 », qu'entre 2002 et 2007, le ratio sinistres sur primes a atteint à 3 reprises un niveau inférieur à 70 % en 2002 (63%), 2005 (53%) et 2006 (51%) ;

Que le calcul fait dans ce document fait ressortir clairement pour chacune de ces années le montant des sur-commissions dues à l'OCAM à la somme totale de 233.327 euros (62.463 + 93.480 + 77.384) ;

Que le jugement déféré sera ainsi infirmé de ce chef et la société MGA sera condamnée à payer ce total à la société GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE ;

-demandes de GRAS SAVOYE et de GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE pour agissements déloyaux et procédure abusive

Considérant que chacune des sociétés GRAS SAVOYE réclame à ce titre la somme de

200 000 euros ;

Considérant que les appelantes, rappelant que GRAS SAVOYE et le courtier reprochent à MONCEAU INVESTISSEMENTS MOBILIERS, avec la complicité de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES, de s'être abstenu de lui révéler certaines informations, voire d'avoir menti en lui cédant ses parts, estime que, d'une part, toute demande en ce sens est irrecevable, la société MONCEAU INVESTISSEMENTS MOBILIERS n'étant pas partie à la présente procédure et, que d'autre part, toute demande à l'encontre de la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES est également irrecevable, MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES n'étant pas partie à la cession des actions ;

Qu'en tout état de cause, la cession des actions a été librement négociée et qu'il n'y a de réticence coupable qu'autant que la victime n'est pas en mesure de s'informer elle-même, surtout dans le cadre de relations entre professionnels de la même spécialité ;

Considérant que les griefs évoqués par l'OCAM ne font que relater, ainsi que le premier juge l'a justement relevé, les vicissitudes d'une procédure longue et aux importants enjeux financiers, juridiques et commerciaux ;

Que toutefois l'OCAM ne saurait de ce seul fait caractériser une faute ou un abus des appelantes dans leur droit d'ester et de se défendre en justice, qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre ;

Sur les frais irrépétibles:

Considérant que l'équité commande de condamner la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et la société MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE à verser à la société GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et une somme identique à la société GRAS SAVOYE, qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des appelantes de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Dit sans objet la demande visant à ce qu'il soit statué sur l'incompétence de la Cour s'agissant d'examiner la recevabilité des conclusions responsives à intimés de MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE ;

Confirme le jugement déféré à l'exception du chef des sur-commissions ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et, y ajoutant,

Condamne la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES à payer la somme de 233.327 euros à la société GRAS SAVOYE NOUVELLE- CALÉDONIE au titre des sur-commissions dues ;

Condamne la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et la société MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE à verser à la société GRAS SAVOYE NOUVELLE-CALÉDONIE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et une somme identique à la société GRAS SAVOYE ;

Déboute les sociétés MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES et MUTUELLE CENTRALE DE RÉASSURANCE de leurs demande à ce titre et les condamne aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

F.F. de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 17/08512
Date de la décision : 26/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°17/08512 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-26;17.08512 ?
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