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04/05/2018 | FRANCE | N°16/154547

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 04 mai 2018, 16/154547


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 04 MAI 2018

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15454

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/05399

APPELANTE

Madame Sophie Caroline X...
née le [...]            à NEUILLY-SUR-SEINE (92200)

demeurant [...]                                           

   

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée sur l'audience par Me Amandine JOUANIN, avocat au bar...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 04 MAI 2018

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15454

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/05399

APPELANTE

Madame Sophie Caroline X...
née le [...]            à NEUILLY-SUR-SEINE (92200)

demeurant [...]                                              

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée sur l'audience par Me Amandine JOUANIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0043

INTIMÉS

Monsieur Pierre B...       
né le [...]           à Bayonne
et
Madame Rukmini A... épouse B...           
née le [...]           à New Dehli ( Inde)

demeurant [...]                         

Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Laurent PARIS de la SELARL KALONE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0063

Mademoiselle Hélène B...       
née le [...]           à Bayonne

demeurant [...]                                    

Représentée et assistée sur l'audience par Me Laurent PARIS de la SELARL KALONE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0063

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Suivant acte authentique du 14 mars 2014 conclu par l'entremise de l'agence immobilière DP etamp; P Consulting, M. Pierre B...           , Mme A... épouse B...                   , Mme Hélène B...       (ci-après : les consorts B...             ) ont promis de vendre à Mme Sophie X..., qui s'est réservé la faculté d'acquérir, un terrain de 5.833 m² avec villa, sis [...]                        , moyennant le prix de 840.000 €. Une indemnité d'immobilisation de 84.000 € a été stipulée entre les parties, sur laquelle la moitié, soit 42.000 €, a été séquestrée entre les mains d'un clerc du notaire ayant reçu la promesse, Mme D....

La promesse devait être réalisée le 13 juin 2014 au plus tard.

Étaient insérées audit acte diverses conditions suspensives, notamment d'urbanisme, prévoyant l'obtention de renseignements d'urbanisme insusceptibles d'impliquer une dépréciation substantielle du bien et un bornage du terrain confirmant les limites de propriété.

Le procès-verbal de bornage faisant apparaître que la parcelle d'assiette de la propriété était frappée d'un arrêté d'alignement, Mme X... a renoncé à acquérir et a demandé la restitution de la somme séquestrée, ce que les consorts B... lui ont refusé.

C'est dans ces conditions que, suivant actes extra-judiciaires des 24 et 30 mars 2015, Mme X... a assigné les consorts B... à l'effet de les voir condamner à cette restitution, en premier lieu du fait de la non-réalisation des conditions suspensives d'urbanisme, en second lieu, sur le fondement du dol, demandant subsidiairement au tribunal d'ordonner aux consorts B... de lui notifier à nouveau le délai « SRU » prévu par le code de la construction et de l'habitation.

Par jugement du 22 juin 2016, le tribunal de grande instance de PARIS a :

- constaté que Mme X..., bénéficiaire de la promesse de vente du 14 mars 2014, n'avait pas réalisé l'acquisition dans les délais et conditions convenues, toutes les conditions suspensives étant réalisées,
- rejeté la demande de Mme X... tendant à voir ordonner la « résiliation » de la promesse de vente aux torts du promettant sur le fondement du dol,
- rejeté la demande de Mme X... aux fins de voir imposer aux promettants l'obligation de re-notifier le délai dit « SRU » au visa de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ,
- débouté Mme X... du surplus de ses demandes,
- condamné Mme X... à payer directement aux consorts B...                    le solde de l'indemnité d'immobilisation, soit la somme de 42.000 €, avec intérêts au taux légal sur la somme de 84.000 € à compter du 3 novembre 2015,
- ordonné au séquestre de remettre aux consorts B...    la somme de 42.000 € consignée ainsi que les fruits d placement de cette somme à compter du jour du séquestre,
- condamné Mme X... à payer aux consorts B...      la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens,
ordonné l'exécution provisoire.

Mme X... a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 1er mars 2018, de :

au visa des articles 1134, 1176, 1181 et suivants du code civil, L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation,

- débouter les consorts B...                 de l'intégralité de leurs demandes,
- constater que les conditions suspensives insérées par les parties dans la promesse unilatérale de vente ne se sont pas réalisées,
- en conséquence, constater la caducité de la promesse du 14 mars 2014,
- subsidiairement, vu le dol, ordonner la « résiliation » fautive pour le promettant de la promesse de vente,
- en conséquence et dans tous les cas, condamner solidairement les consorts B...                     à lui restituer la somme de 42.000 € correspondant à la partie de l'indemnité d'immobilisation séquestrée,
- infiniment subsidiairement, ordonner aux consorts B... de lui re-notifier le délai « SRU » au visa de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation,
- en tout état de cause, condamner solidairement les consorts B...   à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.

Les consorts B... prient la Cour, par dernières conclusions du 13 décembre 2016, de :

au visa des articles 1134, 1154, 1180, 1176 (anciens) du code civil, L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- surabondamment : constater l'absence de dépréciation significative de la valeur du bien et dire non-acquise la condition suspensive,
- dire non acquise la condition suspensive relative au bornage,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme X... tendant à la « résiliation » de la promesse et à leur impartir de re-notifier le délai « SRU » en vertu de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation,
- en conséquence, constater que toutes les conditions suspensives étant réalisées, Mme X... s'est refusée à réaliser la vente objet de la promesse du 14 mars 2014 et leur dire acquise l'indemnité d'immobilisation d'un montant de 84.000 €,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme X... à leur payer directement la somme de 42.000 € et les intérêts au taux légal sur la somme de 84.000 € à compter du 3 novembre 2015,
- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil,
- réformer le jugement sur le quantum de la somme accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau, condamner Mme X... au paiement de la somme de 5.000 € sur ce fondement au titre des frais irrépétibles de première instance et de 5.000 € au titre de ceux d'appel.

SUR CE
LA COUR

Au soutien de son appel, Mme X... fait essentiellement valoir qu'elle n'a eu connaissance de l'arrêté d'alignement frappant le bien objet de la promesse de vente que postérieurement à la signature de la promesse, par le certificat d'urbanisme et le procès-verbal de bornage, dès lors que le cahier des charges du lotissement annexé à cette promesse ne se confondait pas avec cette information qui lui a été celée dolosivement, que les conditions suspensives relatives à l'urbanisme n'ont pas été réalisées dans la mesure où le certificat d'urbanisme obtenu révèle l'existence d'un arrêté d'alignement et que le procès-verbal de bornage ne confirme pas les limites du terrain tel qu'il se présente matériellement ;

Les consorts B... indiquent que Mme X... ne s'est prévalue de la caducité de la promesse que le 30 juillet 2014, soit postérieurement à sa date d'expiration et opposent à cette demande de caducité la clause contractuelle selon laquelle, faute pour le bénéficiaire de s'être prévalu de la non- réalisation de l'une ou l'autre de ces conditions dans le délai de réalisation de la promesse ou dans les délais spécifiques à certaines de ces conditions, il serait réputé y avoir renoncé ; ils ajoutent que l'arrêté d'alignement du terrain n'avait pas pour effet de faire obstacle au projet d'édification par Mme X... d'un mur anti-bruit le long de la route ainsi qu'en atteste la mairie de [...]   dans une lettre du 13 avril 2015 ; ils contestent le dol qui leur est reproché en se référant aux écritures de Mme X... aux termes desquelles elle énonce que les promettants eux-mêmes ignoraient l'importance et la portée de l'arrêté d'alignement ; ils indiquent enfin que l'immeuble litigieux a été vendu pour le prix de 810.000 € le 4 novembre 2016 sans que l'acquéreur s'inquiète de l'existence de l'arrêté d'alignement ;

En droit, la défaillance d'une condition suspensive dans le délai de réalisation de la vente entraîne sa caducité et la clause selon laquelle le bénéficiaire est réputé avoir renoncé à se prévaloir de la non réalisation de l'une ou l'autre de ces conditions dans le délai de réalisation de la promesse ne peut être valablement opposée à Mme X... alors qu'elle n'a eu connaissance de la non-réalisation des conditions suspensives d'urbanisme que postérieurement au délai de réalisation contractuellement fixé au 14 juin 2014, étant rappelé que l'on ne peut renoncer par avance à un droit non encore acquis ;

Il ressort en effet des documents produits aux débats que :

- le certificat d'urbanisme du 10 juin 2014 et le procès-verbal de bornage du même jour n'ont été portés à la connaissance du notaire de Mme X... que le 7 juillet 2014,
- ces documents d'urbanisme révélaient que le bien objet de la promesse était frappé d'un arrêté d'alignement impliquant le retrait sur 15 mètres de large de la propriété sur 55 mètres de longueur, le long de la rue [...] : contrairement à ce que prétendent les consorts B...             , le cahier des charges du lotissement annexé à la promesse de vente, qui ne faisait état que de la création d'une zone non aedificandi de 5 mètres en bordure de la route [...]            et d'un alignement sur dix mètres du chemin de [...] situé à l'arrière de la propriété, ne faisait pas apparaître l'existence d'un arrêté d'alignement de la même propriété côté rue [...]  et cette contrainte d'urbanisme n'a été révélée à Mme X... que lors de la remise au notaire d'un plan d'alignement par la ville de [...] le 17 juillet 2014, étant observé que les consorts B...      eux-mêmes ignoraient la portée de cet arrêté puisque Mme Hélène B...      interrogeait la mairie le 4 août 2014 sur l'emprise de l'alignement,
- le procès-verbal de bornage du 10 juin 2014 ne confirme pas les limites de propriété, alors même qu'il indique une surface plus grande que celle résultant du titre, soit 5.833 m², tout en confirmant que l'alignement porte sur une superficie de 198 m² ;

La circonstance qu'un bien soit frappé d'alignement sur une bande de 15 m sur 55 m soit sur près de 200 m², le déprécie significativement au regard de ses possibilités d'aménagement, de reconstruction ou de revente ainsi que le confirme la lettre du notaire D... ; en cas d'alignement, la propriété se trouverait plus près de la route, avec un jardin amputé de son agrément et affecté de nuisances sonores ; l'éventualité d'une indemnisation par la ville de [...] en cas d'expropriation ne compense pas ces pertes et inconvénients ;

Il importe peu que Mme X... n'ait argué de la caducité de la promesse que postérieurement à sa date de réalisation, dès lors que les conditions suspensives d'urbanisme n'étaient pas accomplies à la date du 14 juin 2014 et que Mme X... ne peut, comme il a été dit, être réputée y avoir renoncé, le certificat d'urbanisme du 10 juin 2014 transmis au notaire le 7 juillet suivant révélant l'existence d'un arrêté d'alignement susceptible d'emporter une dépréciation significative du bien litigieux tandis que le procès-verbal de bornage du même jour montrait qu'en tenant compte du nouvel alignement, les limites de ce bien seraient amputées d'une superficie de 198 m² ; à cet égard, les consorts B... n'établissent pas que Mme X... aurait été en possession des documents d'urbanisme avant la date de réalisation de la promesse, alors que l'attestation de M. E..., représentant de l'agence immobilière DP etamp; P Consulting selon laquelle Mme X... se serait rapprochée de la mairie de [...]  au mois de décembre 2013 pour « définir les possibilités de construction et de rénovation de la parcelle vendue » et que la mairie lui aurait alors répondu qu'une procédure d'alignement allait intervenir sur [...]     , outre qu'elle est peu probante sur la matérialité des faits rapportés, niés par Mme X..., n'équivaut pas, en tout état de cause, à la communication de documents d'urbanisme officiels, suivant les conditions suspensives susmentionnées ;

Enfin, la circonstance que le bien a été vendu deux ans plus tard pour un prix inférieur de 30.000 € à celui stipulé par les parties le 14 mars 2014 ne peut accréditer les dires des consorts B... quant à une absence de dépréciation de leur bien résultant de l'existence d'un arrêté d'alignement, d'autant plus que cette différence de prix est la résultante d'une négociation dont les tenants et aboutissants restent inconnus ;

En conséquence, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions, la caducité de la promesse au 14 juin 2014 sera constatée, les consorts B...      seront déboutés de toutes leurs demandes et condamnés solidairement à restituer à Mme X... la somme de 42.000 € séquestrée, étant rappelé que le présent arrêt infirmatif constitue un titre de restitution des sommes réglées en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, augmentées des intérêts au taux légal à compter de sa signification ;

En équité, les consorts B...     seront condamnés in solidum à régler à Mme X... la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit la promesse de vente du 14 mars 2014 caduque en raison de la non-réalisation des conditions suspensives avant sa date de réalisation,

Déboute les consorts B...                 de leurs demandes,

Ordonne la restitution de la somme de 42.000 € séquestrée à Mme X... et condamne solidairement les consorts B...   à lui payer cette somme pour le cas où elle aurait d'ores et déjà été libérée entre leurs mains en exécution du jugement,

Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue un titre de restitution des sommes réglées en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, augmentées des intérêts au taux légal à compter de sa signification,

Condamne les consorts B...     in solidum à payer à Mme X... la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne les consorts B...   in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/154547
Date de la décision : 04/05/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-05-04;16.154547 ?
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