Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 23 MARS 2018
(no , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/06644
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/09451
APPELANTE
SARL SOCIETE NOUVELLE TELEPHONIE GENERALE MODERNE - TEL EGEMO prise en la personne de ses représentants légaux
No SIRET : 302 22 0 1 24
ayant son siège au [...]
Représentée par Me Ghislaine O... de la SELARL CBA-CABINET BENAYOUN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0135
Assistée sur l'audience par Me Charlotte X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0135
INTIMÉS
Monsieur Jacques Marie P...
né le [...] à LYON (69006)
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Q... , avocat au barreau de PARIS, toque : D1261
Monsieur Christian Y... notaire membre de l'office notarial Christian Y... et Mathieu Y..., inscrite au RCS de PARIS sous le numéro 814 320 651, domicilié [...]
né le [...] à NOALY (21)
demeurant [...] 12
Représenté par Me Thomas Z... de la SCP Z... etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
Assisté sur l'audience par Me Christiane A..., avocat au barreau de VAL D'OISE
Maître Jean-Claude B..., notaire
demeurant [...] /FRANCE
Représenté par Me Marc C..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0025
Assisté sur l'audience par Me Bertrand D..., avocat au barreau de METZ, substitué sur l'audience par Me Audrey E..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1241
Monsieur Daniel F...
né le [...] à PARIS (75016)
demeurant [...]
Représenté par Me Stéphane G... de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014
Assisté sur l'audience par Me Michel H..., avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
Madame Danièle I... épouse F...
née le [...] à SAINT DIZIER (52)
demeurant [...]
Représentée par Me Stéphane G... de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014
Assistée sur l'audience par Me Michel H..., avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
Organisme L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège au Bâtiment condorcet télédoc [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Alexandre R... , avocat au barreau de PARIS, toque : C0744
SCP B... N... B... prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège au [...] /FRANCE
Représentée et assistée sur l'audience par Me Marc C..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0025
Assisté sur l'audience par Me Bertrand D..., avocat au barreau de METZ, substitué sur l'audience par Me Audrey E..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1241
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
M. Dominique GILLES, Conseiller
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique DOS REIS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, président et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Suivant acte authentique du 3 juin 1994, la société Provim a vendu à M. et Mme F... le lot no 116 de la copropriété dans l'immeuble situé [...] à Paris 17 ème . Cet acte a été publié à la conservation des hypothèques le 29 juillet 1994. Le 7 novembre 1994, la SARL Telegemo a inscrit une hypothèque sur ce bien en garantie d'une créance de 170.577,49 F soit 26.034, 37 € qu'elle détenait sur la société Provim. M. et Mme F... ont vendu le lot no 116 à M. J... suivant acte reçu par M. Y..., notaire à Paris, le 30 octobre 2000. La SARL Telegemo a renouvelé son inscription hypothécaire sur ce lot le 15 octobre 2004. Selon acte reçu le 29 février 2012 par M. B..., notaire associé de la SCP B...-N...-B..., M. J... a vendu son bien à Mme Doryane K... épouse L..., une somme de 29.000 € prise sur le prix de vente étant séquestrée entre les mains du notaire pour garantir la mainlevée de l'inscription de la SARL Telegemo.
C'est dans ces conditions que, selon actes extra-judiciaires des 17 et 18 juin 2013, M. J... a assigné M. Y..., M. B..., la SCP B...-N...-B..., la SARL Telegemo, l'Agent Judiciaire du Trésor représentant l'État et M. et Mme F... à l'effet de voir ordonner la radiation de l'inscription litigieuse, la libération entre ses mains de la somme séquestrée de 29.000 € et d'entendre condamner in solidum les défendeurs à lui régler diverses indemnités, totalisant 50.042,91 €, en réparation de ses préjudices, outre une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par jugement du 14 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit irrecevables les demandes indemnitaires formées contre l'État en conséquence de l'inscription du 7 novembre 1994,
- dit irrecevables les demandes de M. J... tendant à voir :
- condamner M. Y... à réparer le dommage consécutif à l'occupation d'un bien grevé d'une inscription,
- libérer la somme de 29.000 € séquestrée en exécution de la vente du 29 février 2012,
- ordonné la radiation de l'inscription d'hypothèque publiée le 7 novembre 1994 à la conservation des hypothèques de Paris 9 ème , et son renouvellement, portant sur le lot no 116 de la copropriété de l'immeuble du [...] ,
- débouté M. J... de sa demande tendant à voir ordonner à M. B... et à la SCP B... N... etamp; B... de libérer entre ses mains la somme de 29.000 € séquestrée sur le prix de vente,
- condamné in solidum la SARL Telegemo et M. et Mme F... à payer à M. J... les intérêts au taux légal produits par un capital de 29.000 € à compter du 29 février 2012 jusqu'à libération entre ses mains de ce capital séquestré sur le prix de vente en exécution de la clause de séquestre stipulée à l'acte de vente du 29 février 2012,
- débouté M. J... de ses demandes tendant à la condamnation de la SARL Telegemo, de l'État, de M. et Mme F..., de M. Y..., de M. B... et de la SCP B...-N...-B... à l'indemniser de ses préjudices consécutifs au retard de réalisation de la dernière vente, de l'acquisition d'un bien de surface réduite en raison de la conservation de la somme de 29.000 € sur le prix de vente à lui revenir, de l'immobilisation de la somme de 29.000 €, de l'engagement pris envers Mme K... de prendre en charge les frais de mainlevée, de l'inconfort moral d'occuper un bien grevé d'une inscription d'hypothèque,
- débouté M. J... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,,
débouté M. et Mme F..., la SARL Telegemo, M. Y... de leurs demandes sur ce même fondement
- rejeté les demandes formées par la SARL Telegemo tenant à voir condamner M. J... au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'État à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle et à l'indemniser de son préjudice en conséquence du renouvellement du 15 octobre 2014 et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné in solidum M. et Mme F... et la SARL Telegemo aux dépens.
La SARL Telegemo a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 6 septembre 2016, de :
au visa des articles 2427, alinéa 1, 2450, 1382 du code civil, 32-1 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité,
- dire irrecevable comme prescrite l'action engagée contre elle par M. J...,
- en conséquence, le « débouter » de ses demandes,
- subsidiairement, dire qu'elle n'a commis aucune faute en renouvelant de toute bonne foi une hypothèque judiciaire autorisée par la conservation des hypothèques de Paris,
- dire que le conservateur des hypothèques a commis une faute en omettant de vérifier les publications antérieures et en procédant au renouvellement de l'inscription litigieuse,
- dire que l'État a engagé sa responsabilité,
- le condamner au paiement de la somme de 34.678,34 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier tiré de son empêchement de recouvrer sa créance, ou, à tout le moins, de la perte de chance de la recouvrer,
- condamner l'AJT à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre à raison du renouvellement de l'inscription,
- condamner M. J... à lui payer la somme de 15.000 € de dommages-intérêts par application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- en tout état de cause, débouter M. J... de ses demandes dirigées contre elle,
condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
M. J... prie la Cour, par dernières conclusions du 10 octobre 2016, de :
au visa de la loi no 66-879 du 29 novembre 1966, du décret du 26 novembre 1971, des articles 1147 et suivants, 382 et suivants, 2247 et suivants du code civil, de l'ordonnance no 2010-638 du 10 juin 2010 et des décrets d'application no 2012-1462 et 2012-1463,
- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires,
- statuant à nouveau, dire qu'il a subi un préjudice financier lors de la vente de son bien à Mme K... épouse L... en raison de l'inscription initiale et du renouvellement d'une hypothèque judiciaire en toute illégalité à hauteur de la somme de 20.042,91 €,
- dire qu'il a subi un préjudice financier en raison des frais de mainlevée et accessoires ainsi que des frais de justice pour obtenir la mainlevée de l'hypothèque à hauteur de 20.000 € comprenant les dépens,
- dire qu'il a subi un préjudice financier en raison de l'immobilisation de la somme séquestrée de 29.000 € sur le prix de vente du bien à Mme L... dans l'attente de la mainlevée de l'hypothèque,
- dire qu'il a subi un préjudice moral à hauteur de la somme de 5.000 €,
- condamner solidairement, ou in solidum, ou qui mieux devra, la SARL Telegemo, M. et Mme F..., M. Y... à lui payer la somme de 50.042,91 € au titre de la réparation des préjudices subis sur le fondement des articles 1382, 1147 et 2450 du code civil produisant intérêts à compter du présent arrêt,
- condamner solidairement, in solidum ou qui mieux devra, les mêmes au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
M. et Mme F... prient la Cour, par dernières conclusions du 5 août 2016, de :
au visa de l'article 2427 du code civil,
- constater que M. J... disposait d'un délai de dix ans à compter de la signature de l'acte de vente pour agir,
- par conséquent, dire son action dirigée contre eux irrecevable comme prescrite,
- subsidiairement, dire qu'ils ont effectué les diligences nécessaires pour procéder à la mainlevée de l'inscription,
- constater que la SARL Telegemo, le conservateur des hypothèques, ainsi que M. B..., sont responsables du prétendu préjudice subi par M. J...,
- dire qu'ils ne sont pas responsables du prétendu préjudice subi par M. J...,
- en conséquence, débouter M. J... de ses demandes contre eux,
- confirmer le jugement pour le surplus.
L'Agent Judiciaire de l'État prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le 27 juillet 2016, de :
- le mettre hors de cause en ce qui concerne la responsabilité de Mme M..., conservatrice des hypothèques,
- débouter la société Telegemo de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la société Telegemo aux entiers dépens.
M. Y... prie la Cour, par dernières conclusions du 29 août 2016, de :
au visa de l'article 2270-1 du code civil,
- dire l'action engagée par M. J... contre lui prescrite et donc irrecevable,
- subsidiairement, vu l'article 1382 du code civil, dire qu'il n'a commis aucun manquement à ses obligations professionnelles à l'égard de M. J...,
- dire que M. J... succombe dans la charge de la preuve qui lui incombe, s'agissant de l'existence d'un lien de causalité direct et d'un préjudice susceptible de recevoir indemnisation de sa part,
- en conséquence, débouter M. J... de ses demandes,
- condamner M. J... et/ou tout succombant à lui payer une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
La SCP B...-N...-B... et M. B... prient la Cour, par dernières conclusions du 4 octobre 2016, de :
- leur donner acte de leur rapport à justice sur les prétentions des parties ne les concernant pas,
- dire irrecevable la demande de M. et Mme F... tendant à voir engager la responsabilité de M. B...,
- condamner tout succombant au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
SUR CE
LA COUR
Sur l'action en responsabilité engagée contre le conservateur des hypothèques
Le tribunal a ordonné la radiation de l'hypothèque de la société Telegemo par application de l'article 2247 du code civil interdisant toute inscription hypothécaire à partir de la publication de la mutation et a ensuite examiné la responsabilité de l'État sous les deux aspects de l'inscription initiale et de son renouvellement : en ce qui concerne l'inscription initiale, il a dit l'action éteinte en raison de la prescription décennale issue des articles 7 et 8 de la loi du 21 Ventôse an VII en indiquant que le conservateur « coupable » avait cessé ses fonctions le 9 juin 1995 ; concernant le renouvellement, le premier juge a dit que la responsabilité de l'État n'était pas engagée dès lors, qu'il n'y avait pas de discordance entre le titre de dernier disposant ou titulaire et le renouvellement de l'inscription, l'application de l'article 2427 échappant au contrôle du conservateur par application de l'article 2452 du même code ;
La SARL Telegemo fait valoir que le tribunal a appliqué à tort l'article 2452 du code civil sans tenir compte de la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêts du 12 juin 1996 et 18 juillet 2001) ;
Toutefois, s'il incombe au conservateur, lorsqu'il constate une discordance entre les énonciations relatives à l'identité des parties consignées au bordereau et les titres déjà publiés, de rejeter la formalité, il n'en est pas de même en cas de renouvellement de l'inscription initiale, car il résulte de l'article 34, alinéa 2 in fine du décret 55-1350 du 14 octobre 1955 qu' « il n'y a pas discordance lorsque le titre de la personne indiquée comme dernier disposant ou dernier titulaire, au sens de l'article 1 de l'article 32 a, cessé, postérieurement à sa publication au fichier immobilier, de produire tout ou partie de ses effets en raison d'un acte ultérieurement publié », la qualité de dernier disposant ou titulaire suivant l'article 1 de l'article 32 du même décret, au sens de l'article 3 du décret du 4 janvier 1955, s'entendant de « la personne dont le droit se trouve transféré, modifié, confirmé, grevé ou éteint – ou est susceptible de l'être – avec ou sans son consentement, par la formalité dont la publicité est requise » ;
Ce principe est le corollaire du droit de suite du créancier hypothécaire, attaché au bien grevé d'hypothèque en quelques mains qu'il se trouve, la discordance au sens de l'article susvisé s'entendant d'une éventuelle divergence entre l'identité du créancier à l'origine de l'inscription initiale et l'identité du créancier indiqué au bordereau de renouvellement ;
En conséquence, c'est par de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a dit que la responsabilité de l'État n'était pas engagée du fait du renouvellement de l'inscription hypothécaire de la société Telegemo et qu'il ne pouvait être reproché au conservateur des hypothèques d'avoir méconnu son obligation de vérifier la concordance entre ce renouvellement et le titre du dernier disposant, dès lors que le texte ci-dessus lui interdisait de rejeter la formalité pour ce motif ;
Sur l'action en responsabilité engagée contre la société Telegemo
La SARL Telegemo fait valoir que la faute du conservateur l'a empêchée de recouvrer sa créance contre la société Provim qu'elle croyait garantie par l'inscription initiale et son renouvellement ;
Le tribunal sera encore approuvé d'avoir dit que la société Telegemo avait agi avec une légèreté blâmable en faisant inscrire une hypothèque le 7 novembre 1994 en considération d'un état hypothécaire levé le 13 mai précédent, puis refusé de donner suite à la demande de mainlevée des époux F... et, bien qu'avertie de la difficulté par lettre du 26 octobre 2000, d'avoir renouvelé en 2004 une inscription qu'elle savait irrégulière ;
Si l'action en responsabilité de M. J... est prescrite à raison de la faute liée à l'inscription initiale, dès lors qu'il a eu connaissance de cette inscription dès son acquisition de 30 octobre 2000 et n'a pas assigné la société Telegemo avant l'expiration du délai de dix années courant à compter de cette date, en revanche, son action en responsabilité liée à la faute consistant, pour cette SARL, à renouveler une inscription d'hypothèque dont elle connaissait l'irrégularité, n'est pas prescrite, le renouvellement fautif ayant été effectué le 15 octobre 2004 et l'assignation lui ayant été délivrée au mois de juin 2013 ;
La SARL Telegemo ne peut contester avoir commis des fautes de nature quasi-délictuelles en requérant à tort une inscription d'hypothèque, en refusant d'en donner mainlevée puis en la renouvelant, au motif que le conservateur des hypothèques aurait commis de son côté commis des erreurs en inscrivant puis en renouvelant l'inscription litigieuse, ce qui l'aurait confortée dans sa croyance relative à sa validité, alors que, comme il a été dit plus haut, l'action engagée contre l'État est prescrite du fait de l'inscription initiale et que le conservateur ne pouvait rejeter la formalité de renouvellement, par application de l'article 34, alinéa 2 in fine du décret 55-1350 du 14 octobre 1955, alors même qu'il aurait constaté que le bien grevé avait changé de mains avant l'inscription initiale ; la mauvaise foi de la société Telegemo est établie en raison de sa résistance abusive à donner mainlevée d'une inscription dont elle connaissait, ou aurait du connaître, l'irrégularité originelle ;
C'est donc vainement que la SARL Telegemo met en cause la responsabilité de l'État du fait de ce renouvellement ou de l'inscription initiale alors que les dommages procédant de ces inscriptions ne résultent que de ses propres fautes, de sorte qu'elle sera déboutée de son action en garantie dirigée contre l'AJT et de ses demandes indemnitaires, au demeurant dépourvues de tout fondement alors qu'elle ne démontre pas avoir subi une perte de chance directe et certaine avec les fautes alléguées en ayant été empêchée de diligenter des voies d'exécution distinctes de la prise d'hypothèque, sur les biens de sa débitrice, la société Provim, n'eut été sa croyance en la validité de cette hypothèque ;
Sur l'action en responsabilité engagée contre les époux F...
M. J... reproche à M. et Mme F... d'avoir commis à son endroit une faute contractuelle en n'obtenant pas la mainlevée de l'inscription dans les meilleurs délais suivant la vente, comme ils s'y étaient engagés ; toutefois, son action en responsabilité contre ces derniers est prescrite dès lors que le fait générateur du dommage ne peut être fixé à la date de la revente du bien, 15 octobre 2004, mais à la date de son acquisition, soit le 7 novembre 1994, date à laquelle il a été informé par les mentions de cet acte d'acquisition de l'existence d'une inscription hypothécaire grevant le bien objet de la vente ;
Dès lors, M. J... sera dit irrecevable en son action dirigée contre les époux F..., le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de ces derniers et les a condamnés in solidum avec la SARL Telegemo, à payer à M. J... les intérêts au taux légal produits par un capital de 29.000 € à compter du 29 février 2012 jusqu'à libération entre ses mains de ce capital séquestré sur le prix de vente en exécution de la clause de séquestre stipulée à l'acte de vente du 29 février 2012 ;
Sur l'action en responsabilité engagée contre M. Y...
M. J... fait valoir que le notaire Y... a commis une faute quasi-délictuelle en manquant d'inscrire à l'acte de vente F...-J... une clause de nantissement ou séquestre garantissant la mainlevée de l'inscription Telegemo ;
Toutefois, cette action en responsabilité, de même que celle engagée contre M. et Mme F..., est prescrite dès lors que le fait générateur du dommage se situe à la date à laquelle l'intéressé a acquis, en toute connaissance de cause, un bien grevé d'une inscription hypothécaire ;
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu, à l'encontre du notaire Y..., une faute non prescrite en lien avec les dommages invoqués par M. J..., résultant du séquestre de la somme de 29.000 € lors de la revente du bien à Mme L..., des retards et complications occasionnés par cette inscription et de l'obligation, contractée envers Mme L..., de prendre en charge les frais de mainlevée de l'inscription ; la Cour, statuant à nouveau, dira M. J... irrecevable en l'intégralité de ses demandes dirigées contre M. Y... ;
Sur l'action en responsabilité engagée contre M. B...
C'est par des motifs pertinents que la Cour approuve que M. J... a été débouté de son action en responsabilité engagée contre le notaire B..., étant observé qu'il ne forme plus aucune demande de condamnation contre ce notaire et que la demande de garantie formée par M. et Mme F... contre M. B... à titre subsidiaire est sans objet ;
Sur le préjudice de M. J...
M. J... décompose comme suit ses demandes indemnitaires :
- charges indûment payées du fait des retards apportés à la revente de son bien et minoration du budget affecté à une nouvelle acquisition : ainsi que l'a relevé le premier juge, M. J... n'établit ni la matérialité des retards qu'il déplore ni celle de l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé d'acquérir un bien d'une surface plus grande en raison de l'indisponibilité de la somme de 29.000 € séquestrée,
- paiement des frais de mainlevée et de radiation de l'inscription hypothécaire : l'inscription de la SARL Telegemo ayant été radiée en vertu du jugement entrepris, le préjudice invoqué par M. J... n'est pas établi,
- perte de jouissance de la somme de 29.000 € : le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL Telegemo à payer à M. J..., en réparation de chef de préjudice, les intérêts au taux légal produits par un capital de 29.000 € à compter du 29 février 2012 jusqu'à libération entre ses mains de ce capital séquestré sur le prix de vente en exécution de la clause de séquestre prévue à l'acte de vente du 29 février 2012,
- préjudice moral en relation avec les tracas, désagrément, difficultés et contrariétés liés à l'occupation d'un bien grevé d'une inscription hypothécaire : aucune indemnité ne peut être accordée de ce chef à M. J... qui a acquis en toute connaissance de cause en 1994 un bien grevé d'une inscription hypothécaire du chef de l'auteur de ses vendeurs et n'a introduit la présente action que lorsque il s'est vu contraint de séquestrer une somme de 29.000 € sur le prix de vente dudit bien ;
L'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme F... à payer, in solidum avec la SARL Telegemo, à M. J... les intérêts au taux légal produits par un capital de 29.000 € à compter du 29 février 2012 jusqu'à libération entre ses mains de ce capital séquestré sur le prix de vente en exécution de la clause de séquestre stipulée à l'acte de vente du 29 février 2012,
Statuant à nouveau,
Dit prescrite et par conséquent irrecevable l'action engagée par J... contre M. et Mme F...,
Confirme le jugement pour le surplus,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SARL Telegemo aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,