Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRET DU 5 JUIN 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/19121
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° [...]
APPELANTE
SARL VAL D'EUROPE FOOD
agissant poursuites et diligences de son Gérant y domicilié [...]
Val d'Europe Espace Commercial International
[...]
Représentée par Me Marie-Catherine X... de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
ayant pour avocat plaidant Me Mbaye DIAGNE, HB et ASSOCIES
INTIMEE
ASSOCIATION DES COMMERCANTS DE L'ESPACE COMMERCIAL INTERNATIONAL VAL D'EUROPE
Immatriculée sous le numéro 433 772 316 000 17
agissant en la personne de son représentant légal domicilié [...]
Val d'Europe - Espace Commercial International
[...]
Représentée par Me Matthieu Z... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
ayant pour avocat plaidant Me Deborah Y..., avocat au barreau de PARIS,
toque P0127
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Mme Marie-Christine A..., Présidente de chambre
Mme Isabelle B..., Conseillère
M. Laurent BEDOUET, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Isabelle B... dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Christine LECERF
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Christine A..., président et par Mme Christine LECERF, greffier présent lors du prononcé.
*
Par acte sous-seing privé du 12 juillet 2010, la SCI Secovalde a consenti à la société Saros, aux droits de laquelle vient la société Val d'Europe Food, un bail commercial portant sur des locaux dépendant du centre commercial « Val d'Europe ». Elle exploite dans ces locaux une activité de restauration sous l'enseigne La Criée.
L'article 12 du contrat de bail contient une obligation d'adhésion du preneur à l'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe, qui a pour activité l'organisation, le développement, la promotion et la publicité de l'espace commercial international Val d'Europe Disneyland Paris. Ses statuts prévoient qu'elle organise la répartition des coûts engagés à ce titre et c'est ainsi que les membres de cette association sont tenus de lui verser une cotisation annuelle, dont le montant est déterminé par l'assemblée générale ordinaire, en fonction de la surface commerciale exploitée par les membres. La cotisation est payée sur appels de fonds trimestriels.
L'article 12.2 du contrat de bail précise que le preneur s'engage à maintenir son adhésion pendant toute la durée de sa présence dans le centre commercial et à procéder au paiement des cotisations trimestrielles.
C'est ainsi que la société Val d'Europe Food a payé les cotisations à l'association jusqu'au dernier trimestre de l'année 2014, mais à compter du premier trimestre 2015, a cessé de les régler en invoquant sa démission à l'adhésion, le 23 décembre 2014, en considérant que la clause d'adhésion obligatoire est contraire à la liberté fondamentale d'association, ce qui, selon elle, rend l'adhésion nulle et non avenue.
L'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe a alors par acte du 21 septembre 2016, assigné la société Val d'Europe Food devant le tribunal de commerce de Meaux pour recouvrer sa créance, estimant que sa démission est incompatible avec sa présence dans le centre commercial et que le défaut de paiement constitue un manquement à ses obligations contractuelles.
La société Val d'Europe Food a soulevé l'incompétence matérielle du tribunal de commerce de Meaux au profit tribunal de grande instance de Meaux.
Par jugement du 3 octobre 2017, le tribunal de commerce de Meaux a rejeté l'exception d'incompétence et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour statuer sur le fond.
La société Val d'Europe Food a relevé appel de ce jugement le 18 octobre 2017.
Sur requête de la Sarl Val d'Europe Food, par ordonnance en date du 15 novembre 2017, Madame la délégataire du premier président de la cour d'appel a autorisé la société Val d'Europe Food à assigner à jour fixe. C'est ainsi qu'elle a assigné l'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe par acte du 27 novembre 2017.
Par conclusions signifiées le XX, la Sarl Val d'Europe Food, appelante, demande à la cour de :
annuler le jugement en ce qu'il ne satisfait pas à l'exigence de motivation,
infirmer le jugement en ce que le tribunal retient sa compétence matérielle pour statuer au fond,
en conséquence, déclarer le tribunal de commerce de Meaux incompétent au profit du tribunal de grande instance de Meaux,
condamner l'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner l'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions signifiées le 8 février 2018, l'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe, intimée, demande à la cour de :
constater que le litige relève de la compétence du tribunal de commerce de Meaux,
confirmer le jugement,
condamner la société Val d'Europe Food à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
SUR CE
Sur le défaut de motivation du jugement
La société Val d'Europe Food demande l'annulation du jugement pour défaut de motivation, lui reprochant un défaut de réponse à ses conclusions et plus plus particulièrement à la prétention selon laquelle la clause d'adhésion obligatoire est contraire aux dispositions de l'article L.145-15 du code de commerce.
Selon l'article 455 du code de procédure civile le jugement doit être motivé.
En l'espèce, pour retenir sa compétence le tribunal a considéré que le bail n'avait pas d'incidence sur le litige, mais que la demande était fondée sur un lien d'obligation existant entre l'association et la société Val d'Europe Food, ce qui répondait implicitement à la question de l'applicabilité de l'article L.145-15 relatif au statut des baux commerciaux à la présente espèce.
Il s'ensuit que le jugement est motivé. La société Val d'Europe Food sera donc déboutée de sa demande de nullité du jugement.
Sur l'exception d'incompétence.
La société Val d'Europe Food soutient que le tribunal de commerce de Meaux est incompétent dans la mesure où le tribunal de grande instance dispose d'une compétence exclusive en matière de baux commerciaux, faisant valoir que l'association fonde ses demandes sur le bail commercial dont bénéficie la société Val d'Europe Food dans le centre commercial.
Elle fait valoir qu'en raison de la contestation relative à la validité de la clause d'adhésion obligatoire contenue dans le bail, sur laquelle l'Association fonde ses demandes, seul le tribunal de grande instance est compétent, s'agissant d'un bail commercial.
De son côté l'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe considère que le tribunal de commerce de Meaux est compétent, dans la mesure où elle n'est pas partie au bail, et que ses demandes, fondées sur un lien d'obligation existant entre elles et la société Val d'Europe Food, sont étrangères au statut des baux commerciaux.
Selon l'article R.211-4 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal de grande instance a compétence exclusive en matière de baux commerciaux, à l'exception des contestations relatives à la fixation du bail révisé ou renouvelé, des baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale.
Toutefois, lorsque le litige porte sur une demande en paiement du bailleur contre le locataire et non sur l'application des dispositifs relatives au statut des baux commerciaux, le tribunal de commerce est également compétent.
En l'espèce, le lien d'obligation dont se prévaut l'association résulte du bail commercial liant la société Val d'Europe Food à son bailleur et plus exactement de l'article 3 qui précise : « le bail prévoit d'ailleurs que le preneur s'engage à adhérer à l'association, à y participer et à s'acquitter des cotisations appelées par elle. L'adhésion du preneur à l'association et le maintien de cette adhésion sont des conditions essentielles du bail. »
Or, la société Val d'Europe Food soutient que cette obligation d'adhésion à l'association doit être réputée non écrite au regard des articles L 145-15 et L 145-16 du code de commerce, au motif que, selon elle, cette clause constitue une atteinte à la propriété commerciale et une restriction à la liberté de cession de son fonds de commerce.
Il s'ensuit que le litige porte sur le statut protecteur des baux commerciaux et sur la validité de l'obligation d'adhésion au regard de celui-ci.
En conséquence, en application de l'article R211-4 du code de l'organisation judiciaire, il relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance et le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal de commerce.
Sur les frais irrépétibles et les dépens.
L'Association des commerçants de l'espace commercial international Val d'Europe sera condamnée aux dépens.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société Val d'Europe Food de sa demande de nullité du jugement,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Reçoit la société Val d'Europe Food en son exception d'incompétence matérielle,
Dit que le tribunal de commerce de Meaux est incompétent au profit du tribunal de grande instance de Meaux,
Condamne l'Association des Commerçants de l'Espace Commercial International Val d'Europe aux dépens de première instance et d'appel,
Rejette les demandes d'indemnité pour frais hors dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT