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04/05/2018 | FRANCE | N°16/138727

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 04 mai 2018, 16/138727


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 04 MAI 2018

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13872

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 14/05089

APPELANTS

Monsieur Ahmed E...
né le [...]           à TAFNA

demeurant [...]                                           

Représenté par Me Ben

oît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assisté sur l'audience par Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 364

Ma...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 04 MAI 2018

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13872

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 14/05089

APPELANTS

Monsieur Ahmed E...
né le [...]           à TAFNA

demeurant [...]                                           

Représenté par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assisté sur l'audience par Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 364

Madame Khedidja Z... épouse F...
née le [...]        à NEDROMA

demeurant [...]                                           

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistée sur l'audience par Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 364

INTIMÉE

SAS BOUYGUES IMMOBILIER agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
No SIRET : 562 .091.546

ayant son siège au [...]                                                  

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée sur l'audience par Me Noémi RELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 169

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré,

Rapport ayant été fait oralement à l'audience par Monsieur Dominique GILLES, Conseiller conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame Vidjaya DIVITY

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *
Par acte authentique du 11 mai 2007, la société Bouygues Immobilier a vendu à M. Ahmed E... et Mme Khedidja Z... son épouse (les époux E...) une parcelle et un pavillon en état de futur achèvement à y édifier, dans un ensemble immobilier à [...] (Seine-et-Marne).

La livraison, avec réserves, a eu lieu le 15 février 2008.

Se plaignant de nombreuses malfaçons ou non-conformités, les époux E... ont obtenu en référé, au contradictoire de la société Bouygues Immobilier, l'organisation d'une expertise judiciaire, par ordonnance du 13 mai 2008.

M. B..., désigné par une ordonnance de changement d'expert, a déposé son rapport le 27 juin 2014.

Par acte extrajudiciaire du 28 octobre 2014, les époux E... ont assigné la société Bouygues Immobilier en réparation de non-conformités affectant le terrain et en réparation des désordres et non-conformités de la maison, sur le fondement des articles 1147 ou 1792 du code civil.

C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Meaux, par jugement du 10 mai 2016 a :

- dit que les époux E... étaient forclos dans leurs demandes relatives à la hauteur sous plafond du rez-de-chaussée, à la présence d'un talus sur le terrain, à l'absence de repérage des canalisations réservées dans les combles, en application des articles 1642-1 et 1648 du code civil, au motif qu'il s'agissait de non conformités apparentes non dénoncées dans le mois de la prise de possession par l'acquéreur,
- débouté les époux E... de leurs demandes fondées sur l'article 1792 du code civil, à l'exception de celle au titre de l'humidité excessive des murs extérieurs et de la fissure en façade,
- condamné la société Bouygues Immobilier en deniers ou quittances à payer à ce titre aux époux Hadj C... la somme de 17 576,89 €, avec indexation de cette somme en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction depuis le 16 juin 2014, date du rapport, outre la TVA applicable au jour du jugement,
- débouté les époux E... de leur demande en paiement de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société Bouygues Immobilier à verser aux époux E... une indemnité de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- autorisé le déblocage au profit de la société Bouygues Immobilier de la somme de 21 900 € séquestrée, sur justification de ce qu'elle aurait acquitté les sommes mises à sa charge par le jugement,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Bouygues Immobilier aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Par dernières conclusions du 15 septembre 2016, les époux E..., appelants, demandent à la Cour de :

- dire que l'article 1147 du code civil s'applique concurremment avec les articles 1642-1 et 1648 du code civil dont le respect n'est pas exigé et que dans ces conditions la demande n'est pas prescrite en vertu des articles 2239, 2241 et 2242 du code civil, par application de la réforme de la prescription opérée par la loi du 17 mai 2008 promulguée le 19 mai 2008 et par l'effet de l'aveu de responsabilité du vendeur ;
- dire que la responsabilité du vendeur de l'article 1147 du code civil est engagée pour défauts de conformité ou vices de construction dont elle a reconnu être responsable ou qui ont fait l'objet de réserves non levées ;
- en conséquence, infirmer le jugement et statuant à nouveau :
1o- au titre de la hauteur du rez-de-chaussée de 2m50 au lieu de 2m60, dont la responsabilité aurait été admise, leur allouer 30 000 € de dommages et intérêts ;
2o-au titre du talus non conforme, ayant fait l'objet de réserves non levées et occasionnant une perte de terrain utile (50,75m²), obliger le vendeur à remettre le terrain en état, à peine d'astreinte et, subsidiairement, leur allouer 35 035 € de dommages et intérêts ;
3o- au titre des reprises nécessaires dans les combles (pages 21 à 28 du rapport), compte tenu des réserves non levées ou de la reconnaissances de responsabilité, leur allouer : 230 € HT pour les canalisations, 230 € HT pour le raccordement des flexibles aérauliques au bloc VMC, 750 € HT avec actualisation en fonction de l'indice BT 01 au titre du flexible de la salle d'eau, 400 € au titre du tube Poujoulat et, au titre du balustre de l'escalier, condamner le vendeur à peine d'astreinte à la remise en état, subsidiairement leur allouer 1 200 € à titre de dommages et intérêts ;
4o- s'agissant des malfaçons de l'étage (7.3.1.2 du rapport d'expertise), ayant fait l'objet de réserves non levées ou de reconnaissance de responsabilité, leur allouer : au titre de la différence de hauteur du plafond de salle de bain, la somme de 707,64 € HT avec actualisation au jour de la condamnation en fonction de l'indice BT 01, au titre des têtes de cloisons et du doublage, la somme de 1 200 € HT (valeur 06 septembre 2012) avec actualisation, au titre de la baguette extérieure de la cabine de douche, la somme de 230 € HT (valeur 31 mars 2011) avec actualisation, au titre d'une tache du mur à droite de la fenêtre et du battant cassé du volet, condamner le vendeur à réparer sous astreinte et, subsidiairement leur allouer 1 500 € de dommages et intérêts ;
5o- s'agissant des malfaçons de la salle de bain (7.3.1.3 du rapport d'expertise) : leur allouer, au titre de la fenêtre de la salle de bains, une somme de 1 200 € HT (valeur au 31 mars 2011) avec actualisation, au titre des débits d'aspiration de la VMC, une somme de 750 € HT (valeur au 30 mai 2012) avec actualisation ;
6o- au titre des malfaçons du rez-de-chaussée (7.3.1.4 du rapport d'expertise), condamner sous astreinte le vendeur, en vertu de l'article 1134 du code civil, à leur communiquer le dossier DOE, le certificat de conformité de Saunier Duval et le certificat Qualigaz et leur allouer les sommes suivantes avec indexation : 400 € HT (valeur 31 mars 2011) au titre des dessous du limon et du faux limon et la finition du vernis, 6 005,01 € (valeur au 30 juin 2012) avec actualisation au titre de l'isolation d'un panneau de mur et du bruit d'écoulement d'eau (points 34 et 53 du rapport d'expertise, 650 € HT (valeur au 31 mars 2011) avec actualisation au titre de la porte du garage ;
7o-au titre des volets du séjour (pont 43 du rapport d'expertise) condamner sous astreinte le vendeur à effectuer la réparation nécessaire et à défaut leur allouer la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts ;
8o- au titre des corniches en façade (point 44 du rapport d'expertise) leur allouer une somme de 900 € (valeur mai 2012) avec actualisation ;
9o- au titre de la descente d'eau pluviale (point 45 du rapport d'expertise) condamner sous astreinte le vendeur à effectuer la réparation nécessaire et, à défaut leur allouer 700 € de dommages et intérêts avec actualisation ;
10o- "dire que toute somme ci-dessus sera actualisée au jour de la condamnation et avec intérêts de droit" ; condamner également la société Bouygues Immobilier à payer en plus la TVA en vigueur ;
- Sur les demandes relevant de l'article 1792 du code civil (point 7.3.1.5 du rapport d'expertise), infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- Au titre des bandeaux non conformes (réalisés en zinc au lieu du béton) et affectés de mal-façons compromettant la solidité de l'immeuble : infirmer le jugement entrepris et condamner la société Bouygues Immobilier à leur payer la somme de 35 651 € TTC en ce compris la réfection totale des façades, "soit, subsidiairement, au seul titre des bandeaux, la somme de 11 600 € HT" ces sommes devant être augmentée de 12,5% HT pour les honoraires d'architecte et actualisées selon l'indice BT 01, la TVA en vigueur en sus ;
- au titre de la fissure infiltrante sur les façades (points 38 et 50 du rapport d'expertise) : infirmer le jugement entrepris et condamner la société Bouygues Immobilier à leur payer la somme de 35 651 € TTC en ce compris la réfection des bandeaux, devant être augmentée de 12,5% HT pour les honoraires d'architecte et actualisée selon l'indice BT 01, TVA en vigueur en sus ;
- Sur la demande dommages et intérêts, infirmer le jugement entrepris et condamner la société Boutgues Immobilier à leur payer une somme de 20 000 € ;
- condamner celle-ci à leur payer une somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeter toute prétention contraire ;
- condamner la société Bouygues Immobilier aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par dernières conclusions du 02 novembre 2016, la société Bouygues Immobilier prie la Cour de :

- vu les articles 1642-1 et 1648 du code civil ;
- confirmer le jugement entrepris s'agissant des désordres ou non conformités relevant de la garantie légale des vices et non conformités apparents, dire en particulier que les appelants sont forclos en leurs demandes relatives aux points du rapport d'expertise numéros : 31, 51, 2, 1, 4, 10, 11, 12, 18, 24, 27, 32, 34 et 53, 35, 36, 37, 40, 44 et 45 pour lesquels nulle reconnaissance de responsabilité ni aucun engagement d'intervenir n'a été consenti ;
- subsidiairement, dire que les demandes à ces titres sont mal fondées ;
- vu l'article 1147 du code civil ;
- confirmer le jugement entrepris et la mettre "hors de cause" en ce que la preuve d'un manquement contractuel n'est pas rapportée pour les dommages allégués et apparus "après la réception" (dommages intermédiaires) et pris des points du rapport numéros 14 (têtes de cloison et doublage des murs) et 23 (absence de calicot), d'une part, et 43 (volets du séjour) ;
- vu les articles 1792 "et suivants" du code civil ;
- dire que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un préjudice au titre du point no3 relatif au flexible aéraulique ;
- dire que le désordre allégué pris du point no 30 relatif aux débit d'aspiration de la VMC n'est pas démontré ;
- débouter les acquéreurs de ces demandes ;
- s'agissant des désordres no 38 et 50 (bandeaux en zinc) d'une part et no 15, 38, 49 et 50 (fissures en façade et humidité des murs), constater qu'elle a payé aux époux E... une somme de 4 004 € HT correspondant aux travaux préconisés par l'expert au titre d'une ordonnance du juge de la mise en état du 16 juin 2015 et :
. à titre principal, confirmer le jugement en qu'il a retenu que nulle demande spécifique au titre de la reprise des bandeaux n'avait été effectuée et dire en conséquence que la demande formée devant la Cour pour la première fois, à hauteur de 35 651 € TTC, est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile ;
. à titre subsidiaire, dire que le désordre est décennal et que le préjudice en résultant ne peut excéder la somme de 4 004 € HT ;
- s'agissant du point no49 "fissure en façade" objet d'une demande à hauteur de 35 651 € TTC, dire que le désordre est décennal et que le préjudice en résultant ne peut excéder la somme de 17 576,89 € TTC retenue par l'expert déjà payée en exécution du jugement dont appel ;
- dire que le préjudice de jouissance allégué n'est pas démontré et confirmer le jugement sur ce point ;
- à titre reconventionnel, condamner "in solidum" les époux E... à lui payer une somme de 21 900 € TTC au titre du solde du prix de vente consigné auprès de la Caisse des dépôts et consignations lors de la livraison du 15 février 2008 et ordonner la libération de la somme à son profit ;
-"ordonner l'exécution provisoire." ;
- infirmer le jugement entrepris qui l'a condamnée aux dépens, aux frais d'expertise et à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouter les époux E... de toute demande à ce titre ;
- lui allouer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge des époux E... qui seront également tenus aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.

SUR CE
LA COUR

Sur les non conformités et vices apparents à la prise de possession

Les moyens soutenus par les époux Hadj C... au soutien de leur appel relatif à l'indemnisation des non-conformités et vices apparents à la prise de possession, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

A ces justes motifs il sera ajouté que l'ordre public attaché aux dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil - qui, s'agissant de la garantie des vices et non conformités apparents à la prise de possession de l'immeuble par les acquéreurs en état de futur achèvement, limitent la responsabilité du vendeur en état de futur achèvement - exclut l'application des règles de la responsabilité contractuelle de droit commun. Les époux Hadj C... ne peuvent donc pas, pour échapper à la forclusion résultant du non respect du délai mensuel de dénonciation des désordres ou du délai annal s'ouvrant à la suite pour saisir la justice, obtenir indemnisation sur le fondement du droit commun pour les vices et non conformité apparents dont ils se prévalent.

Or, en vertu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, d'une part, l'instance en référé probatoire, introduite avant l'entrée en vigueur de cette loi est restée régie par le droit antérieur, selon lequel l'assignation en référé délivrée le 26 mars 2008 à la société Bouygues Immobilier a interrompu le délai annal de forclusion de l'article 1648 du code civil, alors que le prononcé de l'ordonnance du 13 mai 2008 a fait courir un nouveau délai d'un an ; d'autre part, le droit nouveau s'applique à l'instance au fond introduite par l'assignation au fond du 28 octobre 2014 postérieure à l'entrée en vigueur de la loi, rendant seules applicables les dispositions nouvelles de l'article 2241 du code civil qui énonce que l'action en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Le tribunal doit donc être approuvé d'avoir retenu que les époux Hadj C..., pour échapper à la forclusion de l'article 1648 du code civil, devaient en principe assigner au fond dans l'année suivant le 13 mai 2008.

S'agissant de la hauteur sous plafond du rez-de-chaussée (désordre no31 selon le rapport d'expertise) qui a fait l'objet de réserves à la livraison, les époux Hadj C... ne soutiennent pas valablement que la société Bouygues Immobilier aurait reconnu sa responsabilité alors que la lettre du 30 novembre 2007 par laquelle celle-ci leur a écrit que dans le cadre de "contrôles qualité" elle avait constaté que la hauteur sous plafond du rez-de-chaussée "est de 2,50 m conformément à la notice de vente, alors que les plans de coupe mentionnaient une hauteur de 2,60 m" ce qui a conduit le vendeur à présenter ses "excuses", ne qualifie pas l'anomalie de non conformité contractuelle ou de désordre, jouant sur la discordance entre la notice et les plans de coupe et, surtout, ne contient aucun engagement de reprise ou de réparation. Si, en cours d'expertise, la société Bouygues Immobilier a proposé d'estimer le préjudice à 2 864 € elle a considéré en même temps que cette "erreur d'exécution" relevait de "la tolérance admissible prévue dans les contrats de vente", s'engageant à fournir à l'expert "des références plus précises sur cette clause". Par conséquent les époux Hadj C... ne prouvent pas que leur vendeur aurait reconnu leur droit à garantie. Ils sont donc forclos en leur demande relative à ce désordre apparent.

S'agissant de la livraison d'un terrain avec talus (no51), qui a fait l'objet de réserves à la livraison, grief des époux Hadj C... que l'expert a proposé de ne pas retenir, il s'agit manifestement d'une non conformité apparente, si bien que les époux Hadj C... sont forclos pour agir, ainsi que l'a retenu le tribunal.

S'agissant des canalisations non identifiées, dans les combles (no2), qui étaient apparentes à la livraison et avaient été relevées par le technicien assistant les époux Hadj C... à la livraison, le jugement entrepris établit qu'il s'agit d'un grief non dénoncé avant l'assignation en référé expertise qui est postérieure de plus d'un mois à la prise de possession ; il n'est pas établi que le vendeur aurait reconnu le droit à garantie des acquéreurs. En application de l'article 1642-1 du code civil, les acquéreurs sont donc forclos pour agir.

Les époux Hadj C... sont également forclos pour agir au titre des désordres suivants qui étaient apparents à la réception, nulle reconnaissance de responsabilité par le vendeur n'étant établie :

- la descente d'eau pluviale choquée (point 45 du rapport d'expertise) ;
- les corniches en façade mal alignées et non jointives (point 44 du rapport d'expertise) ;
- les volets du séjour abîmés, la peinture mal finie, l'appui d'une des baies grossièrement réparé, l'autre appui n'étant pas réparé du tout (pont 43 du rapport d'expertise) ;
- les dessous du limon et du faux limon qui dépassent en tête de cloisons du couloir au rez-de-chaussée et la finition du vernis (point no32) ;
- l'isolation thermique mal conçue d'un panneau de mur qui cause un redan malcommode et inélégant (no34) ;
- le bruit d'écoulement d'eau gênant dans le salon (point no 53 du rapport d'expertise), dont les époux Hadj C... affirment que ce désordre a fait également l'objet de réserves à la réception (page20/37 in fine de leurs conclusions) ;
- la porte du garage qui ne s'ouvre pas à 90o du fait d'un radiateur mal implanté (no35) ;
- la fenêtre oscillante de la salle de bains difficilement accessible et malcommode (no27),
- la baguette extérieure de la cabine de douche rayée ;
- une tache du mur à droite de la fenêtre, le battant cassé du volet et la crémone souillée (no24) ;
- le balustre de l'escalier choqué, le vernis ébréché et la ceinture en bois de la trémie souillée par des débordements de peinture (no11).

Bien que ces désordres soient omis au dispositif des conclusions, les époux Hadj C... sont également forclos pour agir au titre des semelles filantes des pied de cloisons dépourvues de protection en plastique et parfois même absentes (point no4).

Sur les désordres non apparents à la réception dont l'indemnisation est demandée sur le fondement du droit commun de la responsabilité

Si le défaut de raccordement des flexibles aérauliques au bloc VMC, assurés par du câble électrique et non par des colliers type Serflex (point no 1) a été mis en évidence par la société MSI à l'occasion de son assistance technique des vendeurs à la livraison, il n'est pas établi qu'il ait donné lieu à des réserves lors de l'établissement du procès verbal contradictoire de livraison et n'est pas de ceux que révèlent un examen sommaire, si bien qu'il ne peut être qualifié d'apparent, contrairement à l'affirmation de la société Bouygues Immobilier.

Cette malfaçon, ainsi que la qualifie l'expert judiciaire, ne peut néanmoins entraîner la responsabilité de la société Bouygues Immobilier que si les époux Hadj C... prouvent qu'elle a été causée par la faute du vendeur, laquelle faute n'est pas caractérisée par le seul manquement du vendeur à avoir remis un ouvrage exempt de vice.

Or, une telle faute n'est pas caractérisée en l'espèce.

En effet, la société Bouygues Immobilier avait confié à la société Cabinet MGS non seulement une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, mais également une mission de d'ordonnancement, pilotage et coordination, de sorte qu'il ne peut pas être reproché à ce vendeur d'avoir par sa faute concouru à cette malfaçon.

N'est pas établie la réalité du désordre allégué selon lequel un des flexibles provenant de la salle d'eau parentale passerait sous la laine de verre, sous toiture et par sa déformation, nuirait à la bonne évacuation de l'air vicié ( (point no3). L'expert judiciaire n'a pas retenu ce désordre qu'il n'a pas mis en évidence. La demande au titre de ce désordre est donc également mal fondée.

La prétendue non conformité (point no10) de la pose du tube de conduit de fumée Poujoulat passant sous le doublage, laissant en contact le tube avec la laine de verre n'a pas été retenue par l'expert judiciaire qui a considéré que ce contact avec la laine de verre d'isolation employée ne contrevenait pas aux règles de l'art. A supposer caractérisé ce désordre, la faute causale du vendeur ne serait pas davantage rapportée. La demande à ce titre est donc mal fondée.

L'inégalité de hauteur sous plafond de la salle de bain, à supposer caractérisé un désordre à ce titre (point no12) qui a eu pour effet de renchérir le coût de la pose des faïences de la salle de bain (nécessité d'une coupe en "queue de billard") n'est pas davantage susceptible d'avoir été causé par la faute du vendeur. La demande à ce titre ne peut donc pas aboutir.

Il en va de même du désordre allégué (points no14 et 23) des têtes de cloisons et doublage des murs côté extérieur, dans la chambre parentale, dont l'expert judiciaire a même déchargé le maître d'oeuvre d'exécution de toute faute causale, si bien que le vendeur maître de l'ouvrage, qui n'en a pas commis non plus, ne peut pas en être déclaré responsable.

Le débit insuffisant des débits d'aspiration de la VMC dans la salle de bain (point no30), s'il est établi, ne peut davantage être imputé à la faute du vendeur et maître d'ouvrage. La demande de ce chef est donc mal fondée.

Les évacuations souples du disconnecteur de sécurité de la chaudière qui, selon le désordre allégué (point no36) seraient mal installées et comporteraient des pincements empêchant l'écoulement par gravité, constitue un grief non caractérisé, qui a été valablement écarté par l'expert judiciaire après que les époux Hadj C... eurent renoncé à l'invoquer devant l'expert. La demande sur ce point est donc mal fondée.

Sur les demandes de remise sous astreinte du certificat Qualigaz, du dossier DOE (point no37) et du certificat de conformité des installations électriques (point no40)

Les époux Hadj C..., qui en ont la charge, ne précisent ni l'obligation contractuelle ni aucune obligation légale ou réglementaire susceptible de fonder les obligations de faire du vendeur en état de futur achèvement qu'ils allèguent.

Les demandes à ce titre seront donc déclarées mal fondées.

Sur les demandes fondées sur l'article 1792 du code civil

Le rapport d'expertise judiciaire établit que des infiltrations d'eau au travers de la corniche de la façade s'étaient manifestées après la réception et la livraison (points no38 et 50), caractérisant un grave désordre compromettant la solidité de l'ouvrage, et que si ces infiltrations avaient pu imbiber les murs avant la pose de bandes de zinc décidées par l'architecte en guise de protection, la pose de ces bandes de zinc n'avait pu constituer une reprise pérenne et devait être elle-même donner lieu à une reprise. L'expert judiciaire a évalué le coût de la reprise des 28 mètres bandes de zinc à la somme de 4 004 € HT. L'expertise judiciaire a également retenu que seuls les panneaux en façade présentaient une fissuration d'enduit constitutive de la fissuration, les autres panneaux ne présentant pas de désordre. L'expert a évalué à la somme de 17 576,89 € TTC, honoraires d'architecte inclus, le coût de ravalement de la façade consécutive à la réparation de la fissuration.

Alors que les époux Hadj C... demandaient au tribunal de leur allouer la somme de 40 107,37 € pour la reprise de la fissure infiltrante en façade, le tribunal a alloué la somme de 17 576,89 € outre indexation et TVA applicable au jugement, relevant que les époux Hadj C... n'avaient pas fait de demande spécifique au titre des bandes de zinc.

En appel, les époux Hadj C... demandent à titre principal 35 651 € TTC pour la reprise totale des façades et, subsidiairement, 11 600 € HT au seul titre des bandeaux.

Au regard de ce qui précède, il n'est pas établi que la demande au titre des bandeaux soit nouvelle en appel. Et, alors que les demandes des époux Hadj C... sont excessives au regard des désordres effectivement prouvés, les devis produit à l'appui de l'avis amiable de M. D... postérieur à l'expertise judiciaire n'étant pas probants, la Cour dispose des éléments suffisants pour infirmer le jugement en ce qu'il a limité la somme allouée au titre de la reprise des désordres à caractère décennal et, statuant à nouveau, pour dire que l'indemnisation sera constituée outre la somme en principal de 13 240,00 € HT au titre du ravalement, de la somme de 1456,40 € HT au titre des frais d'architecte et de la somme de la somme de 4 004 € HT pour la reprise du bandeau. Il conviendra d'ajouter à ces sommes l'indexation selon le coût de la construction et la TVA applicable au jour de l'arrêt. Il convient de rappeler que ces sommes ont donné lieu au versement de provisions, le 30 juillet 2015 par la société Bouygues Immobilier, en exécution d'une ordonnance du juge de la mise en état du 16 juin 2015.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Les époux Hadj C... ne précisent pas suffisamment le fondement juridique de leur demande de dommages et intérêts pour soucis et tracas pour permettre à la Cour de l'examiner sous l'angle de la garantie décennale, tandis qu'ils ne rapportent pas non plus la preuve d'une faute imputable à la société Bouygues Immobilier et susceptible de les avoir causés. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les époux Hadj C... de leur demande de dommages et intérêts, ceux-ci ne justifiant pas davantage leur demande en appel.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé sur les frais et dépens et, en équité, les époux Hadj C... recevront de la société Bouygues Immobilier une somme complémentaire de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'indemnisation due par la société Bouygues Immobilier, au titre des désordres relevant de la garantie décennale, à la somme de 17 576,89 € outre indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction depuis le 16 juin 2014, date du rapport, et la TVA applicable au jour du jugement,

Statuant de nouveau sur ce point, condamne la société Bouygues Immobilier, au titre de la garantie décennale des constructeurs, à payer aux époux Hadj C... les sommes suivantes au titre de leur préjudice matériel :

- 13 240,00 € HT outre indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction depuis le 16 juin 2014, date du rapport, et la TVA applicable au jour du présent arrêt, au titre du ravalement,
- 1 456,40 € HT outre indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction depuis le 16 juin 2014, date du rapport, et la TVA applicable au jour du présent arrêt, au titre des frais d'architecte,
- 4 004 € HT, outre indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction depuis le 16 juin 2014, date du rapport, et la TVA applicable au jour du présent arrêt, au titre des bandeaux,

Pour le surplus, confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute les époux Hadj C... de leurs demandes formées au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun,

Déboute les époux Hadj C... de leur demande de dommages et intérêts à la hauteur de la somme de 20 000 €,

Condamne la société Bouygues Immobilier à payer aux époux Hadj C..., une somme complémentaire de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/138727
Date de la décision : 04/05/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-05-04;16.138727 ?
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