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23/02/2018 | FRANCE | N°16/121757

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 23 février 2018, 16/121757


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2018

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12175

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 16/00273

APPELANTE

SCI GRAINE 77 prise en le personne de ses représentants légaux
No SIRET : (...)

ayant son siège au [...]                    - [...]

Représentée et assis

tée sur l'audience par Me Yann LE PENVEN   de la SCP LE PENVEN  GUILLAIN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0097

INTIMÉE

SCI AMD IMMO ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2018

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12175

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 16/00273

APPELANTE

SCI GRAINE 77 prise en le personne de ses représentants légaux
No SIRET : (...)

ayant son siège au [...]                    - [...]

Représentée et assistée sur l'audience par Me Yann LE PENVEN   de la SCP LE PENVEN  GUILLAIN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0097

INTIMÉE

SCI AMD IMMO prise en le personne de ses représentants légaux
No SIRET : (...)

ayant son siège au [...]                           

Représentée et assistée sur l'audience par Me François MEURIN de la SCP TOURAUT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS , Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS , Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte authentique du 19 juin 2014, la SCI AMD Immo a promis de vendre avant le 19 septembre 2014 à la SCI Graine 77, moyennant le prix de 635 000 €, un ensemble immobilier à usage commercial et d'habitation situé [...]                                                       et [...]            , constitué de deux locaux commerciaux, dont un à usage de restaurant et de neuf appartements. Cet avant -contrat était notamment assorti d'une condition suspensive d'obtention d'un crédit bancaire par la SCI Graine 77. Les parties stipulaient une indemnité d'immobilisation d'un montant de 63 500 €, sur laquelle la SCI Graine 77 versait immédiatement une somme de 32 000 € entre les mains du notaire désigné séquestre des fonds.

Faisant valoir que la condition suspensive d'obtention de prêt était défaillie, la SCI Graine 77 a demandé en vain à la société AMD Immo de lui restituer la somme séquestrée.
Par acte extrajudiciaire du 4 décembre 2015, la SCI Graine 77 a assigné la SCI AMD Immo pour voir ordonner sous astreinte la libération à son profit de la somme séquestrée.

C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Meaux, par jugement du 28 avril 2016 a :

- débouté la SCI Graine 77 de sa demande en nullité de la promesse de vente litigieuse,
- dit que la non réalisation de la condition suspensive d'obtention de prêt était imputable aux manquements de la SCI Graine 77,
- dit que l'indemnité d'immobilisation de 32 000 € séquestrée entre les mains du notaire était acquise à la SCI AMD Immo,
- dit n'y avoir lieu à astreinte,
- condamné la SCI Graine 77 aux dépens, "en ce compris ceux de la procédure de référé",
- condamné la SCI Graine77 à payer à la SCI AMD Immo une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions du 09 août 2016, la SCI Graine 77, appelante, demande à la Cour de :

- vu les articles 1134, 1116 et 1152 du code civil ;
- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau :
- débouter la SCI AMD Immo de toutes ses demandes ;
- ordonner la nullité pour dol de la promesse de vente litigieuse ;
- subsidiairement :
- dire qu'elle justifie de ses demandes de prêt et des refus de crédit correspondants, de sorte que si les justificatifs n'ont pas été fournis en temps et heure, ce fût par cas de force majeure ;
- ordonner en conséquence la libération à son profit et sous astreinte de la somme de 32 000 € déposée auprès de M. Denis A..., notaire qui en a été désigné séquestre ;
- ordonner le remboursement des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement dont appel ;
- à défaut :
- réduire la clause pénale à la somme de 5 000 € ;
- en tout état de cause :
- condamner la société AMD Immo à lui verser une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société AMD Immo aux dépens.

Par dernières conclusions du 27 juillet 2016, la société AMD Immo prie la Cour de :

- vu les articles 1116, 1134 et 1178 du code civil ;
- vu les articles 695, 696 et 700 du code de procédure civile ;
- confirmer le jugement querellé, "à l'exception du montant de l'indemnisation";
- en conséquence :
- débouter la SCI Graine77 de toutes ses demandes ;
- y ajoutant :
- condamner la SCI Graine 77 à lui payer une somme de 63 500 € ;
- condamner la SCI Graine 77 à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCI Graine 77 aux dépens.

SUR CE
LA COUR

Le tribunal ne peut être approuvé d'avoir rejeté le moyen de nullité de la promesse pris de la réticence dolosive du promettant pour défaut de preuve du caractère insalubre d'un appartement au jour de la promesse.

Il est en effet établi que la SCI ADM Immo a intentionnellement omis de révéler qu'un des neufs appartements, pourtant loué, était en réalité dans un état exclusif de toute possibilité de le location, à moins de travaux de réhabilitation dont la nécessité a été délibérément passée sous silence par le promettant, qui n'a d'ailleurs pas pu les conduire avant la date d'échéance de la promesse.

En effet, l'ordonnance de référé du 29 décembre 2015 rendue entre la SCI AMD Immo, d'une part, et Mme C... et M. B..., d'autre part, établit que ceux-ci avaient pris à bail un des appartements situés dans l'immeuble litigieux, par acte sous seing privé du 31 mars 2014 consenti par la SCI AMD Immo, moyennant un loyer mensuel hors charges de 540 €. Or, l'existence de ce bail, en cours à la date de la promesse, a été passée sous silence par la SCI AMD Immo qui, pourtant, a fait dresser dans l'acte notarié un état de la situation locative, qui se présente comme exhaustif bien qu'il ignore l'existence de Mme C... et de M. B... et bien qu'aucun des baux décrits ne corresponde à celui qui leur a été consenti.

Cette omission est, en elle-même, contraire à l'obligation d'information loyale du promettant. Elle doit être rapprochée de la circonstance établie par l'ordonnance de référé du 29 décembre 2015, selon laquelle la SCI AMD Immo savait parfaitement qu'il était nécessaire de procéder à des travaux importants - qualifiés par elle-même de travaux "de réhabilitation"- dans cet appartement, et ce dès avant la plainte de la locataire auprès des services communaux de lutte contre l'habitat insalubre du 1er décembre 2014. En effet, ainsi que l'a relevé le juge des référés, la SCI AMD Immo a reconnu avoir programmé en vain la réalisation de travaux dans le logement des consorts C... et l'ordonnance vise une déclaration de main courante du 12 septembre 2014, par laquelle la propriétaire s'était ménagé la preuve que l'accès à l'appartement avait été refusé par la locataire à la personne qu'elle avait envoyée en vue de ces travaux.

L'omission de la situation locative du logement loué aux consorts C... au jour de la promesse doit encore être rapprochée des faits établis par l'arrêté du maire de Coulommiers du 6 janvier 2015, mettant en demeure le bailleur de mettre ce logement en conformité avec la réglementation en vigueur. Cet arrêté est fondé sur les constatations de l'agent communal assermenté du 23 décembre 2014, qui a décrit, à la fois, un état des lieux fortement dégradé qui a nécessairement requis le passage du temps - à la différence d'un simple dégât des eaux soudain et limité - et des éléments nécessairement présents à l'entrée dans les lieux et, par conséquent, également connus du bailleur au jour de la promesse. Cet état des lieux est en effet caractérisé par la présence de moisissures sur tous les murs de la chambre à coucher, par le manque de ventilation dans les pièces de service ne possédant pas d'ouvrant donnant sur l'extérieur, par la fissuration d'un mur de la salle de bain entraînant le décollement du revêtement et par la présence d'un seul radiateur pour le logement. La SCI AMD Immo ne peut donc pas soutenir qu'il ne serait pas prouvé que l'état des lieux décrit par l'agent assermenté n'aurait pas existé à la date de la promesse.

Au contraire, l'omission intentionnelle de la situation locative de cet appartement dans la promesse de vente n'a procédé que de la volonté de la SCI AMD Immo de dissimuler à la SCI Graine 77 la non conformité des lieux en vue de la location, qui était connue du promettant, lequel savait également que le bénéficiaire entendait louer le bien en cas de levée d'option. La non réalisation de ces travaux de réhabilitation, dont la nécessité était connue du bailleur à la date de la promesse, exposait le bénéficiaire, au cas où il aurait levé malgré tout l'option, au risque de la renonciation à toute garantie contre le vendeur du fait de tout vice apparent ou caché, tel que prévu dans l'avant-contrat. La circonstance que seul un des neuf logements destinés à la location est affecté par le dol n'empêche pas que celui-ci a porté sur un élément déterminant du consentement du bénéficiaire.

C'est pourquoi le jugement sera infirmé, la SCI AMD Immo devant être déboutée de toutes ses demandes.

La SCI AMD Immo, qui succombe, sera condamnée aux dépens et, par application de l'article 700 du code de procédure civile, sera condamnée à verser à la SCI Graine 77 une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la promesse de vente litigieuse est nulle pour dol du promettant,

Déboute la SCI AMD Immo de toutes ses demandes,

La condamne à verser à la SCI Graine 77 une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de supporter la charge des dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Rappelle que le présent arrêt constitue un titre de restitution des fonds versés en application des dispositions infirmées du jugement assorti de l'exécution provisoire, assortis des intérêts au taux légal à compter de sa signification,

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/121757
Date de la décision : 23/02/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-02-23;16.121757 ?
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