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16/02/2018 | FRANCE | N°16/08953

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 16 février 2018, 16/08953


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08953



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/53610



APPELANTE



Syndicat SUD RATP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pascal TELLE, avo

cat au barreau de PARIS, toque : C0471





INTIMÉE



EPIC REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toq...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08953

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/53610

APPELANTE

Syndicat SUD RATP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471

INTIMÉE

EPIC REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant, et par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665, avocat plaidant, substitué par Me Emmanuel JOB, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 janvier 2018, en audience publique, devant Madame Mariella LUXARDO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Madame Florence PERRET, conseillère

Madame Sophie REY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Clémence UEHLI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Mariella LUXARDO, présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par ordonnance rendue le 26 mai 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi le 30 mars 2016 par le syndicat Sud-RATP pour statuer sur la légitimité de la procédure disciplinaire mise en oeuvre à l'encontre des agents de sécurité à la suite d'une décision préfectorale de retrait ou de non-renouvellement de l'autorisation de port d'arme, a déclaré l'action irrecevable en raison du caractère individuel de l'action qui appartient à chaque agent concerné, et condamné le syndicat Sud-RATP à payer à la RATP la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Le syndicat Sud-RATP a interjeté appel de cette décision le 27 juin 2016.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 8 janvier 2018, le syndicat demande à la cour de :

Dire et juger son action recevable et bien fondée ;

Infirmer l'ordonnance du 26 mai 2016 ;

Statuant à nouveau,

Faire interdiction à la RATP d'engager systématiquement la procédure disciplinaire pour révocation nécessitant la convocation du conseil de discipline, prévue par les articles 149 et suivants du titre XII du statut, à l'encontre des agents de son service interne de sécurité faisant l'objet d'une décision préfectorale de retrait ou de non renouvellement de port d'arme sous astreinte ;

Condamner la RATP à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 11 janvier 2018, la RATP demande à la cour de :

Confirmer l'ordonnance du 26 mai 2016 ;

Dire et juger l'action du syndicat Sud-RATP irrecevable faute d'intérêt et qualité à agir ;

En tous cas :

Constater que les demandes excèdent les pouvoirs du juge des référés ;

Dire n'y avoir lieu à référé ;

Condamner le syndicat Sud-RATP aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 12 janvier 2018.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la qualité à agir du syndicat

La RATP soutient que l'action est irrecevable car la nécessité du recours à la procédure disciplinaire mérite un examen au cas par cas de la situation individuelle des salariés, de sorte que cette question ne met pas en jeu l'intérêt collectif de la profession.

Le syndicat Sud-RATP fait valoir que son action est recevable puisqu'exercée pour la défense de l'intérêt collectif de la profession. Il expose que la RATP détourne la procédure disciplinaire en convoquant systématiquement devant le conseil de discipline, les agents de sécurité concernés par une décision préfectorale de retrait ou de non-renouvellement de l'autorisation de port d'arme alors que cette décision peut être motivée par des motifs divers, sans lien avec les règlementations internes relatives à leur affectation au sein du service de sécurité.

En droit, la réglementation de l'habilitation des agents de sécurité à porter une arme dans le cadre de leur service, résulte de plusieurs textes :

L'article 3 du décret du 24 novembre 2000 adaptant les modalités d'application à la SNCF et à la RATP de la loi n°83-629 du 12 juillet 1983, énonce que :

'Les agents de sécurité nominativement désignés peuvent être autorisés à porter une arme pour l'accomplissement de leurs missions et à l'occasion desquelles ils sont exposés à des risques d'agression. Les demandes d'autorisation de port d'arme sont présentées par l'entreprise.

L'autorisation individuelle de port d'arme est délivrée, pour la RATP, par le préfet de police ...

L'autorisation de port d'arme est délivrée pour une durée de cinq ans.

Si l'agent cesse définitivement d'exercer ses fonctions au sein du service interne de sécurité, l'autorisation de port d'arme devient caduque.'

La note d'instruction de la RATP du 26 avril 2007 relative aux conditions d'utilisation du personnel du GPSR, dispose dans son article 1er du chapitre 3 que l'agent de sécurité doit être titulaire d'un port d'arme de 4ème et de 6ème catégorie, délivré par la préfecture de police.

Il ressort de ces dernières dispositions que l'affectation d'un agent au département SEC est subordonnée à l'autorisation du port d'arme délivré par la préfecture de police, condition non contestée entre les parties.

La RATP en déduit, aux termes de ses conclusions d'instance, que 'lorsque pour une raison ou une autre, un agent perd son autorisation de port d'arme, (elle) se trouve donc confrontée à une difficulté majeure ... et le département SEC est donc contraint de retirer l'agent du terrain et de ne pas le maintenir dans son emploi.'

Le caractère systématique de la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire se trouve encore confirmé par les constats de désaccord des 12 novembre 2015 et 21 décembre 2015 établis entre les parties, selon lesquels la RATP déclare, sur l'alarme sociale déposée par le syndicat Sud-RATP, que "si un agent GPSR vient à ne plus remplir les conditions pour exercer le métier d'agent de sécurité, le Département SEC est dans l'obligation de retirer l'agent du terrain et d'engager une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'à la révocation à son encontre, l'absence de permis de port d'armes ne permettant plus à l'agent de remplir son obligation principale découlant de son contrat de travail.'

Il est ainsi démontré que le retrait ou le non-renouvellement de l'autorisation du préfet entraîne systématiquement la décision de la RATP de convoquer l'agent concerné devant le conseil de discipline.

Or l'automaticité de la procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent de sécurité qui s'est vu retirer son autorisation de port d'arme, pose une question de principe qui vise l'ensemble d'une catégorie d'agents et concerne en outre les conditions d'application des dispositions statutaires du personnel de la RATP relatives à la discipline de ses agents.

A ce double titre, la demande du syndicat Sud-RATP concerne l'intérêt collectif de la profession.

L'ordonnance du 26 mai 2016 mérite par suite l'infirmation en ce qu'elle a considéré que seul l'intérêt individuel de chaque agent était en jeu.

Le syndicat Sud-RATP a qualité pour agir et son action est donc recevable à ce titre.

Sur la compétence de la juridiction de référé

Le syndicat Sud-RATP fait valoir que la mise en oeuvre systématique d'une procédure disciplinaire constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser et qu'il y a lieu de prévenir le dommage imminent causé par les procédures disciplinaires à venir. Elle estime que la décision administrative de retrait de l'autorisation du port d'arme, ne doit pas entraîner de manière systématique la fin du contrat de travail et ajoute que la RATP viole le statut des agents dans ses dispositions relatives à la discipline alors qu'elle est tenue, par son obligation de reclassement et par un accord du 24 juin 2002, de faire une proposition de mobilité aux agents concernés.

La RATP soutient que la demande est contraire à l'article 5 du code civil qui fait interdiction aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire, que la convocation des agents devant un conseil de discipline ne constitue pas un trouble manifestement illicite, que le syndicat Sud-RATP ne démontre pas que la mise en oeuvre de la procédure aboutit systématiquement à la révocation de l'agent, qu'elle n'est pas tenue à une obligation de reclassement dans le cadre d'un retrait de l'autorisation du port d'arme, et qu'elle a consenti une mobilité à des agents dont l'autorisation avait été retirée pour des raisons médicales.

A titre liminaire, il sera constaté quela RATP invoque à tort les dispositions de l'article 5 du code civil dès lors que la demande, limitée dans son objet, conduit la cour à se prononcer sur le litige qui lui est soumis qui concerne uniquement les agents de sécurité de la RATP qui se sont vus notifier une décision de retrait ou de non-renouvellement de l'autorisation de port d'arme.

Par ailleurs, l'article 152 du statut des agents de la RATP réserve l'intervention du conseil de discipline aux cas les plus élevés de sanctions, dénommées mesures de 2° degré pouvant aller jusqu'à la révocation, la mesure disciplinaire étant prononcée en fin de procédure par le directeur général de la RATP, après recueil de l'avis du conseil de discipline.

Il existe par suite entre les parties un différend qui justifie que soient prises des mesures urgentes puisque la RATP, en engageant systématiquement des procédures disciplinaires à l'encontre des agents de sécurité concernés par ces décisons préfectorales, est à l'origine de situations pouvant être irréversibles telles que la perte d'emploi de l'agent, cette mesure étant au surplus suceptible de concerner un nombre important de salariés du département sécurité en raison du contexte de contrôle accru par la préfecture des autorisations de port d'armes depuis 2015.

La juridiction des référés se trouve donc compétente pour examiner les demandes du syndicat Sud-RATP.

Sur le bien-fondé des demandes du syndicat Sud-RATP

Afin de justifier sa décision d'engager des procédures disciplinaires, la RATP s'appuie sur les dispositions de l'article L.2251-2 du code des transports, qui énoncent que :

"les agents des services internes de sécurité de la SNCF ou de la RATP ne peuvent être affectés ou maintenus dans ce service s'ils ont fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent. Il en va de même :

1° Si l'agent a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;

2° S'il a commis des actes, éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés et autorisés de données personnelles gérés par les autorités de police, contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes m'urs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat."

Toutefois ce texte vise les conditions d'emploi des agents au sein des services internes de sécurité de la RATP, conditions d'emploi qui ne correspondent pas aux conditions d'octroi ou de retrait de l'autorisation de port d'arme.

Il ressort des dispositions applicables en matière de port d'arme fixées par le code de la sécurité intérieure, que la décision du préfet refusant l'autorisation ou le renouvellement peut être motivée par d'autres causes que celles visées à l'article L.2251-2 du code des transports.

Ces causes susceptibles d'être révélées à l'issue d'une enquête administrative sont très diverses, tel que le prévoit l'article R.312-21 du code de la sécurité intérieure. Elles peuvent porter sur le comportement de l'intéressé, et notamment sur l'existence de troubles physiques ou psychiques manifestement incompatibles avec la détention d'une arme.

Il s'ensuit que la décision préfectorale de retrait ou de non-renouvellement du port d'arme, ne sanctionne pas nécessairement un comportement fautif.

Or au vu de l'article L.1331-1 du code du travail, la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire implique la volonté pour l'employeur de faire sanctionner un agissement fautif du salarié, caractérisé par un manquement à la discipline ou l'inexécution fautive du contrat de travail.

La procédure disciplinaire, résultant des articles L.1332-1 et suivants du code du travail et organisée par le titre 12 du statut des agents de la RATP, suppose que l'employeur qui envisage de prendre une sanction à l'encontre d'un salarié, lui fasse connaître à l'avance les griefs retenus contre lui.

La convocation systématique d'un agent devant le conseil de discipline, qui repose sur le seul motif de la décision du préfet, est irrégulière en ce qu'elle ne comporte pas de motifs précis sur lesquels l'agent peut s'expliquer et le conseil de discipline donner un avis sur la sanction adaptée au regard de l'échelle fixée par l'article 149 du statut.

Cette procédure disciplinaire est en outre manifestement abusive lorsque le retrait de l'autorisation du port d'arme repose sur un motif médical de l'agent.

Il appartient par suite à la RATP d'organiser une évaluation préalable de la situation de l'agent concerné par une décision préfectorale de retrait, afin d'apprécier la nécessité de saisir le conseil de discipline, comme le prévoyait d'ailleurs le constat d'accord signé le 24 juin 2002 sur une alarme sociale déposée sur la même question par le syndicat CFDT, accord communiqué par l'appelant, aux termes duquel la RATP indiquait "en cas de refus de port d'arme, l'entreprise proposera aux agents concernés une mobilité, après un entretien approfondi avec le RH de l'unité, sur tous les métiers de l'entreprise", la CFDT précisant que la procédure de lcenciement devait être la dernière éventualité.

Il n'y a pas lieu à ce stade de prononcer une astreinte pour assurer le respect de la présente décision.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, les dépens de cette instance en référé doivent être supportés par la RATP qui devra verser au syndicat Sud-RATP la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance du 26 mai 2016 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes du syndicat Sud-RATP,

Enjoint à la RATP de procéder à une évaluation préalable de la situation des agents concernés par une décision préfectorale de retrait ou de non-renouvellement de l'autorisation de port d'arme afin d'apprécier la nécessité de saisir le conseil de discipline,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la RATP aux dépens de l'instance en référé et à verser au syndicat Sud-RATP la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/08953
Date de la décision : 16/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°16/08953 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-16;16.08953 ?
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