La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2018 | FRANCE | N°16/03690

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 13 avril 2018, 16/03690


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2







ARRET DU 13 AVRIL 2018



(n°69, 9 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03690



Décision déférée à la Cour : jugement du 11 décembre 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°13/08929







APPELANTE





S.A.R.L.

FILMS SANS FRONTIERES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 324 007 509



Représentée pa...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 13 AVRIL 2018

(n°69, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03690

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 décembre 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°13/08929

APPELANTE

S.A.R.L. FILMS SANS FRONTIERES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 324 007 509

Représentée par Me Boris KHALVADJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 2492

Assistée de Me Boris KHALVADJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 2492 substituant Me Gildas ANDRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Mme [W] [T]

Née le [Date anniversaire 1] 1942 à [Localité 1] (Zaïre)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP JEANNE BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque L 0034

Assistée de Me Jean-Marc MOJICA plaidant pour le Cabinet MOJICA, avocat au barreau de PARIS, toque E 457

MM. [C] [K] [M], [X] [M], [C] [A][U] [M], [A] [M], pris en leur qualité d'héritiers de [C] [E] [M], décédé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ITALIE

N'ayant pas constitué avocat

Société DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM)

Société civile, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Assignée à personne habilitée et n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 8 février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Véronique RENARD, Conseillère

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Par défaut

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

[D] [T] était auteur et réalisateur de films parmi lesquels le long métrage intitulé 'Quatre nuits d'un rêveur', ci-après dénommé le «film», tourné en 1970 et diffusé en salles en France en 1971.

Ce film issu d'une coproduction franco-italienne a été immatriculé au registre public de la Cinématographie et de l'audiovisuel (RPCA) le 18 aout 1970 sous le n°37643.

[D] [T] est décédé le [Date décès 1] 1999 laissant comme ayant droit son épouse Mme [W] [T].

[D] [T] a par contrat du 25 avril 1970, inscrit au RPCA le 18 aout 1970, cédé ses droits d'auteur à titre exclusif pour les territoires du monde entier et pour une durée de quinze ans, à compter de la première représentation du film ou au plus tard à compter du 1er janvier 1971, à la société italienne Idi Cinématografica, alors dirigée par [C] [M], moyennant le paiement de la somme de 112.500 francs.

La société Idi Cinématografica a par contrat du 27 avril 1970, inscrit au RPCA le 18 aout 1970, rétrocédé ses droits à une société italienne Il Film Dell'Orso en contrepartie d'une somme de 200.000 francs, laquelle a rétrocédé à son tour le bénéfice du contrat de cession de droits de [D] [T], à la société Victoria Films, qui en est devenue titulaire le 4 juillet 1970.

La société italienne Il Film Dell'Orso et la société française Victoria films ont par ailleurs conclu le 25 juin 1970, un contrat de coproduction du film.

Mme [T] a constaté l'annonce de la diffusion, en janvier 2013, du film en France et en Belgique par la chaine Ciné + Classic, laquelle lui a indiqué détenir ses droits de la société Films Sans Frontières (ci-après FSF) suivant un contrat du 17 septembre 2012.

Pourtant Mme [T] qui avait été sollicitée par la société FSF en juin 2012, pour exploiter le film avait refusé cette offre en juillet 2012,

La société FSF a dénié à Mme [T] la titularité des droits d'auteur, au visa d'un document du 30 juin 1970, dont l'authenticité est contestée par Mme [T], aux termes duquel [D] [T] aurait cédé pour 50 ans, les mêmes droits à la société Idi Cinématografica. Ce contrat a été inscrit au RPCA par [C] [M] le 03 octobre 2003.

[W] [T] a également constaté l'inscription au RPCA le 22 mai 2012 sous le n°2012-8406 I d'un contrat entre [C] [M] et la société FSF, portant autorisation d'exploiter le film pendant cinq ans, sur certains territoires, alors que [C] [M] ne détient selon elle aucun droit sur le film.

Par actes des 12 et 13 juin 2013, [W] [T] a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris, la société FSF et [Personne physico-morale 1].

La procédure a été dénoncée à la Société des Auteurs, Compositeurs, Éditeurs de Musique (ci après SACEM), aux fins de déclaration de jugement commun, par acte du 30 octobre 2014.

L'affaire a été plaidée devant le tribunal de grande instance le 30 mars 2015 qui a été informé en cours de délibéré du décès de [C] [M] survenu le [Date décès 2] 2015.

Après avoir réouvert les débats sur le seul point de la conséquence sur la procédure de ce décès, le tribunal a rendu le 11 décembre 2015 un jugement contradictoire au terme duquel il :

Déclare [W] [T] recevable à agir en sa qualité d'ayant droit de [D] [T],

Dit que la société FSF et [Personne physico-morale 1] en procédant à l'exploitation du film 'Quatre Nuits d'Un Rêveur', sans l'autorisation de l'ayant droit de [D] [T], ont commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur,

Dit le contrat du 30 juin 1970 conclu entre [D] [T] et la société Idi Cinématografica inscrit au RCPA sous le n°2003-10581 I, dépourvu de valeur juridique,

Déclare [W] [T] irrecevableà poursuivre la nullité du contrat du 30 avril 2012 conclu entre la société FSF et [Personne physico-morale 1], inscrit au RPCA sous le n°2012-8406 I,

Condamne in solidum la société FSF et [Personne physico-morale 1] à payer à [W] [T] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 20.000 euros pour l'indemnisation de son préjudice matériel,

Ordonne aux défendeurs de cesser à compter du prononcé de la présente décision, l'exploitation directe ou concédée du film 'Quatre Nuits d'Un Rêveur', sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par infraction constatée, quinze jours après la signification du présent jugement,

Ordonne aux défendeurs d'avoirà préciserà première demande, l'énumération et le lieu où se trouve le matériel, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé le délai de huit jours après la signification du jugement et autorise la confiscation au profit de la demanderesse, des copies du film, détenus par les défendeurs et/ ou leurs distributeurs et/ ou licenciés,

Dit n'y avoir lieuà publication de la décision,

Désigne [W] [T] en qualité de mandataireà l'exploitation du film 'Quatre Nuits d'Un Rêveur', dans les territoires du groupe français, pour le compte de qui il appartiendra,

Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires prétentions,

Condamne in solidum la société FSF et [Personne physico-morale 1] aux dépens,

Condamne in solidum la société FSF et [Personne physico-morale 1] payerà [W] [T] une indemnité pour frais irrépétibles de 6.000 euros,

Autorise Me Mojica, avocat, à recouvrer directement contre les défendeurs, ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision,

Ordonne l'exécution provisoire,

Déclare le jugement communà la SACEM.

Par acte déposé au greffe, la société Films sans frontières (ci-après dénommée « FSF ») a interjeté appel de la décision le 9 février 2016, avec pour intimé Mme [T], le SACEM et M. [M] pourtant décédé.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2016, la société FSF demande à la cour de :

In limine litis

Infirmer la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 11 décembre 2015 en ce qu'il a déclaré que Madame [T] disposait de la qualitéà agir au titre de sa qualité d'héritière réservataire et de légataire universelle de [D] [T] ;

S'y substituant :

Dire et juger que Madame [T] n'a pas qualité pour agir en contrefaçon ;

Dire et juger que l'assignation initiale de Madame [T] est nulle ;

En conséquence,

Déclarer irrecevable l'action de Madame [T] ;

A titre principal

Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il n'a pas reconnu à Madame [T] des droits producteur ou celui de se prévaloir du mandat «intuitu personae» consentià son défunt mari.

L'infirmer dans toutes ses autres dispositions,

S'y substituant :

Constater que les contrats signés par [D] [T] sont valables ;

Dire et juger que les contrats du 30 juin 1970 et du 30 avril 2012 inscrits au RPCA le 22 mai 2012 sous le n°2012.8406I sont tous deux valables ;

Dire et juger que [C] [E] [M] était titulaire de droits d'exploitation exclusifs sur le film « Quatre nuits d'un rêveur » en vertu du contrat du 30 juin 1970 pour une durée de 50 ans ;

Dire et juger que [C] [E] [M] était au surplus titulaire de droits d'exploitation exclusifs sur le film « Quatre nuits d'un rêveur » en sa qualité de producteur du film suivant contrat du 25 avril 1970 ;

Dire et juger que la société FSF est titulaire de droits d'exploitation exclusifs sur le film « Quatre nuits d'un rêveur » en vertu du contrat du 30 avril 2012 pour une durée de 5 ans ;

Constater la bonne foi de la société FSF ;

Dire et juger que la société FSF n'a commis aucun fait de contrefaçon ;

En conséquence,

Débouter Madame [T] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Condamner Madame [T] verserà la Société FSF la somme de 15.000 € en réparation du préjudice économique subi ;

Condamner Madame [T] à verser à la société FSF la somme de 7.000 € au titre du préjudice moral subi ;

Condamner Madame [T] à verser à la société FSF la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Subsidiairement

Constater l'absence de tout fondement et de justification des préjudices dont se prévaut Madame [T] ;

Dire et juger que le préjudice dont se prévaut Madame [T] devra être ramené à de plus justes proportions et l'évaluer en conséquence ;

En tout état de cause et infiniment subsidiairement

Condamner la succession [M] à relever et garantir la société FSF de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2017, Mme [T] demande à la cour de :

Déclarer la société FSF mal fondée en son appel ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que la société FSF et [Personne physico-morale 1] en procédant à l'exploitation du film « Quatre nuits d'un rêveur », sans l'autorisation de l'ayant droit de [D] [T], ont commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que le contrat daté du 30 avril 2012 et inscrit au RPCA le 22 mai 2012 sous le n° 2012.8406 I est dépourvu de valeur juridique ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné in solidum [C] [E] [M] et la société FSF à payer à Madame [W] [T] la somme provisionnelle de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de ses droits patrimoniaux sur le Film « Quatre nuits d'un rêveur »;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné in solidum [C] [E] [M] et la société FSFà payer à Madame [W] [T], la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonné, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par infraction constatée, la cessation de l'exploitation du Film « Quatre nuits d'un rêveur » par [C] [E] [M] et/ou la société FSF ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonnéà [C] [E] [M] et à la société FSF, sous astreinte de 300 € (trois cent euros) par jour de retard, d'avoir à préciser à premier demande l'énumération et le lieu où se trouve le matériel, et autorisé la confiscation au profit de la Madame [T] des copies du Film « Quatre Nuits d'Un Rêveur » détenus par les [Personne physico-morale 1] et.ou la société FSF et/ou leurs distributeurs et/ou licenciés ;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a désigné Madame [W] [T] es qualité de mandataireà l'exploitation du film « Quatre Nuits d'Un Rêveur » dans les territoires du Groupe Français, pour le compte de qui il appartiendra ;

Infirmer pour le surplus le jugement attaqué

Statuant à nouveau

Prononcer la nullité du Contrat du 30 avril 2012 conclu entre [C] [A][E] [M] et la société FSF, inscrit au RPCA sous le numéro 2012-8406 I

Ordonner, sous astreinte qu'il plaira à la Cour fixer, la publication du dispositif de la décisionà intervenir dans trois journaux dans la limite de 5.000 euros par publication et aux frais de [Personne physico-morale 1] et FSF, ainsi que pendant une période continue de 2 mois sur la page d'accueil du site internet de FSF dont l'adresse URL est http://www.films-sans- frontieres.fr, en caractères de taille 12, dans un encadré en bas de première page écran sans mention ajoutée ;

Dire que dans ce même délai, la page supportant le texte de la publication ordonnée fera apparaître, par le biais d'une icône et sous le titre « communiqué judiciaire », l'existence dudit communiqué, lequel devra être directement accessible par un lien à toute personne consultant l'article en cause, et ce tant que l'article auquel ce communiqué se rapporte demeurera lui-même en ligne ;

Condamner in solidum Monsieur [M] et FSF à payer à Madame [W] [T] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner in solidum Monsieur [M] et FSF aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'affaire avait été clôturée et fixée pour être plaidée le 28 octobre 2016, date à laquelle il est apparu que l'affaire n'était pas en état pour être jugée pour défaut de mises en cause des héritiers de [C] [M].

La procédure était dénoncée à Messieurs [M] [C] [U], [M] [C] [K], [M] [A] et [M] [X] qui ne constituaient pas d'avocat,

La SACEM ne constituait pas non plus d'avocat.

L'ordonnance de clôture était prononcée le 12 octobre 2017.

MOTIFS

Sur la qualité à agir de Mme [T]

La société FSF reconnaît à Mme [T] un droit moral sur l''uvre'Quatre Nuits d'Un Rêveur' de son mari et ne lui conteste pas le droit d'agir à ce titre.

En revanche, elle soutient que Mme [T] n'a pas qualité à agir au titre des droits patrimoniaux sur l''uvre «Quatre nuits d'un rêveur» que ce soit au titre des droits issus de la chaîne «auteur», ou de la chaîne «producteur».

Elle soutient que [D] [T] a cédé ses droits d'auteur par un contrat conclu le 30 juin 1970 pour une durée de 50 ans au profit de la société Idi Cinématografica, ledit contrat n'ayant été ni annulé, ni attaqué pour faux.

Mme [T] conteste tout validité et tout effet à ce contrat et rappelle que si [D] [T] a bien consenti des droits à la société Idi Cinématografica c'était par un contrat du 25 avril 1970, inscrit au RPCA le 18 août 1970 et que ce contrat qui n'avait d'effet que pour une durée convenue de 15 ans à compter de la première représentation du film ou au plus tard à compter du 1er janvier 1971 a pris fin le 31 décembre 1985.

La cour constate qu'il est ainsi présenté aux débats deux contrats selon lesquels [D] [T] cède ses droits d'auteurs sur le film à la société Idi Cinématografica dans des termes équivalents mais l'un consenti le 25 avril 1970 pour une durée de 15 ans et le second consenti le 30 juin 1970 pour une durée de 50 ans.

Par le premier contrat, dont la validité n'est contestée par aucune partie et qui a fait l'objet d'une publicité au RCPA dès le 18 aout 1970, [D] [T] cède ses droits patrimoniaux d'auteur.

Sur le fondement de cette cession, la société Idi Cinématografica a par contrat du 27 avril 1970, inscrit au RPCA le 18 aout 1970, rétrocédé ses droits à une société italienne Il Film Dell'Orso qui les a ensuite rétrocédés à son tour à la société Victoria Films.

Dès lors, force est de constater qu'au 30 juin 1970, [D] [T] n'était plus titulaire des droits patrimoniaux sur l''uvre qui étaient à cette date détenus par la société Il Film Dell'Orso.

De plus le contrat allégué en date du 30 juin 1970 n'a pas été à l'époque inscrit au RCPA et ne l'a été que 33 ans plus tard.

Ainsi, le contrat du 30 juin 1970 n'a pu produire d'effet quant à une éventuelle cession de droits d'auteurs et [D] [T] est redevenu le 31 décembre 1985 titulaire des droits qu'il avait cédés pour 15 ans.

Mme [T] a donc qualité à agir au titre des droits d'auteur, tant moral que patrimonial, sur l''uvre 'Quatre nuits d'un rêveur', depuis le décès de son mari et il doit être retenu qu'elle ne fonde son action que sur ceux-ci et non sur le droit du producteur qu'il n'y a pas lieu dès lors d'examiner.

Sur la contrefaçon

Conformément aux dispositions de l'article L335-3 du code de la propriété intellectuelle, la reproduction, représentation ou diffusion par quelque moyen que ce soit d'une 'uvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur constitue un contrefaçon.

La société SFS se prévaut du contrat d'autorisation d'exploitation qui lui a été consenti le 30 avril 2012 par [C] [M].

Or, il n'est pas contesté que ni [D] [T], ni Mme [T] n'ont jamais donné d'autorisation à [C] [M] ou à la société FSF de reproduire, représenter ou diffuser le film et le débat relatif aux effets du contrat du 30 juin 1970 ci-dessus tranché aurait tout au plus permis de reconnaître des droits à la société Idi Cinématografica mais non à son gérant [C] [M].

Mme [T] reproche à la société FSF la diffusion du film à Toronto au Canada en février 2012 et au Japon en décembre 2012.

Le tribunal a retenu à juste titre qu'il n'était pas justifié de ce que les faits commis au Canada en février 2012 soient imputables à la société FSF et la cour constate qu'il en est de même pour les faits commis au japon, le jugement sera infirmé sur ce point.

En revanche, la cour dispose d'éléments suffisants pour imputer à la société FSF l'exploitation du film réalisée sur la chaîne Ciné + en France et en Belgique en 2013.

Sur les demandes formées par Mme [T]

A titre préliminaire, la cour observe que Mme [T] n'a pas régulièrement dénoncé ses conclusions ni régulièrement formé de demandes à l'encontre de la succession de [C] [M].

Dès lors il ne pourra être prononcé à son profit aucune condamnation à l'encontre des héritiers de M. [Q][M].'article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »

Le tribunal a fixé à la somme de 20 000 euros au titre du préjudice matériel et 10 000 euros au titre du préjudice moral la réparation due à Mme [T] qui en demande la confirmation.

Pour autant, la cour constate que Mme [T] n'a jamais manifesté le souhait de céder les droits de représentation de l''uvre depuis le décès de son mari et ne justifie dès lors d'aucun manque à gagner.

Elle subit en revanche un préjudice moral du fait des diffusions du film auxquelles elle s'était opposée.

La somme octroyée par le tribunal sera au vu des éléments de la procédure diminuée et fixée à la somme totale de 10 000 euros seulement au titre de la contrefaçon.

Mme [T] demande à la cour de prononcer la nullité du contrat du 30 avril 2012 conclu entre la société FSF et [Personne physico-morale 1], inscrit au RPCA sous le n° 2012-8406 I.

Le jugement mérite cependant confirmation en ce qu'il l'a jugée irrecevable à poursuivre la nullité du contrat conclu entre [C] [M] et la société FSF, Mme [T] étant tiers à celui-ci.

Les mesures d'interdiction et de confiscation prononcées par le tribunal seront confirmées dans les termes du dispositif. Les autres demandes formées par Mme [T] seront rejetées.

Sur les demandes formées par la société FSF

La société FSF ne peut reprocher à Mme [T] de l'avoir empêchée d'exercer les droits d'exploitation qu'elle a acquis de [C] [M], ce dernier ne pouvant lui concéder des droits qu'il n'avait pas.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes formées par la société FSF à l'encontre de Mme [T].

La société FSF forme par ailleurs une demande tendant à voir «condamner la succession [M] à (la) relever et à (la) garantir de toutes de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ».

Cependant, une telle demande formée à l'encontre d'une entité dépourvue de la personnalité morale « la succession [M] » et non à l'encontre de personne physique ou morale dénommée ne peut prospérer.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société SFS et [Personne physico-morale 1] aux dépens de la première instance et à la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société FSF sera également condamnée aux dépens d'appel et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles engagés devant la cour d'appel par Mme [T], comme il sera précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

déclaré Mme [T] recevable à agir,

dit que la société Films Sans Frontières (FSF) et [Personne physico-morale 1] en procédant à l'exploitation du film 'Quatre Nuits d'Un Rêveur', sans l'autorisation de Mme [T], ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur,

Dit le contrat du 30 juin 1970 conclu entre [D] [T] et la société Idi Cinématografica inscrit au RCPA sous le n°2003-10581 I, dépourvu de valeur juridique,

Déclaré Mme [T] irrecevable à poursuivre la nullité du contrat du 30 avril 2012 conclu entre la société Films Sans Frontières (FSF) et [Personne physico-morale 1], inscrit au RPCA sous le n°2012-8406 I,

Ordonné à la société Films Sans Frontières (FSF) de cesser à compter du prononcé de la présente décision l'exploitation directe ou concédée du film 'Quatre Nuits d'Un Rêveur', sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par infraction constatée, sauf à dire que l'astreinte commencera à courir quinze jours après la signification du présent arrêt,

Ordonné aux défendeurs d'avoir à préciser à première demande l'énumération et le lieu où se trouve le matériel, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé le délai de huit jours après la signification du jugement et autorisé la confiscation au profit de la demanderesse, des copies du film détenues par les défendeurs et/ ou leurs distributeurs et/ou licenciés,

Dit n'y avoir lieu à publication de la décision,

Débouté la société Films Sans Frontières (FSF) de ses demandes,

Condamné in solidum la société Films Sans Frontières (FSF) et [Personne physico-morale 1] aux dépens de première instance,

Condamné in solidum la société Films Sans Frontières (FSF) et [Personne physico-morale 1] à payer à Mme [T], une indemnité pour frais irrépétibles de 6.000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance,

Autorisé Me Mojica, avocat, à recouvrer directement contre les défendeurs les dépens conformément à l'article 699du Code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus et y ajoutant et substituant :

Condamne la société Films Sans Frontières (FSF) à payer à Mme [T], la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice du fait de la contrefaçon retenue,

Déboute Mme [T] et la société Films Sans Frontières (FSF) de leurs demandes formées en cause d'appel à l'encontre de M. [M] décédé ou de sa succession,

Condamne la société Films Sans Frontières (FSF) à payer à Mme [T], une indemnité de 6.000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société Films Sans Frontières (FSF) à supporter les dépens d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/03690
Date de la décision : 13/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°16/03690 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-13;16.03690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award