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03/05/2018 | FRANCE | N°16/02918

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 03 mai 2018, 16/02918


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 03 Mai 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02918



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/05191





APPELANTE

Madame [B] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (MALI)

comparante en

personne, assistée de Me Antoine BOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D529

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/056191 du 04/01/2017 accordée par le bureau d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 03 Mai 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02918

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/05191

APPELANTE

Madame [B] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (MALI)

comparante en personne, assistée de Me Antoine BOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D529

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/056191 du 04/01/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SA AURIQUES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 434 406 815 00051

représentée par Me Sandra CARNEREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1981 substitué par Me Maryse AFONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1832

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BEZIO, Président

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller

Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats

Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors de la mise à disposition

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.

- signé par Madame Catherine BEZIO, et par Madame Anna TCHADJA ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

VU la décision prononcée le 21 décembre 2015 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Paris, section commerce, qui a débouté [B] [Q] de l'ensemble de ses prétentions ;

VU la déclaration d'appel total faite au greffe le 24 février 2016 par [B] [Q], soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification qu'elle a reçue le 02 février 2016 ;

VU les conclusions déposées à l'audience du 27 novembre 2017, visées par le greffier et soutenues oralement, par lesquelles [B] [Q] requiert la cour d'infirmer le jugement du 21 décembre 2015 et statuant à nouveau de :

- sur le non-respect par la S.A. Auriques de son obligation de reclassement :

* dire que son licenciement pour inaptitude est en réalité dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* condamner la S.A. Auriques à lui payer la somme de 25 662,60 euros ;

- sur le non-respect par la S.A. Auriques de ses obligations tenant à la procédure de convocation et à la tenue de l'entretien préalable au licenciement, ainsi qu'à la signature de la lettre de licenciement :

* dire que la procédure de licenciement est entachée d'irrégularités ;

* dire que le licenciement pour inaptitude de [B] [Q] est en réalité un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, du fait de l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement ;

* condamner la S.A. Auriques à lui payer la somme de 1 425,70 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement ;

* condamner la S.A. Auriques à lui payer la somme de 25 662,60 euros (qui ne se cumulera pas avec la somme à octroyer pour violation de l'obligation de reclassement) ;

- condamner la S.A. Auriques, à titre de rappel de salaire pour la période allant du 18 août 2012 au 06 septembre 2012, à lui payer la somme de 542,30 euros brut, outre la somme de 54,23 euros brut de congés payés y afférents ;

VU les conclusions déposées à l'audience du 27 novembre 2017, visées par le greffier et soutenues oralement, par lesquelles la S.A. Auriques demande que la cour confirme le jugement du 21 décembre 2015 en toutes ses dispositions, rejette les prétentions de [B] [Q] et condamne celle-ci au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

VU le procès-verbal de l'audience du 27 novembre 2017 en formation de conseiller rapporteur, les deux parties assistées ou représentées ;

VU les autres pièces de la procédure et celles produites par les parties ;

VU les articles L.1226-2 et suivants, L.1232-1, L.1232-4, L.1232-6, ainsi que L.1235-1 et suivants du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

Considérant que, selon contrat à durée indéterminée et à temps partiel, [B] [Q] a été embauchée à compter du 12 janvier 1991 par Intermarché en qualité de gondolière produits frais;

Qu'il est constant que, dans le courant de l'année 2002, le contrat de travail a été transféré à la S.A. Auriques ;

Considérant que, lors d'une visite du 22 novembre 2012, le médecin du travail a émis l'avis suivant concernant [B] [Q] :

'Premier examen dans le cadre de l'article R.4624-31 du code du travail.

Une inaptitude au poste est à prévoir.

En attendant l'état de santé de Mme [Q] ne lui permet pas d'être affectée à un emploi dans l'établissement.

La seconde visite est prévue le jeudi 6 décembre 2012 à 15H15" ;

Que, lors de cette seconde visite, le 06 décembre 2012, le même médecin a conclu :

'Second examen dans le cadre de l'article R.4624-31 du code du travail.

A la suite du 1er examen, la salariée est inapte au poste ELS.

Elle pourrait être affectée à un poste sans manutention ni port de charges en position alternée debout et assise' ;

Considérant que, par courrier du 15 décembre 2012, la S.A. Auriques a proposé à [B] [Q] deux postes de reclassement comme employée commerciale ;

Que, par lettre du 26 décembre 2012, la salariée a fait connaître son refus, aux motifs que les deux postes ne sont pas adaptés à ses problèmes de santé et ne correspondent pas aux préconisations du médecin du travail ;

Considérant que, selon courrier du 07 janvier 2013, [B] [Q] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement :

'Dans le cadre de notre obligation légale, nous avons recherché en collaboration avec la médecine du travail sur l'ensemble des activités de l'entreprise, si un poste de reclassement selon les préconisations et prescriptions du (Docteur) [J] était disponible et susceptible de vous convenir compte tenu de votre état de santé, de la nature des constations médicales, de vos compétences, ainsi que de la dimension et la spécificité de l'activité de notre exploitation.

Toutes les éventualités d'aménagement de poste et de reclassement y ont donc été étudiées, au sein de notre magasin comme des sociétés appartenant à notre groupe, dans le cadre d'un aménagement de poste, ou dans le cadre d'une mutation avec aménagement de votre poste, et au sein du Siège administratif dans le cadre d'une création d'un poste administratif.

Par courrier recommandé en date du 15 décembre 2012, nous avons été en mesure de vous proposer deux postes d''Employé commercial'.

- Le premier poste, à temps plein est situé [Adresse 3] ;

- Le second, à temps partiel est situé [Adresse 4].

Cependant, vous n'avez pas souhaité donner une suite favorable à notre proposition. (...)

N'ayant par conséquent aucun autre poste correspondant à votre profil de libre, et n'ayant pas non plus la possibilité d'en créer un, nous vous avons convoqué à un entretien préalable au licenciement en date du 31 décembre 2012 par courrier recommandé avec AR. (...)

Nous vous informons que nous sommes, en conséquence, contraints de vous licencier au motif qu'il est impossible de vous reclasser à la suite de votre inaptitude professionnelle. (...) ;

1°/ Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Considérant que n'est pas clairement contesté en cause d'appel le caractère non professionnel de l'inaptitude et notamment la constatation des premiers juges qui ont dit, dans la motivation de leur décision du 21 décembre 2015, qu'au vu des pièces produites, 'l'inaptitude n'a pas pour origine une cause professionnelle' ;

Considérant que l'employeur supporte une obligation légale de reclassement du salarié devenu inapte à l'emploi occupé avant la maladie ou l'accident ;

Qu'il s'agit d'une obligation de moyen renforcée ;

Que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé des salariés, doit prendre en considération les recommandations émises par le médecin du travail ;

Que les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans l'entreprise au sein de laquelle travaille le salarié devenu inapte, mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Considérant qu'au surplus, l'article 10.2.1.4. de la convention collective nationale applicable (commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire) stipule qu'en cas de constat d'inaptitude par le service de santé au travail, des solutions de reclassement seront étudiées, avec l'examen d'adaptation des postes de travail, l'identification des formations nécessaires ou la détermination d'une période d'adaptation ;

Considérant qu'en l'espèce, à la suite de l'avis d'inaptitude partielle du 06 décembre 2012, l'employeur justifie avoir consulté, par lettre du 11 décembre 2012, le médecin du travail sur un reclassement de [B] [Q] comme 'employé commercial' ;

Que, dans son courrier du 18 décembre 2012, le médecin du travail a rappelé les restrictions médicales, dit que la salariée semblait assez démunie à l'égard d'un poste en caisse et qu'une mutation loin du domicile ne résoudrait pas les difficultés physiques de [B] [Q] ;

Que le médecin du travail n'a cependant pas indiqué qu'un poste d'employée commerciale serait contraire à ses préconisations ;

Considérant que, dans sa lettre du 15 décembre 2012, l'employeur a proposé deux postes de reclassement et qu'à défaut d'éléments contraires, y étaient bien jointes les deux fiches de poste correspondantes ;

Que le détail de ces fiches n'apparaît pas clairement contraire à l'avis du médecin du travail ;

Considérant que, malgré cela, la salariée a opposé un refus ;

Considérant que le refus par le salarié d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation et qu'il lui appartient d'établir qu'il ne dispose d'aucun autre poste compatible avec l'inaptitude du salarié ainsi que de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement avant de procéder au licenciement ;

Considérant que la S.A. Auriques justifie de l'envoi de treize courriers du 11 décembre 2012 auprès de responsables d'un niveau élevé, dépassant largement le cadre d'une entreprise de taille modeste comme la S.A. Auriques, pour connaître des postes vacants ou susceptibles de l'être de type administratif ou d'accueil ;

Que l'intimée produit les réponses négatives reçues, ainsi qu'une réponse positive correspondant au poste à [Localité 2] qui sera proposée à [B] [Q] et écarté par celle-ci ;

Qu'au vu des ces réponses, il n'est nullement établi que la S.A. Auriques aurait pu effectuer d'autres offres de reclassement ;

Considérant qu'en conséquence, le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse;

2°/ Sur les irrégularités de la procédure de licenciement :

Considérant que, d'une part, l'appelante expose avoir été convoquée à un entretien préalable de licenciement à [Localité 2] (Hauts-de-Seine), mais que le courrier précisait qu'elle pouvait se faire assister par un conseiller extérieur à l'entreprise à choisir sur une liste dressée par le préfet de [Localité 3], liste pouvant être consultée à l'inspection du travail à [Localité 3] ou à la mairie du [Localité 4] ;

Que [B] [Q] ne justifie d'aucun préjudice en découlant et justifiant l'octroi de l'indemnité sollicitée ;

Considérant que, d'autre part, l'appelante conteste la qualité d'[X] [X] pour tenir l'entretien préalable du 31 décembre 2012 et signer le courrier de licenciement du 07 janvier 2013 ;

Considérant que, sauf exceptions, il est admis que le représentant de la personne morale peut déléguer son pouvoir ;

Que logiquement, cette délégation de pouvoir devrait être donnée uniquement à un salarié de l'entreprise, mais que, toutefois, un directeur des ressources humaines ou le directeur délégué de la société mère peut recevoir mandat de procéder au licenciement d'un salarié d'une filiale;

Considérant que la S.A. Auriques justifie que le 1er avril 2012, soit bien antérieurement à la convocation à l'entretien préalable, son gérant a donné pouvoir à [X] [X], responsable juridique de la société Pro Distribution, en particulier 'pour mettre en oeuvre toute mesure destinée aux salariés de la société AURIQUES et effectuer notamment toutes les formalités nécessaires aux licenciements pour quelque motif que ce soit avec pouvoir de signer les courriers, transactions et tout courrier si besoin' ;

Que [B] [Q] précise que Pro Distribution est une société holding qui gère notamment les questions juridiques et les ressources humaines de la cinquantaine de sociétés du groupe ;

Qu'en résumé, [X] [X] était une responsable juridique de la société holding chargée des ressources humaines ;

Qu'en tout état de cause, les conclusions déposées par la S.A. Auriques montrent la volonté claire et non équivoque de cette société de ratifier la mesure de licenciement prise par [X] [X] à l'encontre de [B] [Q] ;

Considérant qu'ainsi, il n'y a pas lieu de considérer qu'[X] [X] n'avait pas reçu valablement pouvoir ;

Que la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit à nouveau être rejetée ;

3°/ Sur la demande en rappel de salaire pour la période allant du 18 août 2012 au 06 septembre 2012, ainsi que la demande en congés payés y afférents :

Considérant que [B] [Q] était en arrêt maladie pour la période litigieuse allant du 18 août 2012 au 06 septembre 2012, mais que, selon elle, il s'agissait d'une situation 'forcée' ;

Considérant qu'elle n'en rapporte pas la preuve, si bien que sa demande en rappel de salaire, ainsi que celle en congés payés y afférents doivent être rejetées ;

4°/ Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant que la S.A. Auriques est déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que [B] [Q] est condamnée aux dépens d'appel ;

Qu'elle doit l'être aussi des dépens de première instance au sujet desquels le conseil a omis de statuer ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 21 décembre 2015 par la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud'hommes de Paris ;

Y ajoutant,

DEBOUTE la S.A. Auriques de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [B] [Q] aux dépens de première instance comme d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/02918
Date de la décision : 03/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°16/02918 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-03;16.02918 ?
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