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15/02/2018 | FRANCE | N°14/09701

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 15 février 2018, 14/09701


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 15 Février 2018

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09701 PAD

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/02993



APPELANTE

SA VEOLIA ENVIRONNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe RAYMOND, avocat au barreau de PARI

S, toque : P0312 substitué par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312



INTIMEE

Madame [L] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 15 Février 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09701 PAD

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/02993

APPELANTE

SA VEOLIA ENVIRONNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe RAYMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312 substitué par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312

INTIMEE

Madame [L] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 3] (MALI)

comparante en personne, assistée de Me Françoise SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, Conseiller

Madame Nadège BOSSARD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la COUR, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Géraldine BERENGUER, greffier en préaffectation de la mise à disposition et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 7 février 2007, la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT a embauché Madame [L] [I] en qualité de Directeur Général Ressources Humaines, statut cadre dirigeant, niveau 8.3, moyennant une rémunération annuelle brute comprenant :

- 12 mensualités de 23.077 €,

- un 13ème mois payé aux salariés ayant au moins 6 mois consécutifs d'ancienneté,

- une prime de résultat versée en mars de l'année suivante au titre de l'exercice de l'année civile précédente, étant précisé que pour une présence de 12 mois au cours de l'année 2007, le montant de la prime de résultat ne sera pas inférieur à 100.000 €.

A compter du 4 août 2011, Madame [I] a quitté ses fonctions et est devenue directrice chargée du projet VEOLIA.

La SA VEOLIA ENVIRONNEMENT est une multinationale française cotée en bourse qui propose à ses clients, composés de collectivités locales et entreprises, une expertise dans divers domaines tels que la gestion du cycle de l'eau, la gestion et la valorisation des déchets, la gestion de l'énergie et le transport de personnes. Elle compte plus de 300.000 salariés et la relation de travail est régie par l'accord collectif du 20 février 2002 intitulé « convention collective d'entreprise VIVENDI ENVIRONNEMENT ».

Par courrier en date du 1er décembre 2011, la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT a convoqué Madame [I] à un entretien préalable fixé au 12 décembre 2011 et l'a licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre notifiée le 26 décembre 2011.

Contestant son licenciement, Madame [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris le 12 mars 2013 d'une demande tendant en son dernier état à le voir juger non fondé sur une cause réelle et sérieuse son licenciement et condamner la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un complément d'indemnité contractuelle de rupture, des rappels de salaire, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 30 juillet 2014, le conseil de prud'hommes a :

- fixé la moyenne brute mensuelle des salaires à la somme de 51.673,40 €,

- condamné la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT au paiement des sommes suivantes :

** 142.045 € à titre de complément de rémunération variable 2011,

** 14.204 € au titre des congés payés afférents,

** 132.812,50 € à titre de rémunération variable 2012,

** 13.281 € au titre des congés payés afférents,

** 201.848 € à titre de complément d'indemnité contractuelle de rupture,

avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2013, date de réception par la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT de la convocation devant le bureau de conciliation,

** 310.045 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT aux dépens et au paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 4 septembre 2014, la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT a fait appel de la décision.

Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [I] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement,

- le réformer en ce qu'il est entré en voie de condamnation,

En conséquence,

A titre principal :

- débouter Madame [I] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- fixer son salaire brut mensuel à la somme de 40.452,94 €,

- dire qu'en tout état de cause l'indemnité contractuelle de 18 mois de salaire, soit la somme brute de 728,152 € perçue par Madame [L] [I] est de nature à compenser l'ensemble des préjudices qu'elle invoque,

- ordonner le remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire,

En tout état de cause,

- condamner Madame [I] aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [I] demande à la cour de :

- débouter la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT de l'ensemble des demandes,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil,

- condamner la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 12 octobre 2017, reprises et complétées à l'audience.

Motivation

Sur les compléments de rémunération variable :

Madame [I] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT à lui payer la somme de 142.045 € pour l'année 2011 et celle de 132.812,50 € pour l'année 2012, outre les congés payés afférents.

La SA VEOLIA ENVIRONNEMENT conteste le bien fondé des demandes et expose que la rémunération variable qui tient compte de critères qualitatifs à hauteur de 30% mais surtout quantitatifs à hauteur de 70%, est fixée en fonction des résultats enregistrés par le Groupe et que celui-ci traversant des difficultés en 2011, la part variable en a été affectée.

S'agissant de la prime variable 2011, elle souligne que Madame [I], comme les membres du Comité Exécutif a vu sa prime de résultat réduite, bien qu'elle ait été de 123.000 €, faisant remarquer que le montant global des bonus distribués aux membres du Comité Exécutif au titre de l'année 2011 a diminué de près de moitié par rapport au montant servi au titre de l'année 2010, passant de 3.083.008 € à 1.656.649 €.

La SA VEOLIA ENVIRONNEMENT ajoute que le DGA RH qui a succédé à Madame [I] n' a perçu au titre de l'année 2011 qu'une somme de 107.454 € alors que son ancienneté dans le groupe était de 17 ans supérieure à celle de l'intimée.

Il résulte des termes du contrat de travail que Madame [I] bénéficiait d'une prime de résultat, fixée pour une présence de 12 mois au cours de l'année 2007, à une somme ne pouvant être inférieure à 100.000 € et pour les années ultérieures, « à une somme tenant compte à la fois des résultats obtenus au niveau du groupe et de l'appréciation qui aura été portée sur l'activité de Madame [I] », étant précisé que cette prime ne pourrait être inférieure à la somme de 100.000 €.

Madame [I] justifie d'un versement en avril 2010, pour l'année 2009, d'une somme de 211.658 € et de celle de 265.625 € en avril 2011 pour l'année 2010.

Pour ce qui la concerne, la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT produit les documents relatifs : - au changement d'orientation mis en 'uvre par son nouveau Président Directeur Général, [A] [M], au cours de l'année 2011 compte-tenu des difficultés rencontrées par le Groupe,

- à la détermination de la part variable 2011 du successeur de Madame [I] comme directeur général adjoint en charge des ressources humaines,

- à la présentation des critères et des objectifs pris en compte dans la détermination de la part variable relative à l'année 2011,

- à la diminution de moitié de la prime variable 2011 de tous les membres du Comité Exécutif (COMEX).

Au vu de ces éléments objectifs et des termes de son contrat de travail, et contrairement à ce que soutient Madame [I], il est établi que la somme de 123.600 € qui lui a été versée en avril 2012 au titre de la prime variable 2011 a été évaluée sur des critères objectifs et que la baisse de moitié par rapport à la prime de l'année 2010 a concerné tous les hauts cadre de la société, y compris le président directeur général, étant rappelé que s'agissant d'une prime variable, elle n'avait aucun droit acquis à la perception d'une somme équivalente ou supérieure à celle perçue au titre de l'année précédente dès lors que son montant n'était pas inférieur à 100.000 €.

Dès lors, aucune exécution de mauvaise foi du contrat de travail ne peut être reprochée à la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT et il convient de débouter Madame [I] de sa demande de complément d'indemnité variable au titre de l'année 2011.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT à lui payer la somme de 142.045 € à titre de complément de rémunération variable 2011 et celle de 14.204,50 € au titre des congés payés afférents.

S'agissant de la somme réclamée par Madame [I] au titre de la prime variable 2012, il apparaît que l'intimée, a été licenciée par lettre notifiée le 26 décembre 2011 et que, si elle a bénéficié d'un préavis d'une durée de 6 mois, elle a été dispensée de son exécution ce qui démontre qu'elle n'était pas présente au sein de l'entreprise au cours de l'année 2012, étant toutefois précisé que, contrairement à ce que soutient l'appelante, le contrat de travail ne conditionne pas le versement de la prime à la présence du salarié sur l'intégralité de l'année concernée.

En tout état de cause, faute de présence effective sur son lieu de travail au cours de l'année 2012, Madame [I] est déboutée de sa demande de paiement de la somme de 132.812,50 € à titre de rémunération variable 2012 et celle de 13.281 € au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT au paiement de ces deux sommes.

Sur la rupture du contrat de travail :

Madame [I] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT avait modifié unilatéralement ses fonctions et qu'elle n'était pas fondée à arguer d'un manquement dans des fonctions qu'elle n'a jamais acceptées, ce que conteste la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT qui soutient que le poste de directrice, chargée du « Projet Veolia », avait été dûment accepté par l'intimée qui, toutefois, a failli dans l'exécution de ses tâches.

Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les on faites » et il résulte des dispositions de l'article L.1221-1 du Code du travail, qui fait référence à ce principe, que la transformation des attributions et du niveau de responsabilités d'un salarié occupant des fonctions de direction ramenant ses responsabilités à un niveau très inférieur constitue une modification des conditions du contrat de travail, peu important l'absence de modification des conditions de rémunération de l'intéressé.

Toutefois, lorsque les mesures prises par l'employeur ne touchent ni la qualification ni sa rémunération, elles ne portent pas atteinte à un élément du contrat. De même, constitue une modification du contrat de travail le fait de retirer une délégation générale à un salarié.

En application des principes ci-dessus énoncés, toute modification du contrat de travail nécessite un accord exprès du salarié.

En l'espèce, Madame [I] expose qu'elle avait été recrutée par Monsieur [N], Président Directeur Général, qu'elle avait intégré le COMEX , que ses difficultés avaient débuté après la démission de Monsieur [N] de la présidence du conseil d'administration de la société et que Monsieur [M], qui lui avait succédé, avait décidé de se livrer à une guerre sans merci contre les proches de l'ancien dirigeant.

Elle précise qu'un des directeurs avait été limogé, qu'un autre s'était vu retirer sa charge et que pour ce qui la concerne, Monsieur [M], prétextant une réorganisation, lui avait annoncé le 2 août 2011, son remplacement immédiat dans les fonctions de directeur général en charge des ressources humaines par Monsieur [O] [Y].

Elle ajoute que lors de cet entretien, Monsieur [M] lui avait proposé de quitter la société immédiatement ou de rester en poste en occupant une mission le temps nécessaire pour identifier un repositionnement à l'extérieur et partir ensuite avec ses indemnités contractuelles.

Madame [I] ajoute que dès le 4 août 2011, aux termes d'un communiqué de presse, elle avait été exclue du Comité exécutif du Groupe, dont elle était la seule femme, et de toutes les instances et réunions auxquelles les dirigeants participaient.

Elle conteste avoir accepté le poste de chargée de mission et expose que le Président Directeur Général lui avait accordé jusqu'au 31 décembre 2011 pour réfléchir au poste proposé et considère que s'agissant d'une modification substantielle de son contrat de travail, elle était fondée à la refuser sans que ce refus puisse constituer une faute justifiant le bien fondé d'un licenciement.

La SA VEOLIA ENVIRONNEMENT conteste les arguments de l'intimée et expose qu'après avoir rencontré Monsieur [M], le 2 août 2011, Madame [I] a accepté, par courrier en date du 3 août, la mission stratégique qu'il avait entendu lui confier et qui correspondait à ses qualifications et compétences.

Elle précise que les contours de la mission ont été expressément définis et formalisés le 30 septembre 2011, que cette mission revêtait une importance particulière et considère que par son inaction Madame [I] a manqué à son obligation de loyauté et a fait preuve d'insubordination en ne mettant pas en exécution la mission qui lui avait été confiée. Dès lors, elle considère bien fondé le licenciement et demande l'infirmation du jugement déféré.

Au vu des pièces produites, il s'avère que, suite à leur entretien du 2 août 2011, par courriel en date du 3 août 2011, Madame [I] s'est adressée à Monsieur [M] dans les termes suivants.

Après lui avoir fait part de sa surprise et de sa déstabilisation suite sa décision de la décharger de ses fonctions de directeur général adjointe en charge des ressources humaines :

« ' Je regrette sincèrement que vous donniez le terme à ma collaboration dans ce poste. En effet, j'ai fourni des efforts continus et je n'ai cessé de vous être loyale dans vos nouvelles fonctions.

Je vous confirme ma loyauté et mon attachement au groupe. C'est pourquoi je réponds positivement à votre proposition d'hier de prendre en charge une mission à vos côtés de développement d'un projet « minorange », dont les contours restent à définir ensemble. J'ai par ailleurs eu votre accord pour poursuivre dans le souci d'un passage de témoin réussi, certains dossiers qui me tiennent à c'ur, ou qui sont en voie de conclusion, et pour lesquels mes compétences et mes relations personnelles engageant le groupe. Bien entendu, la date de fin de ces nouvelles missions ne saurait intervenir avant 18 mois. Par ailleurs, mes dispositions contractuelles relatives à une séparation ont vocation à continuer à pleinement s'appliquer, même dans l'hypothèse où je souhaiterais quitter le groupe avant cette échéance ».

La SA VEOLIA ENVIRONNEMENT communique aussi une lettre adressée par Monsieur [M] à Madame [I], à une date indéterminée mais qui, selon l'intimée elle-même, lui a été remise en main propre le 30 septembre 2011, par laquelle il lui a présenté les contours de son poste de directrice du projet « Esprit Veolia » comme suit :

« A plusieurs reprises, nous avons ressenti la nécessité de souder davantage notre esprit d'entreprise ; cette nécessité devient impérieuse dans la période que nous allons vivre, au cours de laquelle nous devons rassembler celles et ceux qui font vivre l' « Esprit Veolia ».

Vous avez pour objectif de proposer à la Direction Générale les modalités de constitution d'un corps censé rassembler les personnels emblématiques des valeurs que préconise Veolia Environnement : sens du service, esprit collectif, responsabilité sociale et sociétale, engagement personnel.

En vous inspirant d'expériences similaires et réussies dans des groupes internationaux, vous proposerez les critères de choix et les modalités pratiques de sélection et d'animation de ce corps.

Vous vous appuierez sur les moyens opérationnels et fonctionnels de l'entreprise, qui vous devront l'assistance nécessaire à la construction de ce processus.

Ces critères devront être publics et la sélection exempte du moindre arbitraire, à partir des outils ressources humaines existants (GPRH, Echos, etc').

Vous privilégierez les collaborateurs issus du terrain et dont le parcours professionnel illustre les capacités d'évolution offertes par l'entreprise.

Vous veillerez à la représentation complète de notre Groupe, dans sa diversité de métiers et d'implantations géographiques.

Une fois le dispositif validé par le Comité exécutif, vous exercerez l'animation des équipes « esprit Veolia » et en conduirez l'action, selon des modalités qui seront de nature à faire bénéficier l'ensemble de Veolia Environnement de l'état d'esprit collectif et des compétences communes ainsi rassemblées.

Vous me rapporterez directement.

Je vous remercie par avance de me faire part avant le 31 décembre de vos constats et de vos premières propositions ».

Au vu des éléments ci-dessus exposés, il ne peut être contesté que la nouvelle affectation de Madame [I] en qualité de directrice chargée du « Projet Veolia » constituait une modification substantielle de son contrat de travail puisqu'elle perdait sa qualification de directeur général et n'était plus membre du COMEX (comité exécutif) de la société VEOLIA ENVIRONNEMENT. Dès lors, l'employeur était tenu de recueillir son consentement exprès.

S'agissant de ce consentement, il ne peut davantage être contesté que Madame [I] a accepté la proposition qui lui a été faite par le Président Directeur Général, Monsieur [M], le 2 août 2011, « de prendre en charge une mission à vos côtés de développement d'un projet « minorange ».

Toutefois, il résulte de l'application des articles 1134 du Code civil et L.1221-1 du Code du travail que, pour être valable, l'accord du salarié doit être clair et non équivoque.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le 2 août 2011, Monsieur [M] a informé Madame [I] qu'elle quittait ses fonctions de directeur général adjoint responsable des ressources humaines et la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT ne démontre pas qu'une proposition autre que celle, totalement imprécise, de directrice chargée de la mission « Projet Veolia » a été adressée à Madame [I], qui dès lors n'avait d'autre choix que de quitter l'entreprise du jour au lendemain ou d'accepter ce qui lui était proposé.

Comme l'écrit d'ailleurs l'intimée dans son courriel du 3 août 2011, il apparaît qu'elle a accepté une mission « dont les contours restaient à définir ensemble » ce qui démontre que son consentement ne peut être considéré comme clair et non équivoque puisque Madame [I] ne pouvait précisément apprécier quelles allaient être les tâches effectives dont elle allait être chargée.

En outre, il apparaît que même la lettre de mission qui lui a été adressée le 30 septembre 2011 est très générale et ne permet pas de cerner précisément le champ de compétence et les objectifs confiés à Madame [I] en qualité de directrice chargée du « Projet Veolia », et ce, même s'il convient de prendre en compte le niveau hiérarchique de l'intimée qui devait lui laisser une marge d'appréciation quant aux modalités pratiques à mettre en 'uvre pour remplir ses fonctions.

Dès lors, faute d'avoir donné un consentement clair et non équivoque, Madame [I] n'a pas donné son accord exprès à la modification de fonctions qui lui avait été proposée.

En conséquence, et en application des dispositions de l'article L.1221-1 du Code du travail, la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT ne pouvait licencier Madame [I] en se fondant sur la mauvaise exécution de fonctions que la salariée n'avait pas acceptées et, au vu de l'article L. 1232-1 du Code du travail, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Au moment de son licenciement Madame [I] avait une ancienneté de 4 ans et 11 mois et son salaire brut moyen mensuel doit être fixé à la somme de 40.452,94 € et non à celle de 51.673,40 € réclamée par Madame [I] qui prenait en compte la rémunération variable dont elle a été déboutée par la cour comme dit précédemment.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a fixé le salaire brut moyen à la somme de 51.673,40 €.

En application de son contrat de travail, Madame [I] réclame la somme de 201.848 € à titre de complément d'indemnité contractuelle de rupture, somme dont la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT conteste le bien fondé, considérant que l'intimée a été dûment remplie de ses droits.

Selon les termes de l'article 4 du contrat de travail, l'indemnité de rupture est définie dans les termes suivants : « Madame [I] bénéficiera en outre d'une indemnité spéciale d'un montant de 18 mois de salaire (sur la base de son dernier salaire annuel brut), qui lui sera versée dans l'hypothèse de son licenciement, sauf pour faute lourde, cette indemnité de 18 mois intégrera toute indemnité légale ou conventionnelle due en cas de licenciement de telle sorte que cette indemnité deviendra sans objet lorsque l'indemnité de licenciement légale ou conventionnelle de Madame [I] atteindra 18 mois de salaire, du fait notamment de son ancienneté et de son statut ».

En l'espèce, sur la base du salaire brut moyen mensuel tel que retenu par la cour, la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT justifie que lors de la rupture du contrat de travail Madame [I] a perçu à ce titre la somme de 728.152,92 € et que, conformément aux dispositions légales et contractuelles, la période retenue, correspondant aux douze mois entiers précédant le licenciement, notifié le 26 décembre 2011, courait du 1er décembre 2010 au 30 novembre 2011.

Il apparaît que Madame [I] conteste le montant versé sans toutefois apporter d'éléments probant remettant en cause les éléments probants versés aux débats par la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT qui établissent que pour cette période elle a perçu, outre un salaire brut fixe de base d'un montant mensuel de 29.166,66 €, une rémunération brute variable de 135.435,41 €. Dès lors il convient de considérer qu'en lui versant une somme brute de 728.152,92 € l'appelante a dûment rempli l'intimée de ses droits.

Madame [I] est débouté de sa demande à titre de complément d'indemnité contractuelle de rupture et le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT au paiement de la somme de 201.848 €.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail, Madame [I] bénéficie d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, Madame [I] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a accordé la somme de 310.045 € et expose que son licenciement lui a généré un important préjudice financier puisqu'elle est restée sans emploi et sans ressources pendant six mois, qu'elle a subi un lourd préjudice de carrière puisque la société VEOLIA l'avait débauchée du groupe COCA COLA au sein duquel elle connaissait une carrière particulièrement favorable, qu'elle s'est retrouvée licenciée à 53 ans alors qu'elle était soutien de famille et mère de deux enfants à sa charge et que son préjudice a été aussi moral compte-tenu des conditions vexatoires dans le lequel la rupture de la relation de travail est intervenue.

Toutefois, pour justifier des préjudices évoqués, Madame [I] ne verse aux débats qu'un bulletin de salaire de la société AREVA pour la période du 1er au 31 décembre 2013 qui établit qu'en qualité de directrice des ressources humaines du groupe elle a perçu une rémunération brute de 26.157,50 € et qu'elle est entrée dans la société le 1er décembre 2012.

Outre le fait que l'intimée ne produit aucun élément sur sa situation financière entre le 1er juillet 2012 (fin de son préavis) et le 1er décembre 2012, l'absence de production de son contrat de travail signé avec la société AREVA ne permet pas d'apprécier l'effectivité du préjudice financier dont elle se prévaut.

Au vu des pièces produites, la cour estime le préjudice de Madame [I] à la somme de 250.000 € et condamne la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT au paiement de cette somme, qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné à ce titre la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT au paiement de la somme de 310.045 €.

En application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil, les intérêts seront capitalisés dès qu'ils seront dus pour une année entière.

Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance étant seul compétent pour statuer sur une difficulté liée à l'exécution d'une décision judiciaire, la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT est déboutée de sa demande de remboursement des sommes perçues en sus de celle accordée par la présente décision.

Au vu des éléments du dossier, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et des frais qui n' y sont pas compris - la condamnation prononcée par le jugement entrepris sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, étant confirmée

Par ces motifs, la cour,

-confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé non fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [L] [I] par la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT et en ce qu'il a condamné celle-ci en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur ces dispositions et y ajoutant,

- fixe le salaire brut moyen mensuel de Madame [I] à la somme de 40.452,94 €,

-déboute Madame [I] de ses demandes au titre de la rémunération variable pour les années 2011 et 2012, à titre de complément d'indemnité contractuelle de rupture,

- condamne la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT à payer à Madame [I] la somme de

250.000 €, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que les intérêts seront capitalisés dès qu'ils seront dus pour une année entière,

- ordonne à la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT de remettre à Madame [I] les documents sociaux conformes à la présente décision,

- déboute la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT de sa demande de remboursement des sommes en trop perçues au titre de l'exécution provisoire,

- laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens,

-déboute Madame [L] [I] et la SA VEOLIA ENVIRONNEMENT de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement déféré.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/09701
Date de la décision : 15/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/09701 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-15;14.09701 ?
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