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29/03/2018 | FRANCE | N°17/09966

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 29 mars 2018, 17/09966


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 29 MARS 2018



(n° 189/18 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/09966



Décision déférée à la cour : jugement du 26 avril 2017 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/80174





APPELANTE



Société Puerto 80 Projects Slu, société de droit espagnol, agi

ssant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1] -

[Localité 1] (Espagne)



représentée par Me Bruno Regnier de la Scp Regnier - Bequet...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 29 MARS 2018

(n° 189/18 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/09966

Décision déférée à la cour : jugement du 26 avril 2017 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/80174

APPELANTE

Société Puerto 80 Projects Slu, société de droit espagnol, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1] -

[Localité 1] (Espagne)

représentée par Me Bruno Regnier de la Scp Regnier - Bequet - Moisan, avocat au barreau de Paris, toque : L0050

ayant pour avocat plaidant Me Jean-Baptiste Thomas, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

Ligue de Football Professionnel, association régie par la loi du 1er juillet 1901, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Philippe Autier, avocat au barreau de Paris, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant Me Fabrice Hercot, avocat au barreau de Paris, toque : L0108

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 février 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport

M. Gilles Malfre, conseiller

M. Bertrand Gouarin, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la déclaration d'appel en date du 17 mai 2017 ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société Puerto 80 Projects (la société Puerto 80), en date du 20 février 2018, tendant à voir infirmer le jugement du 26 avril 2017 en ce qu'il l'a condamnée à payer à la Ligue de Football Professionnel la somme de 920 000 euros, ramener le montant de sa condamnation à la somme de 75 000 euros, ce qui correspond à la liquidation de l'astreinte pour 15 liens, débouter la Ligue de Football Professionnel de toutes ses demandes, la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions récapitulatives de la Ligue de Football Professionnel, en date du 19 février 2018, tendant à voir confirmer le jugement du 26 avril 2017, condamner la société Puerto 80 à lui payer une somme supplémentaire de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont la distraction est demandée ;

Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.

SUR CE :

La Ligue de Football Professionnel est une association, composée de l'ensemble des clubs professionnels de football français, qui exerce une mission de service public par délégation de la Fédération Française de Football.

Conformément à la loi et à ses statuts, la Ligue de Football Professionnel a pour objet d'assurer l'organisation, la gestion, la réglementation, la promotion et le développement des activités du football professionnel français.

En application des articles L. 333-2 2 et R. 333-2 3 du code du sport, la Ligue de Football Professionnel assure, à titre exclusif et de manière centralisée, la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions qu'elle organise.

La société Puerto 80 est une société de droit espagnol qui édite un site internet, accessible aux adresses www.rojadirecta.es et www.rojadirecta.me, spécialisé dans la diffusion gratuite de compétitions sportives.

Estimant que ce site permettait de visionner, en fraude de ses droits, les matchs de football des compétitions qu'elle organise, la Ligue de Football Professionnel a assigné la société Puerto 80 devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement rendu le 19 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris a, notamment ordonné à la société Puerto 80, sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

- de procéder à la suppression, sur le site accessible à l'adresse www.rojadirecta.me et/ou www.rojadirecta.es, de tout contenu, en ce inclus les liens hypertextes permettant de visionner en direct ou léger différé depuis le territoire français les matchs de Ligue 1, de Ligue 2, de Coupe de la Ligue, du Trophée des Champions ou de toute compétition organisée par la Ligue de Football Professionnel, ainsi que de toute rubrique consacrée exclusivement à ces contenus, sous astreinte de 5 000 euros par jour et par lien constaté qui commencera à courir le 8ème jour suivant la signification du jugement ;

- de rendre impossible pour l'avenir la mise en ligne des contenus précités incluant les liens hypertextes en rapport, sous la même astreinte, courant à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement.

Ce jugement a été signifié le 14 mai 2015 et l'appel interjeté par la société Puerto 80 a fait l'objet d'une radiation du rôle, par ordonnance du 30 juin 2016, faute pour cette dernière d'avoir exécuté les dispositions de la décision assorties de l'exécution provisoire.

Par jugement rendu le 9 octobre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a liquidé à la somme de 300 000 euros l'astreinte résultant des 63 liens hypertextes constatés le 23 mai 2015. Ce jugement a été confirmé sur ce point par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 janvier 2017.

Se prévalant de 184 manquements à l'injonction judiciaire constatés suivant procès-verbaux d'huissier en date des 16 et 21 décembre 2016, la Ligue de Football Professionnel a introduit une nouvelle instance en liquidation de l'astreinte.

Par jugement du 26 avril 2017, le juge de l'exécution a condamné la société Puerto 80 à payer à la Ligue de Football Professionnel la somme de 920 000 euros représentant la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 19 mars 2015 au titre des 184 liens hypertextes constatés les 16 et 21 décembre 2016 outre les dépens et la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. C'est la décision attaquée.

Aux termes des articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte est en principe liquidée par le juge de l'exécution qui "tient compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter". Ainsi, l'astreinte est une menace de condamnation pécuniaire virtuelle qui ne se concrétise qu'en cas d'inexécution ou d'exécution tardive d'une décision de justice exécutoire puisque sa finalité est précisément d'obtenir l'exécution de cette décision. La liquidation de l'astreinte, c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d'infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.

Il appartient par ailleurs au débiteur de l'obligation de démontrer qu'il a exécuté l'obligation mise à sa charge par la seconde astreinte.

En l'espèce, la société Puerto 80 soutient, à l'appui de son appel, que sur les 184 liens hypertextes constatés les 16 et 21 décembre 2016, l'huissier de justice n'en a vérifié que 15 de sorte que les 169 liens non vérifiés sont susceptibles renvoyer vers des diffusions de vidéos qui peuvent être parfaitement licites, puisque beaucoup d'événements sportifs sont aujourd'hui diffusés gratuitement sur Internet, que le premier juge en retenant 184 infractions à l'injonction a ainsi dénaturé le jugement du 19 mars 2015, inversé la charge de la preuve puisqu'il appartient à la Ligue de Football Professionnel de démontrer que les liens sont actifs, qu'ils sont accessibles depuis le territoire français, qu'il n'y a pas de «'doublons'» parmi eux et qu'ils portent effectivement atteinte à leurs droits alors que cette preuve n'a été apportée que pour 15 liens et qu'il a manqué à ses obligations en statuant par des considération générales et en s'abstenant de vérifier lui-même si les conditions de l'astreinte étaient remplies pour l'ensemble des liens identifiés par l'huissier.

Cependant, le jugement du 19 mars 2015, qui a relevé que la société Puerto 80 exerce un contrôle et une maîtrise éditoriale sur les contenus dans le but déterminé de permettre de voir en direct ces matchs normalement réservés à un public restreint d'abonnés sur les chaînes et sites auxquels les droits de diffusion ont été vendus, lui a ordonné, sous astreinte de 5 000 euros par jour et par lien constaté, de rendre impossible pour l'avenir la mise en ligne des contenus incluant les liens hypertextes en rapport avec la diffusion des matchs organisés par la Ligue de Football Professionnel.

Il résulte, ce qui n'est pas en soi contesté par l'appelante, des deux constats versés aux débats que se trouvaient sur les sites wwwr.rojadiracta.me et www.rojadirecta.es de la société Puerto 80, les jours où les procès-verbaux ont été dressés, un total de 184 liens hypertextes présentés par cet éditeur, au sein de rubriques dédiées, intitulées « Ligue 1'» comme permettant de visionner en direct ou léger différé ces matchs, ce qui est précisément l'objet de la société Puerto 80. La présence de ces liens hypertextes, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'effectivité de chacun d'entre eux ou d'exclure ceux qui seraient des «'doublons'», alors même que l'appelante n'offre pas même d'en apporter la preuve contraire, démontre à elle seule que la société Puerto 80 n'a pas respecté l'injonction de ne pas mettre en ligne des contenus incluant les liens hypertextes en rapport avec la diffusion des matchs organisés par la Ligue de Football Professionnel.

Le premier juge en retenant 184 infractions à l'injonction n'a donc, ni dénaturé le jugement du 19 mars 2015, ni inversé la charge de la preuve, ni statué par voie de considérations générales.

La société Puerto 80 ne soutient pas s'être heurtée à des difficultés particulières d'exécution. Elle se borne à indiquer que les internautes contributeurs du site remplissent des formulaires vierges et choisissent les liens hypertextes permettant de visionner les matchs. Cependant, alors qu'elle a, ainsi qu'il a été dit plus haut, le contrôle et la maîtrise éditoriale du site, elle n'expose pas les moyens qu'elle aurait mis en 'uvre pour qu'il soit impossible aux internautes contributeurs d'indiquer des références aux matchs organisés par la Ligue de Football Professionnel ou pour supprimer celles-ci dès leur création. Bien au contraire, l'appelante conteste le principe même des injonctions qui lui ont été faites. C'est donc à bon droit que le premier juge a liquidé l'astreinte à la somme de (184 x 5 000 =) 920 000 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles':

La société Puerto 80 qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'intimée une somme de 5 000 euros en application de ces dernières dispositions.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne la société Puerto 80 Projects à payer à la Ligue de Football Professionnel la somme de 5 000' euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile';

Rejette toute autre demande ;

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 17/09966
Date de la décision : 29/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°17/09966 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-29;17.09966 ?
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