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23/02/2018 | FRANCE | N°16/131987

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 23 février 2018, 16/131987


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2018

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13198

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/14898

APPELANTE

Madame X..., Frédérick, Océanne Y...
née le [...]            à [...]

demeurant [...]                             

Représentée par Me Sté

phane Z... H... G... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée sur l'audience par Me Pierre A..., avocat au barreau de PARIS, toque : J078

INTIMÉS

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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2018

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13198

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/14898

APPELANTE

Madame X..., Frédérick, Océanne Y...
née le [...]            à [...]

demeurant [...]                             

Représentée par Me Stéphane Z... H... G... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée sur l'audience par Me Pierre A..., avocat au barreau de PARIS, toque : J078

INTIMÉS

Madame Michelle B... épouse C...
née le [...]           à [...]

demeurant [...]                              

Représentée par Me Sarra I...        , avocat au barreau de PARIS, toque : C0875
Assistée sur l'audience par Me Bruno D..., avocat au barreau de NARBONNE, substityé sur l'audience par Me Sarra I...        , avocat au barreau de PARIS, toque : C0875

Madame Daniele B... épouse E...
née le [...]           à [...]

demeurant [...]                               

Représentée par Me Sarra I...        , avocat au barreau de PARIS, toque : C0875
Assistée sur l'audience par Me Bruno D..., avocat au barreau de NARBONNE, substityé sur l'audience par Me Sarra I...        , avocat au barreau de PARIS, toque : C0875

Monsieur Christian B...
né le [...] à [...]

demeurant [...]                                

Représentée par Me Sarra I...        , avocat au barreau de PARIS, toque : C0875
Assistée sur l'audience par Me Bruno D..., avocat au barreau de NARBONNE, substityé sur l'audience par Me Sarra I...        , avocat au barreau de PARIS, toque : C0875

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique J... , Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique J... , Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte authentique du 13 décembre 2001, Robert B... et Marcelle F..., son épouse, ont vendu à Mme X... Y... , un appartement avec cave situé [...]                      , tout en se réservant le droit d'usage et d'habitation, moyennant un prix payé comptant à hauteur de 30 489,80 €, outre le versement d'une rente viagère annuelle de 6 402,86 €, stipulée sans réduction au premier décès d'entre eux, révisable annuellement en fonction d'un indice des prix à la consommation, payable d'avance et par mensualités.

Robert B... est décédé le [...]          , laissant pour lui succéder les trois enfants qu'il avait eus avec Marcelle F... : Mmes Michèle et Danièle B..., ainsi que M. Christian B... (ci-après, les consorts B...), qui ont accepté la succession à concurrence de l'actif net.

Faisant valoir que la rente avait été versée avec retard du vivant des crédirentiers, entraînant l'application d'indemnités contractuelles de retard demeurées impayées, les consorts B... ont assigné Mme Y... par acte extrajudiciaire du 16 janvier 2015.

C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 23 mai 2016, a :

- dit que les demandes indemnitaires formées par les consorts B... n'étaient pas prescrites,
- condamné Mme Y... au paiement de la somme globale de 58 726,97 € aux consorts B..., ès-qualité d'héritiers de Robert B..., en indemnisation des paiements tardifs de la rente sur la période allant de janvier 2008 à décembre 2013,
- rejeté les demandes de Mme Y...,
- condamné Mme Y... à verser aux consorts B... la somme globale de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Mme Y... aux dépens.

Par dernières conclusions du 14 septembre 2016, Mme Y..., appelante, demande à la Cour de :

- vu les articles 724, 1134, 1156, 1235, 1315, 1376, 1602, 1980 et 2224 du code civil ;
- annuler en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- à défaut, le réformer en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau :
- à titre principal :
- débouter les consorts B... de toutes leurs demandes ;
- à titre subsidiaire :
- dire que les demandes indemnitaires des consorts B... méconnaissent la prescription quinquennale, ne justifient pas du retard qui lui est imputé et sont fondées sur des calculs erronés, "notamment au titre des arrérages dus aux mois de novembre et décembre 2013 et janvier 2014";
- débouter en conséquence les consorts B... de toutes leurs demandes ;
- à titre reconventionnel :
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 1 725 € au titre des rentes versées bien qu'elles n'étaient pas dues après le décès du crédit rentier ;
- les condamner in solidum à lui payer une somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de supporter la charge des dépens.

Par dernières conclusions du 24 octobre 2016, les consorts B... prient la Cour de :

- vu les articles 1134 et 2224 du code civil ;
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- débouter Mme Y... de ses demandes ;
- subsidiairement, ordonner compensation de toutes créances réciproques entre les parties ;
- condamner Mme Y... à leur payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'appel.

SUR CE
LA COUR

Mme Y... soutient que le jugement entrepris serait nul pour défaut de motivation, un tel défaut étant caractérisé, selon elle, par le "copié-collé" des conclusions des consorts B..., exclusif de toute véritable analyse par le tribunal de la clause contractuelle litigieuse servant de fondement à la demande adverse au titre des indemnités de retard.

Toutefois, si le tribunal, en affirmant : "il en ressort clairement que cette clause ne prévoit aucunement que les droits des héritiers se limitent au montant de la rente hors majoration" reprend une formulation semblable aux conclusions des consorts B... estimant "Que cette clause ne prévoit aucunement que les droits des héritiers se limitent au montant de la rente hors majoration", la technicité de cette formulation, rapportée au caractère très étroit du débat, ne permettent pas de retenir que le tribunal aurait copié les conclusions des consorts B... à qui il aurait donné raison sans analyse propre des dispositions contractuelles litigieuses. Le tribunal a d'ailleurs précisé, dans l'exercice de son office, qu'il jugeait que la clause litigieuse était claire. Il ne peut davantage être reproché au jugement à peine de nullité d'avoir invoqué des jurisprudences citées par une partie ni d'avoir prétendument repris la structure du raisonnement de cette partie, dès lors que cette structure était cohérente avec la solution retenue et que le tribunal ne l'a reprise que pour l'approuver.

Il n'est pas davantage établi que le tribunal, contrairement à son affirmation, n'aurait pas analysé les pièces produites, ni qu'il aurait encore manqué à con obligation de motivation pour avoir retenu les sommes énoncées par les consorts B....

Le défaut de motivation n'étant pas établi, la demande en nullité du jugement doit donc être rejetée.

S'agissant de la demande de réformation, Mme Y... conteste essentiellement le droit des héritiers du crédirentier de lui réclamer "des intérêts de retard" alors que ce crédirentier, qui aurait pu les réclamer, s'en était abstenu ; Mme Y... soutient que la convention litigieuse, à compter du décès du crédirentier, limite les droits des héritiers de celui-ci au montant des seuls arrérages non réglés au jour du décès.

Toutefois, l'acte de vente litigieux :

- prévoit que la rente viagère sera "revalorisée" de 40 % ou 30 % en cas de renonciation par les crédirentiers à leur droit d'usage et d'habitation,
- prévoit que la rente est révisable en fonction de la variation d'un indice représentatif du coût de la vie,
- énonce qu'au décès du crédirentier, la rente sera éteinte et amortie et l'acquéreur entièrement libéré de son service, s'engageant à payer aux héritiers des crédirentiers les arrérages qui pourraient ne pas avoir été acquittés et pour lesquels le bénéficiaire n'aura pas exercé de poursuite,
- dit qu' "en cas de non-paiement à son échéance d'un seul terme de rente et de ses majorations éventuelles et sans qu'il soit besoin d'une quelconque mise en demeure, les crédirentiers auront droit à un/trentième (1/30ème) du montant mensuel éventuellement révisé de la rente, par jour de retard à titre d'indemnité et sans que cela puisse porter préjudice au droits des crédirentiers de préférer la résolution du présent contrat ainsi qu'il sera dit ci-après. Cette astreinte courra à compter du 8ème jour suivant la date d'échéance des sommes en question et sera exigible jour par jour. Il est expressément convenu que tous les frais afférents aux rappels effectués par lettre recommandée et tous les frais de commandement d'avoir à payer avancés par les crédirentiers seront à la charge exclusive de l'acquéreur.
Ainsi l'acquéreur devra rembourser lesdits frais dans le délai de quinze jours de la réception de la note des frais par lettre recommandée avec accusé de réception",

Il appert de ces dispositions que les parties ont stipulé en faveur du crédirentier une créance d'indemnité de retard naissant, sans besoin de mise en demeure préalable et de plein droit, passé le délai de 8 jours suivant l'échéance demeurée impayée du terme mensuel de la rente, échéance fixée par ailleurs au 11 de chaque mois, de sorte que les pénalités de retard sont dues à compter du 19 de chaque mois. Si les dispositions contractuelles exigeaient des poursuites préalables du crédirentier pour la mise en oeuvre de la résolution de la vente, tel n'est pas le cas pour les indemnités de retard prévues par la clause pénale, qui ne peuvent avoir été éteintes par le décès du crédirentier. En effet, les dispositions générales du contrat, qui aménagent le droit de résolution de la vente et qui prévoient qu'au décès du crédirentier, la rente sera éteinte et amortie et que l'acquéreur sera entièrement libéré de son service, sauf son obligation à payer aux héritiers du crédirentier les arrérages qui pourraient ne pas avoir été acquittés et pour lesquels le bénéficiaire n'aura pas exercé de poursuite, ne préjudicient pas à l'application des dispositions spéciales de la clause pénale qui, précisément, ont pour objet de sanctionner forfaitairement les retards de paiement, sans même l'intervention du crédirentier et dont nulle disposition contractuelle ne peut, par conséquent, conduire à retenir qu'elles ne se transmettraient pas à ses héritiers.
Le jugement doit donc être approuvé d'avoir retenu que les consorts B... n'avaient pas été exclus du droit à de telles indemnités de retard par l'effet des prévisions du contrat.

Sur la prescription extinctive quinquennale, le tribunal ne peut être approuvé d'avoir retenu que les demandes des consorts B... au titre des années 2008 et 2009 n'étaient pas prescrites. En effet si, selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et s'il est établi que les héritiers ne pouvaient découvrir les faits leur permettant d'exercer l'action avant le décès survenu le [...]          , rien ne prouve que Robert B... lui-même n'aurait pas connu les retards de paiement de Mme Y... ou les montants qui lui étaient dus au titre de ces indemnités de retard, ou encore qu'il ait été dans l'impossibilité d'agir. C'est pourquoi la transmission de son droit à ses héritiers, qui s'est opérée par son décès, n'a eu en l'espèce aucun effet sur le cours de la prescription extinctive.

L'assignation ayant été délivrée le 16 janvier 2015, les consorts B... ne peuvent réclamer les indemnités de retard exigibles avant le 16 janvier 2010, car ils sont irrecevables à le faire.

Pour l'évaluation des indemnités de retard, les consorts B... ont procédé par l'examen des relevés bancaires du de cujus et, s'agissant des chèques qui étaient adressés par Mme Y... au lieu des virements bancaires usuels par production de la lettre d'accompagnement signée de Mme Y..., parfois datée par celle-ci et, le cas échéant, annotée de la main du de cujus avec une date de réception. Mme Y..., qui en a la charge, ne prouve pas qu'elle a remis lesdits chèques à des dates antérieures à celles qui ont été prises en compte par les consorts B....

Les consorts B... établissent ainsi que pour l'année 2010, en fonction du montant mensuel de la rente et du nombre de jours de retard décompté depuis le 19 de chaque mois, soit 138, le montant des indemnités dues s'élève à la somme de 3 917,83 €. Mme Y... soutient inexactement que le virement pour janvier aurait été fait le 06 février suivant alors qu'il a bien été fait le 08 février 2010.

Les consorts B... établissent, :

- pour l'année 2011, 90 jours de retard, correspondant à des indemnités de 2 577,57 €.

- pour l'année 2012, 270 jours de retard, correspondant à des indemnités de 7 901,55 €.

- pour l'année 2013, de janvier à octobre, 95 jours de retard correspondant à 2 777,17 € d'indemnités.

Pour novembre et décembre 2013, alors que ce dernier mois n'était pas dû en totalité, puisque le vendeur est décédé [...] , il demeure que non seulement le terme de novembre était dû en totalité, mais encore que le terme de décembre, pour ne pas être restituable pour la partie postérieure au décès, aurait dû être payé avant le décès, ainsi que le prévoient les dispositions expresses du contrat. Or, il est établi que le terme de novembre 2013, comme celui de décembre 2013,ont été payés par un chèque du 6 décembre 2013 de 1 754 € postérieur au décès dont Mme Y... ignorait qu'il s'était produit.

Toutefois, à la suite de l'opposition sans motif valable au paiement de ce chèque qu'elle a formée, la provision en est restée indisponible jusqu'à l'ordonnance de référé du 4 mai 2015 qui a ordonné la mainlevée de l'opposition. Si Mme Y... démontre avoir adressé par lettre, le 1er août 2014, un autre chèque de 906 € correspondant, selon l'imputation qu'elle a précisée dans cette lettre, à la rente du mois de novembre 2013 et aux trois jours de décembre 2013, seuls termes restant impayés, il ne peut être soutenu, en raison même des pénalités de retard non acquittées et dues pour un montant supérieur, que les consorts B... ont refusé à tort ce paiement au motif qu'il était partiel. Ce paiement était bien partiel et il ne peut être reproché aux consorts B... de l'avoir refusé. Il s'ensuit que les termes de novembre 2013 et de décembre 2013 ont bien été payés le 4 mai 2015 seulement, que l'indemnité de retard afférente au terme de novembre 2013 est bien due, pour la durée de 531 jours, soit la somme de 15 522,90 €, et que la pénalité pour les trois jours de décembre payée avec 501 jours de retard est également due pour la somme de 14 645,90 €.

Le montant des pénalités de retard s'évalue donc à la somme totale de 47 342,92 €.

Mme Y... d'une part et les consorts B... d'autre part, succombant partiellement en leurs demandes, il y lieu de retenir que chacun conservera la charge des dépens qu'il a exposés.

En équité, il n'y a pas lieu à indemnité de procédure complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme Y... de sa demande en nullité du jugement entrepris,

Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a statué sur la prescription et sur le montant des indemnités de retard dues par Mme Y...,

Statuant à nouveau :

Dit que la demande des consorts B... est irrecevable comme prescrite pour les demandes au titre des indemnités de retard se rapportant à la période antérieure au 16 janvier 2010,

Condamne Mme Y... à payer aux consorts B... la somme de 47 342,92 € au titre des indemnités de retard,

Dit que l'appelante d'une part et les consorts B... d'autre part conserveront la charge des dépens qu'ils ont exposés en appel,

Dit n'y avoir lieu à indemnité complémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/131987
Date de la décision : 23/02/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-02-23;16.131987 ?
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