Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 01 JUIN 2018
(no , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/13015
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG no 14/04945
APPELANTS
Monsieur Z... X...
né le [...] à Nyekladhaza (Hongrie)
et
Madame Marie-Claure Y... épouse X...
née le [...] à Paris (75000)
demeurant [...]
Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Marc BELLANGER de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014
INTIMÉS
Monsieur Michaël A...
né le [...] à Mont de Marsan
et
Madame Véronique A...
née le [...] à PAU
demeurant [...]
Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Bertrand LAVRIL, avocat au barreau de PARIS, toque : R212
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Dominique DOS REIS, Présidente de chambre et par Christophe DECAIX, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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M. et Mme X..., d'une part, M. et Mme A..., d'autre part, sont propriétaires à Saint-Maur-des-Fossés (92) de fonds voisins, respectivement situés [...] .
Reprochant à M. et Mme A... d'avoir fait construire, en 2011, une extension de 52 m² , source pour eux de divers troubles anormaux de voisinage, et ayant obtenu, suivant ordonnance de référé du 22 mars 2012, la désignation de M. C... en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 12 avril 2013, M. et Mme X... les ont assignés, selon acte extra-judiciaire du 16 avril 2014, à l'effet de leur voir ordonner de démolir l'extension en son entier, à défaut, son deuxième étage seulement, plus subsidiairement, de les entendre condamner au paiement d'une somme de 218.000 € à titre indemnitaire, outre 5.000 € à chacun en réparation de leur préjudice moral, dépens en sus.
Par jugement du 25 mars 2015, le tribunal de grande instance de Créteil a:
- rejeté les fins de non recevoir soulevées par M. et Mme A...,
- débouté M. et Mme X... de l'ensemble de leurs prétentions,
débouté M. et Mme A... de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme X... aux dépens incluant les frais de référé et d'expertise.
M. et Mme X... ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du18 septembre 2015, de:
- faire droit à l'ensemble des demandes formées par eux en première instance,
- condamner M. et Mme A... à leur payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
M. et Mme A... prient la Cour, par dernières conclusions du 6 octobre 2015, de:
au visa des articles 544, 553, 678 Ã 680 du code civil, L. 480-13 du code de l'urbanisme,
- dire M. Z... X... irrecevable en toute demande relevant de l'exercice d'un droit de propriété,
- dire M. et Mme X... irrecevables en toute demande de démolition, le fondement de leur action étant mixte puisqu'empreint de violation des règles de l'urbanisme,
- dire qu'il n'existe aucun trouble anormal de voisinage au sens de la jurisprudence,
- dire que si M. et Mme X... avaient implanté leur maison dans l'alignement des autres maisons, ils ne subiraient pas actuellement de tels inconvénients de voisinage,
- constater que M. et Mme X... sont eux-mêmes auteurs de troubles anormaux de voisinage,
- dire qu'il n'existe que des inconvénients de voisinage en zone urbanisée,
- débouter M. et Mme X... de toute demande invoquée pour:
- la perte sensible d'ensoleillement des pièces principales et du jardin
- la création de vues directes et obliques,
- la perte importante de la valeur vénale de leur bien immobilier,
- la création d'un effet de masse en raison de l'importance des dimensions du mur pignon,
- la perte de vue sur les bords de la Marne,
- débouter M. et Mme X..., en conséquence, de toute demande en démolition totale ou partielle et de toute demande réparation d'un préjudice matériel ou immatériel injustifié,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner M. et Mme X... «conjointement et solidairement» au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
SUR CE
LA COUR
Sur les fins de non recevoir soulevées par M. et Mme A...
Les moyens de M. et Mme A... ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;
En effet, M. Z... X... a qualité et intérêt pour agir, dès lors que, d'une part, occupant de la maison située à proximité de l'extension litigieuse, il allègue subir un trouble anormal de voisinage, d'autre part, que l'action engagée pour trouble anormal de voisinage, distincte de l'action prévue par l'article 480-13 du code de l'urbanisme, permet de solliciter et d'obtenir la démolition d'un ouvrage à l'origine de trouble anormal de voisinage;
Sur les troubles anormaux de voisinage
En droit, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité sans faute dont la mise en œuvre suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de voisinage, en fonction des circonstances et de la situation des lieux;
Au soutien de leur appel, M. et Mme X... font essentiellement valoir que l'extension édifiée en limite de propriété par M. et Mme A... est à l'origine pour eux d'importants préjudices de nature à caractériser un trouble anormal de voisinage, notamment en raison de la perte d'ensoleillement et de vue résultant de la présence d'un mur de huit mètres de hauteur sur le fonds voisin, de la création des vues directes sur leur fonds supprimant toute intimité et, plus généralement, de la sensation d'écrasement et d'enfermement résultant de l'effet de masse consécutif à la présence de la construction litigieuse; ils ajoutent que le rapport d'expertise de M. C... a avéré ces divers troubles et font état d'une étude de la société Tribu Énergie selon laquelle l'ensoleillement de leur parcelle a été fortement réduit par l'extension, la perte d'ensoleillement atteignant 50 % à certaines périodes de l'année; ils considèrent qu'il n'y a pas lieu de tenir compte, pour l'appréciation du caractère anormal des troubles, de la construction en retrait de leur propre maison ni de la circonstance que les vues sont réciproques et ils estiment que les contraintes qui leur sont imposées excèdent par leur importance, leur nature et leur nombre, des troubles inhérents à la situation de leur bien en zone péri-urbaine;
Ces moyens ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;
En effet, l'expert C... qui a examiné point par point les doléances de M. et Mme X... n'a retenu qu'une perte d'ensoleillement minime que les héliodons produits par M. et Mme X... sont impuissants à remettre en cause, et, s'il a néanmoins accrédité les griefs de M. et Mme X... relatifs à l'effet «de masse» produit par l'extension voisine de leur fonds et à la création de vues directes, il a rappelé que ces troubles n'auraient pas existé si M. et Mme X... avaient implanté leur maison dans le prolongement des autres maisons de la rue au lieu de l'édifier en retrait sans tenir compte des mises en garde de l'arrêté du 12 octobre 1979 leur accordant un permis de construire tout en attirant leur attention «sur le fait que la disposition du balcon était susceptible de former des vues directes ou obliques sur le fonds voisin, interdites aux termes des articles 678 et suivants du code civil»: de ce fait, la création de vues qu'ils déplorent en ce qu'elles affectent leur intimité ne résulte que de la disposition des ouvertures de leur maison percées sans égard aux droits des tiers;
Enfin, il convient de rappeler, comme l'a fait le premier juge, que nul n'a droit en zone urbaine ou péri-urbaine à une vue sur l'horizon ou un ensoleillement, ou encore un environnement pérennes, notamment lorsque, comme au cas d'espèce, la faible superficie des parcelles expose chaque occupant à une promiscuité inéluctable avec ses voisins de part et d'autre;
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions;
L'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en la cause.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. et Mme X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,