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23/02/2018 | FRANCE | N°16/019847

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 23 février 2018, 16/019847


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2018

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01984

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/12434

APPELANTE

SA NAMSIS "AVENIR ET PATRIMOINE" agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]                                        Â

 Â                              

Représentée par Me Jeanne X... de la SCP SCP Jeanne X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée sur l'a...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2018

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01984

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/12434

APPELANTE

SA NAMSIS "AVENIR ET PATRIMOINE" agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]                                                                       

Représentée par Me Jeanne X... de la SCP SCP Jeanne X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée sur l'audience par Me Maximilien Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : J086

INTIMÉ

Monsieur Pierre Z...

demeurant [...]                              

Représenté et assisté sur l'audience par Me Delphine A..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0627

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Sur les conseils de la société Namsis « Avenir et Patrimoine » (Namsis), société de conseil en patrimoine, M. Pierre Z... a souscrit, le 21 décembre 2006, dans le cadre de la loi de défiscalisation « Monuments Historiques », une opération d'achat des dépendances de l'hôtel des [...]à [...] en cours de réhabilitation et qui devait être livré dans les deux ans.

Ledit bien n'a été livré qu'au mois de juin 2017 après que le coût de la réhabilitation ait nécessité, pour la seule quote-part de M. Z..., un apport supplémentaire de 102.194,36 €.

Suivant acte extra-judiciaire du 6 août 2013, l'ASL des dépendances de l'Hôtel des [...]a assigné M. Z... à l'effet de le voir condamner au paiement des sommes de 102.194,36 € correspondant à des appels de fonds impayés, de 10.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.

M. Z... a assigné, selon acte extra-judiciaire du 22 août 2014, la société Namsis à l'effet de la voir condamnée à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui sur les demandes de l'ASL des dépendances de l'Hôtel des [...]ainsi qu'à lui régler les loyers non perçus depuis la date de livraison initialement prévue.

Après avoir joint ces deux affaires, le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement du 15 décembre 2015 :

- condamné M. Z... à payer à l'ASL des dépendances de l'Hôtel des [...]la somme de 102.194,36 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2012,
- débouté l'ASL des dépendances de l'Hôtel des [...]de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- dit que la société Namsis a commis un manquement à son obligation d'information et de conseil,
- condamné, en conséquence, la société Namsis à payer à M. Z... une somme de 83.600 € pour la perte de chance qu'il a subie,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. Z... à payer à l'ASL des dépendances de l'Hôtel des [...]la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Namsis à payer à M. Z... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fait masse des dépens mis à la charge pour moitié de M. Z..., d'une part, de la société Namsis, d'autre part.

La société Namsis a relevé, à l'encontre de M. Z..., appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 23 décembre 2017, de :

- dire qu'elle n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses fonctions,
- dire que M. Z... ne justifie d'aucun préjudice en lien avec d'éventuels manquements de sa part,
- débouter M. Z... de ses prétentions,
- le condamner au paiement de la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.

M. Z... prie la Cour, par dernières conclusions du 9 janvier 2018, de :

au visa des articles 1134, 1142 et 1149 anciens du code civil, 331, 333, 699 et 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Namsis avait commis une faute en manquant à son devoir d'information et de conseil,
- l'infirmer sur l'évaluation de son préjudice,
- statuant à nouveau, à titre principal, évaluer sa perte de chance de renoncer à l'opération à 95 % et fixer à la somme de 226.139,03 € la perte financière subie par lui en souscrivant à cette opération, en conséquence, condamner la société Namsis à lui payer cette somme,
- subsidiairement, confirmer le jugement et actualiser son préjudice à la somme de 91.566,82 €,
- en tout état de cause, condamner la société Namsis à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.

SUR CE
LA COUR

Au soutien de son appel, la société Namsis conteste avoir manqué à son devoir de conseil et d'information, rappelle que M. Z..., animé par un mobile fiscal, a souscrit une opération portant sur un bien dépendant de l'Hôtel des [...]à     [...], monument du XVIIème siècle nécessitant une rénovation lourde, acquis pour la somme de 7.949 € et un coût prévisionnel de travaux de 166.367 € selon l'évaluation du 16 octobre 2006 de l'architecte en charge de la réhabilitation, indique que les entreprises Archi Sud Bâtiment et Delignières, entreprises générales, et Arch'Imohtep, société d'architectes, ont été toutes deux mises en liquidation judiciaire en cours de chantier, que les matériaux nécessaires à la poursuite dudit chantier ont été dérobés, et que ces événements ne pouvaient être dénoncés à M. Z... alors qu'ils étaient imprévisibles lors de la souscription de l'opération, les obligations de conseil et d'information d'un conseil en patrimoine ne pouvant être étendues à la survenance de faits, soit évidents pour un investisseur averti comme l'était M. Z..., comme le risque de retard de livraison ou de surcoût de chantier, soit à des circonstances totalement anormales telles un retard de livraison de neuf années et un surcoût de prés du double de l'estimation de l'architecte en charge de l'opération ;

M. Z... indique pour sa part qu'il a acquis un produit d'investissement « clé en mains » au vu d'une plaquette d'information présentant le financement de l'acquisition du bien à rénover comme étant intégralement couvert par des économies d'impôt puis par des loyers et que la société Namsis ne l'a pas informé des aléas pesant sur cette opération qui s'est soldée par un surcoût de plus du double du budget initial et par un retard de livraison de 8 ans et 10 mois, alors que cette obligation lui incombait afin de permettre aux investisseurs de s'assurer que cette acquisition était sans risques, d'une rentabilité certaine et en adéquation avec ses revenus de source entrepreneuriale qui ont chuté de façon notable depuis 2007 ; il conteste avoir la qualité de professionnel de l'immobilier au prétexte qu'il gère deux SCI familiales et affirme que les divers préjudices qu'il subit (perte locative, surcoût d'appels de fonds, mensualités d'emprunt) totalisent un montant de 226.139,03 € ;

C'est par des motifs exacts que la Cour adopte que le premier juge a relevé que la société Namsis avait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant d'informer M. Z... de l'éventualité d'un retard de livraison du bien litigieux, objet d'une réhabilitation lourde, ainsi que des surcoûts de chantier prévisibles excédant l'évaluation initiale de l'architecte en charge de l'opération, alors qu'elle aurait dû le mettre en garde sur ces aléas pesant sur un investissement présenté à tort comme sûr et sans risques, les mensualités de prêt étant d'abord remboursées par la défiscalisation de revenus, puis par les loyers produits par la location du bien, une fois réhabilité ;

Toutefois, pour apprécier la gravité des manquements de la société Namsis à son devoir de conseil et d'information et, par conséquence, l'importance de la perte de chance en résultant, il doit être admis que ce devoir de conseil se limitait aux risques normalement prévisibles lors de la souscription de l'investissement, tels des retards toujours possibles, s'agissant d'une opération de réhabilitation d'un monument historique, ou des dépassements de l'enveloppe budgétaire estimée, toutes circonstances usuelles en matière de construction : dans ces limites, la société Namsis se devait d'indiquer à M. Z..., dont il n'est pas établi qu'il était un professionnel averti en matière immobilière, que le budget dédié à l'opération de réhabilitation des dépendances de l'Hôtel des [...]n'était pas fixé de façon certaine et était susceptible d'augmenter suivant des aléas constructifs, également que les délais de livraison n'étaient pas garantis et pouvaient également subir des retards importants au regard de plusieurs contingences tenant, notamment, à des défaillances des entreprises en charge du chantier ;

Au cas d'espèce, ni la durée tout à fait inusuelle d'achèvement des travaux ni l'insuffisance d'évaluation des fonds nécessités pour cette opération de réhabilitation, seulement « estimés » par l'architecte sans aucune garantie sur un dépassement de cette enveloppe budgétaire, ne sauraient justifier l'octroi d'une indemnité correspondant au préjudice exactement subi par M. Z..., étant rappelé que l'indemnité accordée pour perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; de fait, M. Z... a perdu une chance de ne pas contracter une opération de défiscalisation à laquelle il aurait pu renoncer si la société Namsis l'avait alerté sur les risques prévisibles attachés à une opération longue, financièrement coûteuse, susceptible d'une sous-estimation de l'enveloppe budgétaire initiale par l'architecte, du fait de travaux supposant l'intervention d'entreprises hautement spécialisées, et d'une livraison effective dans des délais incertains, mais il ne saurait être reproché à cette société de conseil en patrimoine ne pas avoir mis en garde M. Z... sur l'éventualité d'un retard de livraison de neuf années, imprévisible lors de la souscription de l'investissement, ni sur un surcoût, tout autant imprévisible, de l'ampleur de celui nécessité pour l'achèvement de la construction ; il n'est donc pas certain, comme l'a relevé le premier juge que, M. Z..., intéressé par une opération de défiscalisation proportionnée à ses revenus qui s'élevaient à la somme annuelle de 110.709 € bruts en 2006, et en adéquation avec son intention d'en défiscaliser une partie, aurait renoncé à souscrire un tel investissement s'il avait été averti des aléas normaux qui y étaient attachés, aléas au demeurant inhérents à toute opération immobilière de rénovation ;

Au regard de ces éléments qui mesurent l'importance de la chance perdue par rapport au strict préjudice en lien de causalité avec les manquements au devoir de conseil et d'information de la société Namsis, l'indemnité correspondante sera chiffrée à la somme de 35.000 €, le jugement étant infirmé sur le quantum de la condamnation, excessivement fixée à un montant de 83.600 € et M. Z... sera débouté de son appel incident tendant à voir fixer cette indemnité à la somme de 226.139,03 € correspondant à 95 % de son préjudice global ;

L'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en la cause ;

Il sera rappelé que le présent arrêt infirmatif constitue un titre de restitution des sommes réglées en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, augmentées des intérêts au taux légal à compter de sa signification.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement sur le quantum de la condamnation à paiement,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Namsis à payer à M. Z... une somme de 35.000 € de dommages-intérêts en réparation de sa perte de chance,

Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue un titre de restitution des sommes réglées en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, augmentées des intérêts au taux légal à compter de sa signification,

Confirme le jugement pour le surplus,

Rejette toute autre demande,

Dit que chacune des parties conservera ses dépens d'appel à sa charge.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/019847
Date de la décision : 23/02/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-02-23;16.019847 ?
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