Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 20 MARS 2018
(n° 2018/ 069 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/05009
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 14/16823
APPELANT
Monsieur [V] [O]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté et assisté de Me Laetitia LLAURENS de la SELARL LEXPATRIMONIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2058
INTIMÉES
La société LA MONDIALE PARTENAIRE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 313 689 713 00078
L'association AMPHITEA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 343 081 675 00054
Représentées par Me Laurent HEYTE de la SELARL ESPACE JURIDIQUE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0348
Assistées de Me Gwendoline MUSELET, avocat au barreau de LILLE, substituée par Me Delphine POLY, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller, entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Madame Anne LACQUEMANT, Conseillère
En application de l'ordonnance de Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Paris en date du 5 janvier 2018
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Monsieur Christian BYK, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors de la mise à disposition.
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Le 7 octobre 2003, M. [V] [O], docteur en médecine, a adhéré, pour une durée de 10 années minimum, au contrat collectif d'assurance sur la vie «la Mondiale Stratégie TNS», souscrit par l'ASSOCIATION AMPHITEA auprès de la société MONDIALE PARTENAIRE, par l'intermédiaire de son courtier, la Banque Privée 1818. L'adhésion s'inscrivait dans le cadre d'un transfert de contrat de retraite qu'il détenait depuis le 19 décembre 1995 auprès d'un autre organisme d'assurance et bénéficiant des dispositions de l'article 154 bis du code général des impôts, mieux connues sous le nom de dispositif «retraite Madelin».
Constatant à la lecture de la table de rente une baisse substantielle du montant de la rente annuelle susceptible de lui être versée à compter du 1er janvier 2014, M. [V] [O], après avoir demandé des explications au courtier, puis s'être heurté au refus de l'assureur, a, par acte du 29 septembre 2014, assigné celui-ci ainsi que l'ASSOCIATION AMPHITEA devant le Tribunal de grande instance de Paris en exécution forcée des engagements contractuels et, subsidiairement, en indemnisation d'une perte de chance.
Par jugement du 13 janvier 2017, le tribunal l'a débouté de ses demandes et, par déclaration reçue le 8 mars 2017 et enregistrée le 9 mars, il a fait appel de cette décision et, dans les dernières écritures notifiées le 14 janvier 2018, il demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner l'assureur à lui verser une rente viagère réversible au profit de son épouse sur le fondement de la table de rente TGH05.
A titre subsidiaire, il demande la condamnation in solidum des intimées à lui payer une somme de 51 410 euros en réparation du préjudice subi du fait de leurs manquements. En toute hypothèse, il est sollicité la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 3 août 2017, les intimées sollicitent la confirmation, outre la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CE SUR QUOI, LA COUR
Sur l'obligation d'appliquer la table de rente TGH05:
-violation de l'article L141-1 du code des assurances
Considérant qu'au soutien de son appel, M. [O] fait valoir qu'en jugeant que le texte de l'article X autorisait, au moment de la transformation du capital en rente viagère, à proposer un tarif de rente sans négociation préalable avec le souscripteur du contrat collectif, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L141-1 du code des assurances;
Qu'en effet, il a ainsi admis que l'assureur pouvait définir sans accord du souscripteur les modalités de calcul de rente avec l'accord de l'adhérent alors qu'il s'agit d'une stipulation pour autrui pour laquelle l'adhérent est un tiers au contrat ;
Qu'il ajoute que la signature d'un avenant au contrat collectif était impérative ;
Considérant que les intimées répliquent qu'aux termes de son bulletin d'adhésion signé par ses soins le 7 octobre 2003, M. [V] [O] a reconnu avoir « reçu et pris connaissance des annexes et conditions générales n°LMP302020114V1 précisant notamment les modalités de renonciation et valant note d'information du contrat » ;
Que, par ailleurs, il apparaît qu'à la date à laquelle M. [V] [O] a sollicité la liquidation de ses droits à la retraite, la table de mortalité en vigueur se trouvait être la table de mortalité unisexe ;
Que de même, en cours de contrat, M. [V] [O] a été informé sur ses relevés de situation annuelle de ce que les informations y figurant, notamment sur le montant de rente, 'sont fournies à titre indicatif et n'ont pas de caractère contractuel car elles sont
réalisées sur la base de paramètres qui peuvent varier ou être modifiés en cours de contrat, comme notamment la table de mortalité et le taux technique' ;
Qu'enfin, lors de la transformation en rente sollicitée par M. [V] [O], celui-ci a complété et signé un formulaire suivant lequel l'adhérent « reconnaît avoir reçu et pris connaissance des dispositions particulières de la rente universelle dans le cadre d'un contrat Madelin, comprenant notamment les caractéristiques de la rente »;
Considérant qu'aux termes de cet article L 141-1 du code des assurances :
'Est un contrat d'assurance de groupe le contrat souscrit par une personne morale ou un chef d'entreprise en vue de l'adhésion d'un ensemble de personnes répondant à des conditions définies au contrat, pour la couverture des risques dépendant de la durée humaine, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ou du risque de chômage. Les adhérents doivent avoir un lien de même nature avec le souscripteur' ;
Que le fait que ce type de contrat constitue une stipulation pour autrui, qui impliquerait l'accord du souscripteur pour recevoir toute modification et ne serait dès lors pas opposable aux adhérents, suppose cependant qu'il soit démontré que M. [O] se voit en l'espèce imposer une modification contractuelle non consentie par le souscripteur ;
Considérant que la clause litigieuse porte sur le paragraphe X intitulé 'Transformation en rente' des conditions générales et énonce que 'l'épargne constituée à la date de la transformation en rente détermine le capital constitutif de la rente. Le montant de la rente est alors calculé selon le tarif en vigueur à la date de transformation en rente et les options choisies au titre des garanties proposées' ;
Considérant que M. [O] n'établit nullement que cette clause emporterait l'obligation d'appliquer la table de rente TGH05 et que sa modification ou celle de toute autre clause aurait mis fin à cette obligation en cours de contrat ;
Qu'en effet, cette clause inchangée se contente, pour le calcul de la rente, de renvoyer au 'tarif en vigueur à la date de transformation en rente' ;
Que l'application de la table de mortalité unisexe en vigueur au moment où M. [O] a demandé le calcul de la rente est donc la parfaite application des dispositions contractuelles ;
Qu'au demeurant, à supposer qu'elle puisse constituer une modification, celle-ci ne résulterait pas de la volonté unilatérale de l'assureur mais de l'application combinée de l'article L.111-7 du code des assurances résultant de la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 et de la volonté des parties puisque si le texte de la loi autorise le maintien de tables de rente distinctes selon le sexe de l'adhérent pour les contrats et les adhésions conclus ou effectuées antérieurement au 20 décembre 2012 ou reconduits tacitement après cette date, il n'interdit pas, en revanche, l'application immédiate des nouvelles dispositions aux contrats en cours, conformément aux dispositions contractuelles acceptées par l'assureur et le souscripteur;
-violation des articles L 141-4 et L 132-5-3 du code des assurances
Considérant que M. [O] fait valoir que le jugement est en infraction avec les dispositions des articles L 141-4 et L 132-5-3 du code des assurances , qu'en effet, l'article L141-4 du code des assurances impose que soit remise à l'adhérent une notice d'information qui décrit les garanties applicables et les modalités de leur entrée en vigueur;
Qu'en outre, cette notice d'information, décrivant les caractéristiques principales de l'adhésion, ne peut se voir substituer par les conditions générales du contrat groupe conformément à l'article L132-5-3 du code des assurances, qui impose, pour les contrats d'assurance de groupe à adhésion facultative, la remise d'une telle notice d'information comportant en en-tête un encadré ;
Qu'au surplus, l'article 141-4 du code des assurances préalablement visé prévoit également que lorsqu'il y a modification des droits et obligations des adhérents, ils doivent en être informés afin de pouvoir exercer leur faculté de dénonciation et que l'accord de l'adhérent ne peut se substituer à l'obligation de respecter les règles de modification d'un contrat d'assurance collectif ;
Qu'il conclut qu'il ne prétend pas que le taux de rente appliqué était un taux garanti mais qu'il avait le droit de connaître le tarif de rente applicable aux rentes servies à la date de son adhésion, les critères déterminants ( même évolutifs) de calcul de la rente, et surtout qu'il avait droit à être officiellement informé d'un changement de tarif à venir au moins trois mois avant l'entrée en vigueur de ce nouveau tarif ;
Mais, considérant qu'aux termes de l'aliéna 2 de l'article L 141-4 du code des assurances, 'le souscripteur est tenu d'informer par écrit les adhérents des modifications apportées à leurs droits et obligations, trois mois au minimum avant la date prévue de leur entrée en vigueur' ;
Que cette rédaction implique nécessairement l'existence d'une modification apportée aux droits de l'adhérent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. [O] ne démontrant pas qu'il avait un droit contractuel à voir appliquer la table de rente TGH05 ;
Sur le manquement des intimées à leurs obligation d'information:
- Violation des dispositions des articles L132-22 et A 132-7 du code des assurances
Considérant que M. [O] reproche à l'assureur de ne pas avoir, avant la date de la demande de transformation du capital en rente, rempli les obligations d'information prévues aux articles L132-22 et A 132-7 du code des assurances et ainsi de ne pas lui avoir permis d'anticiper la date de transformation de son capital ou de demander le transfert de son adhésion auprès d'un autre organisme d'assurance dont le tarif de rente aurait été plus favorable ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du V de l'article A 132-7, mises en avant par l'appelant, que :
' 1° Pour l'application du douzième alinéa de l'article L. 132-22, l'estimation du montant de la rente viagère qui serait versée à l'adhérent au titre des droits exprimés en euros peut être présentée distinctement de l'estimation établie à partir des droits exprimés en unités de comptes, qui elle-même peut être présentée distinctement de celle établie à partir des droits exprimés en parts de provision de diversification.
2° Chaque estimation mentionnée au 1° est établie en fonction de la provision mathématique constituée à la fin de l'exercice considéré et des tables de mortalité et du taux d'intérêt technique applicables au contrat. Chaque estimation est communiquée nette des frais de sorties mentionnés au quatrième alinéa du 5° de l'article A. 132-8.
Pour les adhérents qui n'ont pas atteint l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L.161-17-2 du code de la sécurité sociale à la fin de l'exercice considéré, au moins deux estimations sont mentionnées, la première en retenant l'hypothèse d'âge de départ à la retraite mentionné au premier alinéa de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale et la deuxième en retenant cet âge majoré de cinq ans.
Pour les adhérents qui ont dépassé l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale à la fin de l'exercice considéré, au moins une estimation est établie, en retenant une hypothèse d'âge de départ à la retraite égale à l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale majoré de cinq ans, en retenant une hypothèse d'âge de départ à la retraite supérieur pour les adhérents qui ont dépassé cet âge à la fin de l'exercice considéré.
3° La présentation des estimations mentionnées au 1° est complétée par la mention : "Ces estimations sont fournies à titre indicatif et n'ont pas de caractère contractuel car elles sont réalisées sur la base de paramètres qui peuvent varier ou être modifiés en cours de contrat, notamment la table de mortalité et le taux technique. Des frais ou indemnités sont prélevés par l'entreprise d'assurance, ils sont détaillés dans votre contrat. Ces estimations retiennent des hypothèses d'âge de liquidation de la rente qui peuvent être différents de l'âge exact d'ouverture de vos droits à retraite ainsi que de celui à compter duquel vous pouvez liquider votre retraite obligatoire à taux plein" ;
Considérant que M. [O] en déduit qu'il y a bien un tarif applicable au contrat à une date donnée à toutes les adhésions au contrat, susceptible d'évolution, mais sous réserve de respecter les modalités prévues par le code des assurances en matière de modification des contrats d'assurance de groupe et estime que l'assureur s'étant bien gardé de lui transmettre les estimations prévues par l'article susvisé intégrant les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 11 mars 2011 (C 236-9), il a manqué à ses obligations ;
Mais considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus qu'aucune modification du contrat n'étant intervenue, aucune faute ne peut être relevée à l'encontre des intimées de ce chef ;
-Manquement de l'association AMPHITEA à son obligation d'information des adhérents sur l'entrée en vigueur d'une modification
Considérant que pour les mêmes raisons, il y a lieu de débouter M. [O] de sa demande à ce titre ;
Sur les frais irrépétibles:
Considérant que l'équité commande de condamner M. [O] à payer la somme de 1500 euros à l'ensemble des intimées MONDIALE PARTENAIRE et AMPHITEA, qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré et, y ajoutant,
Condamne M. [V] [O] à payer la somme de 1500 euros à l'ensemble des intimées MONDIALE PARTENAIRE et AMPHITEA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le déboute de sa demande à ce titre et le condamne aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER
F.F. de Président