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01/06/2018 | FRANCE | N°16/125577

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 01 juin 2018, 16/125577


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 01 JUIN 2018

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12557

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/14330

APPELANTS

Monsieur Nicolas L... X...
et
Madame Y... Anne Z... épouse X...

demeurant [...] (ROYAUME UNI)

Représentés tous deux par Me FrédéricLALLEMENT de la SELARL B

DL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assistés sur l'audience par Me Caroline GOLDBERG, avocat au barreau de PARIS, toque ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 01 JUIN 2018

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12557

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/14330

APPELANTS

Monsieur Nicolas L... X...
et
Madame Y... Anne Z... épouse X...

demeurant [...] (ROYAUME UNI)

Représentés tous deux par Me FrédéricLALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assistés sur l'audience par Me Caroline GOLDBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

INTIMÉS

Maître Gérard C... pris en sa qualité d'Administrateur Judiciaire de la SAS MURANO

demeurant [...]

Représenté et assisté sur l'audience par Me Cédric DE KERVENOAEL de la SELARL Cabinet Z, avocat au barreau de PARIS, toque : E0833

Madame Christiane D...
née le [...] à OULLINS (69600)

demeurant [...]

Représentée et assisté sur l'audience par Me Cédric DE KERVENOAEL de la SELARL Cabinet Z, avocat au barreau de PARIS, toque : E0833

Monsieur Patrick E...
né le [...] à LA ROCHELLE

demeurant [...]

Représenté et assisté sur l'audience par Me Cédric DE KERVENOAEL de la SELARL Cabinet Z, avocat au barreau de PARIS, toque : E0833

SELAS STEPHANIE F... Maître Stéphanie F..., es-qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société CONSEIL PATRIMOINE.

Ayant son siège au [...]

Représentée par Me EmmanuelBRUDER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1369

SA LES HOTELS DE PARIS prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège au [...]

Représentée et assistée sur l'audience par Me CédricDE KERVENOAEL de la SELARL Cabinet Z, avocat au barreau de PARIS, toque : E0833

SA LES HOTELS DE PARIS Venant aux droits de la société MURANO SAS

ayant son siège au [...]

Représentée et assistée sur l'audience par Me CédricDE KERVENOAEL de la SELARL Cabinet Z, avocat au barreau de PARIS, toque : E0833

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
M. Dominique GILLES, Conseiller
Mme Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Dominique GILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, et par Christophe DECAIX, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte authentique du 9 avril 2004, la SARL [...] dont le gérant était M. Patrick E... a vendu en état de futur achèvement à M. Nicholas L... X... et à Mme Y... Anne Z..., son épouse, le lot no 19 de l'état de division du règlement de copropriété d'un ensemble immobilier à édifier [...] , soit un appartement au 4ème étage comprenant une entrée, deux pièces principales avec chacune un coin cuisine et un placard et deux salles de bains avec chacune un water-closet, moyennant le prix TVA incluse de HT de 323 296,74 € financé par un prêt bancaire de 270 000 € partiellement garanti par une inscription hypothécaire sur le bien. Ce contrat de vente mentionne faire suite à un contrat de réservation du 07 juin 2002, avec versement entre les mains du notaire rédacteur de la somme de 17 942,00 € à titre de dépôt de garantie. Il précise également que la vente du bien est placée sous un régime fiscal exigeant une exploitation au sein d'une résidence locative avec services et mentionne que par acte du même jour, le bien a été donné en location en meublé à la SARL Murano (no RCS 449 557 933) à effet du lendemain du jour de la livraison. Les époux X... ont réalisé ce placement financier à finalité fiscale sur les conseils de la société Conseil patrimoine. Par acte sous seing privé du 09 avril 2004, les époux X... ont consenti un bail commercial à la SARL Murano. A la requête de la SARL [...], un huissier de justice établissait, le 09 juillet 2004, un constat qui indiquait qu'il valait réception des biens qualifiés de chambres.

La SARL [...] a changé de dénomination sociale à compter du 30 mai 2006 et est devenue la SARL Foncière du Trocadéro ; Mme Christiane D... en est devenue gérante. A compter du 31 décembre 2012, la SARL Foncière du Trocadéro a été absorbée en vertu d'un traité de fusion par la SAS Compagnie Financière du Trocadéro. La SAS Compagnie Financière du Trocadéro a elle-même été absorbée par la SA Hôtels de Paris dirigée par M. E..., en vertu d'un traité de fusion adopté en assemblée générale le 31 décembre 2012 et déposé au greffe du tribunal de commerce le 26 avril 2013.

La SARL Murano, entre-temps devenue la SAS Murano, a connu des difficultés financières. Elle a été placée en redressement judiciaire à compter du 23 février 2012 et a fait l'objet d'un plan de continuation, suivant un jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 mai 2013 lequel a mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire M. C..., a investi M. Patrick E... de la mission d'exécuter le plan et a maintenu la SELAFA MJA prise en la personne de Mme Valérie J... en sa qualité de mandataire judiciaire jusqu'à la fin de la procédure de vérification des créances et le compte rendu de fin de mission.

Les époux X... n'ayant pas réglé les échéances du prêt à la suite du défaut de paiement des loyers, la Barclays Bank PLC, aux droits de leur prêteur de deniers, leur a délivré un commandement aux fins de saisie immobilière, puis a introduit une procédure de saisie immobilière par acte du 07 mai 2013. Les époux X..., qui avaient obtenu de pouvoir vendre amiablement leur bien ont imputé l'échec de cette vente au fait que, contrairement au titre de propriété, le bien immobilier était dénué de coin cuisine, ne disposait pas de compteur individuel d'eau et d'électricité et ne pouvait être utilisé indépendamment du hall de l'hôtel dont en réalité il constituait les chambres 411 et 412. Les époux X... soutiennent avoir appris ce fait par l'agent immobilier qu'ils avaient chargé de rechercher un acquéreur. Sur ces entrefaites, le bien a été vendu aux enchères à la société Les Hôtels de Paris au prix de 215 000 €, le 3 juillet 2014.

Estimant avoir été trompés, les époux X... ont saisi le tribunal par acte extrajudiciaire du 11 juin 2013 délivré à la SA Hôtels de Paris, à la SAS Murano, à M. C... ès-qualités d'administrateur judiciaire de celle-ci, à Mme Valérie J... de la SELAFA MJA ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Murano, à M. Patrick E..., à Mme D... et à Mme Stéphanie F... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Conseil Patrimoine.

C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 08 mars 2016 a :

- mis hors de cause M. Gérard C...,
- déclaré irrecevable la demande des époux X... en nullité de la vente pour dol,
- rejeté l'action en résolution de vente des époux X... comme irrecevable et en toute hypothèse non fondée,
- rejeté la demande des époux X... en réparation du préjudice causé par le défaut de conformité et les manoeuvres dolosives,
- condamné in solidum les époux X... à payer :
. à la SA Les Hôtels de Paris venant aux droits de la SARL Foncière du Trocadéro, la SAS Murano, M. C... ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SAS Murano, M. Patrick E... et Mme Christiane D... la somme globale de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. à Mme Stéphanie F..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Conseil patrimoine, la somme de 1 000 € au titre des mêmes dispositions,
- ordonné l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions du 12 avril 2018, les époux X..., appelants, demandent à la Cour de :

- vu les articles (anciens) 1603, 1604, 1611, 1161, 1162, 1109, 1134, 1184 et 1147 du code civil ;
- vu l'article 1240 du code civil ;
- vu l'article L 223-22 du code de commerce et les adages "fraus omnia corrumpit" et "contra proferentem" ;
- débouter la SA Les Hôtels de Paris, la SAS Murano, M. C... ès-qualités d'administrateur judiciaire de cette dernière, M. E... et Mme D... de l'ensemble de leurs demandes ;
- dire que des manoeuvres dolosives ont été commises par le vendeur, la SARL Conseil patrimoine, la SAS Murano, M. E... et Mme D... ;
- "constater la nullité" du contrat de vente ;
- dire que l'obligation de délivrance a été violée par le vendeur et par la SARL Conseil patrimoine, la SAS Murano, M. E... et Mme D... ;
- dire qu'ils ont subi un préjudice moral et financier du fait des fautes du vendeur, de la SARL Conseil patrimoine, de la SAS Murano, de M. Patrick E... et de Mme D... ;
- dire que le vendeur a commis une réticence dolosive et une tromperie lors de la vente du lot de copropriété ;
- dire que la SARL Conseil patrimoine et la SAS Murano ont été complices du dol ;
- dire que le vendeur, la SARL Conseil patrimoine, la SAS Murano, M. E... et Mme D... ont manqué à leur obligation d'exécuter de bonne foi les conventions ;
-"à titre subsidiaire"
- "déclarer la résolution du contrat de vente" en application de l'article 1184 du code civil ;
- "en conséquence" ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... à leur verser une somme de 270 315 € au titre du remboursement du prix d'achat, hors TVA ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... à leur verser une somme de 178 245 € au titre de leur "manque à gagner" ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... à leur verser une somme de 55 315 € au titre du préjudice subi ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... à leur verser une somme de 26 490 € au titre du remboursement de TVA réclamé par l'administration fiscale ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... à leur verser une somme de 23 971 € au titre de dommages et intérêts supplémentaires liés à leur endettement ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... à leur verser une somme de 50 000 € pour préjudice moral ;
- "à titre infiniment subsidiaire":
- ordonner une expertise pour éclairer la Cour sur la nature du bien vendu et les conditions de son exploitation ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... à leur verser une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum la SA les Hôtels de Paris, la SARL Conseil Patrimoine, M. E... et Mme D... aux dépens.

Par dernières conclusions du 10 avril 2018 la SA Les Hôtels de Paris en son nom propre et venant aux droits de la SAS Murano M. C..., M. E... et Mme D... demandent à la Cour de :

- vu l'article 122 du code de procédure civile ;
- vu les articles 1116, 1184, 1304, 1642-1, 1648 du code civil ;
- vu l'adage " nemo auditur propriam turpitudimen allegans ";
- rejeter la demande d'expertise ;
- confirmer le jugement entrepris "et, statuant à nouveau" :
- mettre hors de cause M. C... ;
- à titre principal :
- dire que l'action en nullité pour dol est prescrite ;
- déclarer irrecevable l'action des époux X... en garantie et en résolution pour non-conformité ;
- à titre subsidiaire :
- dire que nulle manoeuvre dolosive n'a été commise par le vendeur, la société Murano, M. E... et Mme D...,
- dire que le vendeur a respecté son obligation de délivrance ;
- en toute hypothèse :
- débouter les époux X... de leur action en nullité du contrat de vente et de leur action en résolution de vente ;
- débouter les époux X... de leurs demandes indemnitaires ;
- débouter les époux X... de toutes leurs demandes ;
- les condamner à leur payer 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de supporter la charge des dépens.

Par dernières conclusions du 23 décembre 2016, Mme F... ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Conseil patrimoine prie la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;
- ordonner sa mise hors de cause ès-qualités ;
- débouter des demandes adverses au titre des manoeuvres dolosives non prouvées ;
- condamner tout succombant et à défaut les consorts X... à lui payer ès-qualités une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de supporter la charge des dépens.

SUR CE
LA COUR

Les moyens soutenus par les époux X... au soutien de leur appel, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

A ces justes motifs seront ajoutés les éléments suivants.

Les époux X... ont maintenu leur appel contre M. C... ès-qualités d'administrateur judiciaire de la même société sans pour autant former de demande contre cette parties ès-qualités et sans combattre le jugement entrepris qui a retenu, à bon droit, que sa mission était achevée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes contre le vendeur

Alors que les époux X... agissent d'abord en nullité de la vente pour dol, reprochant au vendeur de les avoir intentionnellement induits en erreur sur le fait que les biens n'étaient pas selon eux à usage d'habitation mais de chambres d'hôtel, les intimés contestent la recevabilité de cette action en faisant valoir sa prescription et produisent :

- le procès verbal de réception du 21 juillet 2004 signé en qualité de maître d'ouvrage par la SARL [...], vendeur des biens, et les entreprises titulaires du marché de construction pour la rénovation de l'immeuble dont dépendent les biens vendus,
- le mandat sous seing privé du 2 juin 2004 par lequel les époux X... ont chargé la société Murano, représentée par son gérant M. E..., avec faculté de substitution, de visiter les biens litigieux avec le vendeur et de signer en leur nom et pour leur compte le procès verbal contradictoire de prise de possession,
- le constat d'huissier du 9 juillet 2004 dressé sur la réquisition de la SARL [...], en présence notamment de M. E..., visant le pouvoir de prendre possession des locaux litigieux au nom des acquéreurs et décrivant les constatations dans chacune des "chambre" et "salle de bain" de chacun des lots.

En présence de ces éléments, qui ne révèlent aucune faute sanctionnée par la nullité du mandat à la date de cet acte, il ne peut être soutenu ni que les acquéreurs n'auraient pas pris possession de leur bien, ni que la preuve d'exécution du mandat ne serait pas rapportée. En outre, à supposer que le mandataire n'ait pas rendu compte de sa gestion ainsi qu'il le devait, il n'est pas démontré en quoi le manquement éventuel du mandataire serait de nature à rendre la prise de possession inefficace. La circonstance que le procès verbal de réception soit assorti de réserves est également indifférent sur les délais d'action. Par ailleurs, l'erreur alléguée porte sur des caractères apparents de la chose vendue. Il résulte de ces éléments que l'action en nullité, à défaut d'autre acte interruptif de prescription, a été introduite plus de cinq années après la prise de possession des lieux, de sorte que le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu que l'action en nullité était prescrite en application de l'article 1304 du code civil.

S'agissant de l'action en dommages et intérêts pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance, il est certain que les critiques visant les biens objets de la vente litigieuses, pris du fait que loin de constituer un appartement à usage d'habitation, ces biens ne seraient qu'à usage de chambre d'hôtel étant dépourvus de certains équipements tels ceux d'une cuisine, constituent des vices ou non conformités apparents, au sens des articles 1642-1 et 1648 du code civil. Or, alors que par l'effet du contrat de vente en état de futur achèvement et des dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil, l'action de l'acquéreur au titre des vices et non-conformités apparents devait être introduite dans l'année du plus tardif des deux événements suivants, la réception des travaux ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession de l'acquéreur. Il résulte du procès-verbal de réception du 21 juillet 2004 et des éléments rapportés ci-dessus que l'action au titre de ces vices et non conformités apparents se heurte à la forclusion depuis le 9 août 2005, ainsi que l'a exactement retenu le tribunal.

S'agissant de l'action en dommages et intérêts pour dol, les acquéreurs échouent à rapporter la preuve du dol qu'ils allèguent et qui consisterait en des manoeuvres frauduleuses destinées à les tromper sur une qualité déterminante de leur consentement, à savoir le fait que le bien qui devait être à usage d'habitation et dont ils auraient dû pouvoir jouir, le bail arrivé à échéance et l'emprunt remboursé, ne permettrait en réalité que l'usage de chambres d'hôtel. Les époux X... reprochent en particulier à la SARL Conseil Patrimoine d'avoir été complice du dol pour les avoir incité en connaissance de cause à investir dans une résidence avec services qui s'est révélée être un hôtel et en leur présentant un bien qu'ils n'auraient pas acheté s'ils en avaient connu les caractéristiques réelles. Ils reprochent également à la SARL Foncière du Trocadéro d'avoir mis en place des manoeuvres dolosives destinées à leur faire acquérir un bien qu'ils n'auraient pas acheté s'ils avaient été informés de ses caractéristiques et de sa destination réelles et reprochent encore à la SAS Murano de s'être rendue complice de complicité de dol en ne prévenant pas les acheteurs "du caractère inhabitable du bien", de l'absence de cuisine et de la destination réelle du bien qu'elle connaissait, faisant ainsi obstacle au droit des acheteurs d'agir en résolution de la vente, en diminution du prix ou en exécution forcée du contrat. Ils reprochent à M. E..., à titre personnel, d'avoir "orchestré" toutes ces manoeuvres "par l'intermédiaire de ses multiples sociétés" (SARL [...], Compagnie Financière du Trocadéro, Murano) en vue de les tromper et à Mme D... de s'être rendue complice du dol pour, en sa qualité de gérante de la société Decorotel, leur avoir vendu en connaissance de cause le matériel d'ameublement comprenant, selon la facture, un équipement de cuisine qui n'a jamais été installé.

Toutefois, il n'est pas établi que les biens vendus aient été impropres à l'usage prévu par les acquéreurs lors de la vente ni que les acquéreurs aient été trompés sur un élément déterminant de leur consentement à la vente litigieuse. Il n'est pas démontré en particulier que Il n'est pas démontré en particulier que l'absence des éléments de cuisine, même à supposer qu'il ait résulté d'un défaut d'installation demeuré inconnu des vendeurs depuis leur prise de possession, ait porté sur un élément déterminant de leur consentement alors que rien ne prouve qu'il ne soit pas aisément remédiable alors que le bail commercial lié à la vente permettait expressément au preneur de choisir le mobilier sans que le bailleur puisse exiger de remise en état avant la fin du bail. Nulle faute ne résulte du fait pour l'exploitant d'avoir retiré les éléments du cuisine de leur emplacement tel qu'il figure sur les plans connu des acquéreurs. L'incompatibilité de l'usage d'habitation prévu par les acquéreurs avec le prétendu défaut de compteurs individuels d'eau et d'électricité n'est pas davantage démontrée. Il ne se peut tirer aucune conséquence pour caractériser le dol du prétendu défaut d'assemblée générale des copropriétaires ou du fait que la définition des lots de copropriété aurait comporté des emplacements de cuisine. Et rien ne démontre non plus que la configuration des lieux, en particulier la présence d'un hall avec réception, contrevienne à la possibilité d'habiter les lieux. Ce caractère non déterminant de la destination des lieux à usage de logement, au sens où le soutiennent les époux X... pour les besoins de la cause, est confirmé par le fait que les époux X... ont accepté la signature de contrats de bail mentionnant que l'exploitant exercerait une activité d'hôtellerie.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le dol n'était pas établi et, s'agissant de l'action en dommages et intérêts, il ne peut être non plus retenu que le vendeur aurait manqué à son obligation d'informer loyalement les acquéreurs des caractéristiques des biens vendus.

S'agissant de l'action subsidiaire en résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme, les époux X..., qui ont cessé d'être propriétaires du bien litigieux seulement après leur assignation du 11 juin 2013 sont recevables à agir en résolution de la vente litigieuse ; le jugement doit être confirmé sur ce point. Toutefois, il ne peut être reproché au jugement entrepris de l'avoir écartée dès lors qu'il est établi que le bien a été valablement livré le 21 juillet 2004 et qu' au cas allégué où il aurait été non conforme pour n'avoir pas été aménagé à usage d'habitation mais seulement à usage de chambres d'hôtel, cette non conformité apparente a été couverte par l'acceptation sans réserves du bien.

Le jugement sera donc confirmé également sur ce point.

Sur les actions contre la SARL Conseil patrimoine

Si les époux X... demandaient au tribunal de fixer leur créance dans la liquidation judiciaire de la société Conseil patrimoine représentée par Mme F... son liquidateur judiciaire, ils ne le demandent plus en cause d'appel, tout en sollicitant la condamnation de la société Conseil patrimoine à leur payer diverses indemnités au titre d'une action relevant de la suspension des poursuites née de la procédure collective ; dès lors que cette société a manifestement été dessaisie par la liquidation judiciaire et que le mandataire liquidateur n'a répondu qu'à leurs demandes relatives aux manoeuvres dolosives qu'ils allèguent, les époux X..., qui en ont la charge, ne justifient pas de la recevabilité de leurs demandes indemnitaires en dommages et intérêts formées contre la société Conseil patrimoine subsidiairement à leur action en nullité ou en résolution de vente qui, seules, échappent à la suspension des poursuites individuelles. Cette irrecevabilité sera prononcée par la Cour et ajoutée au jugement entrepris.

Sur les actions contre la SAS Murano, M. E... et Mme D...

Il n'est pas davantage prouvé qu'en concert avec la SARL Conseil patrimoine et le vendeur, la SAS Murano, M. E... ou Mme D... auraient manqué à leur obligation d'exécuter de bonne foi les conventions conclues avec les époux X.... En effet, les manquements à la bonne foi allégués consistent à avoir intentionnellement trompé les acquéreurs sur la nature des biens livrés en se servant de leur ignorance pour réaliser une opération hôtelière globale les ayant conduit à perdre leurs économies ainsi que les biens qu'ils avaient acquis au titre de cette opération. Alors que les manoeuvres dolosives du vendeur ne sont pas établies, les époux X... ne démontrent pas qu'en concert avec le vendeur et la SARL Conseil patrimoine, la SAS Murano, M. E... ou Mme D... leur auraient en connaissance de cause fait souscrire à une opération qu'ils savaient ruineuse. Ils n'établissent pas en quoi l'exploitation hôtelière effectivement conduite dans les biens litigieux les aurait exposés à une opération davantage risquée que celle qu'ils prétendent avoir uniquement envisagé en concluant la vente en état de futur achèvement. Ils ne prouvent pas davantage avoir subi la vente forcée du bien par suite de la mauvaise foi des intimés lors de l'exécution des conventions qui les liaient à eux. Il n'est pas démontré que la situation préjudiciable alléguée découlerait en particulier du fait prétendu et non établi de n'avoir pas été informé que l'exploitation allait être de type hôtelier, ni, de manière générale, par suite d'un manquement non établi à une obligation d'information et de conseil. Les fautes dommageables alléguées contre M. E... et Mme D... ne sont pas caractérisées. Il n'est pas établi que la société Murano aurait cessé de payer les loyers de mauvaise foi ni que la SAS Murano aurait abusé de la jouissance des biens litigieux ou aurait manqué à son devoir de les entretenir. Les époux X... reprochent à la société Murano, syndic provisoire de la copropriété, de ne pas avoir convoqué d'assemblée générale, de ne pas avoir permis le vote d'un budget ni de provisions spéciales, de ne pas avoir ouvert de compte bancaire séparé, et d'avoir failli à sa mission de sauvegarde de l'immeuble qui aurait subi une perte considérable de valeur par suite du manque d'entretien. Toutefois, cette perte de valeur n'est pas démontrée par les pièces produites, en particulier pas par les avis touristiques produits et le lien de causalité entre les manquements allégués du syndic provisoire et les sommes réclamées à titre de dommages et intérêts n'est pas davantage établi.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les actions contre la SAS Murano, M. E... et Mme D....

Sur les autres demandes

La demande d'expertise judiciaire, qui ne peut être ordonnée pour suppléer une partie dans la charge de la preuve qui lui incombe, n'apparaît pas justifiée et ne peut donc être accordée.

Toutes les demandes des époux X... seront donc rejetées.

Les époux X..., qui succombent, seront condamnés au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer une somme complémentaire de 2 000 € à la SA Les Hôtels de Paris, à M. C..., à M. E... et à Mme D..., ensemble ; en équité, il ne sera pas alloué de somme complémentaire à la société Conseil patrimoine en liquidation ; les époux X... supporteront la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Dit que les époux X... sont irrecevables en leurs actions en paiement de dommages et intérêts dirigées contre la société Conseil patrimoine en liquidation pour manquements au devoir d'information et de conseil,

Déboute en conséquence les époux X... de toutes leurs demandes,

Condamne les époux X..., au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer 2 000 € à la SA Les Hôtels de Paris, à M. C..., à M. E... et à Mme D..., ensemble,

Condamne les époux X... aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/125577
Date de la décision : 01/06/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-06-01;16.125577 ?
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