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13/04/2018 | FRANCE | N°15/05833

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 13 avril 2018, 15/05833


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 13 AVRIL 2018



(n°68, 13 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05833



Décision déférée à la Cour : jugement du 16 janvier 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°13/07066







APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES

INCIDENTES





S.A.S. KNOLL INTERNATIONAL, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]

Immatriculée au rcs de Paris sous le n...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 13 AVRIL 2018

(n°68, 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05833

Décision déférée à la Cour : jugement du 16 janvier 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°13/07066

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S.A.S. KNOLL INTERNATIONAL, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 334 069 457

Société KNOLL INC, société de droit américain, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

Corporation Trust Company

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

[Adresse 2]

ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Représentées par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque K 0065

Assistées de Me Dariusz SZLEPER, avocat au barreau de PARIS, toque R 17

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.S. MOBILIER ET TECHNIQUES D'ORGANISATION PRODUCTIVE (MTOP) - société en liquidation judiciaire, prise en la personne de son mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire, la S.E.L.A.R.L. EMJ, elle-même représentée par Me [S] [Y] - ayant son siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 3]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 315 855 270

S.E.L.A.R.L. EMJ, représentée par Me [S] [Y], prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.S. MOBILIER ET TECHNIQUES D'ORGANISATION PRODUCTIVE (MTOP)

[Adresse 4]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 451 953 392 00045

Représentées par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assistées de Me Mélina WOLMAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 127

Société MATRIX INTERNATIONAL SRL, société de droit italien, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 5]

ITALIE

Représentée par Me Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque B 653

Assistée de Me David LEFRANC plaidant pour la SELARL LEFRANC & ASSOCIES, avocat au barreau d'ARRAS

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 14 février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Véronique RENARD, Conseillère

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit américain Knoll Inc et sa filiale française, Knoll International (ci-après les sociétés Knoll), qui fabriquent et distribuent du mobilier, notamment du mobilier contemporain haut de gamme indiquent, que [K] [B], designer architecte américain d'origine finlandaise leur a cédé les droits patrimoniaux d'exploitation à titre exclusif sur une chaise et un fauteuil dénommés 'Tulip' qu'il a créés en 1957.

Elles exposent que la société Mobilier et Techniques d'Organisation Productive (ci-après la société MTOP), spécialisée dans le mobilier et l'aménagement intérieur, a remporté un appel d'offre publié le 9 juillet 2012 par la chambre de commerce et d'industrie d'Amiens-Picardie portant sur la fourniture de 80 chaises devant être, d'après le cahier des clauses techniques particulières, 'similaires ou équivalents aux fauteuils existants Ref Tulipe de Knoll'.

Dûment autorisée par ordonnance présidentielle du 16 avril 2013, les sociétés Knoll ont fait procéder le 18 avril 2013 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la chambre de commerce et d'industrie d'Amiens-Picardie, établissant que la société MTOP avait livré à cet établissement 80 chaises reproduisant les caractéristiques de la chaise Tulip qu'elle avait acquises auprès de la société de droit italien Matrix International SRL, (ci-après la société Matrix) avant de faire assigner selon acte d'huissier du 30 avril 2013 la société MTOP devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir notamment une mesures d'interdiction.

Par ordonnance en date du 2 octobre 2013, le juge des référés a rejeté les demandes des sociétés Knoll.

Les sociétés Knoll ont par ailleurs fait établir le 26 avril 2013, un constat d'huissier sur le site internet de la société Matrix qui a confirmé que celle-ci commercialisait un modèle de chaise et de fauteuil sous les références 'SA04" et 'SA05" reproduisant selon elles les caractéristiques originales de la chaise et du fauteuil Tulip.

C'est dans ces conditions qu'après avoir fait citer la société MTOP en référé, les sociétés Knoll ont, selon acte d'huissier du 16 mai 2013, fait assigner cette dernière en contrefaçon de droits patrimoniaux d'auteur et en concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Paris.

La société Matrix est intervenue volontairement à l'instance le 30 juillet 2013.

La société MTOP a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 14 octobre 2013 et en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 17 février 2015. Les sociétés Knoll ont déclaré leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire le 6 janvier 2014.

Par jugement contradictoire du 16 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que la chaise et le fauteuil Tulip créés par [K] [B] ne sont pas protégeables en France au titre du droit d'auteur,

- dit que les société MTOP et Matrix International n'ont commis au préjudice des sociétés Knoll Inc et Knoll International ni acte de concurrence déloyale ni acte de parasitisme,

- rejeté en conséquence l'ensemble des demandes des sociétés Knoll Inc et Knoll International,

- dit qu'en déclarant au passif de la société MTOP une créance d'un montant disproportionné, les société Knoll Inc et Knoll International ont commis une faute engageant leur responsabilité,

- condamné in solidum ces sociétés à verser à la société MTOP une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- rejeté le surplus des demandes reconventionnelles,

- condamné in solidum les sociétés Knoll Inc et Knoll International à payer au titre de l'article 700 code de procédure civile une somme de 15. 000 euros à la société Matrix et une somme de 5.000 euros à la société MTOP,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision.

Les sociétés Knoll ont interjeté appel du jugement par déclaration au greffe en date du 17 mars 2015.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2018, auxquelles il est expressément renvoyé, les sociétés Knoll demandent à la cour de :

- déclarer irrecevables et en tout cas non fondées les sociétés MTOP et la Selarl E.M.J. (anciennement MB ASSOCIES) représentée par maître [S] [Y], ès qualités de liquidateur de ladite société et la société Matrix en leur appel incident et en toutes leurs demandes et les en débouter,

- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

En conséquence,

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 janvier 2015 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger qu'en important, vendant, offrant à la vente et commercialisant des chaises reproduisant les caractéristiques des 'modèles' de chaises de la collection Tulip, la société MTOP et la société Matrix se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon des droits patrimoniaux d'auteur de la société Knoll Inc,

- dire et juger que les sociétés MTOP et Matrix se sont rendues coupables, en commercialisant sur le territoire national sous le nom Tulip et en utilisant pour cette commercialisation le nom d'[K] [B], des chaises et des fauteuils constituant la copie servile des fauteuils et de chaises des sociétés Knoll, en créant un risque de confusion entre les produits qu'elles ont commercialisés et les produits de la gamme Tulip et en créant une association entre ses activités et celles de la société Knoll d'actes de concurrence déloyale et parasitaire,

En conséquence,

- interdire à la société MTOP et la société Matrix d'importer, de vendre ou d'offrir à la vente, de commercialiser, reproduire et représenter toute chaise reprenant les caractéristiques des modèles de chaise de la collection Tulip à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, et ce sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

- ordonner la destruction, sous contrôle d'huissier, de tous modèles ainsi que tous documents promotionnels comportant la reproduction des modèles de chaise Tulip, aux frais de la SELARL E.M.J représentée par maître [S] [Y], ès-qualités de liquidateur de la société MTOP et de la société Matrix, solidairement, sous les quinze jours de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,

- ordonner la communication de tous documents ou informations détenus par la société MTOP, la Selarl E.M.J représentée par maître [S] [Y], ès qualités de liquidateur de la société MTOP et la société Matrix afin d'évaluer le préjudice subi par la société Knoll Inc du fait de la contrefaçon de droit d'auteur et de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des chaises contrefaisant les modèles de la collection Tulip, et notamment ' les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, les quantités produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées ainsi que le prix obtenu pour ces produits,

- ordonner à la société MTOP, à la Selarl E.M.J représentée par maître [S] [Y] es- qualités du liquidateur de la société MTOP et à la société Matrix de leur communiquer, par écrit et sous une forme appropriée (divisés en trimestres de l'année calendaire), les documents comptables certifiés par un expert-comptable indiquant l'étendue des actes de contrefaçon précités commis par la société MTOP et la société Matrix depuis le lancement des modèles référencés S04 et S05, en indiquant précisément

- les livraisons individuelles (avec présentation des factures et des bons de livraison) indiquant :

- les quantités livrées, les dates de livraison et les prix,

- les marques des produits pertinents et tous les éléments d'identification des produits, tels que la désignation, le nom de l'article et le numéro de série du produit,

- les nom et adresse des clients des défenderesses,

- les offres individuelles (avec présentation des offres écrites) indiquant :

- les quantités offertes, les dates et les prix,

- les marques des produits pertinents et tous les éléments d'identification des produits, tels que la désignation, le nom de l'article et le numéro de série du produit,

- les nom et adresse des clients des défenderesses,

- les coûts par produit conformément aux différents facteurs et les bénéfices réalisés,

- les noms et adresses des fabricants, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs, accompagnés à chaque fois de la mention des quantités de produits fabriquées, reçues et commandées, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la date de la signification de la décision à intervenir,

- condamner la selarl E.M.J représentée par maître [S] [Y] ès-qualités de liquidateur de la société MTOP et la société Matrix à payer solidairement à la société Knoll Inc la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi du fait des actes de la contrefaçon de droit d'auteur,

- condamner la selarl E.M.J. représentée par maître [S] [Y], ès-qualités de liquidateur de la société MTOP et la société Matrix à leur payer solidairement la somme de 100.000 euros (cinquante mille euros) (sic) à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi par elles du fait des actes de concurrence déloyale,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans quatre journaux ou périodiques ou revues de leur choix et aux frais de la Selarl E.M.J. représentée par maître [S] [Y], ès-qualités de liquidateur de la société MTOP et la société Matrix, solidairement et ce à titre de complément de dommages et intérêts, dans la limite de 5.000 euros H.T par publication,

- ordonner la publication de l'intégralité de la décision à intervenir, sous la forme d'un document PDF reproduisant l'entière décision et accessible par un lien hypertexte apparent situé en page d'accueil du site internet de la société MTOP, quelles que soient les adresses permettant d'y accéder, et notamment l'adresse www.MTOP.fr, et la société Matrix, quelles que soient les adresses permettant d'y accéder, et notamment l'adresse www.matrixinternational.it, titre du lien étant, dans la langue appropriée :

'La société MTOP et la société Matrix ont été condamnées pour contrefaçon des droits d'auteur des sociétés Knoll sur les modèles de chaises de la collection TULIP' en caractères noirs sur fond blanc, dans une police de taille vingt au moins, pendant une période ininterrompue de 6 mois et ce, dans un délai de huit jours à compter de la signification du prononcé de la décision à intervenir sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,

- débouter la SELARL E.M.J représentée par maître [S] [Y], ès-qualités de liquidateur de la société MTOP et la société Matrix de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner la SELARL E.M.J représentée par maître [S] [Y], ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société MTOP et la société Matrix à leur payer solidairement la somme de 50.000 euros, outre les frais de la saisie-contrefaçon, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement la SELARL E.M.J représentée par maître [S] [Y], ès- qualités de liquidateur de la société MTOP et la société Matrix en tous les dépens, qui seront directement recouvrés par leur conseil, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2018, auxquelles il est également expressément renvoyé, la société Matrix demande à la cour de :

- constater, dire et juger que le comportement procédural des sociétés Knoll est constitutif d'un changement de position (en droit, qui a été de nature à induire en erreur la société Matrix sur leurs intentions, en particulier en soutenant, avant de se rétracter en appel, l'éviction de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 du fait d'une contrariété prétendue avec le principe européen de non-discrimination en fonction de la nationalité),

- dire et juger irrecevable la partie de l'appel des sociétés Knoll relative à la contrefaçon de droits d'auteur,

A défaut,

- constater qu'il n'existe sur le sol français aucune protection en vigueur de la chaise et du fauteuil 'Tulip' créées par le designer américain [K] [B], tant du point de vue du droit d'auteur que du point de vue des dessins et modèles,

- constater que la société Knoll Inc n'est, au mieux, qu'un licencié de droits éteints,

- constater que la société Knoll International n'a pas qualité à agir en contrefaçon,

- dire et juger l'appel des sociétés Knoll mal fondé,

- débouter les sociétés Knoll de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale exercée par les sociétés Knoll et de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts au titre de la procédure abusive engagée contre elle par les sociétés Knoll,

Et statuant à nouveau

- dire et juger que les sociétés Knoll ont agi en justice aux fins d'évincer la société Matrix du marché français des chaises 'Tulip' créées par [K] [B],

- dire et juger que les sociétés Knoll ont commis des actes de concurrence déloyale à son égard,

- condamner solidairement les sociétés Knoll à lui payer de ce chef la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance de développer les ventes de chaises 'Tulip' en France,

- condamner subsidiairement les sociétés Knoll à lui payer de ce chef la somme de 20.000 euros au titre de l'atteinte à l'image de marque résultat des opérations de saisie-contrefaçon pratiquées au siège de la chambre du commerce et de l'industrie d'Amiens le 18 avril 2013,

- dire et juger que les sociétés Knoll ont engagé et conduit la présente procédure de manière déloyale et dans l'intention de lui nuire,

- dire et juger que les sociétés Knoll ont fait dégénérer leur droit d'agir en justice en abus,

- condamner solidairement les sociétés Knoll à payer à la société Matrix, sur le fondement de l'article 32-1 code de procédure civile la somme de 100. 000 euros à titre d'indemnité pour procédure abusive,

- condamner solidairement les sociétés Knoll à lui payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4.000 euros au titre des frais de rédaction du certificat de coutume du Professeur [G] [J] du 15 mars 2016 produit en cause d'appel et la somme de 3.000 euros relativement à la rédaction du complément du 25 septembre 2017 produit en cause d'appel,

- condamner solidairement les sociétés Knoll à lui payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 50.000 euros au titre des frais de conseil engagés en cause d'appel,

- condamner solidairement les sociétés Knoll aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire,

- débouter les sociétés Knoll de l'intégralité de leurs demandes d'interdiction, de destruction, de publication et de communication de documents,

- réduire à de plus juste proportions les demandes provisionnelles indemnitairesdes sociétés Knoll,

- limiter en toute hypothèse de telles demandes en fonction du seul dommage lié au territoire français,

- renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Paris pour débattre de l'évaluation du préjudice et leur conserver le double degré de juridiction sur cet aspect de la procédure.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 août 2015, auxquelles il est expressément renvoyé, la société MTOP et maître [S] [Y] ès-qualités de liquidateur judiciaire, demandent à la cour de :

- déclarer maître [S] [Y], selarl EMJ, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société MTOP recevable à agir dans le cadre de la présente instance,

- constater la reprise d'instance par maître [S] [Y], Selarl EMJ, es qualité de liquidateur judiciaire de la société MTOP,

- déclarer maître [S] [Y], Selarl EMJ, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société MTOP, partie à la procédure,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à maître [S] [Y], Selarl EMJ, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société MTOP,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes des sociétés Knoll International et Knoll Inc, ces dernières ne justifiant pas du bénéfice de la protection du droit d'auteur français sur les chaises litigieuses en application de l'article 2.7 de la Convention de Berne.

-débouté les sociétés Knoll International et Knoll Inc de l'intégralité de leurs demandes,

- débouté les sociétés Knoll International et Knoll Inc de l'intégralité de leurs demandes au titre d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

En conséquence,

- débouter les sociétés Knoll de l'ensemble de leurs demandes,

- dire et juger que les chaises litigieuses dites Tulip créées par [K] [B] ne sont pas protégeables par le droit d'auteur français,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que les sociétés Knoll ne démontrent pas être titulaires desdits droits d'auteur sur lesdites chaises,

A titre reconventionnel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les sociétés Knoll avaient agi abusivement en gonflant de manière disproportionnée le passif de la société MTOP,

- l'infirmer en ce qu'il n'a accordé que la somme de 15.000 euros au titre de cet abus et statuant à nouveau, condamner solidairement les sociétés Knoll la somme de 200.000 euros au titre du gonflement abusif du passif de la société MTOP,

- condamner solidairement les sociétés Knoll à leur payer la somme de 50.000 euros pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Knoll Inc et Knoll International à leur payer la somme de 50.000 euros pour concurrence déloyale vis-à-vis de MTOP,

- condamner solidairement les sociétés Knoll Inc et Knoll International à leur payer la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de leur conseil conformément aux dispositions de l'article 699du Code de procédure civile .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que l'intervention à agir dans le cadre de la présente instance de maître [S] [Y], Selarl EMJ, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société MTOP, désigné à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 17 février 2015 n'est pas contestée pas plus que la reprise d'instance par lui ni la déclaration de créance des sociétés Knoll ; que maître [S] [Y], Selarl EMJ, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société MTOP, est donc partie à la procédure sans qu'il y ait lieu de le constater et l'arrêt à intervenir lui est nécessairement commun ;

Sur la recevabilité de l'appel des sociétés Knoll relatif à la contrefaçon de droits d'auteur

Considérant que les sociétés Knoll revendiquent des droits patrimoniaux d'auteur au profit de la société Knoll Inc sur un fauteuil et une chaise de la collection Tulip créés par [K] [B] en 1956, ainsi décrits :

- le fauteuil, comme la chaise Tulip, se composent d'une coque monobloc de couleur blanche qui assure tout à la fois l'assise, le dossier et les accoudoirs, l'ensemble étant placé

sur un pied,

- l'assise présente une forme sensiblement rectangulaire,

- la partie inférieure de l'assise du fauteuil est ourlé d'un rebord qui s'élève de chaque côté en s'évasant légèrement pour former le pilier de l'accoudoir, puis s'étend horizontalement pour former la surface d'appui de cet accoudoir,

- ce rebord se relie ensuite en s'évasant très largement sur une surface sensiblement triangulaire jusqu'au sommet du dossier,

- la face verticale du dossier de la chaise et du fauteuil présente une forme très sensiblement trapézoïdale se rétrécissant vers le haut,

- sa partie supérieure se termine par une ligne horizontale sensiblement incurvée,

- le piètement est constitué d'une seule tige s'élevant à partir d'un large socle circulaire et venant s'élargir et s'appliquer sous la surface inférieure de la coque,

- ses lignes sont adoucies et ne présentent aucune saillie, ce qui s'harmonise parfaitement avec la forme adoucie de la coque,

- les fauteuils et les chaises présentent un contraste entre la couleur de la coque et de la tige, la plupart du temps, blanches et celle de la galette posée sur l'assise, de couleur foncée, le plus souvent rouge écarlate ;

Considérant que la société Matrix fait valoir que la partie de l'appel des sociétés Knoll relative à la contrefaçon de droits d'auteur est irrecevable eu égard, d'une part, à la contradiction de droit existant dans leur argumentaire et, d'autre part, au défaut de qualité à agir de la société Knoll Internationnal ; qu'elle explique que les sociétés Knoll ont sollicité devant le tribunal l'application du droit d'auteur français sans revendiquer l'application des dispositions de l'article 2 § 7 de la Convention de Berne, et que le fait qu'elles discutent devant la cour les conditions de l'application de ces dispositions et partant, la protection dans le pays d'origine des créations d'[K] [B], témoigne de leur mauvaise foi qui rend leur action irrecevable ;

Considérant toutefois, qu'en vertu des dispositions de l'article 563 du Code de procédure civile les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge ; qu'il en résulte que la fin de non recevoir invoquée en premier lieu par la société Matrix, qui n'a pas été induite en erreur sur les intentions des appelantes, ne peut prospérer et que 'l'appel' des sociétés Knoll, et plus vraisemblablement les demandes en contrefaçon de droits d'auteur, sont recevables ;

Considérant par ailleurs, qu'aux termes du dispositif des dernières écritures des appelantes, et ce, malgré des motifs contraires, seule la société américaine Knoll Inc agit en contrefaçon de droits d'auteur, ce que reconnaît finalement la société Matrix dans ses propres écritures ; qu'il n'y a donc pas lieu 'd'en déduire que les sociétés Knoll acquiescent à la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre de l'action en contrefaçon de la société Knoll International' mais de dire que la fin de non recevoir invoquée par la société Matrix est sans objet ;

Sur la protection des meubles revendiqués

Considérant que la série de meubles 'pedestal' dont dépend le fauteuil et la chaise revendiqués a été créée par [K] [B], d'origine finlandaise mais de nationalité américaine depuis 1940, avant le 1er mars 1957, et vraisemblablement au cours de l'année 1956, et a été divulguée aux Etats Unis ;

Que la détermination de la loi applicable résulte donc d'une règle de conflit de lois énoncée à l'article 2.7 de la Convention de Berne, ce qui n'est plus contesté en cause d'appel par les appelantes, et la mise en oeuvre de ces dispositions oblige donc la cour à interroger la loi du pays d'origine, soit en l'espèce celle des Etats Unis d'Amérique sur le copyright, avant de pouvoir déterminer si les appelantes peuvent bénéficier en France de la protection par le droit d'auteur revendiquée ;

Considérant que selon l'article 2.7 de la Convention de Berne :

II est réservé aux législations des pays de l'Union de régler le champ d'application des lois concernant les oeuvres des arts appliqués et les dessins et modèles industriels, ainsi que les conditions de protection de ces 'uvres, dessins et modèles, compte tenu des dispositions de l'article 7.4) de la présente Convention.

Pour les 'uvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d'origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l'Union que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles ; toutefois, si une telle protection spéciale n'est pas accordée dans ce pays, ces 'uvres seront protégées comme 'uvres artistiques' ;

Qu'il en résulte, d'une part, la liberté pour chaque membre de l'Union d'organiser la protection des 'uvres d'art appliqué et de se prévaloir ou non d'un cumul possible du droit d'auteur avec celui des dessins et modèles, et d'autre part, une règle de conflit de loi, qui fait varier la loi applicable en fonction du régime de la création dans le pays d'origine de l''uvre ;

Qu'il convient donc de rechercher en l'espèce si les Etats-Unis protègent les sièges litigieux au titre du droit d'auteur, auquel cas la loi applicable au bénéfice de la protection est la loi française sur le droit d'auteur dès lors que la protection est réclamée en France, ou si au contraire les Etats-Unis protègent uniquement les sièges revendiqués au titre des dessins et modèles, auquel cas ceux-ci ne peuvent bénéficier que de cette protection spéciale en France ;

Considérant que les parties livrent chacune une interprétation divergente du droit américain du copyright, équivalent du droit d'auteur, les sociétés Knoll soutenant que le fauteuil et la chaise Tulip bénéficient d'une telle protection au titre du copyright américain et les sociétés Matrix et MTOP affirmant au contraire qu'ils ne bénéficient d'aucune protection à ce titre ;

Que les sociétés Knoll ont notamment produit aux débats une lettre-contrat en date du 2 mai1957 entre [K] [B] et Knoll Associates Inc, un contrat en date du 25 avril 1968 entre les ayants droit de [B] et Knoll Associates Inc, une attestation du 3 juillet 2013 d'une avocate américaine reproduisant en annexe les pièces précitées, un rapport du professeur [W] [V] du 20 novembre 2015 suivi de deux certificats de coutume des 2 octobre 2016 et 21 novembre 2017, tandis que la société Matrix, à laquelle s'associe la société MTOP, a également notamment versé aux débats un certificat de coutume du professeur [G] [J] en date du 24 juillet 2013 reproduisant en annexe la jurisprudence américaine et suivi d'un courrier du 5 septembre 2013, d'un complément du 9 juin 2014 et d'un 2ème certificat de coutume du 15 mars 2016, une consultation d'un conseil en propriété industrielle français, des extraits du Catalog of Copyright Entries américain pour la période antérieure à 1978 ainsi qu'une mise à jour du certificat de coutume du professeur [J] intégrant un arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis rendu le 22 mars 2017 ;

Considérant que ces éléments permettent à la cour de connaître le contenu de la loi américaine et ses modalités d'application et de décider si les fauteuils et chaises créés par [K] [B] et revendiquées par les sociétés Knoll sont au non protégeables par le droit américain sur le copyright, et ce sans qu'il y ait lieu de procéder à une comparaison formelle des opinions qui ont été versées aux débats à l'initiative de chacune des parties ou de se prononcer sur les compétences respectives des consultants ;

Considérant que confronté à un objet utilitaire, le droit américain du copyright exclut sa protection, sauf s'il existe dans cet objet des éléments artistiques séparables qui pourraient être considérés en eux-mêmes comme des oeuvres picturales, graphiques ou sculpturales, et dans ce cas la protection ne s'étendra qu'à ces éléments ; que la question qui se pose est donc celle de savoir en l'espèce si la chaise et le fauteuil revendiqués peuvent être considérés comme des 'articles utiles' sans éléments esthétiques séparables et donc relevant exclusivement du domaine des dessins et modèles aux Etats-Unis ;

Que selon les sociétés Knoll, les sièges litigieux présentent des caractéristiques purement artistiques et esthétiques telles que le piètement constitué d'une seule tige s'étirant à partir d'un socle circulaire pour venir s'élargir et s'appliquer sous la surface inférieure de la coque, le contraste de couleur entre la coque blanche et la galette (rouge ou bleue) posée sur l'assise, et les courbes du fauteuil dont les formes évoquent, en fonction de la perspective du regard de l'observateur, la forme d'une bouche féminine, la forme de tulipe ou encore la forme d'un calice ou de verre à pied ; qu'elles indiquent que tous ces éléments parfaitement esthétiques sont manifestement conceptuellement séparables et fonctionnellement indépendants du rôle utilitaire d'un fauteuil ou d'une chaise, qui n'est autre que de permettre à une personne de s'asseoir ;

Considérant toutefois, que la forme intégrale d'une chaise ou d'un fauteuil ne peut être considérée comme une oeuvre picturale, graphique ou sculpturale dès lors qu'elle est étroitement liée à sa fonction ; que la forme de la chaise et du fauteuil Tulip, certes guidée par les principes du design moderne choisis par [K] [B], ne sera en effet pas perçue autrement que comme étant celle d'une chaise ou d'un fauteuil, aucun élément esthétique séparable n'existant, étant ajouté que même si le piètement pouvait être séparé du siège, il n'en resterait pas moins une partie utilitaire pour soutenir celui-ci, tout comme l'assise ou le dossier qui sont destinés à permettre précisément à l'utilisateur de s'asseoir ; que les sièges sont eux-mêmes monochrome, seul le coussin qui en constitue l'accessoire, au demeurant ajouté par rapport aux dessins et modèles américains, étant de couleur contrastée ;

Que dès lors aucun élément artistique ne peut être imaginé séparément des chaises Tulip, considérées en tout ou en parties, de manière à ce qu'il puisse être protégé à part entière comme une 'uvre picturale, graphique ou sculpturale par le copyright américain contrairement à ce que soutient le Professeut [W] [V] ;

Que ces considérations sont confortées par les design patents n°181.945 et 181.946 de 1958 produits par les sociétés Knoll ainsi que par le brevet d'invention n°2 939 517 portant sur la chaise et dans lequel la forme même de la chaise Tulip est revendiquée, tout comme celle du piedestal et de la coquille, [K] [B] invoquant l'effet technique de l'évasement et les avantages pratiques associés à la forme de l'assise ; que le brevet explique en effet pourquoi la forme du piédestal de la chaise constitue la meilleure solution pour diffuser la pression du poids de l'utilisateur de la chaise, l'aspect évasé du piédestal aux points de contact avec le sol et le siège y étant souligné, et expressément revendiqué (revendications 1 et 5) ; que la forme du siège (la coquille) y est décrite et fait également l'objet de la 6ème revendication ; qu'ainsi le brevet sollicité et obtenu le 7 juin 1960 démontre, tant au travers de la description que de ses revendications, que les choix esthétiques de [K] [B] sont étroitement liés à la fonction de la chaise Tulip ;

Considérant que la portée des revendications ne contredit pas le caractère utilitaire du design de la chaise comme le soutient le Pr [V] dès lors que la chaise Tulip, telle que commercialisée sur le marché, correspond à cette description même s'il peut exister quelques différences ;

Qu'il convient d'ajouter que selon la traduction libre mais non contestée des design patents produite par les intimées, le déposant a indiqué 'Les traits caractéristiques de mon design résident dans la partie signalée par le biais de lignes pleines sur le dessin. Je revendique : l'aspect ornemental pour une chaise ou assimilée, essentiellement comme je l'ai illustré et décrit' alors que l'intégralité de la forme de la chaise et du fauteuil est signalée en lignes pleines sur le dessin, et que s'agissant du brevet, il est indiqué (colonne 3 page 2), 'Quand la coque et la colonne sont assemblées, il en résulte une unité visuelle (unité de design) qui procure le sentiment que les deux éléments vont de pair et sont, en réalité les parties d'un tout unitaire' ;

Qu'au surplus, il n'existe pas d'enregistrement de copyright par l'auteur alors qu'à l'époque de la création des chaises Tulip, la loi américaine alors en vigueur exigeait de déposer une 'uvre auprès de l'office compétent pour bénéficier de cette protection, et d'ailleurs les contrats produits par les sociétés Knoll ne mentionnent aucun copyright, la 'licence' du 2 mai 1957, dont la copie versée aux débats comporte au demeurant des mentions rajoutées qui accréditent l'existence d'un avenant sous forme de lettre du 1er mars 1962 qui lui n'est pas produit, ne visant en son article 4 que les 'brevets d'invention' et les 'brevets de design' tandis que le contrat du 24 avril 1968 énumère limitativement les titres de propriété industrielle concernés par la licence ;

Considérant que ces éléments ont permis au professeur [J], qui rappelle que le législateur américain a élevé au rang d'exemple archétypique celui de la forme d'une chaise par essence non séparable de sa fonction, de conclure utilement que les chaises Tulip (et donc les fauteuils Tulip) ne sont pas protégées au titre du copyright américain car ils ne satisfont pas aux conditions de protection de celui-ci ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la loi du pays d'origine des chaises Tulip ne protège pas celles-ci au titre du copyright mais ne leur accorde qu'une protection au titre du droit spécial des dessins et modèles ;

Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement du 16 janvier 2015 en ce qu'il a dit que la chaise et le fauteuil 'Tulip' créés [K] [B] ne sont pas protégeables en France au titre du droit d'auteur ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu'aux termes du dispositif de leurs dernières écritures devant la cour, les sociétés Knoll reprochent aux sociétés MTOP et Matrix d'avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en commercialisant sur le territoire national, sous le nom Tulip et en utilisant pour cette commercialisation le nom d'[K] [B], des chaises et des fauteuils constituant la copie servile des fauteuils et de chaises qu'elles commercialisent elles-mêmes, créant ainsi un risque de confusion avec les produits de la gamme Tulip et une association entre (leurs) activités et celles de 'la société Knoll' ;

Qu'elles expliquent plus précisément que les sièges incriminés reproduisent servilement les 'modèles' Knoll, qu'ils reprennent la combinaison des couleurs blanche et le rouge, que toute la gamme a été reprise, soit les fauteuils et les chaises, que la 'marque d'usage' Tulip qu'elles utilisent depuis 1957 pour commercialiser les meubles créés par [B] a également été reprise, tout comme le nom du créateur, dans le but de tromper la chambre du commerce et de l'industrie d'Amiens sur la qualité des produits qui lui ont été livrés et de profiter de leur notoriété ; qu'elles ajoutent au titre du parasitisme que les produits litigieux étaient destinés à renouveler et à compléter les salles de la CCI d'Amiens, et qu'en répondant à l'appel d'offre de cette dernière, les sociétés intimées ont nécessairement profité, sans bourse délier, de leurs efforts d'investissement et de marketing pour se placer dans leur sillage ;

Considérant qu'un modèle qui n'est pas protégé par un droit privatif peut être librement reproduit, sauf en cas de faute, notamment par la création d'un risque de confusion ;

Que la société Matrix commercialise les fauteuils litigieux sous les références 'SA04' et 'SA05' ; que la dénomination 'Tulip' est le titre d'une création d'[K] [B] dont le nom est associé à l'histoire du design ; qu'enfin les appelantes ne peuvent s'approprier l'association des couleurs blanche et rouge particulièrement usuelles dans le domaine de l'ameublement ;

Qu'enfin la CCI d'Amiens, non partie à la procédure, et qui peut être considérée comme faisant partie du public averti, a passé commande de '80 fauteuils de bureau qui doivent être équivalents ou similaires aux fauteuils existants : réf TULIP KNOLL' , fauteuils dont elle était déjà en possession et dont le prix est largement supérieur à ceux commandés ; que la société MTOP a répondu à cet appel d'offre sans faire elle-même référence aux sièges Knoll ;

Qu'il résulte de ces éléments qu'aucune faute découlant de la reproduction des fauteuils incriminés n'est établie par les appelantes et que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande formée au titre de la concurrence déloyale ;

Considérant par ailleurs, qu'il est constant que les agissements parasitaires sont constitués par l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit sans bourse délier, de ses efforts et investissements et de son savoir-faire;

Qu'en l'espèce, les sociétés Knoll, qui se bornent à énoncer dans leurs dernières écritures que 'le besoin de la CCI d'Amiens a donc nécessairement résulté de leurs efforts d'investissement opérés depuis le lancement de la ligne Tulip, référence de perfection de la forme moderne parmi les créations utilitaires (sic)' ne produisent aucun document de nature à corroborer leurs prétentions émises au titre du parasitisme, dès lors qu'elles ne communiquent aucune information sur les investissements, qu'ils soient financiers ou intellectuels, qu'elles consacreraient précisément aux produits concernés par le présent litige ;

Que le jugement doit donc également être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes émises au titre du parasitisme ;

Sur les demandes incidentes

Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol ;

Que les sociétés intimées seront déboutées de leurs demandes à ce titre faute de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire de la part des appelantes qui ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour leur défense ;

Considérant d'autre part, que ni la société Matrix ni la société MTOP ne justifient de leurs demandes en concurrence déloyale autrement que par le caractère prétendument abusif de l'action des sociétés Knoll et partant de leurs demandes d'indemnisation tant au titre de la perte de chance de développer ses ventes en France, au demeurant non certaine, qu'au titre de l'atteinte à son image de marque s'agissant de la société Matrix, que de celle formée en réparation d'un préjudice qualifié de considérable sans aucun justificatif ni sur le principe ni sur le quantum de la somme qui est réclamée, s'agissant de la société MTOP ;

Que par ailleurs, le caractère abusif de la procédure des sociétés Knoll n'ayant pas été retenu, la déclaration de créance des sociétés Knoll au passif de la société MTOP, qui présente un caractère obligatoire, ne peut pas plus être qualifiée d'abusive ; que le jugement doit donc être infirmé de ce chef ;

Considérant que les sociétés Knoll, qui succombent, doivent être condamnées aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile pour ceux concernant la société MTOP ;

Qu'enfin tant la société Matrix que la société MTOP ont dû engager des frais non compris dans les dépens, notamment ceux de rédaction de certificats de coutume, qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables les demandes relatives à la contrefaçon de droits d'auteur.

Confirme le jugement rendu le 16 janvier 2015 entre les parties par le tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a dit qu'en déclarant au passif de la société Mobilier et Techniques d'Organisation Productive (MTOP) une créance d'un montant disproportionné, les société Knoll Inc et Knoll International ont commis une faute engageant leur responsabilité, et condamné de ce chef in solidum ces sociétés à verser à la société Mobilier et Technique d'Organisation Productive (MTOP) une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Statuant dans cette limite et y ajoutant,

Déboute la société Mobilier et Techniques d'Organisation Productive (MTOP) de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts.

Condamne in solidum les sociétés Knoll Inc et Knoll International à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, d'une part, une somme de 25.000 euros à la société Matrix International et, d'autre part, la somme totale de 10.000 euros à la société Mobilier et Techniques d'Organisation Productive (MTOP) et à maître [S] [Y], es-qualités de liquidateur de ladite société, ensemble.

Déclare sans objet ou mal fondé le surplus des demandes.

Condamne in solidum les sociétés Knoll Inc et Knoll Internationnal aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile pour ceux concernant la société Mobilier et Techniques d'Organisation Productive (MTOP).

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/05833
Date de la décision : 13/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°15/05833 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-13;15.05833 ?
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