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07/02/2018 | FRANCE | N°16/19484

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 07 février 2018, 16/19484


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2018



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/19484



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/01206





APPELANTE



FONDATION DES PETITS FRERES DES PAUVRES, SIREN n°342548807, ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R100





INTIME



Monsieur [U] [D]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Loca...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/19484

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/01206

APPELANTE

FONDATION DES PETITS FRERES DES PAUVRES, SIREN n°342548807, ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R100

INTIME

Monsieur [U] [D]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 2] (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Olivier BARATELLI de l'ASSOCIATION LOMBARD, BARATELLI & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E0183

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue, après rapport oral, le 13 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dorothée DARD, Président, et Mme Nicolette GUILLAUME, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Monique MAUMUS, Conseiller

Mme Nicolette GUILLAUME, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

Par testament authentique en date du 6 août 1993, reçu par Maître [I] [M], notaire à [Localité 4], [M] [C] a institué la Fondation des Petits Frères des Pauvres, légataire universelle, à charge pour elle de délivrer divers legs particuliers.

Par testament olographe daté du 23 mai 2000, [M] [C] a institué M. [U] [D] légataire universel et a légué à Maître [P] [L], avocat, une somme de 2.000.000 francs.

Le 19 décembre 2000, [M] [C] a été placée sous curatelle.

Le 23 mai 2001, [M] [C] est décédée à l'âge de 68 ans sans laisser d'héritier réservataire.

Le 30 janvier 2001, Monsieur [A] [A], curateur de [M] [C], avait déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X, entre les mains du doyen des juges d'instruction de Bobigny, pour des faits d'abus de faiblesse. Au terme de l'information judiciaire, au cours de laquelle la Fondation des Petits Frères des Pauvres s'est constituée partie civile, M. [U] [D] et [P] [L] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel. Par jugement du tribunal correctionnel de Bobigny en date du 2 juillet 2009, confirmé par un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris en date du 25 mai 2011, M. [U] [D] a été relaxé, étant précisé que [P] [L] était décédé entre-temps.

Par ordonnance en date du 14 août 2001, le président du tribunal de grande instance de Bobigny avait ordonné l'envoi en possession de M. [U] [D], à la suite de quoi ce dernier a perçu une somme de 282.197,28 euros correspondant à un dégrèvement fiscal accordé à la défunte et à son ex-époux, [B] [J], après avoir signé une transaction avec ce dernier sur la répartition des fonds. Sur assignation en référé par les consorts [P], héritiers légaux de [M] [C], cette ordonnance a été rétractée par ordonnance du 10 juin 2002.

Les 18 juin 2003 et 24 juillet 2006, la Fondation des Petits Frères des Pauvres a assigné M. [U] [D] et [P] [L] devant le tribunal de grande instance de Bobigny, aux fins d'annulation du testament établi le 23 mai 2000. Après le prononcé le 18 novembre 2004 d'un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, l'affaire a été rétablie au rôle le 11 avril 2008, puis radiée le 13 mai 2009.

Entre-temps, et par acte du 10 mars 2009, reçu par Maître [Y] [O], notaire à [Localité 5], M. [U] [D] a renoncé au legs universel que lui avait fait [M] [C].

Le 13 août 2009, Maître [F], administratrice provisoire de la succession, a assigné M. [U] [D] aux fins de restitution de la somme de 282.197,28 euros. Par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Pontoise en date du 9 octobre 2009, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 juin 2010 ajoutant seulement la capitalisation des intérêts, M. [U] [D] a été condamné au paiement d'une somme provisionnelle de ce montant assortie des intérêts légaux à compter de l'assignation. Par arrêt en date du 7 décembre 2011, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi formé par M. [D] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles.

Parallèlement, un contentieux a opposé les héritiers légaux et la Fondation des Petits Frères des Pauvres sur la question de savoir lesquels étaient bénéficiaires du capital placé au nom de la défunte sur un contrat Platinia Patrimoine AGF, contentieux qui s'est clos par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 21 septembre 2011 au terme duquel il a été constaté que les consorts [P] reconnaissaient la qualité de légataire universelle à la Fondation des Petits Frères des Pauvres, et ordonné à la société Allianz Vie de lui verser la somme de 2.229.012,69 euros, outre intérêts à compter du 1er août 2006 et leur capitalisation à compter de la demande.

Par ordonnance en date du 8 mars 2013, le président du tribunal de grande instance de Bobigny a fait droit à une nouvelle requête aux fins d'envoi en possession déposée par [U] [D]. Sur assignation en référé délivrée par la Fondation des Petits Frères des Pauvres, cette ordonnance a été rétractée, suivant ordonnance du 2 octobre 2013, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 5 février 2015.

C'est dans ce contexte que par acte d'huissier du 14 janvier 2014, M. [U] [D] a fait assigner la Fondation des Petits Frères des Pauvres devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel, par jugement du 20 mai 2016, a

- déclaré recevable sa demande ;

- constaté la nullité de la renonciation du 10 mars 2009 par lui au legs universel figurant au testament du 23 mai 2000 ;

- l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a déclaré irrecevable l'exception de nullité du testament du 23 mai 2000 soulevée par la Fondation des Petits Frères des Pauvres ;

- condamné la Fondation des Petits Frères des Pauvres aux dépens et accordé à Maître Olivier Baratelli, le bénéfice de l'exécution provisoire (sic) ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

La Fondation des Petits Frères des Pauvres a interjeté appel de ce jugement le 28 septembre 2016.

Dans ses dernières conclusions du 20 décembre 2016, l'appelante demande à la cour,

Vu les articles 28,3° et 28, 4° du décret du 5 janvier 1955,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 786, 1002-1, 1300 et 1345 alinéa 1er du code civil,

de :

- la déclarer recevable en son appel ;

Sur les fins de non- recevoir :

1) sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de publicité de l'assignation

- dire que Monsieur [D] ne prouve pas la réalité de la publication de son assignation à la Conservation des hypothèques ;

en conséquence :

- dire que ladite assignation n'est pas opposable à la Fondation ;

- dire que l'assignation délivrée le 14 janvier 2014 n'est pas interruptive de prescription ;

- dire que son action en nullité de l'acte de renonciation du 10 mars 2009 est prescrite ;

2) Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

- dire irrecevables les demandes fondées sur l'assignation délivrée le 14 janvier 2014 par Monsieur [D] ;

3) Sur la fin de non-recevoir tirée du principe de cohérence procédurale

- dire irrecevables les demandes fondées sur l'assignation délivrée le 14 janvier 2014 par Monsieur [D] ;

Au fond :

À titre principal

- dire que Monsieur [U] [D] n'a pas opté en 2001, qu'il était donc libre de renoncer à son legs universel, ce qu'il a fait dans l'acte authentique du 10 mars 2009, qui est la seule date de son option, laquelle est donc valable et doit produire effet ;

À titre subsidiaire

- dire que Monsieur [U] [D] a entendu, par l'acte signé le 10 mars 2009, ne recevoir aucun émolument du legs qui lui revenait, de sorte que quoique gardant sa qualité de légataire il ne percevra rien des actifs de la succession de Madame [C], lesquels reviendront à la Fondation ;

À titre infiniment subsidiaire

- condamner Monsieur [U] [D] au paiement d'une somme égale au montant des actifs auxquels il disait renoncer, soit la somme de 1.153.868 euros qui correspond au montant figurant dans la déclaration de succession de la défunte ;

En toute hypothèse :

- condamner Monsieur [U] [D] à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [U] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté de distraction au profit de la SELARL Casey Avocats

Par conclusions du 20 février 2017, l'intimé demande à la cour,

Vu les articles 777, 782, 786, 804 et 1008 du code civil,

Vu les articles 700 et 1339 du code de procédure civile,

Vu l'acte du 10 mars 2009 aux termes duquel il a déclaré renoncer au legs universel qui lui a été fait par Madame [M] [C],

de :

- déclarer la Fondation des Petits Frères des Pauvres mal fondée en son appel,

- la déclarer mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement et simplement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' déclaré recevable sa demande,

' constaté la nullité de la renonciation du 10 mars 2009 par lui au legs universel figurant au testament du 23 mai 2000 ;

En toute hypothèse :

- condamner la Fondation des Petits Frères des Pauvres à lui verser la somme de 7.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Fondation des Petits Frères des Pauvres aux entiers dépens de la présente instance, lesquels pourront être recouvrés directement par Maître Olivier Baratelli en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur les fins de non-recevoir :

sur le défaut de publication de l'assignation :

Considérant que la Fondation des Petits Frères des Pauvres soutient qu'il incombe à M. [D] de justifier qu'il s'est conformé, s'agissant de son assignation délivrée le 14 janvier 2014 qui vise à l'anéantissement des droits immobiliers qu'elle tient du testament du 6 août 1993 et dont elle a pris possession depuis le 25 août 2009, aux obligations de publicité imposées par le décret du 4 janvier 1955, et que faute par lui de rapporter cette preuve, ni l'assignation elle-même, ni l'effet interruptif de prescription susceptible d'en découler ne lui sont opposables, en conséquence de quoi, elle demande à la cour de déclarer prescrite la demande en nullité de la renonciation du 10 mars 2009 ;

Que M. [D] soutient que son assignation n'était pas soumise à l'obligation de publicité foncière des actes de procédure, dès lors qu'elle ne tendait pas à l'anéantissement rétroactif d'un droit antérieurement publié, et que sans inverser la charge de la preuve le tribunal a justement relevé que l'appelante ne justifiait pas d'une publication antérieure de ses droits, ce qui est toujours le cas à hauteur de cour ; qu'il ajoute que l'absence de publication ne serait de toute façon qu'une cause d'irrecevabilité et non d'inopposabilité, de sorte que l'assignation ne perdrait pas son effet interruptif ;

Considérant que même non publiée, l'assignation délivrée le 14 janvier 2014 à la Fondation des Petits Frères des Pauvres est nécessairement opposable à cette dernière, qui n'est pas tiers à l'acte mais en est la destinataire ;

Considérant que l'article 28 3° du décret du 4 janvier 1955 invoqué par l'appelante ne vise que les attestations notariées et non les demandes en justice ;

Qu'en vertu du 4° dudit article, sont obligatoirement publiées au bureau des hypothèques de la situation des immeubles, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort portant sur des droits immobiliers ; 

Considérant que la renonciation à une succession est un acte unilatéral et que l'action engagée par M. [D] est limitée à l'annulation de cet acte, de sorte que si elle devait prospérer, elle n'aurait pas d'incidence directe sur les droits immobiliers dépendant de la succession, un légataire universel institué par testament olographe ne pouvant prétendre à aucun droit sur les biens successoraux tant que pour le moins, il n'a pas été envoyé en possession ;

Qu'il s'ensuit que l'assignation du 14 janvier 2014 n'était pas soumise à publicité ;

Qu'il n'y a donc aucune conséquence à tirer de l'absence de justification par M. [D] de la publication de cet acte à la Conservation des hypothèques ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :

Considérant que la Fondation des Petits Frères des Pauvres invoque l'autorité de la chose jugée qui s'attache selon elle à l'arrêt du 21 septembre 2011 par lequel la cour d'appel de Paris a :

- constaté que les consorts [P] et la société Coutot-Roehgrig reconnaissent à la Fondation des Petits Frères des Pauvres la qualité de légataire universelle de [M] [C] et de bénéficiaire du capital d'assurance-vie Platinia Patrimoine Agf ;

- ordonné en conséquence à la société Allianz Vie de verser à la Fondation des Petits Frères des Pauvres la somme de 2.229.012,69 euros au titre du capital du contrat,

Qu'elle soutient que cet arrêt est opposable à M. [D] dès lors qu'il a été appelé à la procédure et qu'il n'a exercé aucun recours à l'encontre de la décision ;

Que M. [D] répond que la condition de triple identité, de parties, d'objet et de cause fait totalement défaut, qu'il n'a jamais eu connaissance de cette procédure et qu'il n'est pas même justifié que la décision lui a été signifiée ;

Considérant que selon l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ;

Considérant qu'étant mentionné sur l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 21 septembre 2011, en qualité d'« intimé en déclaration d'arrêt commun », M. [D] doit être réputé partie à l'instance, même s'il était défaillant ;

Considérant cependant que le litige portait alors exclusivement sur la validité de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit par [M] [C] auprès de la compagnie Agf Vie et en conséquence, le versement du capital correspondant  ; que s'il était mentionné dans la décision que M. [D] avait renoncé à son legs le 10 mars 2009, il n'y était nullement question de la validité de cette renonciation, dont la cour d'appel n'était pas saisie ; que d'ailleurs, cette cour n'a pas non plus statué sur la dévolution de la succession de [M] [C], mais s'est bornée à « constater » l'accord des consorts [P] et de la société Coutot-Roehgrig pour reconnaître à l'appelante la qualité de légataire universelle et celle de bénéficiaire du contrat, et à en tirer les conséquences s'agissant du versement du capital en cause, seule étant tranchée par la juridiction la question des intérêts produits par ce capital ;

Qu'en conséquence, la Fondation des Petits Frères des Pauvres doit être déboutée de sa fin de non-recevoir fondée sur l'autorité de la chose jugée ;

Sur la fin de non-recevoir tirée du principe de cohérence procédurale :

Considérant que la Fondation des Petits Frères des Pauvres soutient que n'ayant élevé aucune protestation contre l'arrêt du 21 septembre 2011, M. [D] ne peut, sans se contredire au détriment d'autrui, venir contester dans le cadre de la présente procédure sa qualité de légataire universelle consacrée par ledit arrêt, ce à quoi l'intimé répond que les conditions requises pour se voir opposer une telle fin de non-recevoir ne sont pas remplies ;

Considérant qu'il n'est pas même justifié que l'arrêt du 21 septembre 2011 a été signifié à M. [D], et qu'ainsi qu'il vient d'être dit, cette décision est sans incidence sur la solution du présent litige, d'où il s'ensuit que cette fin de non-recevoir est également infondée ;

Sur le fond :

Sur la nullité de l'acte de renonciation résultant de l'irrévocabilité de l'acceptation préalable du legs universel :

Considérant que l'intimé demande la confirmation du jugement qui a considéré que dès lors qu'il avait demandé à être envoyé en possession de son legs en 2001 et qu'il avait perçu des fonds successoraux après son envoi en possession, M. [D] avait accepté tacitement son legs de sorte que l'irrévocabilité de cette acceptation empêchait toute renonciation ultérieure, l'acte en cause étant donc entaché de nullité comme étant contraire à l'article 783 du code civil dans sa rédaction applicable au jour de l'acceptation tacite, et à l'article 786 du même code, en vigueur au jour de la renonciation ;

Que la Fondation des Petits Frères des Pauvres fait valoir que la rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession a rétroactivement fait perdre sa qualité de légataire à M. [D] et rendu illicites la perception par lui de fonds successoraux et son refus de les restituer, de sorte qu'il n'existe pas d'actes tacites d'acceptation de la succession par l'intimé, lequel n'a définitivement exercé son option que par l'acte du 10 mars 2009 ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1008 du code civil, le légataire universel institué par testament olographe doit en l'absence d'héritiers réservataires se faire envoyer en possession, par une ordonnance du président mise au bas d'une requête à laquelle sera joint l'acte de dépôt ; que cette formalité a pour objet de vérifier la régularité au moins apparente des dispositions testamentaires prises en faveur du requérant ; que l'ordonnance d'envoi en possession est certes immédiatement exécutoire mais est provisoire et susceptible de rétractation ;

Que la requête aux fins d'envoi en possession d'un legs implique nécessairement que son auteur revendique la qualité de légataire universel et entende donc se voir remettre les biens lui revenant ; qu'elle vaut acceptation tacite du legs ; qu'il en est de même de l'encaissement par un légataire universel, envoyé en possession, de fonds successoraux ;

Que cependant, l'acceptation d'un legs universel ne peut produire effet que pour autant que soit reconnue à l'auteur de cette manifestation, la qualité de légataire universel ;

Que si l'ordonnance d'envoi en possession reconnaît nécessairement cette qualité au requérant qu'elle autorise à se faire remettre les biens lui revenant, la rétractation de cette ordonnance lui en enlève a contrario le bénéfice, invalidant par là même les actes qu'il avait faits en cette qualité ;

Qu'il ne peut la recouvrer qu'en obtenant à nouveau une décision judiciaire favorable, la prétendue disparition de la cause ayant justifié la rétractation ne suffisant pas à le rétablir ipso facto dans ses droits ;

Qu'il s'ensuit qu'à la date du 10 mars 2009, l'envoi en possession accordé par ordonnance sur requête du 14 août 2001 ayant été rétracté par ordonnance de référé du 10 juin 2002, et M. [D] n'ayant pas à nouveau sollicité et obtenu un nouvel envoi en possession, il conservait sa faculté de renoncer à son legs ; qu'il s'ensuit que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a jugé de ce chef ;

sur la nullité de l'acte de renonciation pour défaut d'enregistrement au greffe :

Considérant qu'invoquant les dispositions des articles 804 du code civil et 1139 du code de procédure civile, ainsi qu'une mention portée à l'acte du 10 mars 2009, M. [D] soutient que la renonciation est nulle pour défaut de dépôt au greffe du tribunal de grande instance de Bobigny ;

Considérant que le dépôt au greffe de l'acte de renonciation à une succession ou à un legs n'est pas une condition de validité de l'acte, mais une mesure destinée à en assurer la publicité à l'égard des tiers, ainsi qu'il ressort expressément de l'alinéa 2 de l'article 804 du code civil ; que la mention portée à l'acte du 10 mars 2009 n'est qu'un rappel des dispositions devant être prises en application de ce texte, ainsi que de l'article 1139 du code de procédure civile qui ne fait qu'en expliciter les modalités ;

Que le moyen invoqué par M. [D] est donc infondé ;

Sur la nullité de l'acte de renonciation pour vice du consentement :

Considérant que selon l'article 1109 du code civil, il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par le dol ;

Considérant que M. [D] soutient que son consentement à l'acte de renonciation a été vicié par la violence morale, et l'erreur de droit ;

Que s'agissant de la violence morale, M. [D] expose qu'il a fait l'objet d'un véritable chantage de la part de la Fondation des Petits Frères des Pauvres qui le menaçait d'être très offensive et de maintenir une constitution de partie civile pouvant selon elle aboutir à sa condamnation, ce qui dans l'état de vulnérabilité dans lequel il se trouvait à la suite d'un accident de la circulation et de la maladie de son épouse, l'a conduit, contre son gré, à signer l'acte de renonciation litigieux ;

Considérant qu'à la date du 10 mars 2009, M. [D] faisait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel de Bobigny par une ordonnance du juge d'instruction du 11 mai 2006, si bien que le maintien ou non de la constitution de partie civile de la Fondation des Petits Frères des Pauvres était sans incidence sur la poursuite de l'action publique ; que les prétendues man'uvres et pressions dont il aurait été la victime ne ressortent que de ses seules affirmations et ne sont étayées par aucune pièce, de sorte que ce moyen doit être écarté ;

Que M. [D] soutient par ailleurs que son consentement a été entaché par l'erreur de droit qu'il a commise en croyant indûment qu'il avait la faculté de revenir sur une option successorale déjà exercée ;

Considérant cependant que l'erreur de droit alléguée par M. [D] n'existe pas, dès lors qu'ainsi qu'il l'a été exposé supra ses actes tacites d'acceptation du legs étaient dépourvus d'effet par suite de la rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession, si bien qu'il avait encore la possibilité de renoncer à son legs ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu de débouter M. [D] de sa demande tendant à voir constater la nullité de la renonciation par lui au legs universel figurant au testament de [M] [C] du 23 mai 2010, le jugement étant dès lors infirmé de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a constaté la nullité de la renonciation du 10 mars 2009 par Monsieur [D] au legs universel figurant au testament du 23 mai 2000, a condamné la Fondation des Petits Frères des Pauvres aux dépens et accordé à Maître Olivier Baratelli le bénéfice de l'exécution provisoire ;

L'infirme de ces derniers chefs ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Monsieur [D] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne Monsieur [D] à payer à la Fondation des Petits Frères des Pauvres la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec faculté de distraction au profit de la SELARL CASEY Avocats.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/19484
Date de la décision : 07/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°16/19484 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-07;16.19484 ?
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