Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 13 AVRIL 2018
(no , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12692
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/10310
APPELANTS
Monsieur Bernard X...
né le [...] à Paris (75020)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Jacques Z...
né le [...] à Saint Denis (93200)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Philippe A...
né le [...] à Bressuire (79300)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Frédéric B...
né le [...] à Mont Saint Martin (54350)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Christian C...
né le [...] à TROYES (10000)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Madame Catherine D... épouse E...
née le [...] à LILLE (59000)
demeurant [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Frédéric E...
né le [...] à Amiens (80000)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Madame Agnès F... épouse G...
née le [...] à Lyon (69000)
demeurant [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Pascal G...
né le [...] à Limoges (87000)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Madame Noëlle H... épouse Q... profession Vétérinaire
née le [...] à Paris (75014)
demeurant [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Pascal Q...
né le [...] à Soyaux (16800)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Monsieur Roger I...
né le [...] à Paris (75006)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Madame Patricia P... Y... épouse I...
née le [...] à Malakoff (92240)
demeurant [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL CHALUTO représentée par son gérant
No SIRET : 485 154 165
ayant son siège au [...]
Représentée et assisté sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL CORPAS représentée par son gérant
No SIRET : 487 678 690
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL DUO représentée par son gérant
No SIRET : 477 888 580
ayant son siège [...], [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL ELPEMAVI représentée par son gérant
No SIRET : 487 861 833
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL FIGUIERE INVEST représentée par son gérant
No SIRET : 485 207 492
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL JPLR représentée par son gérant
No SIRET : 482 420 825
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL ALMONT représentée par son Gérant
No SIRET : 414 569 392
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL KALHOU représentée par son gérant
No SIRET : 483 015 343
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL KALISTE représentée par son gérant
No SIRET : 484 451 059
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL LEGAU représentée par son gérant
No SIRET : 438 594 012
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL LEMAITRE représentée par son gérant
No SIRET : 485 002 018
ayant son siège au [....] - [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL LTP représentée par son gérant
No SIRET : 483 909 156
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL MARENGO représentée par son gérant
No SIRET : 449 732 007
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL MEDELIS représentée par son gérant
No SIRET : 488 090 093
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL MJDB représentée par son gérant,
No SIRET : 487 469 025
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL EURL ARBET représentée par son gérant
No SIRET : 488 022 583
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL PLATDARRE représentée par son gérant,
No SIRET : 439 959 313
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL POPEYE représentée par son gérant,
No SIRET : 483 354 007
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL UNSARL représentée par son gérant
No SIRET : 483 109 831
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL VALIMMO représentée par son gérant
No SIRET : 484 007 059
ayant son siège au [...] [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL BABOON représentée par son gérant
No SIRET : 488 052 929
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL BAYNVEST représentée par son gérant
No SIRET : 487 691 453
ayant son siège au [...]
Représentée et assisteé sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL BERAFRED représentée par son gérant
No SIRET : 444 278 287
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL BLANCHE NEIGE ET LES SEPT LAUX représentée par son gérant
No SIRET : 485 217 525
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL BMARIP représentée par son gérant
No SIRET : 444 655 252
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
SARL CHALIMMO représentée par son gérant
No SIRET : 483 626 891
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe JULIEN de la SCP P D G B, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
INTIMÉ
Maître Denis J...
né le [...] à SAINT MAUR DES FOSSES
demeurant [...]
Représenté par Me Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
Assisté sur l'audience par Me Stéphanie BACH de la SCP RONZEAU etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, et Mme Christine BARBEROT, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
Mme Béatrice CHARLIER-BONATTI, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
M. X... et 34 autres copropriétaires (consorts X... et autres) ont tous acquis, dans un objectif de défiscalisation, de la société Compagnie Financière des Érables (CFE) venant aux droits des sociétés La Boiserie et Senwest, entre fin 2005 et début 2006 des lots dans une résidence dénommée « Les [...] , au sein de laquelle est exploitée un EHPAD et une résidence-services. Toutes ces ventes ont été conclues par l'entremise de l'agence Immobilière ACI Partner's et reçues en la forme authentique par M. J.... L'ensemble des lots était destiné à la location mais la société Senex, exploitante qui, aux termes d'un avenant au bail commercial qui lui avait été consenti par la propriétaire, prévoyant la cession à la copropriété, pour un euro symbolique, des locaux de service en cas de défaillance majeure de sa part, confrontée dès 2008 à une perte d'exploitation de plus de 900.000 €, a été placée en février 2010 sous administration provisoire et a déposé son bilan au mois de mars 2011.
Au mois de février 2010, l'EHPAD a été placé par les autorités de tutelle sous administration provisoire en raison, notamment, de l'impossibilité en l'état de renouveler la convention tripartite entre l'Autorité Régionale de Santé (ARS), le Conseil Général et l'exploitant.
C'est dans ces conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 18 juin 2013, les consorts X... et autres ont assigné M. J..., la société Turnbrook Investissements Group Corp venant aux droits de la société CFE, et la SARL ACI Partner's afin de les voir condamner au paiement de diverses indemnités, sur le fondement du dol et du défaut de devoir de conseil.
Par jugement réputé contradictoire du 10 juin 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté la demande principale des consorts X... et autres fondée sur le dol des vendeurs et de complicité de dol,
- rejeté leurs demandes subsidiaires fondées sur le défaut de devoir de conseil du notaire, M. J...,
- condamné la SARL ACI Partner's à payer diverses indemnités aux demandeurs au titre de la restitution de commissions indûment perçues en 2005 et 2006 dans le cadre de la vente des lots litigieux.
Les consorts X... et autres ont relevé appel, à l'encontre du seul M. J..., de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 15 février 2018, de :
au visa de l'article 1382 ancien du code civil,
- dire que M. J... a commis des fautes engageant sa responsabilité délictuelle,
- le condamner au paiement des indemnités suivantes, en réparation du préjudice subi par chacun d'eux, et ce, avec intérêts au taux légal du présent arrêt :
à M. X... : 140.606,89 €,
à la société Almont : 131.998,52 €,
à la société Arbet : 177.579,89 €,
à la société Baboon : 151.698,89 €,
à la société Baynvest : 136.219,03 €,
à la société Berafred : 151.698,89 €,
à la société Blanche Neige et les 7 Laux : 173.338,52 €
à la société Bmarip : 151.698,89 €,
à la société Chalimmo : 142.411,52 €,
à la société Chaluto : 136.219,03 €,
à M. Jacques Z... : 151.698,89 €,
à M. A... : 140.606,89 €,
à la société Corpas : 151.698,89 €,
à M. B... : 126.259,03 €,
à la société Duo : 126.259,03 €,
à la société Elpemavi : 151.698,89 €
à la société Figuière Invest : 151.698,89 €,
à M. C... : 126.259,03 €,
à la société JPLR : 151.698,89 €,
à la société Kahlou : 151.698,89 €,
à la société Kalyste : 177.579,89 €,
à la société Legau : 166.706,52 €,
à la société Lemaître : 136.219,03 €,
à la société LTP : 177.579,89 €,
à la société Marengo : 126.259,03 €,
à la société Medelis : 142.411,52 €,
à M. et Mme E... : 203.736,40 €,
à la société MJDB : 177.579,89 €,
à la société Platdarre : 203.736,40 €,
à la société Popeye : 142.411,52 €,
à M. et Mme G... : 151.698,89 €,
à M. et Mme Q... : 151.698,89 €,
à la société UNSARL : 151.698,89 €,
à la société Valimmo : 140.606,89 €,
à M. et Mme I... : 140.606,89 €,
- condamner M. J... à payer à chacun d'entre eux la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
M. J... prie la Cour, par dernières conclusions du 23 février 2018, de :
- constater son absence de faute,
- constater l'absence de préjudice direct actuel et certain et de lien de causalité,
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
SUR CE
LA COUR
Au soutien de leur appel, les 35 appelants font essentiellement valoir qu'ils ont tous signé, par procuration, l'acte authentique sans avoir eu connaissance du nouveau règlement de copropriété de la résidence, déposé au rang des minutes de M. J... le 27 décembre 2005 sans qu'il fût publié à la conservation des hypothèques, qu'ils n'ont appris que postérieurement à cette signature que le vendeur était en réalité une société « off shore », CFE, société de droit luxembourgeois gérée par une autre société dénommée Financière des Dalhias de droit Panaméen, et que CFE avait régularisé l'option d'achat par un crédit-bail immobilier deux jours avant la réitération des ventes par acte authentique, sans que le notaire exprimât quelque réserve que ce fût sur ce montage ultérieurement jugé frauduleux par l'administration fiscale ; ils reprochent ensuite au notaire de ne pas les avoir alertés sur l'impossibilité d'exploiter plus d'un tiers des chambres de la résidence en EHPAD (65 sur 95 lits), alors que les autres chambres étaient destinées à être données en location à des personnes âgées non dépendantes dans le cadre d'une résidence senior, ce, bien qu'ils aient eu la conviction d'acheter des lots de copropriété destinés exclusivement à l'usage d'EHPAD ; ils font encore grief à M. J... de ne pas leur avoir révélé la teneur exacte de leurs droits immobiliers et, notamment, le fait que les espaces de services à usage commun indissociablement liés aux chambres compte tenu de la destination de l'immeuble, recevaient, dans le nouveau règlement de copropriété, la qualification de « parties communes privatives » exclues de la cession et seraient également détenues par une société offshore, alors qu'elles représentent plus de 32 % de la superficie de l'immeuble, d'avoir accepté la désignation de cette société offshore en qualité de syndic de l'immeuble alors qu'elle était dépourvue de représentation en France, enfin, de ne pas leur avoir indiqué que la société SENEX, exploitante de l'établissement, n'était propriétaire d'aucun lot de sorte que la garantie offerte par l'avenant au bail commercial qui lui avait été consenti n'avait aucune valeur ; ils reprochent encore à M. J... d'avoir reporté aux actes authentiques de vente l'exigibilité de commissions d'agence pourtant indues et d'avoir réglé ces commissions à partir des fonds détenus dans son étude alors que la SARL ACI Partner's ne disposait ni de la carte d'agent immobilier ni d'assurance RC et ne pouvait donc se livrer à des opérations d'entremise ni percevoir de rémunération, que le gérant de la SARL ACI Partner's, M. M..., était également administrateur de la société SENEX, exploitante de l'EHPAD ;
Ils exposent que leur préjudice correspond aux commissions indûment payées à la SARL ACI Partner's, insolvable et non assurée, et à la moins-value subie par leurs lots respectifs à la revente, par rapport au prix d'acquisition qu'ils ont payé ;
M. J... répond qu'il n'a fait que recevoir en la forme authentique des ventes conclues plusieurs mois auparavant sans son intervention, que la lecture des actes sous seing privé ne faisait pas apparaître que les lots objet de la vente fussent destinés à être exploités en EHPAD exclusivement, que les acquéreurs disposaient, par les documents qui leur avaient été remis, de toutes les informations requises sur l'organisation et la gestion future de la copropriété ; il soutient que le redressement fiscal opéré contre la venderesse lui est étranger et que le préjudice allégué par les appelants n'est aucunement démontré alors que c'est la défaillance de la société Senex qui est à l'origine des difficultés qu'ils déplorent, que rien dans la procuration qu'ils signaient ne mentionnait que les chambres acquises relevaient d'un Ephad, qu'il était indiqué dans la quasi-totalité des procurations que la société venderesse avait son siège au Luxembourg, qu'il n'avait pas la possibilité de vérifier que la SARL ACI Partner's n'était pas titulaire d'une carte professionnelle ni d'une assurance RC, ce qui reste à démontrer, que les acquéreurs, n'étant devenus copropriétaires qu'à la date de publication des actes authentiques, n'avaient pas à intervenir dans la rédaction du nouveau règlement de copropriété, qu'ils ne peuvent se plaindre de ne pas être propriétaires des locaux d'exploitation alors qu'ils sont, à leur avantage, exemptés des charges de copropriété afférents à ces locaux, qu'ils n'établissent pas la réalité du préjudice découlant de l'exploitation de la résidence partie en EPHAD et partie en résidence senior ;
En droit, le notaire rédacteur d'un acte d'acquisition est tenu d'éclairer l'acquéreur sur sa portée, ses effets et ses risques, eu égard au but poursuivi par celui-ci ; il est indifférent à cet égard que l'acte qu'il reçoit en la forme authentique réitère un accord antérieur auquel il n'a pas participé, ayant pareillement un devoir de conseil et de mise en garde envers l'acquéreur, de sorte qu'il doit examiner cet acte et en déceler les éventuelles anomalies de nature à compromettre l'efficacité de son acte ;
Au cas d'espèce, si les acquéreurs ne peuvent reprocher au notaire J... de ne pas leur avoir indiqué que les lots qu'ils achetaient dépendaient pour partie d'un Ehpad et pour partie d'une résidence pour personne âgées, dans la mesure où les conditions générales annexées aux actes sous seing privé d'option d'achat qu'ils avaient tous signés mentionnaient, au chapitre : « Désignation de l'ensemble immobilier » : « Il s'agit d'un ensemble immobilier à usage d'Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes et Résidence Services pour personnes âgées » et, au chapitre « Règlement de copropriété » : « l'état descriptif de division et le règlement de copropriété sont en cours d'élaboration », en revanche, ils sont fondés en leurs griefs tirés :
- d'indications inexactes et contradictoires relatives au règlement de copropriété de l'ensemble immobilier, le notaire mentionnant au chapitre « Copropriété » : « Première vente après mise en copropriété : l'état contenant les informations prévues par l'article 5 du décret du 17 mars 1967 issu du décret no 200-479 du 27 mars 1964 sur la copropriété n' a pas été délivré par le syndic, la présente vente constituant la première vente après mise en copropriété », ce qui était faux puisque l'immeuble était précédemment soumis à un règlement de copropriété reçu par M. N..., notaire à Nice, publié le 9 janvier 1991 et modifié le 22 mai 1992,
- du défaut d'explications préalables à la signature des actes sur la teneur du nouveau règlement de copropriété, alors que ce document de 96 pages déposé au rang des minutes du notaire le 27 décembre 2005 avant même sa publication, n'a pu être connu des acquéreurs puisque tous les intéressés avaient donné procuration à un clerc de l'étude quelques jours auparavant : ce manquement est d'autant plus grave que ce règlement de copropriété contient des dispositions atypiques telles le regroupement de tous les locaux de service dans un seul lot privatif, ce qui privait les acquéreurs d'une quote-part de parties communes dans ces mêmes locaux, bien que propriétaires pour partie de lots dans une résidence services, donc impliquant l'existence de locaux de service communs,
- du défaut de renseignement et de conseil quant à l'affectation des biens acquis, mentionnés aux actes de vente authentique comme faisant partie d'un ensemble immobilier à usage de Résidence Médicalisée pour Personnes Agées (EHPAD) alors que ledit ensemble était pour partie affecté à l'usage de résidences services, particularité essentielle puisque, d'une part, le caractère hybride de cet ensemble ne pouvait que compliquer sa gestion et obérer son fonctionnement, les besoins des divers locataires étant, sinon antinomiques, divergents, que, d'autre part, dans la mesure où un immeuble dans lequel est exploitée une maison de retraite est juridiquement considéré comme « monovalent », cette affectation rendait indispensable que, dans un EHPAD soumis au régime de la copropriété, les locaux de service appartiennent soit au syndicat des copropriétaires soit à l'exploitant mais en aucun cas à un tiers, ce afin de garantir la pérennité de l'activité et de l'investissement ; le notaire J..., qui recevait le nouveau règlement de copropriété ainsi que toutes les ventes relatives audit ensemble et qui avait nécessairement en sa possession tous les documents annexes à ces ventes, ne pouvait ignorer qu'en vertu de deux arrêtés pris par le Président du conseil régional de PACA et le Préfet des Alpes Maritimes les 11 juin 1990 et 1er novembre 2002, prés d'un tiers des chambres vendues par la société CFE étaient destinées à être données en location à des personnes âgées non dépendantes, dans le cadre d'une résidence senior ;
- du défaut de mise en garde sur l'impossibilité pour les futurs propriétaires de négocier des baux avec une autre société que la SENEX alors qu'ils n'étaient pas propriétaires des locaux de service, regroupés dans un lot privatif, qu'il avait été par ailleurs inexactement indiqué aux acquéreurs dans un avenant au bail de Senex que celle-ci, exploitante et propriétaire de l'EHPAD via la détention du capital des SCI Senwest et La Boiserie, resterait propriétaire des locaux de service et en rétrocéderait la propriété en cas de cessation d'activité,
- du défaut de mise en garde sur l'inanité de la garantie délivrée dans l'avenant au bail du 26 août 2005 par l'exploitant SENEX qui ne pouvait s'engager, comme elle le faisait « à céder à la copropriété, pour un euro symbolique, l'ensemble des locaux de services en cas de résiliation, non renouvellement du bail ou cession de l'activité du preneur » alors qu'elle n'était plus propriétaire desdits locaux, détenus par la société offshore CFE,
- du défaut de vérification des pouvoirs du syndic désigné dans le règlement de copropriété, société offshore détenant l'ensemble des locaux de services en tant que lots privatifs correspondant à 3.208 millièmes sur 10.000èmes,
- du paiement indu sur le prix de vente d'honoraires à la société ACI Partner's, honoraires indiqués à l'acte comme étant « à la charge de l'acquéreur et inclus dans le prix de vente ci-dessus défini » sans vérifier préalablement l'exigibilité de ces honoraires ni rechercher si cette société disposait d'un mandat écrit, d'une carte professionnelle, d'un numéro d'inscription au fichier des personnes titulaires de la carte professionnelle, d'une assurance RC et d'une garantie financière et, bien plus grave, sans même vérifier que les procurations délivrées aux clercs de son étude comportaient mandat de payer des honoraires de négociation à cette société ACI Partner's,
- du montage complexe au terme duquel les SCI Senwest et la Boiserie (crédit-bailleur), deux jours avant les premières ventes du 27 décembre 2005, avaient été dissoutes par anticipation dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine à la Compagnie Financière des Érables, société de droit luxembourgeois, donc non redevable en France de droits fiscaux et n'offrant aucune garantie de solvabilité aux acquéreurs en cas de poursuites, étant observé que ce montage a été sanctionné par l'administration fiscale comme étant frauduleux et que le Trésor Public a inscrit son hypothèque légale sur les locaux de service à hauteur de plus de 5.000.000 € à la suite du redressement fiscal opéré ;
Ces anomalies, qui auraient dû être décelées par M. J... et dénoncées aux acquéreurs dans le cadre de son devoir de mis en garde, avaient pour effet inéluctable de paralyser le fonctionnement de la copropriété en cas de défaillance de l'exploitant, puisque les locaux de services, ayant le statut de lot privatif, échappaient au contrôle de la copropriété qui ne pouvait les gérer librement ; cette configuration a fait obstacle au renouvellement de la convention tripartite entre l'Agence Régionale de Santé, le Conseil général et l'exploitant et l'EHPAD a dû être placé sous administration provisoire en février 2010, après la défaillance de SENEX en 2008 ; les baux n'ont pu être renouvelés qu'avec une diminution de 29 % environ par rapport aux loyers servis par la société SENEX, le repreneur de l'exploitation imputant cette baisse de loyers au fait que les espaces communs de l'établissement (cuisines, salle de repos, cabinets médicaux) correspondant à un tiers de la superficie de l'immeuble, n'étaient pas détenus par les copropriétaires mais par une société offshore radiée et liquidée, ce qui avait pour conséquence de précariser la situation de l'exploitant, de faire obstacle au renouvellement de la convention tripartite et de rendre plus difficile l'exploitation, d'autant plus que la rentabilité de la reprise était affectée par la réduction du nombre de lits dépendant de l'EHPAD (30 sur 95), tous facteurs expliquant la baisse des loyers ; le rapport d'octobre 2011 de M. Jacques O..., mandaté par le groupe Santé Actions qui a repris l'exploitation, relate que la circonstance que les locaux de service soient détenus par un tiers aboutit à une décote de prés de 50 % de la valeur des lots ; c'est vainement que le notaire prétend que l'inclusion des locaux de service dans des lots privatifs représentait l'avantage d'exonérer les acquéreurs des charges de copropriété alors que l'intégralité des charges de copropriété étaient dues par le preneur à bail ; à ce jour, les appelants n'ont pu revendre leur bien mais sont en cours de négociation avec une société Bel Age pour les céder au prix global de 9,09 millions € au lieu des 14 millions € payés lors des acquisitions de 2005 et de 2006 ;
Il suit de ces éléments que les manquements du notaire à son devoir de conseil et de mise en garde ont fait perdre aux acquéreurs une chance de ne pas acquérir des lots dans la résidence ou de n'en offrir qu'un moindre prix, eussent-t-ils connu, d'une part, le défaut d'exigibilité des honoraires dus à la société ACI Partner's, d'autre part, les risques attachés à cette opération qu'ils croyaient rentable et qui s'est révélée largement déficitaire tout en dévalorisant les lots litigieux ;
Toutefois, pour apprécier l'importance de la perte de chance subie, il convient de constater que le mauvais entretien de l'immeuble, qui a contribué à la dévalorisation des lots sur le marché, est la conséquence de la mauvaise gestion de la société SENEX et ne ressortait pas à la responsabilité de M. J... ; en effet, il résulte également du rapport O... que « la mauvaise gestion de l'exploitant précédent (notamment au niveau de l'entretien des locaux) a entraîné une baisse progressive des demandes et a conduit le Conseil Général à limiter la capacité de l'accueil. Ainsi l'EHPAD, lequel compte 65 lits, n'a été autorisé à en exploiter que 45. Cette situation a été connue du public et la résidence Les Jardins de la Clairière a souffert d'une mauvaise réputation » ;
En conséquence, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté les consorts X... et autres de leurs demandes indemnitaires dirigées contre M. J... pour manquement à ses devoirs de conseil et de mise en garde, la Cour, statuant à nouveau, condamnera ledit notaire à payer les indemnités suivantes aux appelants :
à M. X... : 46.868,96 €,
à la société Almont : 43.999,50 €,
à la société Arbet : 59.193,29 €,
à la société Baboon : 50.566,29 €,
à la société Baynvest : 45.406,34 €,
à la société Berafred : 50.566,29 €,
à la société Blanche Neige et les 7 Laux : 57.779,06 €,
à la société Bmarip : 50.566,29 €,
à la société Chalimmo : 47.470,50 €,
à la société Chaluto : 43.739,67 €,
à M. Jacques Z... : 50.566,29 €,
à M. A... : 46.868,96 €,
à la société Corpas : 50.566,29 €,
à M. B... : 42.086,34 €,
à la société Duo : 42.086,34 €,
à la société Elpemavi : 50.566,29 €,
à la société Figuière Invest : 50.566,29 €,
à M. C... : 42.086,34 €,
à la société JPLR : 50.566,29 €,
à la société Kahlou : 50.566,29 €,
à la société Kalyste : 59.193,29 €,
à la société Legau : 55.568,84 €,
à la société Lemaître : 45.406,34 €,
à la société LTP : 59.193,29 €,
à la société Marengo : 42.086,34 €,
à la société Medelis : 47.470,50 €,
à M. et Mme E... : 67.912,13 €,
à la société MJDB : 59.193,29 €,
à la société Platdarre : 67.912,13 €,
à la société Popeye : 47.470,50 €,
à M. et Mme G... : 50.566,29 €,
à M. et Mme Q... : 50.566,29 €,
à la société UNSARL : 50.566,29 €,
à la société Valimmo : 46.868,96 €,
à M. et Mme I... : 46.868,96 €,
avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
En équité, M. J... sera condamné à payer aux consorts X... et autres, ensemble, une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté les consorts X... et autres de leurs demandes dirigées contre M. J... pour défaut de devoir de conseil et de mise en garde,
Statuant à nouveau,
Condamne M. J... à payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
à M. X... : 46.868,96 €,
à la société Almont : 43.999,50 €,
à la société Arbet : 59.193,29 €,
à la société Baboon : 50.566,29 €,
à la société Baynvest : 45.406,34 €,
à la société Berafred : 50.566,29 €,
à la société Blanche Neige et les 7 Laux : 57.779,06 €,
à la société Bmarip : 50.566,29 €,
à la société Chalimmo : 47.470,50 €,
à la société Chaluto : 43.739,67 €,
à M. Jacques Z... : 50.566,29 €,
à M. A... : 46.868,96 €,
à la société Corpas : 50.566,29 €,
à M. B... : 42.086,34 €,
à la société Duo : 42.086,34 €,
à la société Elpemavi : 50.566,29 €,
à la société Figuière Invest : 50.566,29 €,
à M. C... : 42.086,34 €,
à la société JPLR : 50.566,29 €,
à la société Kahlou : 50.566,29 €,
à la société Kalyste : 59.193,29 €,
à la société Legau : 55.568,84 €,
à la société Lemaître : 45.406,34 €,
à la société LTP : 59.193,29 €,
à la société Marengo : 42.086,34 €,
à la société Medelis : 47.470,50 €,
à M. et Mme E... : 67.912,13 €,
à la société MJDB : 59.193,29 €,
à la société Platdarre : 67.912,13 €,
à la société Popeye : 47.470,50 €,
à M. et Mme G... : 50.566,29 €,
à M. et Mme Q... : 50.566,29 €,
à la société UNSARL : 50.566,29 €,
à la société Valimmo : 46.868,96 €,
à M. et Mme I... : 46.868,96 €,
Le condamne à payer aux consorts X... et autres ensemble la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. J... aux dépens de première instance et d'appel afférents à sa mise en cause et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,