Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 04 MAI 2018
(no , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14880
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 14/18528
APPELANTE
Madame Anna X...
née le [...] à MARSEILLE (13000)
demeurant [...]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée sur l'audience par Me Sophie PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1898
INTIMÉES
Madame A... E...
née le [...] à PARIS 8ème
demeurant [...] BELGIQUE
Représentée et assistée sur l'audience par Me Feïla BOUCHERIT de l'AARPI LEXINA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0382
SARL ARTEMIS IMMOBILIER prise en la personne de sa gérante en exercice - o. irrecevabilité d'appel du 27 04 17 -
No SIRET : 530 21 6 5 55
ayant son siège au [...]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Selon promesse synallagmatique du 29 novembre 2013 conclue sous condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un prêt bancaire, Mme A... E... a vendu à Mme Anna X..., par l'entremise de la SARL Artèmis Immobilier, trois lots de copropriété réunis pour former un appartement dans un immeuble sis [...] , moyennant le prix de 350.000 €. Une « indemnité d'immobilisation » (sic) de 35.000 € a été prévue, dont la moitié, soit la somme de 17.500 € a été séquestrée entre les mains de M. D..., notaire à Marseille.
L'acte authentique de réitération devait être signé avant le 26 février 2014 au plus tard.
Le 4 février 2014, le notaire de Mme Anna X... a informé M. D..., notaire de la venderesse, que Mme Anna X... renonçait à l'acquisition en raison du mauvais état du bien objet de la vente, affectés d'infiltrations.
C'est dans ces conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 10 octobre 2014, Mme A... E... a assigné Mme Anna X... à l'effet de la voir condamner au paiement de l'indemnité d'immobilisation de 35.000 € et que Mme Anna X... a, par acte extra-judiciaire du 22 juillet 2015, appelé la SARL Artèmis Immobilier en garantie.
Par jugement du 11 mai 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit recevable la demande formée à l'encontre de la SARL Artèmis Immobilier,
- débouté Mme Anna X... de ses demandes,
- condamné Mme Anna X... à payer à Mme A... E... les sommes de 17.500 € au titre de la clause pénale et de 17.500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation,
- débouté Mme A... E... du surplus de ses demandes,
- condamné Mme Anna X... à payer à Mme A... E..., d'une part, à la SARL Artèmis Immobilier, d'autre part, la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Mme Anna X... a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 24 janvier 2018, de :
au visa des articles 1116 et suivants, 1134 et suivants, 1147 et suivants, 1152 et 1226 du code civil,
- constater qu'elle ne justifie pas de l'obtention d'un prêt bancaire,
- dire que la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'est pas réalisée,
- dire que la promesse de vente du 29 novembre 2013 est nulle et non avenue,
- ordonner le remboursement de la somme de 17.500 € séquestrée en application de la promesse de vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013,
débouter Mme A... E... de ses demandes,
- subsidiairement,, dire que Mme A... E... a commis des manoeœuvres dolosives qui ont vicié son consentement lors de la signature de la promesse de vente, dire cette promesse nulle et ordonner le remboursement de la somme de 17.500 € séquestrée en application de la promesse de vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013,
- plus subsidiairement, dire que Mme A... E... n'a pas exécuté la promesse de bonne foi et la condamner au paiement de la somme de 35.000 € de dommages et intérêts,
- requalifier l'indemnité d'immobilisation en clause pénale au sens de l'article 1226 du code civil et rejeter toute demande de Mme A... E... tendant à la voir condamner cumulativement au paiement d'une indemnité d'immobilisation et d'une indemnité d'immobilisation,
- faisant application du pouvoir modérateur tiré de l'article 1152 du code civil, réduite le montant de l'indemnité éventuellement due à la somme de 500 €,
- en tout état de cause, ordonner le remboursement de la somme de 17.500 € séquestrée en application de la promesse de vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013,
- dire que Mme A... E... n'a subi aucun préjudice en lien avec l'immobilisation de son bien,
lui enjoindre de communiquer l'acte de vente de l'appartement objet de la promesse de vente,
- condamner la SARL Artèmis Immobilier à la relever et garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée contre elle,
- condamner solidairement et à tout le moins in solidairement Mme A... E... et la SARL Artèmis Immobilier à lui payer la somme de 6.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
Mme A... E... prie la Cour, par dernières conclusions du 14 mars 2018, de :
au visa de l'article 1134 du code civil,
- constater qu'elle n'est pas de mauvaise foi et n'a pas commis de manoeœuvres dolosives,
constater que le refus de Mme Anna X... de signer l'acte de vente est injustifié et dépourvu de fondement,
- constater qu'elle a subi un préjudice,
- en conséquence, débouter Mme Anna X... de ses demandes,
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a ramené le montant de l'indemnité d'immobilisation et celui de la clause pénale aux sommes de 17.500 €
- statuant à nouveau, condamner Mme Anna X... au paiement de la somme de 35.000 € au titre de l'indemnité d'immobilisation stipulée à l'article 5 de la promesse de vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013,
- condamner Mme Anna X... à lui verser la somme de 35.000 € au titre de la clause pénale, dès lors qu'elle a nécessairement subi un préjudice financier en manquant de percevoir les fruits de la vente pendant l'immobilisation de son bien et en perdant une chance de le revendre à un acquéreur sérieux pendant la même période,
- dire que Mme Anna X... a fait preuve d'inertie et de résistance abusive pendant prés de deux ans, ce qui lui a causé un préjudice financier,
- condamner Mme Anna X... à lui payer une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
La SARL Artèmis Immobilier a été déclarée irrecevable à conclure par ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 avril 2017.
SUR CE
LA COUR
Sur la réalisation de la condition suspensive d'obtention de prêt
La condition suspensive insérée à l'acte de vente sous seing privé obligeait Mme Anna X... à solliciter un prêt de 263.300 € au taux maximum de 4 % l'an sur 20 ans ; or elle ne justice pas avoir demandé un prêt correspondant à ces caractéristiques, se bornant à produire aux débats une attestation du Crédit Agricole d'Aix en Provence aux termes de laquelle elle a demandé un prêt fin décembre 2013, sans autres précisions ; en outre, elle affirmait à la promesse de vente disposer de ressources mensuelles brutes d'environ 10.000 € par mois alors que son avis d'imposition 2015 sur ses revenus de 2014 montrent qu'elle ne percevait que des ressources annuelles s'élevant à 47.800 €, soit moins de la moitié des ressources annoncées à l'acte ;
Mme Anna X... est donc défaillante dans l'administration de la preuve, qui lui incombe, d'avoir satisfait, de bonne foi, à ses obligations contractuelles, de sorte que la condition suspensive d'obtention de prêt est réputée réalisée ;
Sur le dol
Mme Anna X... prétend que les nombreux et graves désordres affectant le bien objet de la promesse auraient été délibérément dissimulés par Mme A... E... lors des visites préalables à la vente, les lieux étant encombrés par les affaires de la locataire ;
Ces moyens ne font que réitérer ceux dont le premier juge a connus et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour approuve, étant ajouté que l'appelante ne démontre pas la réalité de ses allégations sur l'état encombré de l'appartement qui aurait empêché son frère, qu'elle avait mandaté pour visiter les lieux à sa place, de s'apercevoir lors de ses visites de l'existence de fissures et de dégradations liées à des infiltrations ;
Sur le défaut précontratuel d'information loyale
Pour les motifs ci-dessus, aucun manquement de Mme A... E... à son devoir d'information n'est établi, les désordres étant apparents lors des visites sur place du frère de Mme Anna X... ;
Sur les pénalités exigibles
La promesse de vente rédigée par la SARL Artèmis Immobilier comporte une clause pénale prévoyant qu'en cas de refus de l'acquéreur, toutes conditions suspensives étant réalisées, il serait redevable d'une clause pénale de 10 % du prix de vente et, également, une clause intitulée : « clause d'immobilisation », ci-dessous rapportée :
« En considération de la promesse formelle faite au bénéficiaire par le promettant et en contrepartie du préjudice qui pourrait en résulter pour ce dernier en cas de non-signature de la vente par le seul fait de bénéficiaire dans le délai ci-dessus fixé, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées et, notamment, par suite de la perte qu'il éprouverait du fait de l'obligation dans laquelle il se trouverait de rechercher un nouvel acquéreur, les parties conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme de 10 % du prix de vente, soit 35.000 € sur laquelle somme le bénéficiaire verse à l'instant même au promettant qui le reconnait la somme de 17.500 € ; le sort de ladite somme sera, selon les hypothèses ci-après envisagées....versée au promettant et lui restera acquise de plein droit à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible faute par le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais et conditions ci-dessus fixés, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées...Quant au surplus de l'indemnité d'immobilisation, soit 17.500 €, le bénéficiaire s'oblige à le verser au promettant au plus tard dans un délai de huit jours à l'expiration du délai de réalisation de la promesse de vente pour le cas où le bénéficiaire, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, ne signerait pas l'acte de vente de son seul fait » ;
Du fait de l'inclusion de ces deux clauses dans la promesse synallagmatique de vente, Mme E... réclame tout à la fois la somme de 35.000 € au titre de la clause pénale et celle de 35.000 € au titre de l'indemnité d'immobilisation ;
Or, s'agissant d'une promesse synallagmatique valant vente, les termes « promettant » « bénéficiaire » et « indemnité d'immobilisation » sont impropres, et seule une clause pénale peut sanctionner le refus d'acquérir du co-contractant, toutes les conditions suspensives étant réalisées, ce, dans la mesure où l'indemnité d'immobilisation ne garantit que la levée d'option par un bénéficiaire qui, aux termes d'une promesse unilatérale, ne s'engage pas à acquérir mais à lever une option d'achat ; l'acte sous seing privé ne peut donc être interprété dans le sens que l'acquéreur devrait, en cas de refus de signature de l'acte authentique, payer deux fois la somme de 35.000 €, soit une somme totale de 70.000 € représentant 20 % du prix de vente ;
Enfin, le montant de la clause pénale apparaît manifestement excessif au regard de la durée très brève d'indisponibilité du bien objet de la vente (29 novembre 2013-4 février 2014), en sorte que son montant sera réduit à la somme de 7.000 € que Mme Anna X... sera condamnée à payer à Mme A... E... ;
Sur la demande de garantie dirigée contre la SARL Artèmis Immobilier
Mme Anna X... soutient que la SARL Artèmis Immobilier a commis une faute en faisant visiter à son frère le bien litigieux quatre jours avant l'état des lieux de sortie des locataires ; toutefois, les désordres étant apparents lors des visites comme il a été dit, aucune faute de la SARL Artèmis Immobilier n'est démontrée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cet appel en garantie ;
L'équité ne justifie pas d'entrer en voie de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit la demande de garantie formée par Mme Anna X... à l'encontre de la SARL Artèmis Immobilier recevable et débouté Mme X... de ses demandes fondées sur le dol et le défaut d'information,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme Anna X... à payer à Mme A... E... la somme de 7.000 € au titre de la clause pénale contractuelle,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme Anna X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,