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16/02/2018 | FRANCE | N°16/08757

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 16 février 2018, 16/08757


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08757



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de [Localité 1] - RG n° 16/50166







APPELANTE



CHSCT DU DÉPARTEMENT SÉCURITÉ DE LA RATP

[Adresse 1]

[Adres

se 2]

Représenté par Me Olivier VILLEVIEILLE de la SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0423







INTIMÉE



EPIC RATP - LA RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adress...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08757

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de [Localité 1] - RG n° 16/50166

APPELANTE

CHSCT DU DÉPARTEMENT SÉCURITÉ DE LA RATP

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par Me Olivier VILLEVIEILLE de la SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0423

INTIMÉE

EPIC RATP - LA RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant et Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Mariella LUXARDO, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Mariella LUXARDO, Présidente

Madame Florence PERRET, Conseillère

Madame Sophie REY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Mariella LUXARDO, président et par Mme Martine JOANTAUZY, greffier présent lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par ordonnance rendue le 17 mars 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi le 4 décembre 2015 par le CHSCT du département Sécurité sur la nécessité de recueillir son avis lors de la mise en oeuvre et de la modification des entretiens annuels d'évaluation, a déclaré l'action irrecevable pour cause de prescription et condamné la RATP au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Le CHSCT a interjeté appel de cette décision le 14 avril 2016.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 5 janvier 2018, le CHSCT du département Sécurité demande à la cour de :

Infirmer l'ordonnance du 17 mars 2016 ;

Statuant à nouveau,

Dire et juger recevable l'action du CHSCT du département Sécurité de la RATP ;

Constater que la RATP n'a jamais consulté le CHSCT du département Sécurité sur la mise en 'uvre et les modifications des entretiens annuels d'évaluations (EAP) ;

Constater que le Président du CHSCT reconnaît que la consultation du CHSCT sur les entretiens d'évaluation est obligatoire ;

Constater que l'absence de toute consultation du CHSCT constitue un manquement en matière de prévention des risques psychosociaux et une violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

En conséquence,

Faire interdiction à la RATP de poursuivre les entretiens d'évaluation et de progrès (EAP) tant qu'elle n'aura pas recueilli l'avis du CHSCT sur cette question sous astreinte de 5.000 euros par infraction commise passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement ;

En toute hypothèse,

Déclarer les entretiens d'évaluation et de progrès (EAP) inopposables aux salariés du département sécurité de la RATP tant que la RATP n'aura pas recueilli l'avis du CHSCT ;

Condamner la RATP à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L4614-13 du code du travail et/ou de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 13 décembre 2017, la RATP demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer l'ordonnance du 17 mars 2016 en qu'elle a jugé que la demande faite à la RATP de se voir interdire de poursuivre les EAP fondée sur l'absence d'avis du CHSCT sur cette question est prescrite ;

A titre subsidiaire :

Dire et juger qu'il n'y a ni trouble manifestement illicite ni de dommage imminent ;

En conséquence :

Dire et juger qu'il n'y a lieu à référé ;

Débouter le CHSCT de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause :

Condamner le CHSCT aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 12 janvier 2018.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la recevabilité de l'action du CHSCT

Le CHSCT fait valoir que la RATP a mis en place un système d'évaluation annuelle des salariés dans le cadre d'une Instruction Générale, qui devait nécessiter sa consultation préalable sur le fondement de l'article L.4612-8-1 du code du travail en raison des enjeux importants sur le déroulement de carrière des agents et de la pression psychologique qui en résulte. Il considère que son action porte sur un droit substantiel qui le fait échapper aux délais de prescription ou à titre subisidiaire que la prescription est interrompue à chaque évaluation ou nouvel entretien ou lors de la modification des formulaires d'entretien.

La RATP soutient que les entretiens d'évaluation et de progrès ont été mis en place en 2001 et que la contestation du CHSCT est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans. Elle ajoute que le contenu du système d'évaluation n'a pas été été substantiellement modifié, seule la forme des supports a été renouvelée afin de faciliter les échanges entre le salarié et l'évaluateur. Elle précise qu'une expertise a été menée en 2007 sur le déroulement de carrière des agents de sécurité, au cours de laquelle la question des entretiens a été abordée, que des modifications ont été apportées à la marge en 2008 et 2010, soit plus de 5 ans avant la saisine du TGI, et que le CHSCT ne démontre pas que ces modifications sont de nature à justifier une consultation du comité.

En application de l'article L.4612-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable le 4 décembre 2015 lors de la saisine du juge des référés de [Localité 1], le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.

En l'espèce, le CHSCT du département chargé de la sécurité (dit département SEC) sollicite la suspension des entretiens d'évaluation organisés sur le fondement de l'Instruction Générale n°492 du 17 octobre 2001 et l'inopposabilité des entretiens réalisés sans l'avis du CHSCT sur le dispositif d'évaluation.

Il n'est pas sérieusement contestable que les entretiens d'évaluation constituent un élément central de gestion de carrière des salariés.

A ce titre, il est admis que le dispositif d'évaluation doit être soumis à la consultation préalable du CHSCT en ce qu'il est de nature à exercer une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, et que les modalités des entretiens peuvent générer une pression psychologique entrainant des répercussions sur leurs conditions de travail et leur santé.

Si la RATP estime que la consultation préalable devait être réalisé en 2001, lors de l'adoption de l'Instruction Générale n°492, elle ne conteste pas qu'elle a réalisé depuis cette date plusieurs modifications des formulaires qui sont utilisés par les évaluateurs lors des entretiens annuels.

Il ressort d'ailleurs des termes de l'Instruction Générale n°492 qu'est seulement posé le principe de mise en oeuvre d'un entretien d'évaluation et de progrès des agents dans le cadre d'un code de déontologie, et qu'elle ne comporte pas d'annexe sur le support écrit de l'entretien, se limitant à indiquer que le document comportera trois parties, l'une sur le constat de la période écoulée, l'autre sur les axes de progrès à venir, la dernière sur les besoins de formation et les souhaits de mobilité.

Or le formulaire d'évaluation constitue le document clé du dispositif d'évaluation en ce qu'il définit les lignes de conduites des entretiens et les grilles d'évaluation qui doivent être identiques pour tous les agents exerçant les mêmes fonctions.

Au vu des documents communiqués par les parties, il apparaît que les entretiens d'évaluation des agents ont été réalisés jusqu'en 2010 sur des grilles très diverses, certaines comportant trois rubriques d'évaluation (pièce 19 de la RATP pour les entretiens 2005), d'autres quatre rubriques d'évaluation (pièce 20 de la RATP pour les entretiens 2009).

La RATP reconnaît qu'elle a mis à disposition des évaluateurs de nouvelles grilles d'entretien en octobre 2010 qui ont apporté un renouvellement profond de la totalité des rubriques et des grilles d'évaluation (quatre niveaux : insuffisant, partiellement satisfaisant, satisfaisant, très satisfaisant).

Le CHSCT communique de nouvelles grilles datées de novembre 2016, dont les modifications portent essentiellement sur la présentation formelle et la création d'une nouvelle division de l'entretien professionnel portant sur les perspectives d'évolution et les besoins de formation.

Au vu de ces modifications répétées des grilles d'évaluation, le juge des référés de [Localité 1] ne pouvait pas faire droit au moyen d'irrecevabilité soutenu par la RATP et considérer que l'obligation de consultation du CHSCT était née lors de l'adoption de l'Instruction Générale n°492 du 17 octobre 2001.

Si l'action du CHSCT exercée sur le fondement de l'article L.4612-8 du code du travail ne peut pas être considérée comme imprescriptible, à défaut d'un texte spécial, il convient néanmoins de relever que toute modification importante du formulaire d'évaluation doit être soumise à la consultation préalable.

La RATP, qui soulève le moyen de prescription, doit établir la date à laquelle le CHSCT a été informé de l'utilisation du nouveau formulaire daté d'octobre 2010.

Elle fait état seulement de réunions du comité de mars 2007 et avril 2008 au cours desquelles étaient déjà évoqués le flou des critères d'évaluation et les risques d'atteinte à l'égalité de traitement des agents.

Ces réunions ne peuvent pas constituer le point de départ du délai de cinq ans dès lors qu'elles sont antérieures à la modification de la grille d'octobre 2010, ni même l'entretien du 12 janvier 2011 de l'un des élus du CHSCT, invoqué à tort par la RATP, la consultation devant concerner le CHSCT dans son ensemble, et non pas la mise en oeuvre individuelle du processus d'évaluation.

Des protocoles d'accord ont été signés en juillet 2013 et février 2014 sur le déroulement de carrière des agents de sécurité et de l'encadrement, mais s'ils évoquent l'importance des entretiens annuels, ils ne comportent pas la copie des formulaires dont l'utilisation est contestée.

A tout le moins, la négociation sur le premier protocole a débuté en 2013, dans les limites de la prescription qui est calculée au regard de la saisine du juge des référés le 4 décembre 2015, période qui correspond au surplus avec la lettre du 10 mai 2013 de l'un des élus du CHSCT qui interroge le RHH du département SEC sur les modalités des entretiens d'évaluation, et auquel il était répondu par lettre du 29 mai 2013 que le système d'évaluation arrêté en octobre 2001, sans contestation, ne pouvait plus être soumis à la consultation du CHSCT.

Il s'ensuit qu'à défaut de preuve contraire apportée par la RATP sur une information donnée en octobre 2010, la lettre du 29 mai 2013 constitue le point de départ du délai de cinq ans de l'action du CHSCT, dès lors qu'elle porte à la connaissance de l'un des élus le refus du responsable du département de soumettre à la consultation toute modification des grilles d'évaluation utilisées au sein de ce département.

L'action engagée par le CHSCT le 4 décembre 2015 sur le fondement du mandat voté lors de sa réunion extraordinaire du 12 novembre 2015, est donc recevable et l'ordonnnace du 17 mars 2016 sera réformée sur ce point.

Sur le bien-fondé des mesures sollicitées par le CHSCT

La contestation porte sur l'absence de consultation préalable du CHSCT lors de la modification des grilles d'évaluation du département SEC, son argumentation étant bien-fondée en ce que les modifications unilatérales apportées par la RHH du département sont de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement des salariés et à créer des incertitudes sur la procédure d'évaluation de chacun d'entre eux, puisque les grilles et les critères d'évaluation sont susceptibles de modification d'une année sur l'autre.

Néanmoins, le CHSCT ne conteste pas la pertinence des rubriques arrêtées par la RATP, portant tant sur l'évaluation des compétences que sur les perpectives professionnelles, qui sont fondées sur des critères objectifs, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'inopposabilité des entretiens déjà réalisés par la RATP.

Il convient uniquement d'enjoindre à la RATP de procéder à la consultation du CHSCT sur les grilles d'évaluation actuellement utilisées au sein du département SEC, notamment celles définies en novembre 2016, et lors de toute nouvelle modification importante de ces grilles.

Les procédures d'évaluation en cours et à venir seront suspendues jusqu'à l'avis du CHSCT.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la nature de l'affaire, les dépens doivent être supportés par la RATP qui devra verser au CHSCT la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'ajoute à l'indemnité fixée par le premier juge.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Réforme l'ordonnance du 17 mars 2016 en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action du CHSCT du département SEC de la RATP,

Statuant à nouveau à ce titre,

Rejette le moyen d'irrecevabilité soutenu par la RATP,

Enjoint à la RATP de procéder à la consultation du CHSCT sur les grilles d'évaluation actuellement utilisées au sein du département SEC et lors de toute nouvelle modification importante de ces grilles,

Ordonne la suspension des procédures d'évaluation en cours et à venir jusqu'à l'avis du CHSCT sur les grilles d'évaluation,

R ejette les autres demandes des parties,

Condamne la RATP aux dépens et à verser au CHSCT la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'ajoute à l'indemnité fixée par l'ordonnance du 17 mars 2016.

Arrêt rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, lesparties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Mariella Luxardo, présidente et Mme Martine Joantauzy, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/08757
Date de la décision : 16/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°16/08757 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-16;16.08757 ?
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