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11/04/2018 | FRANCE | N°14/25463

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 11 avril 2018, 14/25463


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 11 AVRIL 2018



(n° 9 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25463



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/18036





APPELANT



Monsieur [P] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Béné

dicte FLORY de l'AARPI DIXHUIT BOETIE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0756, avocat postulant

Assisté de Me Hugo PETIT, de L'AARPI DIXHUIT BOETIE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0756, avocat plaid...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 11 AVRIL 2018

(n° 9 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25463

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/18036

APPELANT

Monsieur [P] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bénédicte FLORY de l'AARPI DIXHUIT BOETIE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0756, avocat postulant

Assisté de Me Hugo PETIT, de L'AARPI DIXHUIT BOETIE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0756, avocat plaidant

INTIMEE

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée par Me Cécile SANDOZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E0957, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Marie SAUTERAUD, Présidente de la chambre

M. Pierre DILLANGE, Président de chambre

Mme Sophie- Hélène CHATEAU, Conseillère

qui en ont délibéré, sur un rapport présenté à l'audience par Monsieur Pierre DILLANGE dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Anne-Marie SAUTERAUD, président et par Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI, greffier présent lors du prononcé.

****

Par assignation du 12 décembre 2013, [P] [A] a demandé, au visa des articles 226-10, 226-11 du code pénal, et 1382 du code civil, qu'il soit dit que la Caisse d'Allocations familiales d'Ile de France ( ci-après CAF) est l'auteur d'une dénonciation calomnieuse à son égard, subsidiairement la dire responsable de diffusion de fausses informations et, en tout état de cause, sa condamnation à lui payer les sommes de 500000 € à titre de dommages et intérêts et de 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La défenderesse a opposé en premier lieu l'irrecevabilité de la demande en raison de l'autorité de la chose jugée, au titre d'un arrêt de la cour de céans en date du 4 juillet 2013. Au fond, elle a conclu au débouté du demandeur en l'absence d'intention de nuire ou d'une faute de sa part. Reconventionnellement, elle a sollicité la condamnation de [P] [A] à lui payer les sommes de 20000 € eu égard au caractère diffamatoire de son action et de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 19 novembre 2014, la 17ème chambre civile du tribunal de grande instance de Paris a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, débouté [P] [A] de ses demandes, débouté la CAF de sa demande reconventionnelle, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le demandeur aux dépens.

Ce dernier a relevé appel de cette décision le 17 décembre 2014.

[P] [A] a rappelé devant le tribunal, qu'à l'initiative de la CAF, il a été l'objet de poursuite du chef d'escroquerie pour la perception indue d'allocations logement et d'allocations familiales, faute d'avoir indiqué qu'il n'habitait plus le logement de la [Adresse 3], au titre duquel il percevait les premières et ainsi que d'avoir également omis d'indiquer que son ancienne concubine mère de deux enfants ' dont l'un commun ' pour lesquels il aurait perçu les secondes, vivait à l'étranger.

Un arrêt définitif de cette cour en date du 4 juillet 2013 l'a relaxé.

Il a précisé que seule son ex-concubine était allocataire des sommes litigieuses, ce que ne pouvait ignorer la CAF qui a donc agi à son égard en toute mauvaise foi, dans la seule intention de lui nuire. Par ailleurs, ce litige a été évoqué sur FOX NEWS sous le titre : « France ' Un fonctionnaire de l'ONU bien rémunéré s'est frauduleusement approprié des prestations sociales françaises », alors qu'il venait lui-même d'être embauché pour deux ans par l'ONU, qui a immédiatement résilié ce contrat.

Il estime que l'état de fait ci-avant rappelé ne pouvait être ignoré de la CAF, alors que partie des sommes en cause intéressait un enfant qui n'était pas le sien, d'où la dénonciation calomnieuse alléguée. Il a encore reproché à la défenderesse d'être à l'origine de l'information de la presse américaine et donc des conséquences sur sa vie professionnelle de cette « révélation ».

Sur la fin de non recevoir, le premier juge a constaté que la décision visée à ce titre par la CAF est relative à la relaxe de [P] [A] et que, si elle est un moyen de son action, elle est néanmoins totalement distincte de celle-ci, dont la juridiction pénale n'a pas été saisie. Les dispositions de l'article 1351 du code civil ne sauraient donc recevoir application en l'espèce.

Après avoir rappelé les éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse, le tribunal a relevé que la décision de relaxe dont se prévaut le demandeur est fondée sur la constatation qu'il habitait toujours à titre principal son domicile de [Adresse 1], en dépit de courtes missions à l'étranger, et que les demandes d'allocations qu'il a effectuées en 2006 ont bien été faites au profit de son ex-compagne, qu'ainsi nulle omission d'informer ne pouvait lui être imputée.

Cependant, le premier juge a estimé que si ces éléments caractérisaient bien la fausseté des faits à l'origine de la poursuite, il ne pouvait être établi que la CAF avait connaissance de leur inexactitude au temps de leur dénonciation, puisqu'à la suite des demandes faites par le demandeur lui-même et que les sommes en cause auraient été versées sur son propre compte à partir de 2007. Aussi, un manque de prudence ou de vigilance de la défenderesse dans l'exercice de ces poursuites serait insuffisante pour établir sa connaissance du mal fondé de celles-ci.

En second lieu, le tribunal a considéré que n'était pas rapportée la preuve que la CAF ait été à l'origine de l'information de la presse américaine, n'étant pas seule détentrice de ces informations communiquées, notamment à [O] [C], ex-concubine du demandeur qui a saisi la CNIL en 2009 pour en obtenir communication.

Le tribunal a fondé son rejet de la demande de la CAF, sur le principe d'immunité protégeant les discours et écrits produits devant les tribunaux et sur l'absence de caractère abusif de l'action du demandeur en regard de la relaxe dont il a bénéficié et de la légèreté de la CAF dans l'engagement des poursuites.

Devant la cour, l'appelant sollicite dans le dernier état de ses écritures l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée. II a repris sa demande indemnitaire sur les mêmes fondements et demande la condamnation de la CAF à lui payer 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La CAF, qui a renoncé au moyen d'irrecevabilité initialement soulevé, a conclu à la confirmation du débouté de l'appelant. Elle-même maintient au titre d'un appel incident sa demande indemnitaire de 20 000 € fondée sur l'atteinte à son image entraînée par l'appel, selon elle abusif, de [P] [A]. Outre la condamnation de ce dernier aux dépens, elle a demandé sa condamnation à lui payer les sommes de 3000 € au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi que 5000 € au même titre en cause d'appel.

SUR CE,

Sur les demandes de [P] [A],

L'appelant principal rappelle que les poursuites dont il a été l'objet ont eu pour origine une dénonciation de la CAF et que cette poursuite s'est conclue par une relaxe définitive qui établit l'inexactitude des faits dénoncés. A ces éléments objectifs, non contestés, il ajoute que la CAF avait connaissance du caractère inexact des faits dénoncés, il se fonde sur un courrier de l'intimée en date du 9 juin 2009, adressé à Mme [C], indiquant qu'elle serait la seule allocataire des prestations sociales auxquelles elle pouvait prétendre. Ce point étant confirmé dans le courrier du 3 décembre 2013 adressé par la CAF à la CNIL, précisant que lui-même n'avait pas la qualité d'allocataire. Il affirme que si l'intimée s'est tournée vers lui, c'était pour s'épargner le coût et la complexité d'un recours contre une allocataire résidant à l'étranger.

Il était par ailleurs acquis qu'il ne pouvait être le bénéficiaire de l'intégralité des prestations sociales versées à son ex-concubine, puisqu'ils n'ont eu qu'un enfant commun.

Il ne cachait pas néanmoins que ces éléments survenaient dans le contexte d'une séparation difficile. L'appelant affirme que la CAF ne pouvait ignorer ce contexte, alors qu'il est par nature étranger aux prestations servies à différents titres.

Il rappelait encore que la dénonciation au Parquet de son escroquerie supposée est intervenue sans que l'intimée ait pris la peine de l'interroger.

C'est enfin la communication par la CAF à FOX NEWS qui lui a causé le principal préjudice, puisqu'il entraînait son licenciement.

L'intimée a décrit plus précisément l'historique des faits en rappelant que c'était le 15 avril 2009 qu'[O] [C] s'est enregistrée à nouveau comme allocataire auprès de ses services, qu'à cette occasion elle signalait que depuis 2006 elle vivait avec ses enfants en République Dominicaine,tandis que son compagnon résidait à New-York depuis 2004, et n'occupait qu'occasionnellement son appartement parisien.

C'est à partir de ces éléments que la CAF tentait d'une part de récupérer des sommes supposées indument versées et dénonçait les faits au Parquet. La cour pour relaxer définitivement [P] [A] relevait que le mensonge ne suffisait pas à constituer une escroquerie, faute de la démonstration de man'uvres frauduleuses étayant celui-ci. Il n'en demeurait pas moins selon elle que c'était à juste titre qu'elle avait engagé une procédure de recouvrement des sommes qu'elle considérait comme indument perçues par l'appelant et ses ayants-droit, puis qu'elle déposait plainte notamment au vu des informations qu'elle recevait du fait de l'ex-concubine de celui-ci. Elle rappelait qu'à la suite de son signalement, puis de sa plainte, le renvoi de [P] [A] devant le tribunal intervenait à la requête du procureur de la République de Paris. L'analyse qui conduisait à la relaxe définitive du prévenu ne caractérisait en rien une volonté de sa part de nuire à ce dernier, ni même une connaissance a priori du mal fondé de sa plainte. La CAF faisait encore observer que l'appelant n'avait pas jugé utile de poursuivre son ancienne compagne dont les révélations sont à l'origine de sa propre plainte.

L'intimée fait encore valoir que la gestion de son dossier d'allocataire par [P] [A] est à tout le moins anormale, et aurait pu justifier devant la chambre pénale qui l'a relaxé une requalification en fausse déclaration à une administration publique, ce qui fonde encore sa bonne foi lors de sa déclaration initiale. Il sera à ce titre renvoyé aux explications de la CAF quant aux notions «d' allocataire » et « d'attributaire », qui auraient été en l'espèce méconnues par l'appelant, la cour n'étant néanmoins pas saisie de ce contentieux éventuel.

Elle rappelle encore et établit que si elle n'a pas recueilli les explications de l'appelant, c'est parce que celui-ci n'a jamais répondu à ses sollicitations en ce sens. Aucune faute ne saurait donc lui être imputée. La CAF relève encore que le préjudice revendiqué par l'appelant est sans relation avec les missions très ponctuelles qu'il aurait effectuées pour l'ONU, ainsi qu'avec ses revenus déclarés pour les années 2011 et 2012, infiniment plus modestes que les pertes allèguées. Surtout, elle relève qu'elle n'est nullement à l'origine des informations diffusées sur FOX NEWS, alors que celles-ci étaient connues principalement par [O] [C] et de la mère de celle-ci, après qu'elles ont sollicité la CNIL.

La cour constatera, qu'effectivement se trouvent à l'origine de l'action de la CAF, tant en répétition de sommes indues que d'une éventuelle escroquerie, les déclarations de l'ex-compagne de [P] [A]. Sans que la cour ait à trancher du bien fondé de ses demandes, il est pour le moins étonnant que [P] [A] ait sollicité en son nom des prestations qui ne lui étaient pas destinées, outre la question de la légitimité de son allocation logement parisienne. Ainsi l'enquête administrative, puis pénale dont [P] [A] a été l'objet, n'a rien d'illégitime. Par ailleurs, sans qu'il soit besoin d'apprécier le quantum du préjudice qu'a pu lui causer l'article de FOX NEWS, il n'est pas contestable que la CAF n'est pas à l'origine de cette information connue de la famille de l'appelant, à supposer qu'à l'initiative de cette chaîne de télévision l'intimée ait pu confirmer l'existence d'un contentieux l'opposant à l'appelant.

Sur la demande reconventionnelle de la CAF,

Celle-ci estime que l'action de [P] [A] aurait nui à son image d'organisme social, au centre de l'action duquel se trouve la notion de solidarité. A ce titre, l'appelant a seulement allégué du mal fondé de cette demande.

Il sera constaté que, même si l'action de [P] [A] est mal fondée, il n'est pas établi que ce contentieux, qui n'a pas connu de publicité en France a pu nuire à l'image de la CAF. Elle sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle.

La cour confirmera donc en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Il n'y a pas lieu, plus qu'en première instance à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties succombant en ses demandes, elles supporteront la charge de leurs propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 19 novembre 2014,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 14/25463
Date de la décision : 11/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C7, arrêt n°14/25463 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-11;14.25463 ?
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