La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2018 | FRANCE | N°17/13293

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 07 mars 2018, 17/13293


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 07 MARS 2018



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/13293



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Juin 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/09373





APPELANTE



Madame [V] [I]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] (USA)

[Adresse 1] r>
[Localité 1] (USA)



représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de Me Nicolas FLACHET VON CAMPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P572...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 07 MARS 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/13293

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Juin 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/09373

APPELANTE

Madame [V] [I]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] (USA)

[Adresse 1]

[Localité 1] (USA)

représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de Me Nicolas FLACHET VON CAMPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P572

INTIMES

Madame [L] [I] [I]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 1] (USA)

[Adresse 2]

[Localité 2] (CHINE)

Monsieur [E] [I]

né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 3] (ESPAGNE)

[Adresse 3]

[Localité 4] (USA)

représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistés de Me Karl HEPP DE SEVELINGES, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Monique MAUMUS, Conseiller

Mme Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

[R] [I] né à [Localité 1] en 1930 est décédé dans cette ville le[Date décès 1] 2016 à la suite d'un accident de la circulation. Il avait trois enfants : Mme [V] [I], Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I].

[R] [I] avait rédigé son testament le 30 mars 2016, exhérédant totalement Mme [V] [I].

Par assignation délivrée le 26 mai 2016 à Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I], Mme [V] [I] a saisi le tribunal de grande instance de Paris pour voir ordonner le partage judiciaire de la succession de [R] [I].

Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, saisi par des conclusions d'incident notifiées le 9 mais 2017, a rendu une ordonnance le 26 juin 2017, dans les termes qui suivent :

- déboute Mme [V] [I] de sa demande de communication de pièces,

- déclare le tribunal de grande instance de Paris territorialement incompétent,

- renvoie Mme [V] [I] à mieux se pourvoir,

- condamne Mme [V] [I] au paiement à M. [E] [I] et à Mme [L] [I] de la somme de 10.000 euros au titre de leurs frais d'instance, non compris dans les dépens.

Par déclaration du 3 juillet 2017, Mme [V] [I] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 19 janvier 2018, elle demande à la cour, au visa des articles 11 alinéa 2, 138 à 141, 640 et suivants, 770 et suivants du code de procédure civile, R 511-8 du code des procédures civiles d'exécution, 815-5-1 et 840 du code civil, de :

- infirmer l'ordonnance déférée du juge de la mise en état (2ème chambre, 1ère section RG 16/9373) du 26 juin 2017,

- dire que les documents qu'elle avait demandés devant le juge de la mise en état par sommation du 25 novembre 2016 puis par conclusions du 5 décembre 2016 n'ont pas été produits dans leur intégralité,

en conséquence

- la déclarer recevable et bien fondée, par application des articles 11, alinéa 2, et 138 à 141 du code de procédure civile en sa demande,

- ordonner la production par Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I] des pièces suivantes :

1. l'original de la pièce n°19 produite devant le juge de l'exécution de Paris intitulée « Reconnaissance du remboursement complet du prêt de 1996 par [R] [I] le 1er janvier 2009 »,

2. tous les courriers et dossiers personnels présents dans l'appartement et notamment suivant procès-verbal de constat de Maître [N] [A], huissier à [Localité 5], du 8 juin 2016 :

2.1. tous dossiers médicaux, les factures médicales, les demandes de remboursement de frais médicaux du défunt,

2.2. tous documents concernant les traitements médicaux suivis par le défunt auprès de médecins généralistes ou de spécialistes ou d'établissements médicaux, hôpitaux, cliniques,

2.3. tous documents de prescriptions médicales, toutes factures d'achats de médicaments, tous paiements de factures de prestations d'infirmerie, de pharmacie ou de thérapeutes concernant le défunt,

2.4. tous documents concernant les rapports entre le défunt et Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I],

2.5. toutes notes manuscrites, cartes, lettres, factures, avis, notifications ou correspondances de quelque nature qu'elles soient entre le défunt et Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I] ou les mentionnant ensemble ou émis et/ou reçus par le défunt,

2.6. tous documents financiers concernant le défunt y compris les relevés de comptes bancaires, les relevés d'épargne, les relevés de portefeuilles de titres et tous titres de paiement en cours de validité ou non,

2.7. tous dossiers financiers concernant le défunt ou à son nom exclusif ou pas,

2.8. tous dossiers fiscaux concernant le défunt ou à son nom exclusivement ou pas,

2.9. tous documents d'agendas, de carnets d'adresses concernant le défunt ou à son nom exclusif ou pas et plus particulièrement les factures de téléphones correspondant au numéro 01 47 63 69 51 de 1996 à 2013, de novembre 2013 à novembre 2014, l'intégralité de la facture du 17 décembre 2014, celles des 18 décembre 2014 au 21 avril 2015, celle de mai 2015 et celles de juillet 2015 à décembre 2015, de janvier 2016 et de mars 2016,

2.10. et tous documents de voyages concernant le défunt ou à son nom exclusif ou pas en France ou à l'étranger (billets, cartes d'embarquements, documents de programmes de fidélité),

3. les documents bancaires du défunt à [Localité 5] à savoir :

3.1. la convention d'ouverture de(s) compte(s) dans les livres de la Société Générale en France, 3.2. les relevés de comptes du défunt du 12 août au 11septembre 2009, du 11octobre au 11 décembre 2009, du 15 décembre 2010 au 11 janvier 2011, du 12 mars au 13 avril 2011, du 16 juin au 11août 2011, du 14 mars au 11 avril 2013 et la page 2 manquante du relevé du 12 avril 2013 ainsi que le relevé jusqu'en décembre 2016,

3.3. les pouvoirs et les justificatifs de retraits d'espèces au guichet Société Générale de 1996 à 2016,

3.4. la convention d'ouverture de(s) compte(s) dans les livres de la HSBC en France,

3.5. les relevés de comptes du défunt du 6 mai au 4 juillet 2014, du 6 septembre au 5 octobre 2014, de mai 2015 et de septembre 2015,

3.6. les pouvoirs et les justificatifs de retraits d'espèces au guichet HSBC de 1996 à 2016, 4. et les éléments suivants :

4.1. les preuves et les modalités de paiement des charges de copropriété relatives à l'appartement du [Adresse 4] pour la période des années 1996 à 2012 incluses,

4.2. les preuves et les modalités de paiement des factures d'électricité relatives à l'appartement du [Adresse 4] pour le mois d'avril 2015 pour la facture et des années 1996 à 2016 pour les justificatifs de paiement,

4.3. les preuves et les modalités de paiement de l'impôt foncier relatif à l'appartement du [Adresse 4] pour les périodes des années 1996 à 2010, 2013 incluses pour les factures et 1996 à 2011 et 2013 à 2016 incluses,

4.4. les preuves et les modalités de paiement de la taxe d'habitation relative à l'appartement du [Adresse 4] pour les périodes des années 1996 à 2011et 2013 incluses pour les avis et 1996 à 2011 et 2013 à 2016 incluses,

4.5. les preuves et les modalités de paiement de l'assurance habitation relative à l'appartement du [Adresse 4] pour la période des années 1996 à 2016 incluses,

4.6. les contrats d'abonnements téléphoniques, Internet et télévision du défunt à l'adresse du [Adresse 4] pour le numéro XXXXXXXXXX pour la période des années 1996 à 2016 incluses ainsi que les factures détaillées,

4.7. les contrats d'abonnements téléphoniques du défunt à l'adresse du [Adresse 4] pour les numéros respectifsXXXXXXXXXX et XXXXXXXXXX pour la période 1996 à septembre 2013 : factures de novembre 2013 à novembre 2014, intégralité de la facture du 17 décembre 2014, facture du 18 décembre 2014 au 21 avril 2015, facture de mai 2015, facture de juillet 2015 au 22 décembre 2015, facture de janvier 2016, facture de mars 2016, preuves des modalités de paiement de 1996 à octobre 2013, preuves des modalités de paiement de novembre 2013 au 2 décembre 2014 et preuves des modalités de paiement d'avril 2015 à décembre 2016,

- dire qu'à défaut de production conforme par Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I], sous quinzaine, à compter de la décision à intervenir, il sera ordonné aux personnes morales et physiques suivantes de produire les pièces requises :

- le cabinet Corraze, Sarl au capital de 3 811,22 €, immatriculé au RCS de Paris sous le numéro 339 816 696 et dont le siège social se trouve situé [Adresse 5], ès qualités, de syndic de la copropriété de l'immeuble du [Adresse 4] pour les preuves et les modalités de paiement des charges de copropriété relatives à l'appartement du [Adresse 4] pour la période de 1996 à 2012 incluses,

- la Société Electricité de France (EDF), société anonyme à conseil d'administration au capital de 1 054 568 341,50€, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 552 081 317 et dont le siège social se trouve situé [Adresse 6] , prise en son agence EDF Paris Opéra compétente pour les abonnés [Adresse 7] et située au [Adresse 8] pour les preuves et les modalités de paiement des factures d'électricité afférentes à l'appartement du [Adresse 4] pour le mois d'avril 2015 pour la facture et des années 1996 à 2016 pour les justificatifs de paiement,

- le Centre des Finances Publiques situé au [Adresse 9], représenté par son Directeur, les preuves et les modalités de paiement des avis d'impôt foncier pour les périodes des années 1996 à 2010, 2013 incluses pour les factures et 1996 à 2011 et 2013 à 2016 incluses et les modalités de paiement des avis de taxe d'habitation pour les périodes des années 1996 à 2011 et 2013 incluses pour les avis et 1996 à 2011 et 2013 à 2016 incluses relatifs à l'appartement du [Adresse 4],

- Maître [N] [A], huissier de justice à[Localité 5], demeurant [Adresse 10] , pour les preuves et les modalités de paiement d'assurance habitation relatives à l'appartement du [Adresse 4] depuis son acquisition le 18 décembre 1996, avec mission d'en rechercher les justificatifs dans les lieux à ses frais avancés et à la charge de la Succession de [R] [I],

- HSBC France, société anonyme à conseil d'administration au capital de 337.189.135 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 775 670 284, et dont le siège social se trouve [Adresse 11] , prise en son agence du [Adresse 12] , pour la convention d'ouverture de comptes bancaires ouverts par le défunt dans les livres de la HSBC à[Localité 5] ainsi que les éléments visés aux paragraphes 3.4. à 3.6. inclus ci-dessus,

- la Société Générale, société anonyme à conseil d'administration au capital de 1.007.799.641,25€, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 552 120 222, et dont le siège social se situe [Adresse 13], pour la convention d'ouverture de comptes bancaires ouverts par le défunt dans les livres de la Société Générale à[Localité 5] ainsi que les éléments visés aux paragraphes 3.1. à 3.3. inclus ci-dessus,

- Maître [N] [A], huissier de justice à[Localité 5], demeurant [Adresse 10], pour l'intégralité des documents médicaux (feuilles de soins, ordonnances, factures, compte rendus d'opérations et d'hospitalisation à l'[Établissement 1] depuis 1996 inclus ou en tout autre lieu médical) du défunt à[Localité 5], avec mission d'en rechercher les justificatifs dans les lieux à ses frais avancés et à la charge de la succession de [R] [I], - Pharmacie de Prony, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, au capital de 70.000 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 518 049 669, dont le siège social se trouve au [Adresse 14] , pour l'intégralité des factures de la Pharmacie établies au nom du défunt à[Localité 5] « Pharmacie de Prony »,

- Orange, société anonyme à conseil d'administration au capital de 10.640.226.396 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 380 129 8666, et dont le siège social se trouve [Adresse 15], prise en son agence [Localité 5] située [Adresse 16], pour les contrats d'abonnements téléphoniques du défunt à l'adresse du [Adresse 4] pour les numéros respectifs : XXXXXXXXXX 51 et XXXXXXXXXX souscrit auprès de France Télécom / Orange à son nom à[Localité 5], ainsi que pour le contrat d'abonnement internet du défunt à l'adresse du [Adresse 4] pour l'adresse internet : « [I]paris@wanadoo.fr », pour les factures de téléphones correspondant au numéro XXXXXXXXXX de 1996 à 2013, de novembre 2013 à novembre 2014, l'intégralité de la facture du 17 décembre 2014, celles des 18 décembre 2014 au 21 avril 2015, celle de mai 2015 et celles de juillet 2015 à décembre 2015, de janvier 2016 et de mars 2016,

- la SCI Emmanuel, société civile immobilière, au capital de 1.000 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 452 601 867 et dont le siège social se trouve [Adresse 17] (95) et c/o M. et Mme [Q] [Adresse 18], pour le dossier de cautionnement de bail locatif du défunt au profit de son proche, M. [W][F] [G], pour l'appartement du [Adresse 19],

- Maître [N] [A] pour l'intégralité des courriers dont la présence a été relevée à[Localité 5] ainsi que pour la preuve de propriété des meubles, biens, objets d'arts et de tous les effets garnissant les lieux de l'appartement du [Adresse 4], avec mission d'en rechercher les justificatifs dans les lieux à ses frais avancés et à la charge de la succession de [R] [I],

- dire, en conséquence, que les tiers susmentionnés seront tenus de déposer au greffe de la cour les documents précités, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé le délai de 15 jours suivant la signification qui leur sera faite de la décision à intervenir à la diligence et à ses frais avancés et à la charge de la succession de [R] [I]

- ordonner, toute expertise aux fins de vérification de l'intégralité des pièces ainsi produites afin d'en établir une synthèse pour la cour,

en tout état de cause,

- infirmer l'ordonnance déférée du 26 juin 2017,

- à titre principal, dire que le tribunal de grande instance de Paris est compétent du fait de la résidence habituelle du défunt à [Localité 5],

- à titre subsidiaire, dire en tout cas, vu l'article 10 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, que le tribunal de grande instance de Paris est compétent du fait de la localisation d'un bien successoral à[Localité 5] situé [Adresse 4],

- constater, en tout cas, qu'il n'appartient pas à la cour d'appel sur l'appel dirigé contre une ordonnance d'incompétence de se prononcer sur la loi applicable et rejeter les demandes faites en ce sens par Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I],

- condamner Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I] à lui payer la somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Dans leurs dernières conclusions du 22 janvier 2018, Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I] demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise,

en conséquence, au visa des articles 765, alinéa 2, 770 et 771du code de procédure civile, 9, 11 alinéa 2, 73,138, 139, et 142 du même code et du Règlement UE n° 650/2012,

- débouter Mme [V] [I] de l'ensemble de ses demandes aux fins de production de pièces,

- constater que la résidence habituelle du de cujus était située à [Localité 1] (Etats-Unis) et non en France,

dès lors,

- les dire bien fondés en leur exception d'incompétence soulevée in limine litis,

- dire que le tribunal de grande instance de Paris est incompétent pour statuer sur la liquidation-partage de la succession du de cujus,

- dire que sont seules compétentes pour statuer sur la liquidation-partage de la succession du de cujus les juridictions de l'Etat[Localité 1] (Etats-Unis),

en toute hypothèse,

- constater que la loi choisie par le de cujus dans son testament est la loi de l'Etat [Localité 1] (Etats-Unis),

- dire que la loi française n'est pas applicable pour régir la succession du de cujus,

dès lors,

- dire que la loi américaine de l'Etat [Localité 1] (Etats-Unis) est applicable à la succession du de cujus,

- condamner Mme [V] [I] à leur verser 100.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE,

. sur la communication de pièces

Considérant que, selon Mme [V] [I], toutes les preuves dont elle demande la production sont dans l'appartement parisien de [R] [I], en possession des intimés ; qu'elle soutient que le procès-verbal de constat du 8 juin 2016 de Maître [N] [A], huissier à [Localité 5], en a dressé la liste ;

Considérant cependant, qu'outre les 36 pièces produites spontanément, il convient d'observer que, sommés le 25 novembre 2016 de communiquer de nombreuses pièces sur une période longue de 20 années, les intimés ont communiqué 13 pièces, le 5 décembre 2016, à savoir :

- les appels de fonds des charges de copropriété de l'appartement [Localité 5] pour les années 2011 à 2016,

- les factures d'électricité de cet appartement pour les années 2015 et 2016,

- les avis d'impôts fonciers de cet appartement pour les années 2011 à 2013,

- les avis de taxe d'habitation de cet appartement pour les années 2011 à 2012 et 2014 à 2016,

- les relevés de comptes bancaires HSBC pour les années 2014 à 2016 et une lettre de la même banque datant de 2012 à l'attention de Mme [L] [I],

- les relevés de comptes bancaires de la Société Générale pour les années 2008 à 2012, une lettre de la même banque d'avril 2011et la lettre en réponse de [R] [I], ainsi que deux lettres de 2016,

- les factures de la Pharmacie de Prony ([Localité 5]) pour l'année 2016,

- les factures de téléphone (Orange) pour les années 2013 à 2016,

- les factures d'Internet (Orange) de septembre 2015 à juillet 2016,

- les relevés de comptes bancaires Barclays Bank PLC de Mme [L] [I] pour l'année 1997, faisant état de l'achat de meubles,

- la lettre notariée de [R] [I] du 6 octobre 1995 par laquelle il explique les raisons qui l'ont conduit quelques années plus tard à ne pas inclure sa fille [V] dans sa succession,

- les ordonnances de l'Hôpital [Établissement 2] en date du 13 janvier 2016,

- la facture de l'hôpital [Établissement 3] du 5 février 2016,

autant de pièces utiles à la solution du litige ;

Que par ailleurs, rien ne permet de remettre en cause les affirmations des intimés qui déclarent ne pas avoir d'autres documents en leur possession ;

Considérant en outre, que la décision d'ordonner ou de refuser d'ordonner la production d'une pièce relève d'une simple faculté dont l'exercice est laissé au pouvoir discrétionnaire du juge ; que nul ne peut pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ; qu'en conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise qui a débouté Mme [V] [I] de ses demandes de communication de pièces, qu'elles soient faites à l'égard des intimés ou de tiers ; qu'il n'y a pas lieu à expertise ;

* sur la compétence

. sur la notion de résidence habituelle

Considérant que les parties s'accordent sur l'application du règlement européen du 4 juillet 2012 650/2012 relatif aux successions transnationales ; que ce règlement constitue le droit international privé français applicable en matière de successions internationales ; qu'il a une vocation universelle et qu'il convient de l'appliquer à toutes les successions internationales qui présentent un lien de rattachement avec la France ;

Considérant que l'article 4 de ce règlement est rédigé dans les termes qui suivent : 'sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès' ;

Considérant que, sur la notion de 'résidence habituelle', le règlement dans son considérant 23 expose que ' afin de déterminer la résidence habituelle, l'autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'Etat concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l'Etat concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement' ; qu'il poursuit dans son considérant 24 en indiquant que 'dans certains cas, il peut s'avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt. Un tel cas peut se présenter, en particulier, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre Etat pour y travailler, pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son Etat d'origine. Dans un tel cas, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l'espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son Etat d'origine, dans lequel se trouvaient le centre de ses intérêts de sa vie familiale et sociale. D'autres cas plus complexes peuvent se présenter lorsque le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs Etats ou voyageait d'un Etat à un autre sans être installé de façon permanente dans un Etat. Si le défunt était ressortissant de l'un de ces Etats ou y avait l'ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l'appréciation globale de toutes les circonstances de fait' ;

Considérant que Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I] soutiennent que la juridiction de l'Etat [Localité 1] déjà saisie par une procédure de probate, et qui s'est déjà prononcée le 13 octobre 2017 et le 28 décembre 2017, est seule compétente ; qu'ils prétendent que [R] [I] passait la majorité de son temps aux Etats-Unis et ne séjournait que de manière très ponctuelle en France, ainsi qu'il ressort de l'étude de ses passeports et de ses billets d'avion ; que de 2012 à 2014, ses séjours en France n'ont au total été que de quelques mois, à chaque fois, inférieurs à cinq mois ; qu'en 2015 et 2016, il a passé très peu de temps en France : quatre mois en 2015 et deux semaines en janvier 2016 ;

Considérant que Mme [V] [I] dresse un tableau synthétique de la répartition du temps du défunt entre [Localité 5] et [Localité 1] où il apparaît que la durée des séjours de 2012 à 2016 était la suivante :

- en 2012, plus de 8 mois à [Localité 5], du 1er janvier au 25 juin puis du 24 septembre au 8 décembre,

- en 2013, au moins 5,5 mois à [Localité 5], du 22 janvier au 23 avril puis du 29 septembre au 17 décembre,

- en 2014, au moins 5,5 mois à [Localité 5], du 8 février au 7 juin puis du 12 novembre au 28 décembre au moins,

- en 2015, au moins 8 mois à [Localité 5], du 3 janvier au 18 juin puis du 1er octobre au 31 décembre,

- en 2016 du 1er janvier au 26 janvier ;

Qu'elle indique que les factures Edf confirment la durée des séjours du défunt à [Localité 5] ;

Qu'il convient d'abord d'observer que l'usage du téléphone fixe qui fait dire à l'appelante que [R] [I] était à [Localité 5] par exemple en 2015, du 3 au 19 janvier puis du 1er au 28 février puis du 1er au 19 mai n'est pas suffisant pour démontrer sa présence à [Localité 5] dans la mesure où le téléphone pouvait être utilisé par des tiers ;

Considérant qu'il convient de confronter ces affirmations contraires avec les pièces produites et notamment, avec les factures d'électricité ; qu'ainsi d'avril à juin 2015 où le défunt est censé être à [Localité 5] selon l'appelante, la consommation électrique est au minimum, ce qui constitue au contraire la preuve d'un très court séjour à [Localité 5] plus cohérent avec un retour aux Etats-Unis le 13 mai, soit un mois et demi plus tôt, ce que soutiennent les intimés qui affirment qu'il était sur le sol américain entre le 15 mai et le 30 juin 2015 ;

Que de nombreux achats de consommation courante ou des rendez-vous médicaux à [Localité 1] attestent également de son absence [Localité 5] à des périodes entre 2012 et 2016 où l'appelante y situe sa présence : du 1er janvier au 31 mars 2012, du 15 mai au 30 juin 2013, du 1er au 19 janvier 2015 et du 13 mai au 16 juin 2015, ou de sa présence dans d'autres pays d'Europe (Royaume Uni du 19 au 31 janvier 2015, du 14 au 23 avril puis du 20 au 31 mai 2012) ;

Qu'il ressort de ces observations que le tableau synthétique dressé par l'appelante est inexact sans qu'il apparaisse nécessaire d'examiner d'autres pièces du dossier, comme les copies de passeport par ailleurs illisibles ; que le défunt partageait en réalité son temps entre les Etats-Unis et l'Europe, et plus spécialement [Localité 5], sans que la durée des séjours dans l'un ou l'autre pays puisse être déterminante quant à la solution du litige ;

Qu'il se trouvait donc dans la situation visée par le Règlement européen, d'un individu qui 'vivait de façon alternée dans plusieurs Etats ou voyageait d'un Etat à un autre sans être installé de façon permanente dans un Etat' ; qu'ainsi que le recommande ce texte, dans cette hypothèse, la nationalité du défunt et la situation de l'ensemble de ses principaux biens constituent les critères particuliers à retenir pour l'appréciation globale des circonstances de fait pour déterminer sa 'résidence habituelle';

Que dans le cas d'espèce, il est constant que [R] [I] était de nationalité irlandaise et américaine, qu'il était né à [Localité 1], qu'il y est décédé et qu'il y a exercé l'ensemble de sa vie professionnelle, qu'il a rédigé son testament à [Localité 1], se déclarant dans ce document 'résident à [Localité 1]', que sa famille proche, enfants, petits enfants et frère avec qui il restait en contact, vivaient majoritairement aux Etat-Unis, seule sa fille [L] vivant en Asie, et qu'il détenait à [Localité 1] un patrimoine immobilier constitué de plusieurs immeubles d'une valeur estimée selon l'appelante, à au moins 141 millions de $, fruit d'une vie professionnelle entièrement consacrée à l'immobilier New Yorkais auquel il consacrait encore du temps ainsi que le prouvent certaines attestations de ses collaborateurs (Mme [T], M. [H]) ;

Considérant de surcroît, que si Mme [V] [I] avance encore un certain nombre d'arguments en faveur d'une résidence habituelle à [Localité 5] du défunt au cours des dernières années de sa vie, il apparaît néanmoins que :

- il avait une adresse fixe à [Localité 1] depuis plus de 40 ans, [Adresse 20], qui était celle qui figurait sur ses passeports,

- il a souhaité être enterré auprès de ses parents à [Localité 6] après une cérémonie qu'il avait soigneusement préparée dans une paroisse située à [Localité 1] qu'il connaissait,

- il était domicilié fiscalement à [Localité 1],

- il votait régulièrement à [Localité 1],

- il n'était rattaché à aucun organisme de remboursement de soins médicaux en France ;

Considérant que l'achat de l'appartement à [Localité 5] réalisé fictivement, ou pas, aux noms des intimés est inopérant, la résidence habituelle pouvant parfaitement être située chez un tiers, même étranger au cercle familial ; qu'il n'est pas anormal qu'il y ait mis des objets personnels ni qu'il en payât les charges puisqu'il y séjournait ; qu'il convient d'observer que la taxe d'habitation de l'appartement établie au nom du défunt, tout comme les appels de charges de copropriété, les factures d'abonnement Internet et EDF établies au nom de Mme [L] [I], étaient tous expédiés à l'adresse de [R] [I] à [Localité 1] pour y être régulièrement payés, ce qui accrédite l'idée qu'il y existait un continuum à l'inverse de [Localité 5] où pourtant il aurait été plus logique qu'elles y fussent expédiées, s'agissant du lieu de l'appartement concerné ;

Qu'une adresse électronique française peut être consultée de partout dans le monde et n'est pas la preuve d'une résidence habituelle sur le territoire national ;

Que tous les documents médicaux ne domicilient pas le défunt à [Localité 5] et que si le défunt a bien subi deux interventions de chirurgie cardiaque à [Localité 5], dont d'ailleurs une au moins (remplacement valvulaire aortique) a pu être pratiquée en urgence, son médecin traitant qu'il consultait régulièrement, était à [Localité 1] ainsi que le démontre le certificat établi par le docteur [G][K] ;

Considérant qu'au regard de ces observations, le fait que le défunt ne se soit pas domicilié aux Etats-Unis dans les livres de l'Association des anciens étudiants [Localité 7] ou qu'il se fasse appeler papy [Localité 5] par ses petits-enfants sont sans incidence sur la solution du litige ; que l'ordonnance qui a constaté que la résidence habituelle du défunt était à [Localité 1] sera donc confirmée ;

. Sur la compétence subsidiaire en raison du lieu de localisation d'un immeuble

Considérant que le règlement européen du 4 juillet 2012 650/2012 instaure des règles de compétence subsidiaires au profit des juridictions de l'Etat membre dans lequel sont situés des biens successoraux, lorsque la résidence habituelle du défunt à son décès n`est pas située dans un Etat membre ; que dans cette hypothèse, l'article 10 du règlement prévoit que lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en raison de la résidence habituelle du défunt, les juridictions de l'Etat membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens ;

Considérant qu'il est constant que le titre de propriété de l'appartement situé [Adresse 4] dans le [Localité 5], est établi au nom des intimés ; qu'il appartiendra à la juridiction compétente de déterminer la masse successorale et qu'en l'état actuel de la procédure, il y a lieu de retenir qu'aucun bien immobilier appartenant au défunt n'est situé sur le territoire français pour écarter la compétence subsidiaire du tribunal de grande instance de Paris ;

* sur la loi applicable

Considérant que les intimés demandent à voir constater que la loi choisie par le de cujus dans son testament est la loi de l'Etat [Localité 1] (Etats-Unis), qu'en conséquence la loi française n'est pas applicable pour régir sa succession et que la loi américaine de l'Etat [Localité 1](Etats-Unis) est la seule applicable ;

Considérant que l'appelante estime que le débat devant la cour est cantonné à la compétence du juge ;

Considérant en effet, que cette cour, dès lors qu'elle s'estime incompétente, n'a pas à se prononcer sur l'application d'une loi étrangère, de sorte que cette demande sera rejetée ;

Considérant que Mme [V] [I] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement à Mme [L] [I] [I] et M. [E] [I] de la somme de 10.000 € chacun ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [V] [I] à payer à Mme [L] [I] [I] et à M. [E] [I] la somme de 10.000 € chacun,

Rejette toute autre demande,

Condamne Mme [V] [I] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/13293
Date de la décision : 07/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°17/13293 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-07;17.13293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award