Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRÊT DU 02 MARS 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13950
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/53025
APPELANTE
Syndicat SUD RATP
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471
INTIMÉS
EPIC RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant,
Représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665, avocat plaidant
CHSCT DU DÉPARTEMENT SÉCURITÉ DE LA RATP
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier VILLEVIEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0423
CDEP DES DÉPARTEMENT ET SERVICES COMMUNS DE LA RATP
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Mariella LUXARDO, Présidente
Mme Sophie REY, conseillère
Mme Anne DUPUY, conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Mariella LUXARDO, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY
ARRÊT :
- rendu par défaut,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Mme Mariella LUXARDO, président et par Mme Martine JOANTAUZY, greffier présent lors du prononcé.
******
Vu l'ordonnance rendue le 2 juin 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui a :
- dit n'y avoir lieu à référé,
- condamné la RATP à payer au CHSCT du département sécurité la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande du syndicat Sud-RATP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le syndicat Sud-RATP aux dépens de l'instance ;
Vu l'appel interjeté le 23 juin 2016 par le syndicat Sud-RATP ;
Vu les conclusions signifiées le 20 septembre 2016 par le syndicat Sud-RATP qui demande à la cour de :
Dire et juger son action recevable et bien fondée ;
Infirmer l'ordonnance du 2 juin 2016 ;
Statuant à nouveau,
Enjoindre à la RATP de convoquer le CHSCT du département SEC à une réunion d'information et de consultation sur la convention de partenariat conclue le 1er septembre 2015 entre l'unité opérationnelle sécurité des réseaux (dite UO SDR), et l'unité service contrôle clients (dite SCC), et ce sous astreinte ;
Enjoindre à la RATP de convoquer le CDEP des départements et services communs à une réunion d'information et de consultation sur la convention de partenariat conclue le 1er septembre 2015 entre l'unité opérationnelle sécurité des réseaux (dite UO SDR), et l'unité service contrôle clients (dite SCC), et ce sous astreinte ;
Ordonner à la RATP la suspension de la mise en ouvre de la convention de partenariat conclue le 1er septembre 2015 entre l'unité opérationnelle sécurité des réseaux (dite UO SDR), et l'unité service contrôle clients (dite SCC) jusqu'à ce que la réunion d'information et de consultation du CHSCT du département SEC, puis celle du CDEP des départements et services communs, aient été tenues et menée chacune à leur terme, et ce, sous astreinte ;
Condamner la RATP à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure ;
Vu les conclusions signifiées le 22 janvier 2018 par le CHSCT du département sécurité de la RATP qui demande à la cour de :
Infirmer l'ordonnance du 2 juin 2016 ;
Statuant à nouveau,
Dire et juger que le CHSCT aurait dû être convoqué, informé et consulté préalablement à la mise en oeuvre de la convention de partenariat du 1er septembre 2015 entre l'unité opérationnelle sécurité des réseaux (dite UO SDR), et l'unité service contrôle clients (dite SCC) ;
En tant que besoin ordonner à la RATP de convoquer le CHSCT du département SEC en vue de son information consultation sur la convention de partenariat du 1er septembre 2015 entre l'unité opérationnelle sécurité des réseaux (dite UO SDR), et l'unité service contrôle clients (dite SCC), et ce sous astreinte ;
Condamner la RATP à payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure ;
Vu les conclusions signifiées le 10 novembre 2016 par la RATP qui demande à la cour de :
Confirmer l'ordonnance du 2 juin 2016 en ce qu'elle a considéré qu'il n'y avait pas de modification des conditions de travail ;
En conséquence :
Dire et juger qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite ;
Dire et juger qu'il n'y a lieu à référé ;
Débouter le syndicat SUD de l'intégralité de ses demandes ;
En tous cas :
Condamner l'appelant aux entiers dépens ;
Pour les mêmes motifs :
Dire et juger le CHSCT SEC irrecevable en son intervention volontaire et en tout état de cause mal fondé en ses demandes ;
Dire et juger le CDEP DSC irrecevable en son intervention volontaire et en tout état de cause mal fondé en ses demandes ;
Vu la signification à l'étude de la déclaration d'appel au CDEP des départements et services communs de la RATP du 16 novembre 2016 ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 26 janvier 2018 ;
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la consultation obligatoire des instances représentatives du personnel
A l'appui de son appel, le syndicat Sud-RATP fait valoir que la RATP a décidé de mettre en oeuvre une convention de partenariat signée le 1er septembre 2015 entre l'unité opérationnelle sécurité des réseaux (dépendant du département de la sécurité) et l'unité service contrôle clients (dépendant du service commercial) qui devait nécessiter la consultation préalable des CHSCT et CDEP concernés dès lors que cette convention a mis fin au détachement de 16 agents de sécurité affectés auprès des controleurs Bus depuis le 12 juillet 2010, modifiant leurs conditions de travail. Le syndicat ajoute que la convention du 1er septembre 2015 a modifié aussi les conditions de travail de l'ensemble des agents du service puisque les missions de sécurisation en service Grande Nuit ont été généralisées à tous les agents de sécurité, ce qui a un impact sur les lieux d'intervention et les horaires de travail.
Le CHSCT considère également qu'il devait être consulté avant la signature de la convention du 1er septembre 2015 au motif que cette convention affecte les conditions de travail des agents de sécurité, en réintégrant les 16 agents affectés auprès des agents de contrôle Bus depuis 2010, en leur faisant pedrdre leur qualification de CTS (conseiller technique de sécurisation), en mettant en place des services alternés mixte nuit au lieu d'un service Grande nuit, et en élargissant à tous les agents du service sécurité, la mission de sécurisation en service Grande Nuit avec des lieux et des horaires nouveaux. Il ajoute que sa consultation avait été organisée avant la signature de la précedente convention du 12 juillet 2010 organisant le détachement des 16 agents de sécurité auprès des agents de contrôle Bus.
La RATP soutient que la consultation préalable des CHSCT et CDEP n'était pas nécessaire avant la mise en oeuvre de la convention de partenariat du 1er septembre 2015 au motif que cette convention n'a pas eu d'impact sur les conditions de travail des 16 agents détachés au titre de la convention du 12 juillet 2010 qui prévoyait la durée de leurs missions et donc leur réintégration dans leur service d'origine à l'issue de cette convention. Elle ajoute que ces agents ont bénéficié de contreparties financières liées à leur passage en poste de jour, fixées par un accord transversal du 11 décembre 2013, et que la dénomination qui leur avait été attribuée de CTS ne correspond pas à une qualification particulière. Elle précise enfin que la convention du 1er septembre 2015 n'apporte pas de modification des conditions de travail de tous les agents de sécurité puisqu'elle correspond à leur mission générale d'assurer la sécurité sur l'ensemble du réseau, que seuls les agents rattachés au Khéops Paris sont concernés par le service Grande Nuit, que les horaires et lieux d'exécution des missions ne sont pas différents pour les agents de sécurité qui sont affectés auprès des contrôleurs et les autres équipes.
En droit, l'article L.2323-27 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, organise l'information consultation préalable du comité d'entreprise, auquel est assimilé le CDEP au sein de la RATP, sur les problèmes généraux qui intéressent les conditions de travail et qui résultent de l'organisation du travail, des technologies et conditions d'emploi, du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération.
En outre, le CHSCT doit être consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, en application de l'article L.4612-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce.
La convention de partenariat du 1er septembre 2015 qui fait débat en l'espèce, concerne au vu de son article 1er, l'offre de transport de nuit assurée par la RATP, avec une volonté de sécuriser les équipes de contrôle sur l'ensemble du réseau par l'affectation d'agents de sécurité au sein de ces équipes de contrôle.
Il n'est pas contesté qu'elle fait suite à la convention du 12 juillet 2010, qui se substituait à celle du 12 octobre 1999 qui a crée les agents dénommés CTS (conseiller technique en sécurisation), en vue de répondre à la question de la sécurisation du réseau, avec un objectif commun à toutes ces conventions de sécuriser les équipes de contrôle confrontées plus que les autres agents, dans l'exercice de leur mission de lutte contre la fraude, à des questions de sécurité, accentuées lors du travail de nuit.
Il ressort également de la convention du 12 juillet 2010 que les CTS, créés en 1999, étaient des agents de sécurité détachés au sein des équipes de contrôle, et relevaient de la nouvelle autorité hiérarchique du service auquel ils étaient rattachés, et par suite d'une nouvelle organisation du travail.
La consultation des instances représentatives n'a pas posée de débat lors de la mise en oeuvre de la convention du 12 juillet 2010 qui concernait les 16 agents de sécurité détachés.
Il n'est pas contesté qu'à la suite des attentats de début 2015, les agents de sécurité ont été autorisés à porter une arme.
Cette modification importante de leurs conditions de travail a nécessité que les 16 agents de sécurité détachés soient réintégrés dans leur département sécurité afin de relever d'un commandement unique, tel que l'explique la RATP.
Afin de maintenir l'affectation des agents de sécurité au sein des équipes de contrôle, la RATP a établi la convention du 1er septembre 2015 entre les deux départements concernés, sécurité et service commercial, pour les agents relevant des deux unités opérationnelles concernées, agents de sécurité et agents de contrôle, en vue de définir les conditions d'intervention des premiers au sein des équipes de contrôle.
Au vu des ces éléments, il est manifeste que la convention du 1er septembre 2015 apporte une modification importante des conditions de travail et d'emploi des agents de sécurité puisqu'il entre désormais dans leur mission générale de sécurité, une mission particulière et permanente de sécurisation des équipes de contrôle, qui détermine leur affectation au sein des équipes de contrôle alors qu'auparavant seuls 16 CTS étaient concernés par cette mission particulière.
La RATP estime que la consultation n'était pas nécessaire puisque cette mission particulière fait partie intégrante de la mission générale de sécurité des agents.
Or ce moyen n'est pas pertinent à plusieurs égards.
En premier lieu, et tel qu'il a été déjà énoncé, les équipes de contrôle sont confrontées plus souvent à des questions de sécurité, mais dans un cadre limité et préventif, alors que les équipes de sécurité ont vocation à intervenir sur tout le réseau, dans un cadre général qui concerne à la fois la sécurité des agents de la RATP et la sécurité des usagers, ce qui traduit une différence importante de ces missions respectives sur lesquelles les instances représentatives ont vocation à donner leur avis en ce qu'elles posent des questions sur les conditions de leur intervention.
En outre, l'évolution de leur mission se traduit par des conséquences concrètes sur l'organisation du travail.
Ainsi, tous les agents de sécurité sont appelés à accompagner les équipes de contrôle dans le cadre de la convention de 2015, alors que la convention du 12 juillet 2010 repose sur le volontariat de 16 agents de sécurité (article 1.1 de la convention), volontariat également affirmé par l'accord de mai 2009 sur la mise en place du SCOR (service et contrôle opérationnel des réseaux).
Il ressort de l'article 6 de la convention de 2015 que les plannings prévisionnels sont transmis par le service commercial au service sécurité qui établit le programme équivalent pour les interventions de ses agents, de sorte que les lieux et horaires des équipes de sécurité seront fortement conditionnés par les décisions d'organisation prises par le service commercial.
Concernant les lieux d'intervention, la convention du 1er septembre 2015 prévoit que les agents sont affectés en première partie de nuit, sur les réseaux ferrés, le tramway et le bus, et en seconde partie de nuit, sur le réseau Bus Noctilien, ce qui traduit une répartition territoriale des équipes en fonction des horaires, répartition qui n'existait pas avant 2015.
Pour les horaires, il est prévu que 2 équipes assurent chacune, chaque nuit, 2 vacations de 2 heures d'accompagnement des agents contrôleurs, entre 23h45 et 5h, avec une pause de 45 mn entre les deux vacations, alors que les horaires de nuit et les temps de pause sont distincts pour les équipes de sécurité n'accompagnant pas les équipes de contrôle.
Tous ces éléments démontrent que la convention du 1er septembre 2015 apporte une modification importante dans l'organisation des services de sécurité et les conditions d'emploi et de travail des agents de sécurité, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens tenant à la fin de la mission de détachement des 16 agents de sécurité réintégrés au sein du département sécurité, et qui ont cessé de bénéficier d'un statut particulier défini par la convention du 12 juillet 2010, du fait de la fin de leur détachement.
La mise en oeuvre de cette convention devait par suite nécessiter la consultation préalable des instances concernées, à savoir le CHSCT du département SEC et le CDEP des départements et services communs.
Il convient par suite d'enjoindre à la RATP d'engager la procédure de consultation de ces instances, sous astreinte de 500 euros par jour de retard constaté 15 jours après la signification de l'arrêt par le syndicat Sud-RATP.
L'application de la convention du 1er septembre 2015 sera suspendue jusqu'à l'issue des procédures de consultation.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution du litige, les dépens de cette instance en référé seront supportés par la RATP qui devra verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au syndicat Sud-RATP la somme de 2.500 euros et au CHSCT celle de 1.000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par défaut, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance du 2 juin 2016 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare recevables les demandes du syndicat Sud-RATP et du CHSCT du département SEC,
Enjoint à la RATP d'engager la procédure de consultation du CHSCT du département SEC et du CDEP des départements et services communs, sur la convention du 1er septembre 2015, sous astreinte de 500 euros par jour de retard constaté 15 jours après la signification de l'arrêt par le syndicat Sud-RATP,
Ordonne la suspension de la convention du 1er septembre 2015 jusqu'à l'issue des procédures de consultation,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne la RATP aux dépens de l'instance en référé et à verser au syndicat Sud-RATP la somme de 2.500 euros et au CHSCT celle de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE