Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2018
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/06217
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/00793
APPELANTS
Monsieur Patrick X...
né le [...] à BOULOGNE BILLANCOURT (92100)
et
Madame Charlotte Y... épouse X...
née le [...] à PARIS (75014)
demeurant [...]
Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Dorothée ORLOWSKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1796
INTIMÉES
Madame Jeannine A...
née le [...] à AHUN
demeurant [...]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
SAS IMMOBILIERE ROLLINE prise en la personne de ses représentants légaux
No SIRET : 418 71 7 7 40
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Philippe RAYMOND DE LAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0081
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Suivant acte sous seing privé du 8 octobre 2014, Mme Jeannine A... a donné mandat à la société Immobilière Rolline de rechercher un acquéreur pour un bien immeuble lui appartenant, sis [...] , au prix de 315.000 €, frais d'agence de 12.600 € inclus.
Le 18 octobre 2014, M. et Mme X... ont remis à la société Immobilière Rolline une offre d'achat à ce prix mais Mme Jeannine A... a indiqué à l'agence immobilière et aux époux X..., le 24 octobre suivant, qu'elle ne souhaitait pas donner suite à cette offre, ayant trouvé un acquéreur à des conditions plus avantageuses.
C'est dans conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 24 décembre 2014 publié au service de la publicité foncière le 24 mars 2015, M. et Mme X... ont assigné Mme Jeannine A... et la société Immobilière Rolline à l'effet de voir constater la perfection de la vente, d'en entendre ordonner la réitération forcée au prix de 315.000 € et d'entendre condamner, Mme A..., d'une part, la société Immobilière Rolline, d'autre part, à leur payer une somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts.
La société Immobilière Rolline a conclu à la condamnation de Mme Jeannine A... au paiement d'une somme forfaitaire de 12.600 € à titre de dommages-intérêts.
Mme Jeannine A... a conclu à la condamnation de M. et Mme X... au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 22 février 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit les demandes recevables,
- débouté M. et Mme X... de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de Mme Jeannine A... et de la société Immobilière Rolline,
- condamné Mme Jeannine A... à verser à la société Immobilière Rolline une somme de 12.600 €,
- débouté Mme Jeannine A... de sa demande indemnitaire à l'encontre de M. et Mme X..., rejeté tout autre demande,
- condamné M. et Mme X... et Mme Jeannine A... aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
M. et Mme X... ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 5 décembre 2017, de :
au visa des articles 1116, 11717, 1582 et 1583 du code civil,
- constater l'accord des parties sur la chose et sur le prix,
- constater que cet accord rend la vente parfaite,
- constater que la vente du lot no 30 de la copropriété de l'immeuble du [...] moyennant le prix de 315.000 € est définitive,
- constater qu'il est établi que Mme Jeannine A... n'avait pas vendu son bien le 16 octobre 2014,
- constater qu'elle a remis les clefs à l'agence le 17 octobre 2014,
- constater qu'elle a produit des faux destinés à tromper le tribunal,
- constater qu'ils ont été les premiers à faire une offre au prix du mandat signé avec la société Immobilière Rolline,
- constater que Mme Jeannine A... est dans l'obligation de conclure la vente,
la débouter de toutes ses demandes,
- en conséquence, dire que l'arrêt rendu vaudra vente et devra être publié comme tel au service de la publicité foncière aux frais de Mme Jeannine A...,
- dire que le prix de 315.000 € sera remis à Mme Jeannine A... dès que le présent arrêt sera définitif,
- ordonner à Mme Jeannine A... de leur délivrer le bien vendu,
- subsidiairement, condamner la société Immobilière Rolline à leur payer la somme de 25.000 € en réparation de leur préjudice consécutif à leur renonciation à une autre acquisition, forts qu'ils étaient de la proposition faite au prix du mandat et sans condition suspensive d'obtention de prêt,
- condamner Mme Jeannine A... à leur payer la somme de 25.000 € en raison de sa mauvais foi,
- en tout état de cause, condamner Mme Jeannine A... et la société Immobilière Rolline à leur régler la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
Mme Jeannine A... prie la Cour, par dernières conclusions du 1er août 2016, de :
- constater qu'elle a donné un mandat sans exclusivité à la société Immobilière Rolline, le 8 octobre 2014,
- constater qu'elle pouvait donc valablement faire visiter personnellement l'appartement et trouver un acquéreur par elle-même,
- constater qu'elle a fait procéder à une visite le 16 octobre 2014 et reçu une offre qu'elle a acceptée,
- constater que la société Immobilière Rolline a fait visiter le même bien le 18 octobre 2014 à M. et Mme X..., lesquels ont présenté une offre qui n'a pas reçu de réponse favorable de sa part, ainsi que la société Immobilière Rolline l'a indiqué à M. et Mme X... le 24 octobre suivant, dès lors qu'elle avait vendu personnellement son bien,
- constater qu'elle n'a jamais donné son accord à M. et Mme X... puisqu'elle s'était parallèlement engagée,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme X... de leurs prétentions,
- dire la société Immobilière Rolline mal fondée en ses demandes et l'en débouter,
- vu l'article 1382 du code civil, condamner solidairement M. et Mme X... à lui payer les sommes de 25.000 € à titre de dommages-intérêts et de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
La société Immobilière Rolline prie la Cour, par dernières conclusions du 11 décembre 2017, de :
au visa des articles 1998, 1134, 1382 du code civil,
- dire qu'elle n'a commis aucune faute,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions et en particulier en ce qu'il a condamné Mme Jeannine A... à lui payer la somme de 12.600 €,
- subsidiairement, vu la faute commise par Mme Jeannine A... à son préjudice, la condamner au paiement de ladite somme à titre de dommages-intérêts,
- rejeter les demandes formées contre elle par M. et Mme X... et Mme Jeannine A...,
- condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
SUR CE
LA COUR
Sur la perfection de la vente
Le 8 octobre 2014, Mme Jeannine A... a donné à la société Immobilière Rolline, agence immobilière, un mandat non exclusif de vendre son bien, sis [...] , au prix de 315.000 € ; le 18 octobre suivant, M. et Mme X... ont accepté d'acquérir ledit bien au prix du mandat mais Mme Jeannine A... a refusé de leur vendre l'appartement, arguant d'une vente antérieure consentie directement par elle-même avec un autre acquéreur ;
C'est par des moyens exacts que la Cour adopte que le tribunal a débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à voir dire la vente parfaite ensuite de l'accord des parties sur la chose et sur le prix : en effet, le mandat d'entremise donné à une personne se livrant ou prêtant son concours d'une manière habituelle à une opération de vente ne lui permet pas d'engager son mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause de ce mandat ne l'y autorise expressément, clause dont l'insertion au mandat n'est pas démontrée ; il s'ensuit que la société Immobilière Rolline, à laquelle n'avait pas été consenti un mandat exprès de vendre n'avait pas le pouvoir d'engager sa mandante Mme Jeannine A..., même alors qu'elle avait une offre d'achat correspondant parfaitement à l'offre de vente ;
A défaut de rencontre de volontés entre vendeur et acquéreurs, la vente n'est donc pas parfaite ainsi que l'a dit le tribunal dont le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme X... de leurs demandes, la bonne ou mauvaise foi de Mme Jeannine A... étant sans incidence sur la solution du litige l'opposant aux époux X..., qui, ayant été avertis dès le 24 octobre 2014 du refus de vendre de celle-ci, avaient tout loisir de rechercher l'acquisition d'un autre bien ;
Sur les demandes de dommages-intérêts
- demande de dommages-intérêts de Mme Jeannine A...
L'engagement par M. et Mme X... d'une action tendant à la vente forcée du bien litigieux, par une assignation publiée au service de la publicité foncière le 24 mars 2015, a indûment paralysé la vente du bien de Mme A..., et a causé à cette dernière par cette immobilisation de prés de trois années, un préjudice certain, qui sera réparé par la condamnation des appelants au paiement de la somme de 8.000 € de dommages-intérêts, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention ;
- demande de dommages-intérêts de la société Immobilière Rolline
Ainsi que l'a constaté le premier juge par de justes motifs que la Cour adopte, Mme Jeannine A... a fautivement manqué aux obligations nées du mandat en s'abstenant d'informer l'agence immobilière de la vente conclue par elle avec un tiers alors que, dans le même temps, les époux X... présentaient à l'agence Rolline une offre conforme aux conditions du mandat ; en remettant les clés de son bien à l'agence le 18 octobre 2014 sans l'avertir de ce qu'elle avait trouvé un acquéreur par elle-même Mme A... a manqué à son obligation de loyauté contractuelle et a causé préjudice à l'agence immobilière qui a déployé en vain des diligences à l'effet de trouver un acquéreur pour le bien objet du mandat ;
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme Jeannine A... à payer à la société Immobilière Rolline une somme de 12.600 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice qui a été causé à celle-ci par ses agissements déloyaux ;
En équité, M. et Mme X... seront condamnés à payer à Mme Jeannine A... une somme de 3.000 € et Mme Jeannine A... à payer à la société Immobilière Rolline la même somme, au titre de l'article 700 du code de procédure civil.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme Jeannine A... de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de M. et Mme X...,
Statuant à nouveau,
Condamne M. et Mme X... à payer à Mme Jeannine A... une somme de 8.000 € de dommages-intérêts,
Condamne M. et Mme X..., sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme Jeannine A... une somme de 3.000 €,
Condamne Mme Jeannine A... à payer à la société Immobilière Rolline la même somme sur ce fondement,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. et Mme X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,