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22/02/2018 | FRANCE | N°16/25208

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 22 février 2018, 16/25208


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 22 FEVRIER 2018



(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25208

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015005129





APPELANTES



Madame [L] [R]

née le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 17]

[Adresse 9]

[Localité 12]



Re

présentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS,

toque : P0241

ayant pour avocat plaidant Me Laurent SANTANA, avocat au barreau de PARIS, toque C1004



SAS VILLA DURMAR...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 22 FEVRIER 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25208

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015005129

APPELANTES

Madame [L] [R]

née le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 17]

[Adresse 9]

[Localité 12]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS,

toque : P0241

ayant pour avocat plaidant Me Laurent SANTANA, avocat au barreau de PARIS, toque C1004

SAS VILLA DURMAR

inscrite au RCS de PARIS sous le n° 438.605.404

Représentée par son Président en exercice et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

ayant pour avocat plaidant Me Laurent SANTANA, avocat au barreau de PARIS, toque C1004

EURL LE VIEIL ORNE

inscrite au RCS de PARIS sous le n° 389.632.357

Représentée par son Gérant en exercice et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, ayant pour avocat plaidant Me Laurent SANTANA, avocat au barreau de PARIS, toque C1004

SA VESTA PARTICIPATIONS

inscrite au RCS de PARIS sous le n° 401.579.446

Représentée par son Président en exercice et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241,ayant pour avocat plaidant Me Laurent SANTANA, avocat au barreau de PARIS, toque C1004

INTIMES

Monsieur [O] [B]

né le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 15]

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, ayant pour avocat plaidant Me Denis CHARDIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque P238

Madame [U] [E]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représentée par Me Sophie SOUBELET-CAROIT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0312

Monsieur [S] [E]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Sophie SOUBELET-CAROIT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0312

Madame [M] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie SOUBELET-CAROIT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0312

Madame [A] [B]

Chez Monsieur [O] [B] [Adresse 1]

[Localité 12]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 ayant pour avocat plaidant Me Denis CHARDIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque P238

SA G E T - GESTION ET ETUDES TECHNIQUES DU BATIMENT

Immatriculée au RCS de paris sous le numéro 632 .04 9.1 85

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, ayant pour avocat plaidant Me Denis CHARDIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque P238

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme [T] [Z] dans les conditions prévues à l'article 785 du CPC.

Greffier, lors des débats : Mme Christine LECERF

MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée le 16/1/2017

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, président et par Mme Christine LECERF, greffier présent lors du prononcé.

*

La société Gestion et Etudes Techniques du Bâtiment ( [F]) a été constituée sous forme d'une société à responsabilité limitée le 1er juin 1963 pour une durée de 50 ans. En novembre 1990, elle est devenue une société anonyme, son actionnaire principal et président étant M.[B]. Mme [R] en a été la directrice générale adjointe de novembre 2005 à octobre 2013.

Le 10 novembre 2005, M.[B] a consenti à Mme [R] un prêt de consommation d'une action de [F] afin de lui permettre de détenir l'action dont tout membre du conseil de surveillance doit être titulaire.

M.[B], Mme [R] et [F] se sont associés pour réaliser diverses opérations immobilières en constituant à cet effet des sociétés ad hoc, notamment la Sci le Murat sur Seine et la Sci Clavel Bolivar. Ils ont également été associés dans des sociétés de fait concernant des opérations immobilières en cours de développement à [Localité 13], à [Localité 14] et à [Adresse 16].

Pour tenter de régler à l'amiable les difficultés apparues entre M.[B] et Mme [R] au cours de l'été 2013, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné, le 3 septembre 2013, un conciliateur en la personne de M.[N].

C'est dans ce contexte que trois protocoles d'accord ont été signés, le 11 novembre 2013, pour régler les conséquences de leurs différends professionnels, le protocole concernant le litige relatif à la Snc [Adresse 7] ayant été homologué par ordonnance du 11 décembre 2013.

L'un de ces protocoles, signé par la Sc Villa Durmar et la société [F] a prévu qu'en contrepartie de la renonciation par [F] au bénéfice de la promesse de cessions de parts de la société Villa Durmar, qui avait été consentie le 21 octobre 2008, la société Villa Durmar règlerait à [F] une somme de 500.000 euros, en trois échéances, dont seules les deux premières ont été réglées.

La veille de la troisième échéance, la Sc Villa Durmar, l'Eurl le Vieil Orne, la société Vesta Participations et Mme [R] ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société [F], M.[B], M.et Mme [E] et Mme [W], en contestant l'existence de la société [F] depuis le 1er juin 2013, pour voir donner acte à Mme [R] de sa qualité d'actionnaire de [F], annuler l'assemblée générale extraordinaire du 13 mai 2013 ayant prorogé la durée de la société, constater la nullité de la transaction du 11 novembre 2013, dire dépourvu de cause le solde de 150.000 euros et ordonner la restitution de la somme de 350.000 euros versée en exécution du protocole.

Par jugement du 14 novembre 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a débouté Mme [R] de sa demande visant à être reconnue comme actionnaire de [F], a débouté les demanderesses de toutes leurs prétentions, a condamné la société Villa Durmar à payer à [F] la somme de 150.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2014, au titre du protocole d'accord, a rejeté toutes les autres prétentions des parties et a condamné in solidum les demanderesses à payer 7.000 euros à M.[B] et à [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Mme [R], les sociétés Villa Durmar, Le Vieil Orne et Vesta Participations ont relevé appel de cette décision, selon déclaration du 15 décembre 2016 et demandent à la cour dans leurs conclusions n°3, signifiées le 11 octobre 2017, auxquelles il est expressément référé, d'infirmer le jugement, de condamner [F] à procéder à la retranscription du transfert de l'action prêtée à Mme [R] en vertu du contrat de prêt de consommation du 10 novembre 2005 dans le registre des mouvements de titres et les fiches individuelles d'actionnaires de [F] par débit du compte d'actionnaire de M.[B] et crédit d'une action sur le compte d'actionnaire à créer au nom de Mme [R] avec effet au 10 novembre 2005 et, sous astreinte, d'annuler l'assemblée générale extraordinaire de [F] du 13 mai 2013, de juger que cette assemblée générale extraordinaire n'a aucune existence légale et ne peut produire d'effet, de juger que [F] est venue à terme le 1er juin 2013 et de prononcer en conséquence la nullité de la transaction conclue le 11 novembre 2013, de condamner en conséquence [F] à rembourser à la société Villa Durmar 200.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2013 et 150.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2014, de condamner solidairement M.[B], M.et Mme [E], Mme [W] et Mme [A] [B] au paiement de ces sommes , sur le fondement de l'article 1382 du code civil de condamner [F] à payer à la société Villa Durmar des dommages et intérêts sur les sommes versées au titre de la transaction annulée, soit 5,86% par an, ainsi que 50.000 euros au titre du préjudice moral, et 50.000 euros à Mme [R] subsidiairement, s'il était fait droit à la demande reconventionnelle en paiement de [F], de donner acte à la société Villa Durmar de ce qu'elle oppose l'exception de nullité de la transaction, de faire application de l'article 1343-2 du code civil à toutes les condamnations prononcées, et de condamner solidairement [F], M.[B], M.et Mme [E], Mme [W] et Mme [A] [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 50.000 euros à la société Villa Durmar et 50.000 euros à Mme [R], ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions n°2, signifiées le 16 octobre 2017, auxquelles il est expressément référé, la société [F], M.[B], en présence de Mme [A] [B], sollicitent la confirmation de jugement en toutes ses dispositions, le rejet de toutes les prétentions des appelants et la condamnation in solidum des quatre appelantes à payer à [F] et à M.[B] 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Mme [U] [E], M.[S] [E], Madame [M] [W] ont constitué avocat le 1er septembre 2017, mais n'ont pas conclu.

SUR CE

- Sur la nullité du protocole d'accord du 11 novembre 2013

Le 21 octobre 2008, les sociétés l'Eurl Le Viel Orne, Vesta Participations et Mme [R], ensemble associés fondateurs de la Sc Villa Durmar, d'une part, et la société [F], d'autre part ont signé une promesse de cession de parts en considération de laquelle [F] a remis à la société Villa Durmar une indemnité d'immobilisation de 200.000 euros.

La cession des parts n'étant pas intervenue au terme de la promesse, les parties se sont trouvées en désaccord sur la possibilité pour [F] de continuer à prétendre à la réalisation de la promesse.

Pour mettre fin à ce différend, les sociétés Villa Durmar et [F] ont signé, le 11 novembre 2013, un protocole d'accord, aux termes duquel [F] a accepté de renoncer au bénéfice de la promesse et la Sc Villa Durmar de verser pour solde de tout compte une somme de 500.000 euros, payable en trois échéances: 200.000 euros le jour de la signature du protocole, 150.000 euros le 30 mai 2014 et 150.000 euros le 30 décembre 2014. Seules les deux premières échéances ont été réglées.

Les appelantes recherchent dans la présente instance la nullité de ce protocole au motif que la société [F], arrivée à son terme le 1er juin 2013, se trouvait depuis le 2 juin 2013 dépourvue de personnalité morale et n'a donc pu valablement signer le protocole d'accord, objet du litige.

M.[B] et [F] se prévalant d' une délibération de l'assemblée générale du 13 mai 2013, ayant prorogé la durée de la société jusqu'en 2062, les appelantes soulèvent la nullité de cette assemblée générale, M.[B] et [F] opposant à cette demande une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité d'associée de Mme [R] dans la société [F].

- Sur la qualité d'associée de Mme [R]

Pour établir sa qualité d'associée, Mme [R], se prévaut du 'contrat de prêt de consommation' d'une action de [F] en date du 10 novembre 2015, soutenant qu'elle est devenue propriétaire de l'action prêtée jusqu'à ce que M.[B] lui en demande le remboursement et au plus tard jusqu'à la date à laquelle elle cesserait d'être membre du conseil de surveillance, que M.[B] a attesté avoir signé, à cet effet, l'ordre de mouvement sur les registres de la société, qu'en tout état de cause elle s'est toujours comportée comme actionnaire et a été reconnue comme telle, ayant notamment procédé à quatre apports en compte courant au profit de [F] pour faire face aux difficultés de trésorerie. Elle critique le jugement qui lui a refusé cette qualité en faisant, d'une part, application de l'article L228-1 du code du commerce qui n'était pas applicable au 10 novembre 2005, étant issu d'un décret publié le 11 décembre 2006, et souligne que jusqu'alors l'inscription en compte ne constituait qu'une présomption simple de propriété et que le transfert de propriété des actions s'opérait du seul fait de la convention de cession et, d'autre part, en retenant qu'elle n'avait pas été désignée membre du conseil de surveillance alors que le transfert de propriété, était nécessairement antérieur à sa désignation à ce conseil et n'était pas sous condition suspensive de cette désignation. Elle ajoute que ce prêt était essentiel pour se trouver en conformité avec l'article L 225-1 du code du commerce au regard du nombre d'actionnaires exigé par la loi.

M.[B] et [F] répliquent que la revendication de cette qualité est en contradiction avec les termes du protocole Reuilly signé le 11 novembre 2013 ayant fixé les modalités de leur séparation dans ' l'ensemble' des structures dans lesquelles ils sont associés, [F] n'en faisant pas partie, qu'en l'absence de désignation de Mme [R] au conseil de surveillance , le prêt de l'action est devenu caduc, qu'aucun mouvement de titre en faveur de Mme [R] n'a été enregistré sur les registres de [F], de sorte qu'il n'existe aucune présomption de propriété, le tribunal ayant à juste titre appliqué l'article L 228-1 du code du commerce, le décret en Conseil d'Etat n'étant intervenu que pour fixer les seules conditions de l'inscription sur les registres, qu'en tout état de cause le prêt n'a jamais pris effet, puisque lié à la désignation de Mme [R] au conseil de surveillance, ce qui résulte du fait qu'aucun compte d'actionnaire n'a été créé au nom de Mme [R], qu'elle n'a jamais été convoquée aux assemblées générales de [F], ni exercé les prérogatives attachées à cette qualité, que la mention d'un compte courant d'associé ne suffit pas à établir sa qualité dans [F], dès lors qu'elle était associée dans les sociétés de fait, le paiement de 100.000 euros correspondant à une indemnité d'immobilisation ayant été, par raccourci, porté sur les comptes de [F] en attendant la création de la société ad hoc.

Par contrat du 10 novembre 2005, M.[B] est convenu de prêter à Mme [R] une action d'une valeur nominale de 152,44 euros de la société [F], dont il est propriétaire, à titre de prêt de consommation, l'emprunteur reconnaissant que 'ce Prêt lui est fait pour lui permettre de détenir l'action de la Société dont tout membre du Conseil de surveillance de la société doit être titulaire'.

Il est acquis au débat que Mme [R] n'a jamais été membre du conseil de surveillance de [F]. Il ne ressort pas davantage des pièces communiquées qu'un compte d'actionnaire a été, à un quelconque moment, créé à son nom dans les registres de [F], ni l'existence de l'ordre de mouvement dont il est fait état dans la convention, mais dont aucun exemplaire, original ou copie, n'a été communiqué.

Le contrat de prêt datant du 10 novembre 2005, les dispositions de l'article L 228-1, 9éme alinéa du code du commerce, issues de l'ordonnance du 24 juin 2004, selon lesquelles, le transfert de propriété résulte de l'inscription de ces valeurs mobilières au compte de l'acheteur dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sont inapplicables, dès lors que ledit décret (n°2006-1566) n'a été promulgué que le 11 décembre 2006, les intimés soutenant vainement que ce décret portant sur les seules modalités d'inscription est sans incidence, alors qu'il a été pris pour l'application de cette nouvelle disposition.

Il était admis dans le régime antérieur, que l'inscription en compte d'une action ne constituait qu'une présomption simple de propriété, de sorte que l'absence d'inscription sur le registre de la société ne suffit pas à écarter la qualité d'associée de Mme [R] et qu'il convient d'analyser la convention de prêt.

L'article 2 du prêt, intitulé 'transfert de propriété' stipule que conformément à l'article 1893 du code civil, l'emprunteur devient propriétaire de l'action prêtée 'à compter de ce jour', et que le transfert de propriété de l'action sera enregistré dans le registre des mouvements de titres sur présentation de l'ordre de mouvement dûment signé ce jour par le prêteur, étant rappelé que Mme [R] n'a pas été en mesure de justifier de l'existence de cet ordre de mouvement.

L'article 3, intitulé 'Durée du prêt', prévoit que le prêt est consenti jusqu'à ce que le prêteur en demande le remboursement et au plus tard à la date à laquelle l'emprunteur cessera pour quelque raison que ce soit d'être membre du conseil de surveillance de [F], étant rappelé qu'à l'article 1er, l'emprunteur reconnaît expressément que ce prêt est lié à la nécessaire détention d'une action de la société pour être membre du conseil de surveillance.

Cet article prévoit donc deux hypothèses mettant fin, selon la convention, 'de plein droit' au prêt, l'une d'elle correspondant à la date de cessation des fonctions de membre du conseil de surveillance, de sorte que Mme [R] invoque vainement le fait que M.[B] n'a pas formulé de demande de remboursement de cette action, l'article 4 ajoutant d'ailleurs qu'afin de faciliter la restitution de l'action, l'emprunteur joint dès à présent un ordre de mouvement, non daté, mais dûment signé, portant sur une action et instituant de manière irrévocable le prêteur comme mandataire pour dater l'ordre de mouvement et l'utiliser pour transférer l'action sur le compte titres du prêteur et débiter le compte titres de l'emprunteur.

Mme [R] entend replacer la signature de cette convention dans le contexte particulier du rachat des actions de [F] par M.[B], ce qui a conduit la société à n'avoir plus que deux actionnaires et à la nécessité pour M.[B] de consentir cinq prêts de consommation d'une action pour disposer du minimum de sept actionnaires requis par l'article L 225-1 du code du commerce. Toutefois, le motif du prêt, tel qu'expressément défini dans la convention par les parties, était de permettre à Mme [R] d'être membre du conseil de surveillance.

La désignation de Mme [R] comme membre du conseil de surveillance n'étant jamais intervenue au cours des années qui ont suivi ce contrat de prêt, sans qu'il soit allégué ni justifié que cela ait à l'époque fait difficulté entre les intéressés, les intimés soutiennent à juste titre que ce prêt de consommation, étant resté ' lettre morte', est devenu caduc.

Mme [R] fait toutefois valoir qu'elle s'est toujours, et a toujours été, considérée comme associée, relevant que [F] a comptabilisé dans ses livres quatre apports qu'elle a réalisés pour un montant de 137.250 euros, sur le compte 455095000 'Associé [R] F.C/C', correspondant à son compte courant d'associé, ces comptes n'ayant fait l'objet d'aucune réserve de la part du commissaire aux comptes.

Si l'extrait du grand livre de [F] fait effectivement apparaître ses quatre versements pour 137.250 euros entre septembre et novembre 2012, ainsi qu'un remboursement de 2.000 euros, sur le compte 'Associé [R] F.C/C', les intimés, sans contester l'existence de ces versements, soutiennent cependant que ces écritures procèdent en réalité d'erreurs et auraient dû être enregistrées comme des prêts.

Mme [R] et M.[B] étant associés dans différentes opérations immobilières, soit dans le cadre de sociétés constituées, soit de fait pour des opérations en cours de développement, ces flux financiers sont susceptibles de recouvrir plusieurs significations, compte tenu de l'imbrication de ces relations et de l'utilisation qui a pu être faite des comptes de [F], en l'absence de structure ad hoc, pour les opérations en cours.

Les remises de fonds qui ont transité par les comptes de [F] ne suffisent pas dans ce contexte d'opérations multiples, alors que la convention de prêt était devenue caduque,

à établir la qualité d'associée de Mme [R] dans [F] en 2012.

Il en va de même de la référence faite par M.[B] à la qualité d'associée de Mme [R] dans son courriel du 31 juillet 2013, répondant à la demande de remboursement de son compte courant dans [F], puis, un mois plus tard, dans une note destinée à éclairer le juge des référés sur l'inutilité de la désignation d'un administrateur provisoire pour la Snc Reuilly souhaitée par Mme [R]. En effet, ces différents éléments doivent être mis en perspective avec les accords que les intéressés ont conclu quelques mois plus tard pour solder leurs affaires communes, sans que ne soit évoquée les droits de Mme [R] dans [F].

Ainsi, le constat d'accord du 10 décembre 2013 établi par Mme [R], M.[B] et la Snc du [Adresse 7], sous l'égide du conciliateur, dans le cadre de la procédure qui avait été engagée par Mme [R] aux fins de désignation d'un administrateur provisoire pour la Snc du [Adresse 7], relate que Mme [R] et M.[B] ont souhaité que la conciliation ne se limite pas au règlement de la situation afférente à ladite Snc et ont entendu trouver un accord global entérinant tant le principe que les modalités de leur séparation dans 'l'ensemble des structures' dans lesquelles ils sont associés. Ce constat d'accord acte l'établissement de deux protocoles transactionnels signés le 11 novembre 2013:

- entre M.[B] et Mme [R] , ayant pour objet de mettre un terme à leur situation d'associés dans les sociétés Snc [Adresse 7] et Future Immo, M.[B] acceptant de verser à titre transactionnel et définitif à Mme [R] une somme de 442.380 euros en contrepartie de quoi cette dernière cède l'ensemble des ses droits et actions dans ces sociétés à M.[B],

- entre [F] et M.[B] d'une part, Mme [R] d'autre part, ayant pour objet de régler la fin de leurs relations d'associés dans les sociétés Le Murat sur Seine et Clavel Bolivar, ainsi que dans les sociétés de fait désignées ' [Localité 13] et [Localité 14], Mme [R] recevant de [F] et/ou de M.[B] à titre transactionnel la somme de 70.510 euros et reconnaissant être remplie de l'intégralité de ses droits à l'encontre de [F] et de M.[B].

Ces deux protocoles s'ajoutent à celui, objet du litige, conclu le même jour entre les sociétés Villa Dumar et [F].

En concluant ces trois protocoles concomitamment, Mme [R] et M.[B], directement ou au travers des sociétés qu'ils contrôlent, ont manifestement décidé de séparer l'ensemble de leurs affaires communes. Or, aucune disposition n'évoque le sort de l'action prétendument détenue par Mme [R], alors que dans un courriel du 9 décembre 2013, Maître [K], conseil de Mme [R], recensant la situation des diverses sociétés en vue de la signature du protocole de conciliation, mentionnait la cession de l'action de [F] à 1 euro. L'absence de reprise d'une telle cession dans les accords, alors que [F] et Mme [R] ont été parties à un même protocole, relativise la signification des propos de M.[B] et des flux consignés dans les comptes de [F], et laisse penser que les intéressés n'ont pas considéré que Mme [R] disposait de droits d'associé dans [F].

N'est pas opérant pour établir la qualité d'associée, le moyen, en creux, pris de ce que si les versements effectués par Mme [R] n'étaient pas considérés comme des apports en compte-courant d'associé, [F] aurait contrevenu au monopole bancaire.

Par ailleurs, les intimés allèguent, sans être contredits, que Mme [R] n'a jamais été convoquée aux assemblées générales de [F], sans que celle-ci ne justifie s'en être inquiétée durant des années.

La qualité d'associée de Mme [R] ne saurait davantage résulter de l'attestation du notaire ayant reçu de celle-ci, dans le cadre d'une promesse de vente, le montant d'une indemnité d'immobilisation passée dans les écritures comptables de [F], celui-ci ne disposant pas des éléments suffisants pour attester de cette qualité.

Au vu de ces comportements présentant des contradictions et en présence d'une convention de prêt devenue caduque, la qualité d'associée de Mme [R] dans [F] n'est pas établie.

A ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité d'associée de [F]. La demande de transcription sur les registres devenant de ce fait sans objet.

Seuls les associés ayant qualité pour agir en nullité des assemblées générales, Mme [R] est dépourvue de qualité pour solliciter l'annulation de l'assemblée générale du 13 mai 2013. Les autres appelantes ne soutiennent pas être associées de [F]. Dès lors, il n' y a pas lieu d'examiner les différents moyens invoqués au soutien de la demande de nullité de l'assemblée générale du 13 mai 2013.

- Sur la prorogation de la durée de la société [F]

Il est versé au débat le procès-verbal d'une assemblée générale extraordinaire de [F], en date du 13 mai 2013, ayant décidé de proroger la durée de la société pour la porter à 99 ans et de modifier en conséquence l'article 5 des statuts en ce qu'il avait fixé la durée de la société à 50 années à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

L'extrait Kbis délivré le 24 février 2015 mentionne que la durée de la société est fixée 'jusqu'au 19 novembre 2062".

Les appelantes font valoir que [F] n'a pu valablement signer le protocole d'accord du 11 novembre 2013, la société s'étant trouvée dissoute de plein droit à l'arrivée de son terme, le 1er juin 2013, faute de prorogation en temps utile. Elles soutiennent ainsi qu'il n'est pas rapporté la preuve de la tenue effective de l'assemblée générale du 13 mai 2013 dont se prévalent les intimés, ni d'une décision de prorogation avant le terme de la société, considérant que [F] n'a pris conscience de l'arrivée de son terme qu'à l'occasion d'un référé ayant opposé les parties en septembre 2013, ce que démentent les intimés.

La décision de prorogation qui résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 13 mai 2013 a une existence certaine, à tout le moins à compter du 25 septembre 2013, date à laquelle elle a été publiée dans un journal d'annonces légales, avant d'être enregistrée auprès de l'administration fiscale le 27 septembre 2013, étant par ailleurs relevé que le cabinet Prejean Audit et Conseil, commissaire aux comptes, a reçu du directoire de [F], le 15 avril 2013, en mains propres, une convocation pour l'assemblée générale extraordinaire du 13 mai 2013, avec notamment pour ordre du jour, la durée de la société.

Est à cet égard inopérant, le moyen tiré de ce que M.[B] ne pouvait pas convoquer une assemblée générale à cette date compte tenu de l'expiration de son mandat social, dès lors que les appelantes qui ne sont pas associées ne sont pas fondées à critiquer la régularité de cette assemblée générale.

Les parties ne s'accordent pas sur la date à laquelle expirait la durée initiale de 50 ans, les appelantes considérant que le terme expirait le 1er juin 2013 et non le 19 novembre 2013 comme le soutiennent les intimés et comme l'a retenu le tribunal.

[F] a été constituée sous forme d'une Sarl le 1er juin 1963. Les statuts d'origine ne sont pas communiqués.

A supposer que l'article 5 des statuts d'origine aient mentionné la date du 1er juin 2013 comme étant celle d'expiration de la durée de [F], force est de constater, à la suite de M.[B] et de [F], que ces statuts ont été modifiés en novembre 1990 dans le cadre de la transformation de la société en Sa, et précisent que la durée de la société reste fixée à 50 ans à compter de son immatriculation au RCS, cette immatriculation étant intervenue le 20 novembre 1963.

Les appelantes dénient toute opposabilité de l'article 5 des statuts modifiés (1990), en l'absence de publication légale au RCS de cette modification de la durée et considèrent que seule une modification de la durée de la société était possible lors de la modification des statuts en 1990 et non la fixation rétroactive de sa date de naissance.

Cependant, il résulte clairement des statuts modifiés en 1990 que la volonté des associés a été de fixer la durée de la société à 50 ans à compter de son immatriculation au RCS, soit à compter du 20 novembre 1963, de sorte qu'elle expirait bien le 19 novembre 2013. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes les statuts mis à jour à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire du 20 novembre 1990 ont été déposés au greffe le 23 janvier 1991, ainsi qu'il ressort de la pièce 28-1 qu'elles communiquent, de sorte que la publicité légale au RCS a bien été effectuée.

Eu égard aux dispositions claires des statuts modifiés en 1990, il est sans incidence sur la durée de la société que l'extrait Kbis de [F] délivré le 25 juin 2014 mentionne que la durée expirait le 1er juin 2013.

Les appelantes invoquent ensuite l'absence de publicité légale régulière, avant l'arrivée du terme, de la prorogation de la société décidée le 13 mai 2013, en ce que les formalités de publicité ont été effectuées tardivement par une personne qui n'avait pas qualité pour le faire, le mandat de membre du directoire de M.[B] étant venu à terme plus de deux auparavant, de sorte que la mention de cette prorogation figurant sur l'extrait Kbis de [F] délivré le 24 février 2015 leur est inopposable.

Il résulte de l'article L123-9 du code du commerce que la personne assujettie à immatriculation et à dépôt d'actes ou de pièces en annexe du registre ne peut opposer aux tiers et aux administrations publiques les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés ou si les formalités de dépôt ont été accomplies.

La date d'expiration du 19 novembre 2062, portée sur l'extrait Kbis de [F] délivré le 24 février 2015, fait suite au dépôt du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 13 mai 2013 au greffe du RCS, le 21 juillet 2014, après sa publication dans un journal d'annonces légales.

Le non respect du délai d'un mois prévu par l'article R123-105 du code du commerce pour le dépôt des actes modificatifs n'affecte pas la validité de la décision de prorogation et n'a pas pour effet de rendre irrégulière la publication au RCS, laquelle n'a d'ailleurs pas été refusée par le greffier en charge de la tenue du registre.

La décision de prorogation ayant acquis date certaine avant l'arrivée du terme de la société, il ne peut être déduit l'existence d'une fraude de ce retard dans l'accomplissement des formalités auprès du greffe du RCS.

Il s'en suit que [F] est fondée, en application de l'article L 123-9 du code du commerce, à opposer cette mention aux tiers. La prorogation ayant été, de façon certaine, décidée avant la signature du protocole litigieux, les appelantes invoquent vainement l'absence d'effet rétroactif d'une telle décision, quand bien même elle a été publiée au registre du commerce et des sociétés en 2014. En tout état de cause, cette décision de prorogation permet à tout le moins de retenir l'existence d'une prorogation tacite de la société jusqu'à sa publication au RCS.

Le moyen pris de ce que le greffe du RCS aurait dû procéder à la mention de la dissolution de la société est inopérant dès lors que la durée de la société a été prorogée.

Quant au moyen pris de l'inopposabilité de la publicité ainsi effectuée par M.[B] en l'absence de pouvoir de représentation, il sera relevé, que si l'article L 123-9 du code de commerce autorise les tiers à se prévaloir, même en l'absence d'accomplissement des formalités, des faits et actes sujets à mention ou de pièces annexes au registre dont ils ont eu connaissance, ce texte ne leur confère pas le pouvoir de remettre en cause la pertinence de ces actes, étant en tout état de cause relevé qu'il est établi que le mandat social de M.[B], venu à expiration, a ultérieurement été confirmé.

Ainsi, à la date de signature du protocole litigieux la société [F] n'était pas dissoute et disposait de la personnalité morale lui conférant la capacité de signer cet acte. C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont débouté la société Villa Durmar et les autres appelantes de leur demande d'annulation du protocole et de leurs prétentions accessoires.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Villa Durmar de ses demandes de remboursement des sommes versées au titre de ce protocole et en ce qu'il a condamné la société Villa Durmar à payer à la société [F] la 3ème échéance d'un montant de 150.000 euros, exigible au 30 décembre 2014, mise à sa charge par le protocole d'accord et demeurée impayée.

La société Villa Durmar et Mme [R], parties perdantes, seront déboutées de leurs demandes respectives en dommages et intérêts au titre des préjudices financiers et moraux, ces demandes étant fondées, pour l'une sur les difficultés de trésorerie nées du protocole, pour l'autre sur la prétendue privation de la qualité d'associée de [F].

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Mme [R] et des sociétés Villa Durmar, l'Eurl le Vieil Orne et Vesta Participations. Le jugement sera confirmé en ce qu'il les a condamnées in solidum au paiement de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, montant auquel il sera ajouté en cause d'appel une somme de 5.000 euros au bénéfice de M.[B] et de [F], pris ensemble.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que Mme [R] n'avait pas la qualité d'associée de la société [F] et en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [R] et la société Villa Durmar leurs demandes de dommages et intérêts et les appelantes de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [R], les sociétés Villa Durmar, l'Eurl le Vieil Orne et Vesta Participations à payer à M.[B] et à la société [F], pris ensemble, une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [R], les sociétés Villa Durmar, l'Eurl le Vieil Orne et Vesta Participations aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/25208
Date de la décision : 22/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°16/25208 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-22;16.25208 ?
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