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05/04/2018 | FRANCE | N°16/09198

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 05 avril 2018, 16/09198


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE [Localité 1]



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 05 AVRIL 2018



(n°2018 - 105 , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09198



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de [Localité 1] - RG n° 14/15005





APPELANTE



L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affecti

ons iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté et assisté à l'audience de Me Samuel m. FIT...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE [Localité 1]

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 05 AVRIL 2018

(n°2018 - 105 , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09198

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de [Localité 1] - RG n° 14/15005

APPELANTE

L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et assisté à l'audience de Me Samuel m. FITOUSSI de la SELARL de la Grange et Fitoussi Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R112

INTIMES

Madame [N] [M]

Née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée à l'audience de Me Stéphanie BUREL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0790

Monsieur [A] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ET

La MEDICAL INSURANCE COMPANY Limited, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de [Localité 1], toque : L0020

Assistés à l'audience de Me Clémence SERIES, de LACOEUILHE ET ASSOCIES, toque A105

SA SWISSLIFE PREVOYANCE SANTE Agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de [Localité 1], toque : L0050

RSI D'[Localité 2]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Défaillant, régulièrement avisé le 11 août 2016 par procès-verbal de remise à personne habilitée

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Défaillante, régulièrement avisée le 09 août 2016 par procès-verbal de remise à personne habilitée

Mutuelle APICIL

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Défaillante, régulièrement avisée le 04 août 2016 par procès-verbal de remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er mars 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***************

A la suite d'une chute intervenue en septembre 2010, Mme [N] [M] a présenté une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite avec lésion transfixiante du tendon du supra ' épineux, ainsi qu'une rupture partielle du tendon du long biceps.

Le 16 novembre 2010, une intervention par arthroscopie consistant en la réinsertion de la coiffe des rotateurs intéressant le muscle spinatus et une acromioplastie antéro-externe a été réalisée par le docteur [B] à l'Hôpital [Établissement 1] à [Localité 1].

Une chute de Mme [M] le 4 décembre 2010 a engendré un nouveau traumatisme de l'épaule droite, jusqu'alors immobilisée.

Dès lors, une nouvelle opération est intervenue le 11 janvier 2011 en raison de « la rupture et la désinsertion complète du tendon du supra épineux accompagnée d'une rupture franche verticale complète du tendon du sous épineux ainsi que d'une désinsertion du segment postéro supérieur du bourrelet glénoïdien ».

Il a été procédé à une réinsertion sous arthroscopie des muscles supra épineux et infra épineux droit avec ténotomie.

Les suites de l'opération laissant apparaître une raideur douloureuse persistante, une IRM et un arthroscanner ont permis de diagnostiquer la migration de l'ancre posée lors de la deuxième intervention et une nouvelle rupture du tendon du supra épineux.

Le 7 juin 2011, Mme [M] a subi une dernière opération en vue de retirer l'ancre

métallique migrante. Il a alors été procédé à la synovectomie arthroscopique et au débridement de la coiffe. Cette manipulation se révélant insuffisante, il a été nécessaire d'intervenir par conversion à ciel ouvert afin de réaliser la désinsertion du muscle sous scapulaire et à la réinsertion du muscle supra et infra spinatus, ce qui a alors permis d'ôter l'ancre métallique déplacée.

Mme [M] souffre actuellement de lésions de la coiffe des rotateurs ainsi que d'un membre pseudo-paralytique.

Par ordonnance du 8 février 2013, le juge des référés saisi par Mme [M] a fait droit à sa demande d'expertise et a désigné, en qualité d'expert, le docteur [U] [F].

L'expert a rendu son rapport définitif le 15 février 2014.

Par acte d'huissier du 9 octobre 2014, Mme [N] [M] a fait assigner le docteur [A] [B], son assureur, la société Medical Insurance Compagny Limited (MIC Ltd), l'ONIAM, le RSI de [Localité 1], la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), la société SwissLife et l'APICIL devant le tribunal de grande instance de [Localité 1] afin de voir condamner, à titre principal l'ONIAM, et à titre subsidiaire, l'ONIAM et le docteur [B] in solidum, à l'indemniser des préjudices subis, et déclarer le jugement à intervenir commun au RSI de [Localité 1], à la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), à la société SwissLife et l'APICIL.

Le 21 mars 2016, le tribunal de grande instance de [Localité 1] a rendu un jugement dont le dispositif est le suivant :

"Dit qu'il n'y a pas lieu à expertise complémentaire,

Dit que l'accident médical subi par Mme [M] n'engage pas la responsabilité des

professionnels de santé, et que son indemnisation relève de la solidarité nationale ;

Déboute Mme [M] et la société SWISS LIFE des demandes formulées contre le

Docteur [B] ;

Condamne en conséquence l'ONIAM à payer à Mme [M] la somme de :

- 182 642, 32 € en réparation des préjudices ci-dessous mentionnés :

- 4 409, 50 € au titre des frais divers,

- 2 953, 50 € au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

- 6 512, 64 € au titre des frais de véhicule adapté,

- 89 851, 68 € au titre de l'assistance permanente par tierce personne,

- 5 000 € au titre de l'incidence professionnelle,

- 2 422 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 8 000 € au titre des souffrances endurées,

- 56 560 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 3 000 € au titre du préjudice d'agrément,

- 3 933 € au titre du préjudice esthétique permanent,

avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

A la société Swiss Life la somme de 32 185 € au titre des indemnités journalières servies à Mme [M] avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de ses conclusions contenant la demande en paiement, cette somme s'imputant sur le poste perte de gain professionnel actuel comme indiqué dans les motifs qui précèdent ;

Déclare le présent jugement commun au RSI de [Localité 1], à la CARMF et à l'APICIL ;

Condamne l'ONIAM à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à me [M] la somme de 2 000 € et à la société Swiss Life la somme de 1 000 €,

Condamne l'ONIAM aux dépens (. . .) ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Rejette les autres demandes."

Par déclaration enregistrée le 21 avril 2016, l'ONIAM a interjeté appel de ce jugement.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2016, l'ONIAM demande à la cour, au visa des articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique et 1147 du code civil, de :

-Réformer le jugement déféré,

Statuant de nouveau,

Sur la condamnation de l'ONIAM à indemniser Mme [M] :

A titre principal :

-Dire que les conditions d'intervention de l'ONIAM ne sont pas réunies,

-mettre l'ONIAM hors de cause,

A titre subsidiaire :

-Ordonner une mesure d'expertise complémentaire, en désignant un collège d'experts exerçant les spécialités de chirurgien en orthopédie et de psychiatre,

A titre infiniment subsidiaire :

-Confirmer le jugement entrepris concernant l'assistance par tierce personne temporaire, la perte de gains professionnels actuels, l'incidence professionnelle, les souffrances endurées, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique permanent, le préjudice sexuel,

-pour le surplus, réduire les condamnations mises à la charge de l'ONIAM à de plus justes proportions,

Sur la condamnation de l'ONIAM à rembourser la société Swiss Life :

-Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a statué ultra petita, la société Swiss Life ne disposant d'aucun recours à l'encontre de l'ONIAM,

En toute hypothèse,

-condamner tout succombant à verser à l'ONIAM la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Fitoussi conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2016, Mme [M] sollicite de la cour, au visa de l'article L.1142-1 du code de la santé publique et de la loi du 21 décembre 2006, qu'elle :

-La juge recevable et bien fondée en son appel incident, ses demandes, fins et conclusions ;

-confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'accident médical dont elle a été victime relève de la solidarité nationale ;

-confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'ONIAM à l'indemniser de son entier préjudice ;

-déboute l'ONIAM, le docteur [B] et la MIC Ltd de toutes leurs demandes ;

-infirme le jugement entrepris s'agissant de l'indemnisation de ses préjudices corporels

et statuant à nouveau,

-condamne l'ONIAM à lui verser les sommes suivantes :

Au titre des dépenses de santé actuelles : Mémoire

au titre des frais divers : 4 409, 50 euros

au titre de la perte de gains professionnels temporaire : 17 995, 27 euros

au titre de la tierce personne temporaire : 10 359, 00 euros

au titre de l'aménagement du véhicule

A titre principal : 8 267, 47 €

A titre subsidiaire : 8 102, 64 €

au titre de l'incidence professionnelle : 40 000, 00 €

au titre de la tierce personne définitive :

A titre principal : 150 921, 20 €

A titre subsidiaire : 148 213, 70 €

au titre du déficit fonctionnel temporaire : 2 875, 00 €

au titre des souffrances endurées de 4/7 : 16 000, O0 €

au titre du déficit fonctionnel permanent fixe 28% : 56 560, 00 €

au titre du préjudice esthétique de 3/7 : 8 000, 00 €

au titre du préjudice d'agrément : 20 000, 00 €

au titre du préjudice sexuel : 5 000, 00 €

Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

3 500, 00 €

Subsidiairement,

-la juge fondée à solliciter l'indemnisation intégrale de son préjudice tant à l'encontre du docteur [B] in solidum avec son assureur la société M.I.C Ltd, qu'à l'encontre de l'ONIAM, selon une répartition que la cour appréciera, en application des articles L 1142-1 et suivants du code de la santé publique ;

Dès lors,

-condamne le docteur [B] in solidum avec son assureur la société M.I.C Ltd, et l'ONlAM, selon une répartition que la cour appréciera, à lui payer les sommes ci-dessus sollicitées ;

-confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

-condamne l'ONIAM ou, à titre subsidiaire, le docteur [B] in solidum avec son assureur la société M.I.C Ltd, et l'ONIAM selon une répartition que la cour appréciera, en tous les dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Pascale Naboudet, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

-rendre l'arrêt à intervenir commun au RSI de [Localité 1] et à la société Swiss Life.

Au terme de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2016, le docteur [A] [B] et la MIC Ltd forment les demandes suivantes :

-Les recevoir en leurs écritures, les disant bien fondées ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la responsabilité du docteur [B] et a déclaré que l'indemnisation des préjudices de Mme [M] relève de la solidarité nationale ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [M] et la société Swiss Life de ses demandes formulées contre le docteur [B] ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'ONIAM de sa demande de contre-expertise ;

-débouter toutes les parties de leurs demandes à leur encontre ;

-condamner l'ONIAM à verser au docteur [B] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2016, la société SwissLife Prévoyance et Santé prie la cour de :

-Si la responsabilité du docteur [B] est retenue, condamner celui-ci solidairement avec son assureur, la société MIC Ltd, à payer à la société SwissLife la somme de 32 185 € au titre des indemnités journalières réglées à son assurée, Mme [M],

-débouter toutes les parties de leurs demandes à l'encontre de la société SwissLife,

-condamner tout succombant à payer à la société SwissLife la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel.

La déclaration d'appel a été signifiée à l'organisme de RSI d'[Localité 2] par exploit délivré le 6 juin 2016 selon les modalités de remise à personne habilitée.

Par ordonnance du 7 septembre 2016, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la CARMIF et de la mutuelle APICIL.

MOTIFS DE LA DECISION

Force est de constater que devant la cour, les parties entendent discuter à titre principal les conditions de mise en oeuvre de la solidarité nationale en raison de la survenue d'un aléa thérapeutique et ne soulèvent la question de la responsabilité pour faute du chirurgien qu'à titre subsidiaire.

Sur le principe de la condamnation de l'ONIAM :

L'ONIAM, appelant à titre principal, soutient que les conditions de son intervention telles que définies par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas réunies pour les raisons suivantes :

-le dommage subi par Mme [M] résulte d'une succession d'événements et non du seul accident iatrogène qui est la migration de l'agrafe posée lors de la seconde intervention ; Mme [M] souffre de deux lésions distinctes, une atteinte des muscles composant la coiffe des rotateurs laquelle provient de la lésion initiale aggravée par la seconde chute et une chondropathie qui est seule en lien de causalité avec la migration de l'agrafe ; dans l'hypothèse où l'ancre n'aurait pas migré, l'état musculaire de Mme [M] aurait nécessité la pose d'une prothèse inversée de l'épaule de sorte que l'accident médical non fautif n'est pas à l'origine de son préjudice ;

-le seuil de gravité requis pour ouvrir droit à réparation n'est pas atteint de manière certaine dès lors qu'en l'absence de suivi psychiatrique ou de traitement particulier, les souffrances morales de Mme [M] ne peuvent entraîner la majoration du taux de déficit fonctionnel permanent de 5%, comme l'a opéré l'expert judiciaire en réponse à un dire de l'avocat de Mme [M], pour porter le taux total à 28 % ; l'état antérieur de la patiente était nécessairement supérieur au taux de 2% retenu par l'expert, en raison de l'importance de l'atteinte à la coiffe des rotateurs laquelle doit plus justement entraîner un taux de 10 % de sorte que le déficit strictement imputable à la migration de l'agrafe doit être fixé à un taux de 13 % ;

- ce seuil de gravité n'est pas plus atteint au regard des arrêts de travail subis par Mme [M] qui n'établit pas avoir été arrêtée pendant une durée égale ou supérieure à 6 mois consécutifs du fait de la migration de l'agrafe ;

-les autres critères de gravité susceptible d'ouvrir droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas plus remplis.

A titre subsidiaire, l'ONIAM sollicite de la cour qu'elle ordonne une contre-expertise en missionnant un médecin psychiatre pour évaluer la réalité et l'ampleur du préjudice subi par la victime sur le plan psychiatrique et en sollicitant d'un autre expert compétent en chirurgie orthopédique qu'il détermine la part du dommage imputable à l'accident médical.

Mme [M] répond que l'expert judiciaire a parfaitement caractérisé dans la migration de l'ancre un accident directement imputable à un acte de soin, qui a eu pour elle des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, puisqu'elle avait déjà subi la même intervention chirurgicale à l'épaule gauche et avait obtenu un excellent résultat et qui a entraîné un taux de déficit fonctionnel permanent de 28 %. Elle fait valoir que l'expert judiciaire a bien pris en considération dans l'évaluation de ses préjudices la chute survenue sur l'épaule qui venait d'être opérée en ôtant 2% aux séquelles définitives et en ne fixant les périodes de déficit fonctionnel temporaire qu'à compter de la troisième intervention chirurgicale. Elle soutient que l'évaluation du déficit fonctionnel permanent a été faite avec clarté et objectivité par l'expert judiciaire qui était parfaitement compétent pour apprécier le retentissement psychologique de l'accident thérapeutique qui a été le révélateur d'un mal-être psychologique prégnant, qu'au demeurant, lors des opérations d'expertise, l'ONIAM n'a pas contesté cette appréciation de l'expert.

Le docteur [B] et la MIC Ltd sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'existence d'un aléa thérapeutique à l'origine des entiers dommages subis par Mme [M]. Ils s'opposent à la contre expertise sollicitée par l'ONIAM, lui déniant tout intérêt à solliciter un tel acte d'instruction, l'expert ayant parfaitement respecté les règles de la contradiction et en l'absence d'incertitude sur la part imputable à l'accident médical non fautif, affirmant que si la migration n'aurait pas eu lieu sans la chute initiale, la causalité directe de toutes les séquelles est bien constituée par la survenue d'un accident non fautif.

La société Swiss Life prévoyance et santé demande à la cour de statuer ce que de droit sur la demande formée à l'encontre de l'ONIAM.

Les conditions de mise en oeuvre de la solidarité nationale au moyen d'une indemnisation par l'ONIAM sont prévues à l'article 1142-1 II du code de la santé publique qui est rédigé en ces termes :

" Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire".

Il résulte de ce texte que la prise en charge par l'ONIAM des conséquences d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale est subordonnée à la réunion des conditions cumulatives énoncées par celui-ci.

Il est acquis aux débats et il résulte des conclusions de l'expert judiciaire, que la migration de l'ancre, appelée aussi agrafe, posée lors de la deuxième intervention du 11 janvier 2011, n'a pas été causée par une malposition de cet élément ou par l'absence de respect des règles de l'art par le chirurgien alors que cet événement est observé par la littérature médicale dans un nombre non négligeable de cas sans qu'une faute du praticien puisse être relevée.

Mme [M] a donc bien été victime d'un accident médical non fautif et directement imputable à un acte de soins au sens de l'article précité.

Il résulte de l'expertise judiciaire que la migration intra-articulaire de l'ancre au niveau du cartilage de la tête humérale a entraîné une chondropathie. En effet, il est observé lors de l'examen par scanner du 25 mai 2011, soit quatre mois et demi après la deuxième intervention, " (...) Le débord d'une agrafe chirurgicale à la partie postérieure de la surface articulaire de la glène de la tête humérale" et que "Ce débord du matériel est à l'origine d'une abrasion de la surface ostéo-chondrale articulaire postéro-inférieure de la glène de l'omoplate" ainsi que d'un "Aspect en partie abrasé du segment postérieur du bourrelet glénoïdien", l'examen objectivant aussi "une chondropathie de grade IV du bord supérieur de la glène de l'omoplate."

Selon l'expert judiciaire et à l'instar du docteur [M]. [D], chirurgien orthopédiste spécialiste du membre supérieur dans un courrier du 25 mai 2011, l'ablation de l'ancre était indispensable afin d'éviter une aggravation de l'arthrose secondaire.

En conséquence, l'accident médical a entraîné de manière directe et certaine une chondropathie et la nécessité d'une nouvelle intervention chirurgicale.

Toutefois, Mme [M], qui se plaignait des suites difficiles de la deuxième intervention, présentait à cette époque d'autres dommages. En effet, il est observé lors de l'examen par scanner précité du 25 mai 2011 l'existence d'une "Rupture complète large du tendon du supra spinatus dans le moignon proximal régulier, se projetant en regard du sommet de la glène de l'omoplate. Cette déchirure se prolonge dans la moitié supérieure du tendon distal de l'infra spinatus" et le chirurgien [D] fait aussi état d'une rétractation tendineuse, affirmant que "Compte-tenu de l'importance de la rétractation et de la difficulté à réinsérer lors de la deuxième intervention, je ne pense pas qu'une réinsertion soit actuellement possible. Concernant la coiffe seul un traitement par éventuellement lambeau deltoïdien +/- lambeau de grand dorsal serait à discuter, néanmoins ce traitement est lourd et les résultats sont toujours limités."

C'est ainsi que l'expert judiciaire a pu affirmer que la troisième intervention était "nécessaire et justifiée devant l'évolution péjorative et la nécessité d'enlever l'agrafe intra-articulaire" ( page 63 du rapport ) alors même que plus loin ( page 65 ), il indique que cette troisième intervention était licite " pour enlever une agrafe intra articulaire, mise en place lors de la 2° intervention." Ces deux affirmations ne sont pas contradictoires dès lors qu'ainsi qu'il a déjà été dit, l'état dégradé de la coiffe faisait douter de l'intérêt, et donc du caractère licite, d'une troisième intervention sur cette pathologie.

Lors de la troisième opération, le docteur [B] qui avait choisi d'intervenir par voie arthroscopique a été contraint pour enlever l'agrafe de convertir l'intervention à ciel ouvert et d'ouvrir la partie supérieure du muscle sous scapulaire. Il a ensuite procédé à la réinsertion des muscles et des tendons ( "réinsertion de la coiffe des rotateurs" ) sur la tête de l'humérus.

Cette intervention a été faite, de l'avis même du chirurgien conforté par celui de l'expert judiciaire, dans des conditions très laborieuses, tant pour l'ablation de l'ancre que pour la réparation tendineuse.

Il résulte des pièces du dossier, notamment de deux courriers échangés entre le docteur [B] le 13 octobre 2011 et le docteur [H] le 22 octobre suivant que les suites de l'intervention ont été très délicates. Les médecins font état de ce que pour le docteur [B], "L'IRM de contrôle réalisé le 29/06/2011 met en évidence une chondropathie glénoïdienne postero-inférieure inchangée par rapport aux examens pré-opératoires en mai. Il y a une récidive nette de la rupture du muscle supra-spinatus. Le muscle infra-spinatus a tenu. Par ailleurs, il existe maintenant une rupture de la partie supérieure du muscle subscapularis. La chondropathie n'est pas majorée. Il existe maintenant une amyotrophie avec une infiltration graisseuse modérée du muscle subscapularis ", et pour le docteur [H] qu' "on peut confirmer une rétractation du sous scapulaire au niveau de la glène avec un muscle atrophié et une dégénérescence graisseuse (...) de même pour le sous épineux qui est atrophié, il ne reste qu'un bon petit rond en arrière.

Lésions cartilagineuses assez avancées au niveau de la tête humérale."

Le 23 novembre 2011, une arthrographie et un scanner de l'épaule droite objectivent des lésions considérables de parties molles et une aggravation des lésions cartilagineuses, le radiologue concluant à une " Rupture complète des tendons du sub-scapularis, du supra-spinatus et du tendon du long biceps.

Déchirure quasi complète de l'infra-spinatus dont seul un petit faisceau de fibres tendineuses inférieures restent continu. (...)

Majoration de la chondropathie évoluée de la tête humérale et du pôle supérieur de la glène de l'omoplate para rapport à l'arthroscanner précédent.(...)"

L'expert judiciaire, à l'instar des docteurs [B] et [H], conclut alors que "les lésions des parties molles sont si évoluées que la seule solution thérapeutique reste une prothèse inversée d'épaule."

Les examens ultérieurs confirment la rupture irréparable des muscles supra et infra spinatus, une lésion du sous scapulaire ( ou subscapularis ) en sa partie supérieure entraînant une amyotrophie avec une infiltration graisseuse modérée et un long biceps qui a été ténotomisé ainsi qu'une évolution arthrosique et nécrotique de la tête humérale.

Dans ces conditions, compte tenu du fait qu'avant la 3ème intervention, l'état de la coiffe des rotateurs et des muscles était déjà bien dégradé avec une rupture complète large du tendon du supra spinatus, cette déchirure se prolongeant dans la moitié supérieure du tendon distal de l'infra spinatus et une rétractation tendineuse entraînant un pronostic plus que réservé sur la possibilité d'effectuer une nouvelle réinsertion, il y a lieu de juger que l'accident médical, soit la migration de l'agrafe, n'est à l'origine que de la chondropathie sur la tête de l'humérus et de l'évolution péjorative du muscle sous scapulaire. En effet, si la troisième intervention n'a été rendue nécessaire qu'en raison de la migration de l'agrafe, il ne peut lui être imputé la totalité des dommages constatés à l'issue de cette intervention, une importante partie des séquelles résultant de l'état antérieur connu des muscles supra et infra spinatus qui avaient été rompus à la suite de la seconde chute de Mme [M] et n'avaient pu être restaurés grâce à la deuxième intervention, qui présentaient dès avant la troisième intervention un pronostic très réservé quant à la possibilité de les réparer et dont l'état n'a pas été dégradé par cette dernière intervention. Il doit aussi être noté que la ténotomie du biceps avait été effectuée lors de la deuxième intervention de sorte que l'état de ce muscle ne peut être imputé à l'opération du 7 juin 2011.

Il en résulte que le déficit fonctionnel permanent fixé par l'expert judiciaire à 23% en raison des séquelles de l'épaule droite ne peut être entièrement imputé à l'accident médical, la chondropathie et la lésion du muscle sous scapulaire n'étant pas responsables à eux seuls des séquelles fonctionnelles majeures de ce membre droit qui est devenu pseudo paralytique chez une droitière. Par ailleurs, l'expert judiciaire qui en raison de l'état antérieur présenté par Mme [M] a opéré une soustraction de 2% aux 25% représentant le déficit fonctionnel permanent pour la perte de fonctionnalité d'une épaule a minoré sans motif valable cet état antérieur alors qu'à la suite de sa seconde chute, la patiente présentait non pas seulement une rupture distale du muscle supra-spinatus, comme lors de la première intervention, mais bien une rupture itérative, large et de deux muscles, à savoir du muscle supra-spinatus avec une extension à la partie antérieure au muscle infra-spinatus avec pour conséquence, à l'issue de la deuxième intervention, une diminution très nette de l'antépulsion et de l'abduction limitée à une cinquantaine de degrés ainsi qu'un pronostic réservé sur l'évolution positive de la mobilité de l'épaule.

Par ailleurs, l'expert judiciaire a additionné au taux de 23% retenu au titre des séquelles de l'épaule un taux de déficit fonctionnel permanent de 5% au titre des "douleurs morales post consolidation et le vécu très négatif ( et justifié ) de la patiente".

Or, force est de constater qu'hormis les déclarations de Mme [M] à l'expert judiciaire ( "je vis une situation dramatique" ; "Maintenant, je vis une descente aux enfers. Tout a changé dans ma vie." ; "Le chirurgien a brisé ma vie. Je suis handicapée." ), il n'est fait état, ni justifié, d'aucun traitement d'un syndrome douloureux sur le plan psychologique ou psychiatrique par consultation auprès d'un spécialiste ou par médicament. Il n'a pas non plus été évoqué dans le cadre de l'expertise judiciaire un mal-être psychologique prégnant qui aurait été révélé par l'accident médical.

Il échet de rappeler que le poste de déficit fonctionnel permanent tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Dans ces conditions, Mme [M] n'ayant fait qu'exprimer un ressenti et des troubles dans ses conditions de vie, sans que soit établie l'existence d'un dommage corporel entraînant un déficit fonctionnel permanent non pris en compte dans la détermination de celui qui résulte des séquelles subies à l'épaule, il n'y a pas lieu d'ajouter un taux de déficit fonctionnel permanent au titre des douleurs morales.

Il résulte de ces éléments que l'accident médical non fautif n'est pas en lien de causalité directe et certaine avec un dommage ayant entraîné un déficit fonctionnel permanent supérieur à 24 %.

Par ailleurs, il est constant que Mme [M] n'a pas subi un arrêt de travail ou un déficit fonctionnel temporaire total ou partiel supérieur ou égal à un taux de 50% pendant six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de douze mois, qu'elle n'est pas définitivement inapte à exercer sa profession et que l'accident médical ne lui a pas occasionné des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.

Les conditions de la prise en charge par la solidarité nationale des dommages subis par Mme [M] en lien direct et certain avec la migration de l'agrafe ne sont pas remplies.

En conséquence, le jugement déféré ayant condamné l'ONIAM à payer à Mme [M] la somme de 182 642,32 euros en réparation de ses préjudices corporels est infirmé, les demandes formées à l'encontre de l'ONIAM étant rejetées.

Sur la responsabilité du chirurgien :

A titre subsidiaire, Mme [M] concède qu'il n'y a plus lieu à discussion sur l'origine de la migration de l'agrafe, l'expert judiciaire ayant exclu tout geste fautif du docteur [B]. Elle soutient cependant que lors de la troisième intervention, le chirurgien a commis une faute en décidant de convertir l'intervention à ciel ouvert pour passer par la voie antérieure sans prévenir sa patiente sous anesthésie alors qu'il n'y avait aucune situation d'urgence et que la voie postérieure qui n'entraînait pas l'obligation de sectionner le muscle sous scapulaire était préférable, qu'en ce faisant, il a délibérément choisi de léser un muscle sain dans un tableau musculaire délicat et a pris un risque sérieux d'endommager définitivement l'épaule, qu'au demeurant, il s'est vérifié que ce choix de la voie antérieure était risqué, puisqu'elle a subi des complications médicales majeures entraînant la nécessité de pose à terme d'une prothèse. Elle ajoute que le docteur [B] a aussi manqué à son obligation d'information puisqu'elle n'a pas été avertie du risque de désinsertion du muscle sous scapulaire lequel est fondamental pour la dynamique de l'épaule et affirme qu'étant elle-même médecin, elle aurait refusé ce mode opératoire.

Le docteur [B] répond que le choix de la voie d'abord antéro-externe était parfaitement légitime et adapté à la situation qui se présentait de manière compliquée, s'agissant d'ôter une agrafe située en regard de la partie postéro-inférieure de la tête humérale et de réinsérer les muscles sous et sus épineux, que la voie d'abord nécessitant une section du tendon du muscle subscapularis est une voie habituelle quasi-obligatoire dans la mise en place de prothèses totales de l'épaule et dans la chirurgie de stabilisation antérieure, que le taux de rupture de ce muscle après ténotomie est faible de l'ordre de 1,1% de sorte qu'il pouvait légitimement espérer une cicatrisation de cette section dans la partie supérieure du muscle laissant indemne la partie inférieure la plus importante, que l'intervention consistant à la réinsertion des muscles supra et infra-épineux a été réussie comme en atteste le cliché post-opératoire du 8 juin 2011, que la lésion actuelle du muscle subscapularis a pu provenir d'une évolution naturelle de la rupture de coiffe et non de la ténotomie. Il affirme qu'au demeurant, la voie postéro-externe, inusuelle pour travailler en intra-articulaire, n'était pas adaptée au cas de Mme [M] qui était installée en position demi assise et comporte un certain nombre de risques, que la voie d'abord qu'il a choisie était celle qui présentait le plus de bénéfices et le moins de risques. S'agissant de son devoir d'information, le docteur [B] conclut à la confirmation du jugement déféré.

La société Swiss Life prévoyance et santé demande à la cour de statuer ce que de droit sur la demande formée à l'encontre du docteur [B].

Les premiers juges ont parfaitement relevé l'application au litige des dispositions de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique et rappelé que l'obligation du médecin n'est que de moyens. Il appartient au patient qui entend voir engagée la responsabilité du médecin d'établir que ce dernier a commis une faute en lien de causalité direct et certain avec les dommages qu'il subit.

Après avoir affirmé que la troisième intervention se justifiait en raison de la migration d'une agrafe entraînant une lésion de la tête humérale, ce que les parties ne contestent pas, l'expert judiciaire expose, principalement dans ses réponses aux dires des parties, que "Lors de l'intervention du 07.06.2011, il est clair que le chirurgien pensait pouvoir accéder à l'ancre située en position postéro inférieure par une voie d'abord antéro externe" mais que "devant l'échec de ses tentatives pour récupérer l'ancre" par arthroscopie puis par convention à ciel ouvert, "il a du se résoudre à sectionner partiellement le sous scapulaire pour pouvoir effectuer ce geste, ce qu'il est parvenu à faire." Il conclut que "Le choix de cette voie d'abord n'est pas "discutable" sur le fond" et que "L'installation de la patiente pour l'arthroscopie a conditionné cette voie d'abord".

Il y a effectivement lieu de relever à l'instar de l'expert judiciaire et au vu des pièces du dossier que :

-L'analyse du compte-rendu opératoire du 11.06.2011 objective les difficultés rencontrées par le docteur [B] au cours de l'intervention ;

-il y a une parfaite cohérence entre le contexte de difficultés chirurgicales qui se sont présentées au chirurgien en cours d'intervention et l'explication donnée par ce dernier lequel indique avoir choisi cette voie car il s'agissait du prolongement de la voie arthroscopique antéro latérale, car elle permettait théoriquement un abord intra-articulaire satisfaisant en se contentant du trou correspondant à la rupture de la coiffe et de l'espace créé par l'excision de l'intervalle des rotateurs et car elle permettait d'essayer à nouveau de réinsérer la rupture des muscles supra spinatus et infra spinatus, ce qui a réussi dans un premier temps comme en témoignent les clichés per et post opératoires ( 7 et 8 juin 2011 ) puis s'est soldé par un échec objectivé par l'IRM de septembre 2011;

-la voie choisie permettait de tenter à nouveau la réinsertion de la coiffe des rotateurs qui devenait accessible après "conversion" ; si l'intervention n'avait pas pour but principal de procéder à une nouvelle réinsertion, il ne peut être reproché au chirurgien de l'avoir tentée et d'avoir considéré que le choix de la voie antéro-externe, non critiquable au regard du seul objectif d'ablation de l'agrafe, lui offrait au surplus cette possibilité ;

-il aurait été possible de passer par une voie postérieure mais cela aurait imposé le réveil de la patiente et une nouvelle anesthésie ;

-il n'est pas établi que cette voie postérieure aurait été sans risques et n'aurait lésé aucun muscle alors que le docteur [B] indique, sans être contredit, que cette voie aurait entraîné la nécessité de "détacher le deltoïde de l'acromion postérieur, muscle plus que nécessaire dans les suites difficiles probables d'une troisième chirurgie de la coiffe des rotateurs" ; si comme le fait remarquer Mme [M], le deltoïde antérieur de son épaule droite est bien déficient à l'heure actuelle, elle ne démontre pas que cet état de fait provient d'un geste du chirurgien au cours de la troisième intervention et ne donne aucune explication à ce dommage ;

-il n'a y eu aucun manquement aux règles de l'art.

Dans ces conditions, il y a lieu de dire que Mme [M] échoue à établir un manquement du docteur [B] dans le choix de la technique opératoire alors que, même s'il n'était pas dans un contexte d'urgence, il a du faire face à des difficultés chirurgicales en cours d'intervention et a pris des décisions cohérentes et non critiquables quand bien même il en a résulté pour Mme [M] des dommages irrémédiables.

Par ailleurs, tout praticien est tenu tant en vertu du contrat qui le lie à son patient qu'en application de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique d'un devoir de conseil et d'information ; l'information du patient porte, de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, le texte prévoyant qu'en cas de litige c'est au professionnel d'apporter, par tous moyens, la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé.

Les premiers juges ont parfaitement relevé que Mme [M] a signé un document relatif au consentement éclairé mutuel et une attestation de consentement éclairé à une intervention chirurgicale, laquelle mentionne que la patiente comprend que le médecin peut découvrir des éléments imprévus qui nécessiteraient des gestes ou traitements supplémentaires ou différents de ceux planifiés qu'elle autorise et qu'en réponse à un dire, l'expert indique que "Le risque de migration était effectivement connu dans le cadre de la chirurgie ligamentaire antérieure ou de chirurgie de la coiffe, toutes réalisées à ciel ouvert" mais que "Le risque spécifique de migration dans le cadre de la chirurgie de la coiffe des rotateurs sous arthroscopie a été mentionné en décembre 2010 lors de la communication dans le cadre de la SFA, relatant l'expérience francophone" de sorte que cette communication étant intervenue pendant la période de la prise en charge de Mme [M], il ne peut être imputé à faute au docteur [B] de ne pas avoir intégré cette nouvelle information dans les documents d'information pré opératoire. La cour ajoute qu'il ne peut pas non plus être reproché au docteur [B] de ne pas avoir informé Mme [M] par oral de ce risque spécifique de migration d'une agrafe, un délai raisonnable devant être accordé au praticien pour assurer sa propre information sur les données médicales actuelles.

Dans ces conditions, aucun manquement à l'obligation d'information et de conseil ne peut être retenu à l'encontre du docteur [B].

En l'absence de faute prouvée imputable au docteur [B], le jugement déféré qui a rejeté les demandes formées à l'encontre du médecin ainsi qu'à l'encontre de la société MIC Ltd est confirmé.

Sur les autres demandes :

Compte-tenu du sens de la présente décision, les demandes formées à l'encontre de la société Swiss Life doivent être rejetées. Le jugement qui a accordé à la société Swiss Life la somme de 32 185 € au titre des indemnités journalières servies à Mme [M] avec intérêts doit être infirmé.

Mme [N] [M] qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

Il serait inéquitable de laisser totalement à la charge de l'ONIAM les frais irrépétibles engagés pour la présente procédure. Il lui sera accordé la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, les circonstances de la cause et l'équité imposent qu'il ne soit pas fait application de ces dispositions au profit de la société Swiss Life et du docteur [B].

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise complémentaire et débouté Mme [N] [M] et la société Swiss Life des demandes formulées contre le docteur [B] ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

En conséquence, statuant à nouveau,

Déboute Mme [N] [M] de toutes ses demandes ;

Condamne Mme [N] [M] à verser à l'ONIAM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [N] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire et avec distraction au profit de Maître Fitoussi en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/09198
Date de la décision : 05/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°16/09198 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-05;16.09198 ?
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