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15/03/2018 | FRANCE | N°16/24017

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 15 mars 2018, 16/24017


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 15 MARS 2018



(n°2018 - , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24017, jonction avec le dossier 17/19778



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 12/02733





APPELANT



LA VILLE DE [Localité 1], agissant en la per

sonne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 1]





Défendeur dans le dossier 17/19778





Représentée par Me Christine GRUBER de la SELARL GROUPE RABELAIS, avocat au barreau de V...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 15 MARS 2018

(n°2018 - , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24017, jonction avec le dossier 17/19778

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 12/02733

APPELANT

LA VILLE DE [Localité 1], agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 1]

Défendeur dans le dossier 17/19778

Représentée par Me Christine GRUBER de la SELARL GROUPE RABELAIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 136

Assistée à l'audience de Me David BILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1441

INTIMES

Monsieur [M], [T], [O] [Y]

Né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ET

Monsieur [W], [K], [G], [T] [Y]

Né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ET

Monsieur [S] - [T], [V], [B] [Y]

Né le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ET

la SAS Les Fils de Madame [X], prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Demandeurs dans le dossier 17/19778

Représentés par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistés à l'audience de Me Cyril LAROCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1605

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 janvier 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***************

Le 15 septembre 1978, le Syndicat communautaire d'aménagement de l'agglomération nouvelle de Marne-la-Vallée a conclu avec « Messieurs [Y] et [X] » un contrat intitulé « Traité pour l'exploitation d'un marché public au centre du quartier [Localité 6] », aux termes duquel, en substance, les concessionnaires devaient construire à leurs frais le marché couvert [Localité 6] situé sur la commune de [Localité 1] (77), pour un coût fixé forfaitairement à 1.100.000 francs et se voyaient déléguer l'exploitation des droits communaux sur ce marché d'approvisionnement, le syndicat s'engageant pour sa part à leur accorder sa garantie pour la souscription du prêt correspondant. Cette concession était accordée pour une durée de 30 ans, renouvelable par tacite reconduction pour 10 ans et il était notamment prévu qu'une redevance serait due par les concessionnaires au Syndicat au bout de quinze ans d'exploitation.

Au décès de Madame [X], trois de ses héritiers, [M], [W] et [E] [Y], ont poursuivi l'exécution du contrat. [E] [Y] étant décédée en 2007, son fils M. [Z] [Y], seul héritier, est venu aux droits de sa mère.

En 1987, dans le but de rationaliser l'exploitation de l'entreprise et de la représenter auprès des villes avec lesquelles l'indivision était liée par contrat, les indivisaires ont constitué la société anonyme Les Fils de Madame [X] et ont donné à cette société, dénommée [X] Gestion à partir de 2003, une mission d'assistance à la gestion des divers contrats de délégation qu'ils avaient conclus indivisément.

Suite à la loi de décentralisation, un nouveau "traité de concession des marchés d'approvisionnement" regroupant le marché public du Centre et le marché public [Localité 6] a été conclu entre la commune de [Localité 1] et "Messieurs [Y] et [X]" pour une durée de 25 ans renouvelable par tacite reconduction pour 10 ans. Les engagements financiers du traité de 1978 relatif au marché [Localité 6] étaient rappelés à l'article 11 de ce contrat et il était prévu à son article 24 que la commune de [Localité 1] financerait et réaliserait directement les travaux de l'extension du marché du Centre, la participation financière des exploitants à cette opération consistant en une redevance complémentaire de 293.810 francs, égale aux annuités de l'emprunt contracté par la commune pour la construction de cette halle couverte. Parallèlement, les exploitants étaient exonérés de redevance pour les 15 premières années d'exploitation de ce marché du Centre.

Huit ans plus tard, dans le cadre d'une opération de déplacement du marché [Localité 6] et de reconstruction des équipements et bâtiments affectés au service des marchés, un "avenant de refonte au traité d'exploitation des marchés publics d'approvisionnement" a été signé le 23 décembre 1997 entre les mêmes parties.

Il a été prévu à l'article 9 de ce contrat que les travaux seraient réalisés directement par la commune, la participation financière de l'exploitant étant fixée dans le cadre de l'article 18 relatif aux redevances à sa charge.

L'article 27 redéfinissait les modalités de calcul de la redevance annuelle, rappelait que l'exploitant versait une redevance spéciale de 293.810 francs pour le marché du centre et stipulait que celui-ci versera en outre une somme annuelle de 184.000 francs correspondant à l'annuité théorique d'un emprunt de 2.300.000 francs souscrit par la ville dans le cadre du déplacement du marché [Localité 6]. Il a également été prévu que la durée du traité de 1989 était prorogée de 15 années, soit jusqu'au 31 décembre 2038.

Après avoir reçu un avis de la chambre régionale des comptes dénonçant la quasi-inexistence des investissements à la charge des bénéficiaires du contrat d'affermage et la durée excessive de l'avenant de 1997 et considérant que ce contrat se distinguait aussi par l'absence de risque d'exploitation supporté par les consorts [Y], le maire de la commune de [Localité 1] a fait part à M. [M] [Y], « président directeur général » de la société « Les fils de madame [X] », par courrier du 21 octobre 2011, de la décision de résiliation du traité de concession signé le 9 décembre 1989 - et de son avenant de 1997 - pour le motif d'intérêt général tiré de son illégalité, à effet au début du mois de septembre 2012.

Par courrier du 10 novembre 2011, le concessionnaire a répondu au maire de [Localité 1] qu'il contestait cette décision.

C'est dans ces conditions, et faisant suite à d'autre échanges de courriers, que MM. [M] et [W] [Y] ont assigné la commune de [Localité 1] devant le tribunal de grande instance de Meaux aux fins de paiement à titre principal d'une indemnité de 2 379 801 euros ramenée finalement à 2 052 330 euros en application de l'article 20 1° d de l'avenant de 1997.

Par jugement rendu le 30 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Meaux a :

-déclaré recevable l'intervention volontaire principale de M. [S] [Y] et de la SAS Les fils de Madame [X] ;

-dit que la commune de [Localité 1] (77) est redevable envers la SAS Les fils de Madame [X] d'une indemnité contractuellement prévue à l'article 20-2°-a) et renvoyant, pour son calcul, à l'article 20-1-d° de l'avenant de refonte conclu le 23 décembre 1997, par suite de la résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général notifiée le 21 octobre 2011, à effet au mois de septembre 2012 ;

-condamné la ville de [Localité 1] (77) à payer à la SAS Les fils de Madame [X] la somme de 589 027 euros au titre de la partie de cette indemnité calculée, pour chacune des années du traité restant à courir, à hauteur de 1/40 ème du total des redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3, chacune à compter de l'année de son versement étant actualisée au taux d'intérêt légal de l'année considérée majorée de trois points ;

-ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière sur cette somme ;

-rejeté la demande de 116 277 euros formée par la SAS Les fils de Madame [X] au titre du préjudice commercial de 10%, cette clause pénale n'étant pas prévues par l'article 20-2-a) de l'avenant de refonte signé le 23 décembre 1997 entre les parties ;

-sursis à statuer sur les autres demandes formulées par les parties ;

-ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [X] [F] avec pour mission de déterminer le montant de l'indemnisation due par la commune de [Localité 1] dont le principe est prévu à l'article 20-2°-a) de l'avenant de refonte conclu le 23 décembre

1997 et dont le mode de calcul est précisé à l'article 20-1°-d) du même contrat, concernant deux éléments :

1- la partie de l'indemnité mentionnée à l'article 20-1°-d) prévoyant « pour chacune des années du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure : 30 % du total des recettes TTC de l'année précédente, majorés de l'impact intégral de la formule d'actualisation prévue à l'article 19 en cas d'application partielle de celle-ci » en se basant sur la marge nette du délégataire » ;

2- l'étendue du déficit d'exploitation restant à la charge du délégataire au moment effectif de la résiliation en septembre 2012, en application des stipulations contractuelles prévues à l'article 20-1°-d) mentionnant " la purge préalable de tout report déficitaire actualisé ",

l'avance sur les frais d'expertise étant mise à la charge de la SAS Les fils de Madame [Y] ( en réalité, [X] ) et les demandes fondées sur l'article 699 et l'article 700 du code de procédure civile étant réservées.

La commune de [Localité 1] a fait appel de ce jugement par déclaration du 29 novembre 2016.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2017, la commune de [Localité 1] demande à la cour, au visa des articles 544 du code de procédure civile,

L. 2331-3 et L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales, de :

- Infirmer le jugement n°12/02733 du tribunal de grande instance de Meaux en date du 30 septembre 2016 en ce qu'il a :

- «DIT que la commune de [Localité 1] (77) est redevable envers la SAS « Les fils de

Madame [X] » d'une indemnité contractuellement prévue à l'article 20-2°-a) et renvoyant, pour son calcul, à l'article 20-1-d° de l'avenant de refonte conclu le 23 décembre 1997, par suite de la résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général

notifiée le 21 octobre 2011, à effet au mois de septembre 2012 » ;

- «CONDAMNE la ville de [Localité 1] (77) à payer la SAS « Les fils de Madame

[X] » la somme de 589 027 euros au titre de la partie de cette indemnité calculée, pour chacune des années du traité restant à courir, à hauteur de 1/40 ème du total des redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3, chacune à compter de l'année de son versement étant actualisée au taux d'intérêt légal de l'année considérée majorée de trois points » ;

- «ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière sur cette somme »,

-confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire et commis M. [X] [F] pour y procéder,

-constater que l'article 20-1-d° de l'avenant de refonte est gravement illégal et ne peut permettre de définir l'indemnité éventuellement due à la société Les fils de Madame [X] du fait de la résiliation pour motif d'intérêt général du contrat décidée par la ville,

-débouter MM. [M], [W] et [S] [Y], ainsi que la société Les fils de Madame [X] dans toutes leurs demandes et de leur appel incident,

-condamner solidairement MM. [M], [W] et [S] [Y], ainsi que la société Les fils de Madame [X] à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner MM. [M], [W] et [S] [Y], ainsi que la société Les fils de Madame [X] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2017, MM. [M], [W] et [S] [Y] ainsi que la SAS Les fils de Madame [X] sollicitent de la cour qu'elle :

A titre principal,

-confirme le jugement entrepris en tant qu'il arrête le principe de l'obligation de la ville de [Localité 1] à leur verser l'indemnité stipulée à l'article 20-1-d de la convention du 23 décembre 1997 ;

-évoque et statuant à nouveau :

-condamne la ville de [Localité 1] au paiement d'une indemnité de 3 200 235 €, augmentée

des intérêts de droit à compter de la date de l'assignation, capitalisés année par année conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

-dise qu'il n'y a pas lieu à expertise,

-rejette toutes conclusions contraires de la ville de [Localité 1],

A titre subsidiaire,

-dise qu'il y a lieu de statuer en appliquant les règles générales applicables aux contrats administratifs à l'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation pour motif d'intérêt général,

-condamne la ville de [Localité 1] au paiement d'une indemnité de 2.918.595,42 €, augmentée des intérêts de droit à compter de la date de l'assignation, capitalisés année par année conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

En tout état de cause,

-condamne la ville de [Localité 1] à verser une indemnité de 25.000 euros (hors taxes) sur le

fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne la ville de [Localité 1] aux entiers dépens, en ce compris les honoraires d'expertise, et ordonner la distraction au profit de la SCP PMG, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ailleurs, les consorts [Y] et la société les fils de Madame [X] ont saisi la cour, par requête en date du 28 octobre 2017, d'une demande en rectification d'erreur matérielle exposant que le tribunal a indiqué dans la motivation de sa décision qu'il appartenait à l'expert de calculer la marge nette du délégataire " en appliquant la clause de révision prévue à l'article 19 du contrat" mais qu'il n'a pas repris cette précision dans le dispositif de son jugement, de sorte qu'il convient de rectifier cette omission en libellant la mission de l'expert judiciaire ainsi :

« déterminer le montant de l'indemnisation due par la commune de [Localité 1] dont le

principe est prévu à l'article 20-2°-a) de l'avenant de refonte conclu le 23 décembre

1997 et dont le mode de calcul est précisé à l'article 20-1°-d) du même contrat, concernant deux éléments :

1 ' la partie de l'indemnité mentionnée à l'article 20-1°-d) prévoyant « pour chacune des années du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure : 30 % du total des recettes TTC de l'année précédente, majorés de l'impact intégral de la formule d'actualisation prévue à l'article 19 en cas d'application partielle de celle-ci » en se basant sur la marge nette du délégataire » en appliquant la clause de révision prévue à l'article 19 du contrat ».

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2017, la commune de [Localité 1] sollicite le rejet de la requête, considérant que le dispositif du jugement n'est affecté d'aucune erreur matérielle.

L'ordonnance clôturant l'instruction de la procédure d'appel a été rendue le 10 janvier 2018.

Pour une bonne administration de la justice, le dossier ouvert sur requête en rectification d'erreur matérielle sous le numéro 17/19778 sera joint au dossier d'appel ouvert sous le n°16/24017.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour constate à titre liminaire que les dispositions du jugement déclarant recevables les interventions volontaires principales de M. [S] [Y] et de la SAS Les Fils de Madame [X] ne sont pas discutées en cause d'appel. Par ailleurs, il convient d'observer qu'aucune des parties ne conteste les termes du dispositif selon lesquels le tribunal de grande instance ne statue qu'à l'égard de la SAS Les Fils de Madame [X], MM. [M], [W] et [S] [Y] n'étant pas visés.

Sur la rectification d'erreur matérielle :

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, "Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande."

En l'espèce, il ne résulte pas des motifs du jugement rendu le 30 septembre 2016 que les juges ont omis de préciser, dans le dispositif, la précision selon laquelle il appartient à l'expert judiciaire de "déterminer le montant de l'indemnisation due par la commune de [Localité 1] (...)," dont

"1 ' la partie de l'indemnité mentionnée à l'article 20-1°-d) prévoyant « pour

chacune des années du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre

étant arrondi à l'unité supérieure : 30 % du total des recettes TTC de l'année

précédente, majorés de l'impact intégral de la formule d'actualisation prévue à

l'article 19 en cas d'application partielle de celle-ci » en se basant sur la marge nette

du délégataire »" en appliquant la clause de révision prévue à l'article 19 du

contrat ».

En effet, la référence à l'application de la clause de révision prévue par l'article 19 est bien faite dans les termes exacts de la disposition contractuelle et il n'y a pas lieu de rajouter cette indication.

La requête en rectification d'erreur matérielle doit être rejetée.

Sur le principe de l'indemnité contractuelle :

La commune de [Localité 1] demande à la cour qu'elle estime compétente pour en juger dès lors qu'une jurisprudence administrative bien établie permet de ne pas appliquer une clause contractuelle illicite ou entachée d'un vice d'une particulière gravité, de dire que la clause prévue à l'article 20 1° d de l'avenant de refonte du 23 décembre 1997 est gravement illégale.

En premier lieu, elle fait valoir que cette illégalité résulte de ce qu'elle entraîne le versement d'une indemnité manifestement disproportionnée au vu des préjudices réellement subis par les consorts [Y] alors que les "redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3" ne sont pas des investissements non amortis, des actifs immobilisables mais des loyers versés en contrepartie de l'exploitation des ouvrages appartenant à la commune, qu'en raison de l'exonération de la redevance d'exploitation pendant 15 ans pour le marché du Centre et pendant 20 ans pour le marché [Localité 6] et de la perception d'indemnités d'inoccupation, la société Les Fils de Mme [X] n'a supporté des charges financières qu'à hauteur de 137 598 euros sur une durée de 24 ans alors que l'indemnité résultant de l'application de la clause s'élèverait à la somme de 761 562,62 euros selon les premiers juges et que la fin anticipée du contrat a permis aux délégataires d'arrêter de verser la redevance prévue à l'article 18 3°, sachant que l'autre redevance prévue à l'article 18 2° n'était plus versée depuis 2003. Elle affirme que cette clause conduit au versement d'une indemnité dissuasive pour que la collectivité signataire ne puisse pas faire usage de son pouvoir de résiliation pour un motif d'intérêt général et qu'elle constitue en réalité une libéralité.

En deuxième lieu, elle rappelle que le produit des droits de place constitue une recette fiscale que seul le conseil municipal peut réviser, que l'article 19 de l'avenant contrevient à cette compétence exclusive en prévoyant les modalités de révision des "tarifs journaliers des perceptions" c'est-à-dire des droits de place, qu'en conséquence, la clause 20 1° d qui fait application de l'article 19 pour déterminer l'indemnité est gravement illégale.

En dernier lieu, elle affirme que le juge administratif n'hésite pas à écarter les stipulations d'un contrat administratif qui empêcherait la remise en concurrence périodique des contrats du fait d'une durée excessive ou d'une clause de reconduction tacite, qu'en l'espèce, la durée du traité du 9 décembre 1989, initialement de 25 ans renouvelable pour 10 ans par tacite reconduction, a été prolongée de 15 ans par l'avenant du 23 décembre 1997, que cette durée excessive a été relevée par la chambre régionale des comptes et est gravement illégale, étant au surplus rappelé que l'indemnité doit être calculée sur "chacune des années du traité restant à courir", soit sur 26 années.

Les consorts [Y] et la SAS les Fils de Mme [X] demandent à titre principal que le contrat d'affermage, de nature administrative, soit appliqué eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, considérant qu'il doit être interprété en fonction de la commune intention des parties, lesquelles ont entendu prévoir une durée nécessaire à la couverture des charges d'investissement de sorte que la clause prévoyant le mode de détermination de l'indemnité de résiliation du contrat doit être strictement respectée, cette clause ayant vocation à couvrir la valeur non amortie des investissements et le manque à gagner.

A titre subsidiaire, ils soutiennent d'une part, que la contestation de la légalité d'un acte administratif doit donner lieu à un renvoi préjudiciel au juge administratif mais que la commune de [Localité 1] n'est plus recevable à soulever en appel par voie d'exception l'illégalité de l'article 20 1° d) du contrat dès lors que cette exception a déjà été déclarée irrecevable par ordonnance du juge de la mise en état en date du 30 mai 2014, d'autre part, que le juge judiciaire ne peut apprécier la légalité d'un contrat administratif que si l'irrégularité de la clause contractuelle peut être constatée au vu d'une jurisprudence établie du juge administratif et si cette irrégularité n'est pas d'une gravité telle qu'elle justifiât que l'appréciation de sa légalité soit nécessaire pour trancher le litige.

A titre plus subsidiaire, si la cour devait se considérer compétente pour apprécier la légalité de l'article 20 1° d), ils affirment qu'il lui appartient d'appliquer cette clause au motif que sa légalité ne fait aucun doute et qu'en tout état de cause, son illégalité ne serait pas suffisamment grave pour ne pas l'appliquer. Ils soutiennent en effet qu'ils ont bien subi un préjudice important du fait de la résiliation anticipée du contrat dès lors qu'ils ont assumé la totalité du coût des investissements depuis 1978, que la clause de révision des tarifs des droits de place constitue un mécanisme objectif permettant de préserver l'équilibre financier du contrat et que si cette clause est illégale, son illégalité n'est pas d'une gravité suffisante pour écarter l'application du contrat, étant sollicité subsidiairement que cette illégalité ne prive pas d'effet les autres stipulations de l'article 20 1° d), que la limitation de la durée de la convention, notamment par la loi du 29 janvier 1993, ne fait pas obstacle à une indemnisation du concessionnaire qui aura fait des investissements dont la durée d'amortissement est supérieure, soit une durée non excessive de 40 ans en l'espèce.

La cour constate que les parties ne contestent pas que la résiliation du contrat par la commune de [Localité 1] pour un motif d'intérêt général est susceptible d'entraîner l'application de la clause prévue à l'article 20 1° d) dudit contrat et que les consorts [Y] ne sollicitent plus en cause d'appel le versement de la clause pénale prévue au dernier alinéa de cet article 20 1° d), la demande à ce titre ayant été rejetée par les premiers juges.

Cette clause prévue à l'article 20 1° d) dudit contrat intitulé "Avenant de refonte au traité d'exploitation des marches publics d'approvisionnement" signé le 23 décembre 1997par la commune d'une part et "Messieurs [Y] (...) représentés par leur mandataire, la Société Anonyme LES FILS DE MADAME [X] (...)" d'autre part est ainsi libellée :

« Du fait du préjudice financier subi antérieurement par l'Entrepreneur et rappelé en préambule des présentes comme des nouveaux investissements financés par lui et prévus à l'article 10 des présentes, la résiliation entraînera à son profit, après purge préalable de tout report déficitaire actualisé, le versement immédiat par la Ville d'une indemnité au titre de ces engagements initiaux composés de la façon suivante, pour chacune des années du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure :

-30% du total des recettes TTC de l'année précédente majoré de l'impact intégral de la formule d'actualisation prévue à l'article 19 en cas d'application partielle de celle-ci,

-1/40ème du total des redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3 chacune à compter de l'année de son versement étant actualisée au taux d'intérêt légal de l'année considérée majoré de trois points ( ...)».

Les articles 18 ' 2°/ et 18 ' 3°/ auxquels renvoie l'article 20 - 1° - d) sont ainsi rédigés :

Article 18 ' 2°/ : « Il est rappelé que l'Entrepreneur verse à la Ville pendant une durée de 15 années une redevance spéciale relative au marché du Centre et citée à l'article 25 du traité pour un montant de 293.810 Francs dans les conditions prévues audit traité, et ce versement se poursuivra jusqu'à l'année 2003 incluse »

Article 18 ' 3°/ : « En outre, l'Entrepreneur prend l'engagement de verser à la Ville une somme annuelle, non révisable et forfaitaire de 184.000 francs, calculée pour être égale à l'annuité théorique d'un emprunt de 2.300.000 Francs souscrit par la Ville dans le cadre de l'article 9 ci-dessus, au taux de 5% environ et pendant une durée de 20 années, et ce à compter du premier jour du trimestre civil suivant la mise en service du bâtiment rénové. Ces versements seront effectués par quart à la fin de chaque trimestre, et ce pendant la durée de 20 ans précitée. »

L'article 19 contient une clause de révision des tarifs journaliers des droits de place et de la redevance prévue à l'article 18-1°/.

Le juge judiciaire est compétent pour connaître de l'exécution du contrat d'affermage conclu entre les parties et en particulier de cette clause 20 1° d) et il lui appartient d'en faire application eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelle, sauf s'il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité. Dans ce cas, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

Cependant, dès lors que ce contrat est de nature administrative, il ne peut statuer sur les questions relatives à l'illégalité alléguée du contrat ou d'une de ses clauses sans renvoyer au juge administratif pour lui poser une question préjudicielle que s'il existe sur chacune de ces questions une jurisprudence administrative bien établie.

Contrairement aux affirmations des intimés, aucune autorité de la chose jugée n'est attachée à l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 20 mai 2014, celui-ci s'étant contenté de dire irrecevable la demande de sursis à statuer, n'ayant pas le pouvoir de "dire, au besoin d'office, que la question de la validité de la clause d'indemnisation relève de la compétence du tribunal administratif de Melun" comme cela lui était indûment demandé par la commune de [Localité 1].

Dans ces conditions, la cour est fondée à examiner si l'illégalité alléguée de la clause prévue à l'article 20 1) d) relève d'une jurisprudence bien établie et en cas de réponse positive, à apprécier si cette illégalité est d'une gravité telle qu'il convient d'écarter le contrat.

La commune de [Localité 1] oppose à l'action des consorts [Y] trois causes d'illégalité affectant la clause indemnitaire de l'article 20 1° d).

En premier lieu, elle dénonce l'illégalité d'une clause qui permet le versement d'une indemnité manifestement disproportionnée au vu des préjudices réellement subis par ses cocontractants, bafouant ainsi l'interdiction faite à une personne publique d'accorder une libéralité.

Il n'est pas interdit aux parties à un contrat administratif de prévoir contractuellement l'indemnité que pourra percevoir le cocontractant de la personne publique en cas de résiliation pour motif d'intérêt général.

Les premiers juges ont à juste titre retenu que selon une jurisprudence administrative constante, l'indemnité contractuellement prévue au profit du cocontractant de l'administration, en cas de résiliation par cette dernière pour un motif d'intérêt général, ne doit pas présenter, au détriment de la personne publique, un montant d'une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour l'attributaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé, faute, sinon, de contrevenir à l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités.

Il appartient à la commune d'établir le caractère manifeste de la disproportion alléguée entre l'indemnité contractuelle et le préjudice réellement subi, la seule réalité du montant élevé de cette indemnité ne suffisant pas à caractériser une disproportion manifeste.

Il résulte des dispositions de l'avenant de refonte conclu le 23 décembre 1997 que les consorts [Y] ne devaient verser une redevance globale forfaitaire à la commune qu'à partir de la 21ème année, soit à partir de 2018, que pendant une durée de 15 ans, soit jusqu'à l'année 2003 incluse, ils devaient verser une redevance spéciale relative au marché du Centre pour un montant annuel de 293 810 Francs ainsi que pendant 20 ans, une somme annuelle non révisable et forfaitaire de 184 000 francs calculée pour être égale à l'annuité théorique d'un emprunt souscrit par la commune. Il doit aussi être rappelé qu'aux termes du contrat initial conclu le 15 septembre 1978, les consorts [Y] devaient construire à leurs frais le marché [Localité 6] pour un coût de 1 100 000 francs et que cette concession étant accordée pour une durée de 30 années, renouvelable par tacite reconduction pour 10 ans, il était prévu qu'ils ne verseraient une redevance qu'au bout de 15 années d'exploitation.

Il résulte de ces éléments que les consorts [Y] n'ont investi qu'à hauteur de 1 100 000 francs en 1978, qu'initialement, les parties ont entendu fixer à quarante années la durée du contrat afin de permettre aux consorts [Y] d'amortir leur investissement, qu'en conséquence, l'immobilier financé par eux devait être réputé amorti en 2018.

Si, à la suite de la loi de décentralisation et en raison de changements intervenus dans l'organisation des marchés à [Localité 1], le contrat liant les parties a été modifié, il doit être constaté que les consorts [Y] n'ont plus fait aucun investissement dans des équipements publics, l'avenant de refonte organisant les paiements entre les parties de manière à ce que les consorts [Y], assujettis au paiement d'une redevance pour l'exploitation des marchés, assurent à la commune des versements réguliers dont les montants étaient alignés sur les échéances de ses emprunts. Ces redevances, l'une de 293 810 Francs versée à partir du traité du 9 décembre 1989, prorogée jusqu'en 2003 par l'avenant de 1997 et l'autre de 184 000 francs due pendant 20 ans, prévues aux articles 18-2 et 18-3 de l'avenant de 1997, ont donc permis à la commune de rembourser les emprunts contractés par elle pour les équipements des marchés, les consorts [Y] ne payant aucune redevance pour l'exploitation des marchés pendant ces périodes en contrepartie.

Il résulte de l'économie de ces contrats que les consorts [Y] n'ont financé les équipements publics qu'à hauteur de 1 100 000 francs et que ces équipements, d'accord entre les parties, étaient présumés amortis en 2018. Les autres versements prévus aux articles 18-2 et 18-3 de l'avenant ne constituaient pas des charges d'investissement supportées par les consorts [Y], mais bien des redevances que les parties ont entendu substituer aux redevances calculées en fonction des droits de place pour des raisons de sécurité dans le remboursement des prêts contractés par la commune.

Il doit être observé au vu des dispositions de l'article 20 1° d) que l'indemnité due pour résiliation pour motif d'intérêt général se décompose en deux parties et que la part de cette indemnité est égale, pour chacune des années du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure, à 1/40ème du total des redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3, chacune à compter de l'année de son versement étant actualisée au taux d'intérêt légal de l'année considérée est destinée à réparer le préjudice résultant pour le cocontractant de l'absence d'amortissement de ses investissements.

Force est alors de constater que cette part de l'indemnité qui a été calculée par les premiers juges à la somme de 761 562,62 euros est manifestement disproportionnée au regard du préjudice réellement subi par les consorts [Y] qui ne peuvent faire valoir, au titre des immobilisations, que leur investissement de 1 100 000 francs amortissable en quarante années, soit pendant 6 années restant à courir à la date d'effet de la résiliation.

En conséquence, cette partie de la clause contractuelle doit être écartée et afin d'obtenir réparation, les consorts [Y] devront établir le préjudice réellement subi selon les principes de la responsabilité civile quasi-délictuelle.

En second lieu, la commune de [Localité 1] soutient que la clause indemnitaire est illégale en ce qu'elle renvoie à l'article 19 du contrat qui prévoit une clause illicite de révision des tarifs.

Si l'actualisation des tarifs de place prévue dans un contrat d'affermage est illégale en ce que seul le conseil municipal est compétent pour arrêter des modalités de révision de droits de nature fiscale tels que les droits de place perçus dans les halles, foires et marchés, cette clause conserve un effet obligatoire dans les rapports entre les parties et doit recevoir application à la condition toutefois que cette illégalité ne soit pas d'une gravité telle qu'elle justifiât d'en écarter l'application.

Or, le fait que la révision des tarifs ait été indexée au moyen d'une clause contractuelle n'affecte pas gravement la validité de cette clause qui a pour but légitime de prévoir un mécanisme de revalorisation du tarif permettant l'équilibre économique de ce contrat de très longue durée et au demeurant exécuté sans aucune difficulté de 1997 à 2011. Elle peut parfaitement s'appliquer entre les parties sous réserve que les délégataires n'exigent pas de la commune qu'elle révise les tarifs, cette réserve n'affectant pas l'ensemble du contrat.

Dès lors, l'illégalité de la clause prévue à l'article 19 du contrat auquel la clause prévoyant l'indemnité de résiliation fait référence n'est pas d'une gravité suffisante pour écarter l'application de cette dernière.

En dernier lieu, la commune de [Localité 1] soutient que le juge administratif n'hésite pas à écarter les stipulations d'un contrat administratif qui empêcherait la mise en concurrence périodique du fait d'une durée excessive ou d'une clause de reconduction tacite, qu'en l'espèce, le contrat initial était déjà d'une durée réelle de 35 ans, durée qui a été prorogée de 15 ans par l'avenant de décembre 1997, alors que la loi dite "Sapin" étant déjà en vigueur, portant l'échéance du contrat au 31 décembre 2038, qu'au demeurant, la chambre régionale des comptes a relevé cette irrégularité en mentionnant que la durée de la concession est manifestement excessive eu égard à la modicité des investissements réalisés par le concessionnaire. Elle considère qu'en conséquence, la clause indemnitaire qui prévoit le calcul de l'indemnité sur "chacune des années du traité restant à courir", soit sur 26 années, est gravement illégale et devra être écartée.

Les consorts [Y] répondent que la durée d'amortissement des biens financés ne se confond pas avec celle du contrat et que si la fin de la durée d'amortissement est postérieure à celle du contrat arrivé à son terme ou résilié, il subsiste une valeur résiduelle qui doit être indemnisée.

La commune n'établit pas qu'à la date de la signature de l'avenant de refonte, soit le 23 décembre 1997, il a été contrevenu aux dispositions de l'article 40 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dans sa version applicable aux termes desquelles "Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre." Force est au surplus de constater que lors de la résiliation par la commune, le contrat était pas en cours d'exécution pendant la durée initialement prévue, de sorte qu'il ne peut être reproché aux cocontractants d'avoir contrevenu aux dispositions de la loi précitée (article 40 alinéa 2) qui font obstacle, sauf exceptions, à la reconduction tacite d'un contrat de concession à la fin de sa durée initiale.

Dans ces conditions, la clause prévoyant la part de l'indemnité correspondant à, pour chaque année du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure :

-30% du total des recettes TTC de l'année précédente majoré de l'impact intégral de la formule d'actualisation prévue à l'article 19 en cas d'application partielle de celle-ci doit recevoir pleine application.

Sur le montant de l'indemnité :

Au vu des termes de l'article 20 1° d) du contrat et des développements ci-dessus, elle sera constituée :

-de la purge préalable de tout report déficitaire actualisé,

-du préjudice réellement subi par les consorts [Y] au titre de l'amortissement de leurs investissements s'élevant à 1 100 000 francs du fait de la résiliation intervenue le 21 octobre 2011 à effet au mois de septembre 2012 ;

-de pour chaque année du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure (...) 30% du total des recettes TTC de l'année précédente majoré de l'impact intégral de la formule d'actualisation prévue à l'article 19 en cas d'application partielle de celle-ci.

-Sur le report déficitaire :

La commune de [Localité 1] considère que la demande des consorts [Y] à ce titre, augmentée en cause d'appel, n'est pas fondée et ne correspond pas aux termes contractuels. Elle soutient que la notion de report déficitaire actualisé ne permet pas de se reporter au report antérieur énoncé à l'article 18 1° b de l'avenant d'un montant de 1 605 686 francs alors que de surcroît, il n'est pas indiqué à quoi correspond ce report antérieur que l'absence de comptes d'exploitation pour la période entre 1989 et 1996 ne permet pas de vérifier et que ce report antérieur correspond en réalité à la part de redevances pour travaux qui n'ont pas encore été remboursées par la ville à l'issue de la période 1989-1996, soit la différence entre les redevances complémentaires ( 293 810 francs par an soit 2 350 480 francs ) et les indemnités de fonctionnement versées par la ville du fait de l'occupation insuffisante des marchés ( pour un total de 744 788 francs ) et non à un déficit d'exploitation. Après avoir fait observer que l'article 20 1° d) ne prévoit pas le remboursement des déficits accumulés sur la période 1996-2012, lesquels au demeurant ne sont pas établis, mais ne fait état que d'un report, elle affirme que les délégataires n'ont jamais souffert aucun déficit d'exploitation et que leur demande correspond en réalité à des frais financiers liés à la somme de 1 605 686 francs indiquée à l'article 18 1° du contrat qu'ils lui font supporter depuis 1996 en dehors de toute obligation contractuelle.

Les consorts [Y] répondent que les premiers juges ont à bon droit considéré que le report antérieur figurant à l'avenant pour un montant de 1 605 686 francs doit être retenu au titre du report déficitaire, s'agissant d'un compte arrêté par les parties sans nouvelle contestation possible, que le déficit calculé conformément à l'article 18 1° de l'avenant s'est accru de 1997 à 2012 ainsi que l'établissent les pièces comptables versées aux débats, qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une expertise comptable dès lors que les recettes entièrement déterminées par la ville et les charges d'exploitation courante sont parfaitement connues de la commune et qu'ils sont fondés à inclure dans le report déficitaire actualisé les frais financiers du report déficitaire,

C'est par une juste appréciation de la commune intention des parties qui ont entendu inclure dans l'indemnité de résiliation tout report déficitaire et ont fixé entre elles le montant du report antérieur à prendre en compte au 31 décembre 1996 à la somme de 1 605 686 francs que les premiers juges ont pu dire que le principe d'inclusion du report du solde déficitaire des années antérieures à la date de l'avenant n'est pas contestable mais que la simple mention de ce report antérieur dans le contrat de 1997 ne suffit pas à qualifier cette somme de report déficitaire au moment de la résiliation du contrat. En effet, c'est à

la date d'effet de la résiliation, soit début septembre 2012, que le montant du report déficitaire doit être apprécié de sorte que le report antérieur ne sera pris en compte qu'à la condition qu'en septembre 2012, il n'ait pas été en totalité ou pour partie remboursé, notamment par le versement par la ville d'indemnités de fonctionnement destinées à pallier l'insuffisance des recettes en raison de l'inoccupation d'une part importante des places. Par ailleurs, la cour n'est pas plus renseignée que les premiers juges sur la somme complémentaire de 523 860 euros ( 768 645 - 244 785 ) réclamée par les consorts [Y] pour parvenir à une demande de 768 645 euros au vu des comptes de résultats de 1996 à 2012 et de leur tableau récapitulatif alors que la commune produit aux débats l'analyse d'un expert comptable qui conclut à un écart entre les résultats d'exploitation communiqués sur la période 1997-2012 et ceux qui existeraient en réalité, ainsi qu'à une surestimation, par le délégataire, des charges supportées par lui.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ordonnant avant dire droit une mesure d'instruction civile afin, à partir notamment des pièces comptables susvisées fournies par les parties, d'apprécier l'étendue du déficit d'exploitation restant à la charge du délégataire au moment effectif de la résiliation en septembre 2012.

-Sur l'indemnité de 30 % du chiffre d'affaires de l'année de l'exercice précédant la résiliation, actualisé selon la clause de révision de l'article 19 :

La commune de [Localité 1] sollicite la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise comptable.

Les consorts [Y] s'opposent à toute mesure d'expertise, inutile selon eux les termes de la clause contractuelle étant clairs, alors qu'il n'y a pas lieu de rechercher la marge nette bénéficiaire et que le calcul de l'indemnité peut se faire dans les conditions suivantes : le chiffre d'affaires de 2011, année de référence, de 71 049,27 euros doit être actualisé en fonction du retard de révision des tarifs qui étaient inférieurs de 3,53% par rapport aux tarifs qui auraient dû être appliqués, de sorte que le chiffre d'affaires révisé s'élève à la somme de 73 557,31 euros dont 30% représentent 22 076,19 euros ; l'indemnité pour manque à gagner s'élève donc à la somme de 573 746,94 euros compte tenu des 26 ans résiduels à la résiliation du contrat.

Il résulte des termes clairs et dénués d'ambiguïté de la clause contractuelle que les parties ont entendu calculer l'indemnité réparant le manque à gagner en prenant pour référence les recettes TTC de l'année précédente, soit le chiffre d'affaires de l'année N-1 et non la marge nette d'exploitation. La jurisprudence invoquée par la commune, aux termes de laquelle en cas de résiliation pour motif d'intérêt général, le cocontractant de l'administration peut obtenir le versement de son manque à gagner provoqué par la fin anticipée du contrat, « qui est alors équivalent à son bénéfice net et non à sa marge brute » ne s'applique pas au cas d'espèce, cette jurisprudence ayant été rendue dans un cas où il appartenait au juge de caractériser le préjudice réellement subi en l'absence de clause contractuelle indemnitaire.

La cour estime toutefois nécessaire de faire appel à une mesure d'expertise judiciaire aux fins de vérification du chiffre d'affaires TTC pour l'année 2011 et application de la formule de majoration prévue à l'article 19 de l'avenant.

-Sur le préjudice réellement subi par les consorts [Y] au titre de l'amortissement de leurs investissements :

Au vu des pièces produites aux débats, il est nécessaire de faire appel à une mesure d'expertise afin de déterminer l'étendue du déficit de l'investissement fait par les consorts [Y] sur leurs fonds propres, soit 1 100 000 francs en 1978, à la date de résiliation du contrat, soit septembre 2012.

Sur les autres demandes :

Compte-tenu de la mesure d'expertise ordonnée, les autres demandes, notamment celles fondées sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile, seront réservées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire,

Ordonne la jonction des dossiers enregistrés sous les numéros 16/24017 et 17/19778 sous le seul numéro 16/24017 ;

Rejette la requête en omission de statuer ;

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 1] à payer à la SAS Les Fils de Madame [X] la somme de 589 027 euros au titre de la partie de l'indemnité calculée, pour chacune des années du traité restant à courir, à hauteur de 1/40ème du total des redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3, chacune à compter de l'année de son versement étant actualisée au taux d'intérêt légal de l'année considérée majoré de trois points, ordonné la capitalisation des intérêts dûs au moins pour une année entière sur cette somme et sur l'étendue de la mission de l'expert ;

En conséquence, statuant à nouveau,

Dit que la commune de [Localité 1] doit indemniser les consorts [Y] du préjudice réellement subi au titre de l'amortissement de leurs investissements s'élevant à 1 100 000 francs, du fait de la résiliation intervenue le 21 octobre 2011 à effet au mois de septembre 2012 ;

Dit que la mission de l'expert est de :

- Fournir les éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnisation due par la commune de [Localité 1] dont le principe est prévu à l'article 20 - 2° - a) de l'avenant de refonte conclu le 23 décembre 1997 et dont le mode de calcul est précisé à l'article 20 - 1° - d) du même contrat, concernant deux éléments :

1- la partie de l'indemnité mentionnée à l'article 20 - 1° - d) prévoyant « pour chacune des années du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure : 30% du total des recettes TTC de l'année précédente majoré de l'impact intégral de la formule d'actualisation prévue à l'article 19 en cas d'application partielle de celle-ci » ;

2- l'étendue du déficit d'exploitation restant à la charge du délégataire au moment effectif de la résiliation en septembre 2012, en application des stipulations contractuelles prévues à l'article 20 ' 1° - d) mentionnant « la purge préalable de tout report déficitaire actualisé» ;

-fournir les éléments permettant de déterminer l'étendue du déficit de l'investissement fait par les consorts [Y] sur leurs fonds propres, soit 1 100 000 francs en 1978, à la date de résiliation du contrat, soit septembre 2012.

Réserve les autres demandes,

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/24017
Date de la décision : 15/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°16/24017 : Prononce la jonction entre plusieurs instances


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-15;16.24017 ?
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