La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2018 | FRANCE | N°16/12533

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 07 juin 2018, 16/12533


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 07 JUIN 2018



(n° 2018 -186, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12533



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de SENS - RG n° 14/00536





APPELANTS



Madame Maryline X... épouse Y...

Née le [...] à AUXERRE

[...]

>
ET



Monsieur Wilfried Y...

Né le [...] à JOIGNY

[...]





Représentés par Me Alain Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0860

Assistés à l'audience de Me Isabelle A... de la SCP REGNIER-SERRE-FLE...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 07 JUIN 2018

(n° 2018 -186, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12533

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de SENS - RG n° 14/00536

APPELANTS

Madame Maryline X... épouse Y...

Née le [...] à AUXERRE

[...]

ET

Monsieur Wilfried Y...

Né le [...] à JOIGNY

[...]

Représentés par Me Alain Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0860

Assistés à l'audience de Me Isabelle A... de la SCP REGNIER-SERRE-FLEURIER-FELLAH-A..., avocat au barreau de SENS

INTIMÉE

Madame Eliane Michelle B... épouse C...

Née le [...] à VALLAN (YONNE)

[...]

89290 ESCOLIVES SAINTE

Représentée par Me Francine D..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Assistée à l'audience de Me Martine E... de la SCP E... G..., avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 avril 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

Mme Eliane B... épouse C..., née [...], a été hébergée au domicile de sa cousine et filleule, Mme Maryline X... épouse Y... et de son époux M. Wilfried Y..., sis à Charmoy ( 89 400 ) à partir du mois de novembre 2011.

Elle a financé des travaux de rénovation d'un bâtiment à usage commercial appartenant aux époux Y..., le transformant en local d'habitation dans lequel elle a résidé du 1er mai 2013 au 9 mars 2015.

Par courrier en date du 10 février 2014, les enfants de Mme C... ont sollicité des époux Y... le remboursement de la somme de 87 134,44 euros correspondant au montant des travaux réglés par leur mère ou la conclusion d'un bail à vie.

Par courrier du 25 février 2014, le conseil des époux Y... a proposé le remboursement d'une somme forfaitaire de 20 000 euros et la libération des lieux au 1er mai 2014 arguant que Mme C... avait décidé seule des aménagements du bien immobilier mis à sa disposition et que ces aménagements n'avaient pas apporté de valeur au bien.

Par acte d'huissier délivré le 10 octobre 2014, les époux Y... ont fait assigner Mme C... devant le juge des référés du tribunal d'instance aux fins d'expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance du 17 décembre 2014, le juge des référés a ordonné l'expulsion de Mme C..., lui accordant un délai pour quitter les lieux au 31 mars 2015 et s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'indemnité d'occupation.

Dans ce contexte, Mme C... a fait assigner M. et Mme Y... devant le tribunal de grande instance de Sens, par exploit du 25 avril 2015, aux fins notamment de condamnation à lui payer la somme de 87 134.44 euros, montant des travaux, en principal.

Par jugement du 25 mars 2016, le tribunal de grande instance de Sens a :

-Condamné in solidum les époux Y... à payer à Mme Eliane B... C... la somme de 67 244 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, après compensation avec les sommes dues aux époux Y... au titre de l'indemnité d'occupation, des factures d'électricité et d'eau,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples contraires,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné les époux Y... à payer à Mme Eliane B... C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux Y... aux dépens (à l'exclusion des frais du rapport graphologique et d'état des lieux du 9 mars 2015),

- accordé à Maître H... le bénéfice du droit prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal a pour l'essentiel dit bien fondée la demande de Mme C... au titre de l'enrichissement sans cause puis après avoir constaté que cette dernière avait occupé les lieux sans contrepartie financière, fixé une indemnité d'occupation, non contestée dans son principe, de 800 euros par mois et opéré une compensation judiciaire de sorte que les époux Y... restaient débiteurs de la somme de 67 244 euros.

Les époux Y... ont interjeté appel du jugement par déclaration du 7 juin 2016. La suspension de l'exécution provisoire prononcée par le tribunal de grande instance de Sens leur a été refusée par le premier président de la cour d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2018, M. et Mme Y... sollicitent de la cour au visa de l'article 1371 du code civil qu'elle :

-Déclare leur appel recevable et bien fondé,

-réforme partiellement le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Sens,

-confirme le jugement en ce qu'il a condamné Mme C... à leur payer la somme de 17 840 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er mai 2013 au 9 mars 2015, la somme de 1 228,32 € au titre de la consommation électrique et à la somme de 822,12 euros au titre de la consommation d'eau,

-le confirme également en ce qu'il a débouté Mme C... de sa demande de dommages et intérêts,

-réforme le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à Mme C... la somme de 87 134,44 euros au titre de l'enrichissement sans cause,

-statuant à nouveau sur ce chef de demande, déboute Mme C...,

-condamne Mme C... à leur payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne les époux Y... en tous les dépens dont le recouvrement sera directement poursuivi par Maître Z... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2018, Mme C... demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner les époux Y... à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance ( y compris les frais liés à l'exécution du jugement) dont distraction au profit de Maître Francine D..., en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au cours de son délibéré, par courrier adressé par RPVA le 22 mai 2018, la cour a sollicité des parties leurs observations sur la nature du contrat ayant pu unir les époux Y... et Mme C..., notamment au regard des règles régissant le prêt à usage.

L'avocat de Mme C... a adressé par RPVA le 25 mai 2018 ses observations tendant à souligner que des travaux de grande importance ont été effectués avant l'entrée dans les lieux, que les époux Y... ont retiré à Mme C... la possibilité de rester dans les lieux, que dès lors, la convention ne s'apparente pas à un prêt à usage.

MOTIFS DE LA DECISION :

M. et Mme Y... soutiennent, dans le cadre de l'action fondée sur l'enrichissement sans cause, que Mme C... n'a agi que dans son seul intérêt en faisant réaliser des travaux supplémentaires par rapport aux aménagements nécessaires ( création d'une cuisine ), notamment en faisant aménager le premier étage pour accueillir la famille de l'une de ses filles installée à Hong-Kong, qu'il n'a jamais été convenu entre les parties que Mme C... resterait dans les lieux à titre viager, que sur ce point, l'attestation régulièrement établie par Mme F... est éloquente, corroborée par ailleurs par d'autres attestations de M. C... et de Mme X.... Ils font aussi valoir que malgré les travaux, leur bien immobilier n'a pris aucune valeur, que la valorisation arrêtée par le notaire lorsqu'ils ont acheté l'ensemble immobilier comportant deux lots était fixée pour le seul bâtiment à usage de bureau à 130 000 euros qui est la valeur retenue par les agences immobilières en 2014 et 2015 de sorte que le jugement déféré doit être réformé, Mme C... étant mal fondée à solliciter l'indemnisation de son appauvrissement alors qu'ils ne se sont pas enrichis.

En dernier lieu, ils contestent la somme réclamée par Mme C... au titre des travaux, soulignent que cette dernière ne forme plus de demande indemnitaire au titre de son préjudice moral et sollicitent la confirmation du jugement déféré ayant condamné l'intimée à leur verser une indemnité d'occupation et à payer ses consommations d'eau et d'électricité.

Mme C... expose que lorsque, après l'avoir hébergée pendant 16 mois dans l'attente d'une décision à prendre sur son lieu de vie, les époux Y... lui ont proposé d'habiter un local attenant à leur maison d'habitation, il a été convenu qu'elle financerait les travaux de réhabilitation, que les époux Y... choisiraient les entreprises en bâtiment, que Mme Y... superviserait les travaux, en échange de quoi un bail notarié serait établi à son profit à titre gratuit et viager, de sorte que la proposition qui lui a été faite par courrier de leur avocat de lui verser la somme de 20 000 euros pour une libération des lieux au 1er mai 2014 n'était pas conforme au projet initial.

Elle s'estime bien fondée, en application de l'article 1371 ancien du code civil, en son action de in rem verso en raison de son appauvrissement et de l'enrichissement correspondant des époux Y.... Contestant l'écriture d'une attestation faussement présentée comme émanant de Mme F..., tante de M. Y..., elle considère comme acquis que pour le moins, il existait un accord pour qu'elle soit logée à titre gratuit pendant 10 ans et constate que les époux Y... n'ont pas tenu leur engagement en l'assignant en expulsion, raison pour laquelle elle a été contrainte de quitter les lieux le 9 mars 2015 et de solliciter le remboursement des travaux engagés qui constituent des impenses utiles ayant permis à l'évidence de valoriser le bien immobilier.

Il résulte avec certitude des pièces produites aux débats que Mme C... a habité dans un bien immobilier appartenant à M. et Mme Y... du 1er mai 2013 au 9 mars 2015, que cette occupation lui était accordée à titre gratuit et que Mme C... a financé des travaux d'aménagement de ce bien pour une somme s'élevant à plus de 80 000 euros.

Ces faits certains, ainsi que les éléments de la cause, notamment le lien familial existant entre Mme C... et Mme Y... et leur cohabitation pendant 16 mois, permettent d'établir l'existence d'un contrat verbal conclu entre Mme C... d'une part et les époux Y... d'autre part et que ce contrat répondait en tous points à la définition du prêt à usage, dit commodat, telle qu'elle ressort des articles 1875 à 1878 du code civil, l'accomplissement de travaux par la bénéficiaire de la jouissance de l'immeuble constituant non la contrepartie mais la condition de l'usage personnalisé des lieux tel que convenu.

Il en résulte que Mme C... est mal fondée à agir au titre de l'enrichissement sans cause dont les règles ne peuvent être invoquées lorsque l'appauvrissement et l'enrichissement allégués trouvent leur cause dans l'exécution ou la cessation d'une convention conclue entre les parties.

Les parties s'opposent sur le terme du contrat, Mme C... affirmant qu'elle devait avoir l'usage du bien immobilier sa vie durant, les époux Y... limitant le prêt à 10 ans.

Toutefois, dès lors qu'il a été mis un terme au contrat du fait de l'expulsion prononcée judiciairement sur l'initiative des époux Y... et de la libération des lieux par Mme C... le 9 mars 2015 et que cette dernière ne demande pas réparation d'un préjudice résultant pour elle de cette rupture anticipée, la détermination du terme contractuel est sans objet.

Selon l'article 1890 du code civil, seules peuvent être répétées les dépenses pour la conservation de la chose, extraordinaires, nécessaires et tellement urgentes que l'emprunteur n'a pu en prévenir le prêteur, tandis que, selon l'article 1886 du même code, toutes autres dépenses que ferait l'emprunteur, y compris pour user de la chose, ne sont pas soumises à répétition.

Ainsi, Mme C... qui a fait réaliser des travaux qui n'étaient au regard de la conservation de la chose, ni extraordinaires, ni nécessaires, ni urgents, ne peut en réclamer le remboursement à M. et Mme Y.... Elle doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 87 134,44 euros.

Le jugement déféré est infirmé.

Par ailleurs, s'agissant d'un prêt à usage, qui est essentiellement gratuit aux termes de l'article 1876 du code civil, M. et Mme Y... doivent être déboutés de leur demande au titre d'une indemnité d'occupation pour la période du 1er mai 2013 au 9 mars 2015. Ils sont toutefois bien fondés à solliciter le remboursement de la consommation d'eau et d'électricité pendant cette même période, ces consommables ne rentrant pas dans le champ contractuel du prêt à usage. Mme C... doit donc être condamnée à verser aux époux Y... la somme de 2 050,44 euros ( 1 228,32 + 822,12 ) à ce titre.

Mme C..., qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Compte-tenu des circonstances de la cause, notamment des liens familiaux unissant les parties, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des époux Y..., précision étant faite que les frais d'expertise graphologique et d'état des lieux sont des frais irrépétibles et non des dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire,

Infime le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

En conséquence, statuant à nouveau,

Déboute Mme C... de toutes ses demandes ;

Condamne Mme C... à verser à M. et Mme Y... la somme de 2 050,44 euros en remboursement de sa consommation d'électricité et d'eau ;

Condamne Mme C... aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Z..., avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/12533
Date de la décision : 07/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°16/12533 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-07;16.12533 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award