Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2018
SAISINE SUR RENVOI APRÈS CASSATION
(n°2018 - 30 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20432
Décision déférée à la Cour :
Arrêt du 07 Juillet 2016 - Cour de Cassation - arrêt n°852 F-D
Arrêt du 2 Décembre 2014- Cour d'appel de PARIS- Pôle 2- chambre 5- RG 13/06573
Jugement du 28 Février 2013- Tribunal de grande instance de Bobigny- Chambre 6- Section 5- RG n° 10/08758
DEMANDERESSE A LA SAISINE
LA MUTUELLE D'ASSURANCE DES PHARMACIENS, agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 1]
défenderesse à la saisine sous le RG 16-21902
Représentée et assistée de Me Isabelle DUQUESNE CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0895
DÉFENDEURS À LA SAISINE
LA SCP [V] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la Société ROSNYBIO,
[Adresse 2]
[Localité 2]
demanderesse à la saisine sous le RG 16-21902
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée de Me Xavier CARBASSE, avocat au barreau de PARIS, toque : J98
LA SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Yann MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P196
Monsieur [C] [Q], en sa qualité de Mandataire liquidateur de la CLINIQUE [Établissement 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Défaillante
Société CLINIQUE [Établissement 1] représenté par Monsieur [C] [Q], en sa qualité de Mandataire liquidateur
[Adresse 5]
[Localité 4]
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Présidente de Chambre
Mme Annick HECQ-CAUQUIL, Conseillère
Mme Isabelle CHESNOT, Conseillère
qui en ont délibéré
Rapport ayant été fait oralement par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Présidente de Chambre , conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Mme Sabrina RAHMOUNI
ARRÊT :
- Défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffière présente lors du prononcé.
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La Selarl Rosnybio exploitait un laboratoire d'analyses médicales dans des locaux situés au rez-de-chaussée haut de l'aile ancienne d'un immeuble implanté à[Localité 5] (Seine-St-Denis), [Adresse 6]. Ces locaux lui avaient été donnés en sous-location par la société Clinique [Établissement 1] en vertu d'une convention d'exercice du 23 juin 1969 dont le bénéfice lui avait été cédé le 1er mars 2004. A la suite d'un incendie d'origine criminelle survenu le 11 octobre 2009 au premier étage du même bâtiment, des anomalies aux normes de sécurité ont été constatées, et la fermeture de la partie de l'immeuble dans laquelle se trouvaient les locaux occupés par la société Rosnybio a été ordonnée par arrêté municipal du 13 octobre 2009. Par lettre du 27 octobre 2009, la société Mutuelle d'assurance des pharmaciens (MADP), assureur de la société Rosnybio pour le risque incendie, a considéré que la fermeture de l'aile sinistrée de la clinique semblait la conséquence d'anomalies graves aux normes de sécurité indépendantes de l'incendie et que, si une telle hypothèse était avérée, les conséquences de cette fermeture ne relèveraient pas de la garantie pertes d'exploitation du contrat. La société Rosnybio a introduit, sans succès, une action en référé contre la MADP pour mobiliser la garantie pertes d'exploitation, puis contre la Clinique [Établissement 1] pour obtenir la levée des anomalies constatées par la commission de sécurité. Le 16 juin 2010, elle s'est déclarée en état de cessation des paiements.
Entendant obtenir l'indemnisation du préjudice subi au titre de la perte d'exploitation et de la perte de la valeur vénale de son fonds, la société Rosnybio a assigné le 29 juin 2010 les sociétés MADP et Clinique [Établissement 1]. La Scp[J] [W] est intervenue volontairement à l'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio, nommée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 13 juillet 2010. La société Axa France Iard, assureur de la société Clinique [Établissement 1], ainsi que les mandataires judiciaires de la clinique placée en redressement judiciaire le 10 avril 2012, ont eux-mêmes été assignés en intervention forcée. Les trois procédures ont été jointes.
Par jugement du 28 février 2013, le tribunal de grande instance de Bobigny, écartant les prétentions de la société Rosnybio au titre de la perte de valeur vénale, a dit que la garantie de la MADP était due au titre du volet pertes d'exploitation de la police souscrite et que l'indemnité à verser au liquidateur judiciaire était définie par l'article 5.1.6 de ladite police applicable en cas de non reprise d'activité pour cause de force majeure, d'un montant égal aux frais généraux permanents exposés jusqu'au moment où elle avait eu connaissance de l'impossibilité de poursuivre l'exploitation. Le même jugement a prononcé la résolution judiciaire de la convention d'exercice conclue avec la Clinique [Établissement 1], emportant elle-même le versement d'une indemnité égale à deux annuités d'honoraires bruts, compte non tenu de l'appareillage et des installations. Sursoyant à statuer sur les autres demandes, y compris sur les appels en garantie formés par les défenderesses entre elles, le tribunal a ordonné une expertise afin de déterminer, d'une part, le montant des frais généraux exposés par la société Rosnybio entre le 11 octobre 2009 et le 13 juillet 2010 en application de l'article 5.1.6 de la police et, d'autre part, le montant des deux annuités d'honoraires bruts prévus par la convention d'exercice, ainsi que la valeur de l'appareillage et des installations, et réservé les dépens.
Pour se prononcer ainsi, le tribunal a retenu que, si la commission communale de sécurité avait émis le 12 octobre 2009 un avis défavorable à la poursuite de l'activité sur l'ensemble du site motivé par de graves anomalies dans le système de sécurité incendie, la cause déterminante de la fermeture partielle du site décidée par arrêté municipal du 13 octobre 2009 était bien l'incendie lui-même, de sorte que les conséquences de la fermeture devaient être prises en charge par la MADP au titre de la garantie pertes d'exploitation, applicable même si l'incendie n'avait pas eu lieu dans les locaux sinistrés mais dans leur voisinage, et que, en l'absence de reprise de l'exploitation du fait de la non réalisation des travaux de mise aux normes du bâtiment constitutif d'un cas de force majeure pour la société Rosnybio, il lui était dû l'indemnité prévue par l'article 5.1.6 de la police calculée jusqu'à la date de la liquidation judiciaire. En revanche, le tribunal a estimé que la MADP n'était pas tenue au titre la perte de valeur vénale du fonds, non garantie lorsque l'incendie ne se déclarait pas dans les locaux assurés, et imputable aux difficultés rencontrées par la Clinique [Établissement 1] pour mettre la partie ancienne de ses bâtiments aux normes et permettre la réouverture des locaux abritant le laboratoire dans un délai compatible avec la survie financière de celle-ci. Le tribunal a considéré que la Clinique [Établissement 1], dont la carence à mettre aux normes les locaux qu'elle sous-louait était à l'origine de l'impossibilité de rouvrir ceux-ci dans un délai raisonnable, devait verser à la société Rosnybio l'indemnité contractuelle prévue en cas d'inexécution patente et avérée de ses obligations.
Sur appel interjeté par la société Axa France Iard et par la société Clinique [Établissement 1] et ses mandataires judiciaires, la cour d'appel de Paris a, par arrêt infirmatif du 2 décembre 2014, débouté la Scp [J] et [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio de l'intégralité de ses demandes. Le même arrêt a débouté la Clinique [Établissement 1] et son mandataire judiciaire Me [Q] ainsi que la MADP de leurs appels en garantie contre la société Axa France Iard devenus sans objet, et a condamné la Scp [J] [W] ès qualités à payer à la société Clinique [Établissement 1], à la société Axa France Iard et à la MADP, chacune, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
La cour d'appel a retenu, à son tour, qu'en raison des dommages causés aux installations électriques l'incendie était bien la cause de l'arrêté de fermeture partielle du 13 octobre 2009 emportant impossibilité pour la société Rosnybio d'exploiter son laboratoire dans les locaux loués. Mais, pour rejeter les demandes dirigées contre la MADP, la cour a considéré que les conditions de la garantie pertes d'exploitation de l'article 5.1.6 n'étaient pas elle-mêmes réunies en l'absence d'événement présentant les caractéristiques de la force majeure ayant rendu inéluctable la cessation définitive d'activité, et que la garantie perte de valeur vénale n'était pas due en application de l'article 5.2.5 de la police d'assurance en l'absence d'atteinte matérielle aux biens assurés. Elle a également écarté la demande du liquidateur judiciaire de la société Rosnybio tendant à mettre en oeuvre l'assurance de responsabilité d'Axa pour trouble de jouissance, cette garantie ne pouvant être mobilisée faute de destruction des biens du laboratoire.
Enfin, elle a écarté tout manquement de la Clinique [Établissement 1] dans l'exécution de ses obligations en lien avec le dommage allégué, en retenant qu'il n'y avait pas eu impossibilité absolue et définitive d'user de la chose louée, que les manquements de la clinique relevés par la commission de sécurité n'avaient aucun rôle causal dans l'incendie, que la destruction d'une partie du bâtiment à la suite de l'incendie criminel qui avait débuté dans une chambre de la clinique était un événement extérieur et irrésistible, que la clinique justifiait de démarches quasi immédiates pour remédier aux irrégularités relevées par la commission de sécurité, et qu'il n'était pas démontré que des travaux de réhabilitation permettant la réouverture du laboratoire auraient pu être menés à bien avant la déclaration de cessation des paiements du 31 mai 2010.
Par arrêt du 16 juillet 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 décembre 2014, mais seulement en ce qu'il avait rejeté la demande de la Scp [J] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio à l'encontre de la société MADP et avait débouté la société MADP de son appel en garantie. Elle a remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les a renvoyées pour être fait droit devant la cour d'appel de Paris autrement composée, et a condamné la société MADP aux dépens et à verser à la Scp [J] [W] ès qualités la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'arrêt de cassation partielle a relevé au visa de l'article 455 du code de procédure civile que, pour rejeter la demande dirigée contre la MADP, la cour d'appel, après avoir analysé le contrat d'assurance, retient que, si la fermeture de l'établissement était acquise, l'exploitation n'a pas été remise en activité, que le bénéfice de l'indemnité d'assurance est donc subordonné à la démonstration d'un événement présentant les caractéristiques de la force majeure, que, dans les semaines précédant l'incendie, le laboratoire a été contrôlé par son autorité de tutelle qui a conditionné la réouverture de l'établissement à un certain nombre de mesures et que le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de la société Rosnybio a relevé un passif exigible de plus de 190 000 euros et une cessation des paiements caractérisée par l'impossibilité de payer les salaires des employés, de sorte que, en l'absence de démonstration de la capacité de la société Rosnybio de satisfaire effectivement aux engagements pris vis-à-vis de son autorité de tutelle, le caractère inéluctable de la cessation d'activité peut apparaître en lien avec les exigences de celle-ci, désormais insurmontables, et que, en statuant, par un motif dubitatif, et sans répondre aux conclusions de la Scp [J] [W] qui soutenait que la cessation définitive d'activité avait été rendue inéluctable par l'impossibilité dans laquelle s'était trouvée la société Rosnybio, au regard de la fermeture administrative de ses locaux et en l'absence de versement par la MADP de toute indemnité, de faire face aux charges ayant continué à courir, la cour d'appel avait violé le texte susvisé.
La cour de renvoi a été saisie le 16 septembre 2016 à l'égard de la MADP par la Scp [J] [W], aujourd'hui dénommée Scp [V] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio, et le 13 octobre 2016 à l'égard des autres parties par la MADP. Les deux procédures ont été jointes.
Les prétentions et moyens des parties :
Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2017, la Scp [V] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio poursuit, au visa des articles 1134, 1147, 1149, 1150 et 1153 du code civil et de la police d'assurance de la MADP, la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la garantie de la MADP était due au titre du volet pertes d'exploitation de la police souscrite, mais son infirmation pour le surplus. Elle demande à titre principal de prononcer la condamnation de la MADP à lui payer la somme de 525 800 euros au titre de la garantie pertes d'exploitation augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2009, date de la première demande d'indemnisation, celle de 12 000 euros en remboursement de la totalité des primes du contrat d'assurance résolu du fait de l'inexécution par la MADP de ses obligations, et celle de 1 080 000 euros au titre de la perte de valeur vénale du fonds libéral augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date. Elle entend en tout état de cause faire juger que cette dernière somme est due par la MADP qui, en refusant sa garantie pertes d'exploitation à la société Rosnybio, l'a privée de la chance, certaine à 100% en cas de versement de cette garantie, de reprendre son activité, et dire n'y avoir lieu à une mesure d'expertise sur le calcul du préjudice. A titre subsidiaire, pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment éclairée sur les aspects financiers, elle demande de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la garantie de la MADP et d'ordonner une expertise comptable sur simple remise de documents, en particulier des bilans de la société Rosnybio, que l'expert désigné estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission. En tout état de cause, elle demande de débouter la MADP de l'ensemble de ses prétentions, de la condamner à payer à la société Rosnybio la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle relève que, contrairement à ce qui est soutenu par la MADP, la cour est saisie de l'intégralité des demandes dirigées à l'encontre de l'assureur, et pas seulement de celles formulées au titre de la garantie pertes d'exploitation. Elle soutient qu'en refusant la garantie due à ce dernier titre, qui répondait en tous points aux conditions de sa police, la MADP a commis une faute contractuelle délibérée lui ayant causé un double préjudice par l'absence d'indemnisation de la perte de marge bénéficiaire suivant la règle prévue par l'article 5.1.5 ayant elle-même conduit à la perte du fonds. Réfutant toute cause d'exclusion de la garantie pertes d'exploitation, elle fait valoir que l'article 5.1.6, qui exclut la garantie lorsque l'entreprise n'est pas remise en activité, s'analyse en une clause élusive ou limitative de responsabilité qui, ne précisant pas le délai de reprise de l'activité, et contredisant l'économie de la garantie qui est de permettre à l'entreprise assurée de continuer son activité, a pour effet de vider de sa substance une obligation essentielle du contrat, qu'elle devra donc être jugée nulle et de nul effet, que la garantie doit s'appliquer quand bien même le laboratoire n'aurait subi aucun dommage matériel, que la situation dans laquelle la société Rosnybio s'est retrouvée à la suite de l'incendie constitue bien un cas de force majeure au sens de cette clause, que la cessation d'activité a pour seule cause l'incendie qui a déclenché la visite de la commission de sécurité, et que, ayant fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir de la Clinique [Établissement 1] un relogement rapide, les dispositions de l'article 5.1.4 de la police excluant la garantie lorsque l'assuré est responsable du retard dans la reprise de l'exploitation ne peuvent davantage lui être opposées. Elle entend être indemnisée de la perte de marge bénéficiaire suivant la règle prévue par l'article 5.1.5 et non des seuls frais généraux permanents suivant la règle de l'article 5.1.6 retenue par le tribunal. Sur la perte de valeur vénale, elle soutient que la garantie de l'article 5.2.2, déclenchée en cas d'incendie et/ou événements assimilés, n'est pas limitée au cas d'un incendie du laboratoire lui-même, et que la perte totale et définitive du fonds est la conséquence du refus de la MADP d'honorer sa garantie en toute connaissance des risques que l'inexécution de son obligation impliquait.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2017, la Mutuelle d'assurance des pharmaciens (MADP) poursuit, au visa des articles 1103 et suivants et 1231-1 et suivants anciens du code civil, la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Rosnybio et la SCP [J] [W] ès qualités de liquidateur de leurs demandes formées au titre de la garantie perte de valeur vénale, mais son infirmation en ce qu'il a dit sa garantie due au titre du volet pertes d'exploitation, et le rejet de toutes demandes formées à son encontre par l'ensemble des parties. Elle demande de constater que les faits ne sont pas garantis au titre de la perte de valeur vénale, à titre subsidiaire qu'elle est bien fondée à opposer les causes d'exclusion de la garantie, à titre plus subsidiaire que la société Rosnybio et la Scp [J] ès qualités ne justifient pas de l'indemnisation demandée au titre de la valeur vénale et de les en débouter faute de preuve du préjudice, à titre encore plus subsidiaire de désigner tel expert qu'il plaira au tribunal afin de déterminer le montant de la valeur vénale du laboratoire conformément à sa police d'assurance, en tout état de cause, de constater que le plafond de garantie ne saurait excéder 120% du chiffre d'affaires net déclaré de 856 000 euros, soit 1 027 200 euros, et en conséquence de débouter la Scp [J] ès qualités de l'ensemble de leurs demandes formées à son encontre au titre de la perte du fonds libéral. De même, elle demande de constater que la garantie pertes d'exploitation ne s'applique pas en l'espèce et qu'elle est bien fondée à opposer les causes d'exclusion de la garantie, à titre subsidiaire que la société Rosnybio et la Scp [J] ne justifient pas de l'indemnisation demandée et de les en débouter faute de preuve du préjudice, à titre plus subsidiaire de confirmer le jugement en ce qu'il a désigné un expert avec pour mission de déterminer la perte d'exploitation à savoir le montant des frais généraux exposés par la Selarl Rosnybio entre la date de l'incendie et la date de son placement en liquidation judiciaire le 13 juillet 2010 conformément aux dispositions de l'article 5.1.6 de la police, à titre très subsidiaire et en toute hypothèse de constater que le plafond de garantie global ne saurait excéder 120% du chiffre d'affaires net déclaré, tout préjudice confondu et toutes indemnités confondues, qui doit être évalué conformément à la police d'assurance pour un même sinistre soit 120% de 856 000 euros soit 1 027 200 euros. En tout état de cause, faisant valoir que si les anomalies imputables à la clinique n'avaient pas existé, le laboratoire aurait eu l'autorisation de réouverture sans délai, elle demande de fixer au passif de la procédure collective de la Clinique [Établissement 1], représentée par Me [Q] ès qualités de liquidateur, le montant des sommes le cas échéant mises à sa charge, de condamner la société Axa, assureur de la Clinique [Établissement 1], à lui payer le montant des sommes mises à sa charge afin qu'elle soit garantie et relevée de toute condamnation, et de débouter Axa de ses propres prétentions. Elle sollicite enfin la condamnation solidaire des parties défaillantes à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que le pourvoi et la cassation subséquente ne portent que sur la garantie pertes d'exploitation et qu'en tout état de cause la garantie perte de valeur vénale de l'article 5.2.2 ne concerne que les événements touchant le laboratoire lui-même, et non une interdiction d'accès faisant suite à un incendie dans le voisinage, lequel est seulement prévu dans le cadre de la garantie distincte pertes d'exploitation. Elle ajoute que la fermeture et l'absence de réouverture des locaux ne sont pas la conséquence de l'incendie mais celle d'autres anomalies graves, que le lien entre l'incendie et le préjudice allégué n'est donc pas démontré, l'inaction du laboratoire pendant de longs mois et les mauvaises relations avec la clinique ayant nécessairement joué un rôle déterminant dans le dommage, et qu'aucune mauvaise foi ne saurait être retenue à son encontre, la fermeture définitive étant inéluctable compte tenu des anomalies graves qui préexistaient à l'incendie, des nombreux dysfonctionnements du laboratoire, et d'une mésentente patente entre la clinique et le laboratoire. Elle fait également valoir que la garantie pertes d'exploitation suppose une remise en activité qui n'est jamais intervenue, que la clause d'exclusion de l'article 5.1.6 est parfaitement valable puisque cette garantie s'applique en l'absence d'atteinte matérielle au bien impliquant une fermeture non définitive, que la force majeure ne peut être invoquée alors que l'incendie n'était pas imprévisible, s'agissant du quatrième départ de feu en une semaine, et que les anomalies constatées n'étaient elles-mêmes ni imprévisibles ni irrésistibles. Elle ajoute que, si la force majeure devait être retenue, elle resterait bien fondée à refuser sa garantie en l'absence de diligence du laboratoire pour reprendre son exploitation, constitutive d'une deuxième cause d'exclusion en application de l'article 5.1.4. Elle relève encore que la demande de restitution des primes est nouvelle en cause d'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2017, la société Axa France Iard entend faire constater que la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 décembre 2014 seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la SCP [J] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio à l'encontre de la société MADP, et débouté la société MADP de son appel en garantie, après avoir notamment jugé qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens du pourvoi qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, que n'ont donc pas été soumis à cassation, d'une part les considérants retenant qu'aucun manquement de la clinique [Établissement 1] dans l'exécution de ses obligations en lien avec le dommage allégué ne peut être retenu, en particulier dès lors que l'incendie, extérieur et irrésistible, apparaît comme la cause de l'arrêté de fermeture partielle du 13 octobre 2009 et, d'autre part, le considérant retenant que le volet responsabilité liée à l'occupation des lieux de la police Axa France ne peut pas être mobilisé. En conséquence, elle demande de débouter la MADP de l'ensemble des prétentions formulées à son encontre, de la mettre hors de cause, et de condamner la MADP à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et celle de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le liquidateur de la société Clinique [Établissement 1], auquel la déclaration de saisine a été dénoncée par le greffe le 14 octobre 2016, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine :
Selon l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. L'article 638 du même code précise qu'il appartient à la cour d'appel saisie de statuer à nouveau en fait en droit à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation. En l'espèce, l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juillet 2016 a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel du 2 décembre 2014 en ce qu'il avait rejeté la demande de la Scp [J] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio à l'encontre de la société MADP et avait débouté la société MADP de son appel en garantie. La juridiction de renvoi se trouve donc investie de la connaissance, en tous ses éléments de fait et de droit, de la demande du liquidateur dirigée contre la MADP et de l'appel en garantie subséquent de cette dernière dirigé contre la société Axa France Iard, assureur de la clinique, tant au titre de la garantie pertes d'exploitation que de la garantie perte de valeur vénale, même si la motivation de la cour d'appel relative à ce dernier chef n'a pas été spécifiquement censurée. La cassation n'ayant pas atteint les dispositions de l'arrêt qui ont débouté la Scp [J] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio du reste de ses demandes, les prétentions du liquidateur formées contre la Clinique [Établissement 1] et son assureur Axa, au titre de la résolution du contrat d'exercice et de l'indemnité stipulée en ce cas pour avoir manqué à son obligation de mise aux normes des locaux loués, se trouvent quant à elles définitivement rejetées.
Sur la garantie pertes d'exploitation :
La garantie pertes d'exploitation prévue par les articles 5.1 et suivants du contrat d'assurance conclu avec la MADP s'applique, selon l'article 5.1.3, aux conséquences d'une interruption totale ou partielle de l'exploitation du laboratoire dans le cas où une interdiction d'accès aux locaux assurés serait décidée par les autorités compétentes à la suite d'un incendie, d'une explosion ou d'un dégât des eaux survenus dans le voisinage du laboratoire. L'arrêté municipal du 13 octobre 2009 qui a ordonné la fermeture du bâtiment sinistré à l'exception du rez'de-chaussée bas se rapporte à une visite directement consécutive à l'incendie déclaré dans des locaux voisins de ceux occupés par la société Rosnybio au sens de ces dispositions. Même si une partie des anomalies relevées, en particulier l'absence de rapports de vérification des installations de sécurité incendie et de levées des réserves sur ces rapports, préexistaient au sinistre, c'est bien l'incendie lui-même qui a entraîné des dommages d'une nature telle, s'agissant notamment de l'absence d'isolement des zones sinistrées ou de portes coupe-feu non opérationnelles, que le maintien de l'exploitation du laboratoire ne pouvait plus être assuré. L'arrêté de fermeture ne condamne, au demeurant, qu'une partie du bâtiment sinistré en dépit de l'absence de rapports de vérification concernant l'établissement tout entier. Dans un courrier du 16 novembre 2009 adressé au dirigeant de la société Rosnybio, le maire de Rosny-sous-bois, auteur de l'arrêté de fermeture, a précisé : à la lumière des éléments en ma possession, l'incendie en question a clairement endommagé des installations électriques et des éléments de sécurité rendant impossible la poursuite de toute activité sur une partie du site. Dans une lettre du 26 février 2010 adressée au maire de Rosny-sous-bois, le préfet de Seine-St-Denis, transmettant un avis défavorable au dossier de réaménagement alors présenté par la Clinique [Établissement 1], a souligné à son tour l'importance des dégâts occasionnés par l'incendie au système de désenfumage. L'arrêt du 2 décembre 2014 de la cour d'appel de Paris, non censuré sur ce point par l'arrêt de cassation partielle, a lui-même débouté la Scp [J] de ses demandes dirigées contre la Clinique [Établissement 1] après avoir mentionné sur la base de courriers et rapports de la Socotec de novembre et décembre 2009 alors produits que, au-delà de la destruction de la moitié du premier étage du bâtiment, le feu et la chaleur dégagée avaient détérioré la totalité des installations électriques.
Pour exclure sa garantie, la MADP ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 5.1.4 selon lesquelles l'assureur ne garantit pas les interruptions d'exploitation, ni les réductions d'activité, résultant d'un retard dans la reprise provisoire ou définitive de l'exploitation dont vous seriez responsable, alors que la société Rosnybio justifie de diligences immédiates et d'efforts réitérés pour maintenir son activité avant que n'intervienne sa liquidation judiciaire prononcée par jugement du 13 juillet 2010. Confrontée à la fermeture forcée du laboratoire et à l'impossibilité de trouver auprès de la Clinique [Établissement 1] une solution de relogement qu'elle lui a réclamée les 14 octobre, 2 et 16 novembre 2009, elle a cherché à s'installer dans d'autres locaux, en visitant des biens proposés par l'agence Era immobilier Montreuil mandatée en octobre 2009 pour une recherche d'acquisition ou de location ainsi que celle-ci en atteste, et en signant le 24 novembre 2009 un projet de compromis de vente d'un local commercial situé [Adresse 7], à[Localité 5]. Après avoir réclamé en vain à l'assureur un acompte de 50 000 euros par lettre de son expert du 27 octobre 2009, elle a introduit une action en référé à l'égard de la MADP le 25 novembre 2009, puis de la Clinique [Établissement 1] le 23 décembre 2009. Elle a obtenu le 6 novembre 2009 un contrat de découvert bancaire pour tenter d'assurer la survie financière de l'entreprise. Elle s'est enquise le 5 mars 2010 auprès du préfet de Seine-St-Denis de la décision prise sur le dossier de travaux de réhabilitation présenté par la Clinique [Établissement 1]. Enfin, le rapport définitif d'une enquête menée en son sein le 23 septembre 2009 par la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France a conclu le 22 décembre 2009 que le dirigeant de la société Rosnybio avait bien, dans le délai imparti, apporté des réponses à l'ensemble des remarques qui lui avaient été faites et pris des engagements selon un calendrier défini sous réserve de la réouverture de son laboratoire. Il s'ensuit qu'aucun retard à reprendre l'exploitation découlant du délai mis à accomplir les formalités nécessaires n'est démontré de son fait.
En revanche, la MADP entend à juste titre refuser à l'assuré le bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 5.1.5 couvrant la perte de marge bénéficiaire brute ainsi que les frais supplémentaires d'exploitation et les frais et honoraires de l'expert choisi, dans les circonstances de l'espèce où l'exploitation n'a jamais été reprise. Cette indemnité ne s'applique en effet qu'en cas d'interruption totale ou partielle de l'exploitation, supposant une reprise à terme de l'activité exercée. La période d'indemnisation fixée par l'article 5.1.1 est elle-même limitée à celle comprise entre la date du sinistre et la date à laquelle le laboratoire a reconstitué intégralement ses locaux et ses moyens de production tels qu'ils existaient avant le sinistre ou repris définitivement ses activités dans de nouveaux locaux. De la manière la plus explicite, l'article 5.1.6 indique qu'aucune indemnité n'est due si l'exploitation n'est pas remise en activité. Cette disposition n'encourt pas la nullité requise par la Scp [J], puisqu'elle ne fait que définir les limites de la garantie, sans vider de leur substance les obligations réciproques des parties qui, comportant le versement d'une indemnité de la part de l'assureur, jusqu'à la reprise de l'exploitation de la part de l'assuré, sont clairement déterminées par la convention. Au demeurant, cette clause n'élude pas toute obligation de garantie puisque le même article 5.1.6 ajoute : cependant, si la cessation d'activité est due à un cas de force majeure, une indemnité vous est accordée en compensation des frais généraux permanents exposés jusqu'au moment où vous avez eu connaissance de l'impossibilité de poursuivre l'exploitation.
La situation de force majeure qui conditionne le versement de l'indemnité prévue par l'article 5.1.6 en cas de cessation définitive d'activité est, en l'espèce, caractérisée par l'impossibilité pour le laboratoire d'assurer la survie de son exploitation dans des circonstances, tout à la fois extérieures, imprévisibles et irrésistibles, où la fermeture administrative consécutive à l'incendie déclaré dans des locaux distincts de ceux qu'il occupait n'a pas été levée dans des délais lui permettant, en l'absence de versement de toute indemnité d'assurance venant compenser ses pertes d'exploitation, de faire face aux charges qui continuaient à courir, provoquant inévitablement l'état de cessation des paiements qui a motivé la liquidation judiciaire de l'entreprise. A cette date, la société Rosnybio présentait un passif exigible de 190 172 euros, tandis que le résultat d'exploitation, bénéficiaire jusqu'en 2008, avait amorcé un déficit de 13 509 euros à la clôture de l'exercice 2009. C'est en vain que la MADP conteste le caractère imprévisible de l'incendie, alors que ce sont les obstacles rencontrés pour obtenir la réouverture des locaux dans des délais compatibles avec sa survie financière qui ont rendu impossible le rétablissement de l'exploitation. Elle soutient également en vain que la cessation d'activité est la conséquence d'anomalies préexistantes, d'une inaction du laboratoire et de sa mésentente avec le bailleur, alors qu'il a été démontré que l'incendie était la cause déterminante de l'arrêté de fermeture, qu'aucun retard à reprendre l'exploitation n'était survenu du fait de la société Rosnybio, et que le délai pour opérer la réhabilitation autorisant la levée de la mesure ne lui était pas imputable s'agissant de travaux relevant du bailleur et de leur agrément par l'administration.
C'est donc exactement que le tribunal a dit que la garantie de la MADP était due au titre du volet pertes d'exploitation de la police souscrite par la société Rosnybio à hauteur de l'indemnité définie par l'article 5.1.6 du contrat, égale aux frais généraux permanents exposés entre la date du sinistre et celle du placement en liquidation judiciaire, et a ordonné une expertise pour en chiffrer le montant en l'absence d'éléments suffisants pour la déterminer.
Sur la garantie perte de valeur vénale :
Selon l'article 5.2 du contrat d'assurance, la MADP garantit le paiement d'une indemnité pour perte totale de la valeur vénale en cas d'impossibilité absolue et définitive de continuer ou de reprendre l'exploitation dans les locaux assurés ou de la transférer dans d'autres locaux sans perdre la totalité de la clientèle. L'article 5.2.2 précise que la garantie ne s'applique qu'en cas d'incendie et/ou événements assimilés, dégâts des eaux, vol, vandalisme. Selon le contrat, l'incendie s'entend de l'action du feu détruisant les biens assurés. L'événement assimilé ne peut lui-même s'entendre que d'une action produisant les mêmes effets. Or, les locaux de la société Rosnybio n'ont pas été directement atteints par les flammes et leur fermeture est survenue du fait de dommages aux installations électriques et aux installations de sécurité causés par l'incendie dans une autre partie du bâtiment dont ils dépendaient. C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la garantie de la MADP n'était pas due de ce chef.
Sur le fondement de l'article 1153 ancien du code civil également invoqué devant la cour, le créancier ne peut se voir attribuer des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement qu'en cas de mauvaise foi du débiteur. L'application de ces dispositions suppose la preuve d'un refus abusif de l'assureur d'indemniser les pertes d'exploitation à l'origine de la perte de valeur du fonds. Un tel comportement ne saurait être reproché à la MADP, alors que les contestations qu'elle a élevées devant le juge des référés, saisi par la société Rosnybio d'une demande de provision en exécution du contrat d'assurance, ont alors été jugées sérieuses. L'ordonnance rendue le 10 décembre 2009 a retenu qu'il ne pouvait être affirmé avec l'évidence requise en référé, à la seule lecture de la liste des anomalies graves mentionnée par l'arrêté municipal du 13 octobre 2009, que l'incendie était la cause déterminante de la fermeture des locaux, et que la MADP opposait à juste titre à la demande de provision une autre contestation sérieuse tirée de la participation de l'assuré à son propre dommage en l'absence de production de pièces suffisantes pour établir les diligences qu'il avait entreprises pour reprendre son activité dans les meilleurs délais. Il s'en déduit que l'assureur n'était pas dépourvu de moyens sérieux pour refuser le versement de l'indemnité et que sa mauvaise foi ne peut être retenue à l'origine du préjudice.
Sur la restitution des primes d'assurance :
Selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent à peine d'irrecevabilité soumettre à la cour de nouvelles prétentions. Cependant l'article 566 précise que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. En l'espèce, la demande de restitution des primes d'assurance sollicitée pour la première fois en appel par la Scp [J], qui reproche à la MADP une méconnaissance de ses obligations emportant la résolution du contrat, se présente comme la conséquence de la demande de versement de l'indemnité d'assurance à laquelle l'assureur n'a pas satisfait. La fin de non recevoir opposée à cette demande sera en conséquence rejetée. Mais, la Scp [J] ne peut, sans se contredire, rechercher l'application de la garantie d'assurance en même temps que la restitution des primes qui en sont la contrepartie. En outre, la condition résolutoire, toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait point à son engagement, ne peut être encourue que pour un manquement revêtant une gravité suffisante. La non garantie opposée par la MADP à la demande de versement de la société Rosnybio ne présente pas un tel caractère dès lors que l'application de la garantie a donné lieu à des moyens de contestation jugés sérieux en référé et âprement débattus au fond. La Scp [J] sera dès lors déboutée de sa demande de restitution des primes d'assurance acquittées.
Sur la demande de garantie de la MADP :
La MADP, qui justifie avoir déclaré sa créance le 25 juin 2012 entre les mains de Me [Q] ès qualités de mandataire judiciaire de la Clinique [Établissement 1], recherche la garantie de la clinique et de son assureur Axa France Iard du fait de manquements commis dans les règles de sécurité. Sur cette demande, le tribunal a prononcé, sans nécessité, un sursis à statuer pour la durée d'une expertise seulement destinée à chiffrer les demandes indemnitaires. Au soutien de ses prétentions, la MADP affirme que l'incendie n'est pas la cause de l'absence de réouverture du laboratoire, puisque l'arrêté du 13 octobre 2009 ne vise pas de destructions causées par l'incendie mais des anomalies graves qui lui préexistaient, et que si ces anomalies n'avaient pas existé le laboratoire aurait dû avoir l'autorisation de réouverture sans délai. Mais il a été démontré que l'incendie était bien la cause déterminante de l'arrêté de fermeture en raison des dommages causés aux installations électriques et aux équipements de sécurité, de sorte que les travaux de mise aux normes à accomplir par la clinique pour réaliser les conditions de levée de la mesure administrative portaient nécessairement sur les installations endommagées par le sinistre. L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 décembre 2014 qui a définitivement débouté la société Rosnybio de ses demandes dirigées contre la clinique a écarté tout manquement commis par celle-ci dans l'exécution de ses obligations en lien avec le dommage allégué, retenant que les manquements préexistants au sinistre n'avaient aucun rôle causal dans l'incendie et que la clinique avait justifié de démarches quasi immédiates pour engager les travaux de réhabilitation. De fait, le dirigeant de la clinique, après s'être rapproché de son architecte, a directement saisi le 2 novembre 2009 la direction des affaires sanitaires et sociales de la Seine-St-Denis afin d'obtenir la liste des conditions nécessaires à la réouverture du laboratoire sur le site et les délais prévisibles y afférents de manière à fixer le biologiste sur les possibilités éventuelles, et le maire de Rosny-sous-bois a souligné, par courrier du 16 novembre 2009, la démarche active et immédiate entreprise par la clinique auprès de ses services pour tenter avec insistance d'obtenir le maintien en activité du laboratoire. En conséquence, la cour déboutera la MADP de sa demande de garantie.
Le droit d'agir de la MADP n'a pas dégénéré en abus justifiant l'allocation des dommages et intérêts sollicités par la société Axa France Iard.
La MADP qui succombe supportera les dépens de l'instance sur renvoi après cassation. Il est également équitable de compenser à hauteur de 4 000 euros les frais non compris dans les dépens que la Scp [J] et la société Axa France Iard ont, chacune, exposés devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par défaut, et par arrêt mis à disposition au greffe, sur renvoi après cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 décembre 2014,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Mutuelle d'assurance des pharmaciens (MADP) était tenue de verser à la Scp [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio l'indemnité définie par l'article 5.1.6 du contrat d'assurance au titre de la garantie pertes d'exploitation, a ordonné une expertise afin de déterminer le montant des frais généraux exposés par la société Rosnybio entre le 11 octobre 2009 et le 13 juillet 2010 pour chiffrer l'indemnité exigible en application de ce texte, a dit que la garantie perte de valeur vénale n'était pas due, et a réservé les dépens ;
Infirme le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur l'appel en garantie de la société Mutuelle d'assurance des pharmaciens (MADP) et, statuant à nouveau de ce chef, la déboute de ses demandes dirigées contre la société Clinique [Établissement 1] représentée par son liquidateur Me [Q] et contre la société Axa France Iard ;
Y ajoutant,
Dit recevable en appel la demande de restitution des primes d'assurance formée par la Scp [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio contre la société Mutuelle d'assurance des pharmaciens (MADP), mais la déboute de ce chef de demande ;
Condamne la société Mutuelle d'assurance des pharmaciens (MADP) aux dépens de l'instance sur renvoi après cassation, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à la Scp [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rosnybio et à la société Axa France Iard, chacune, la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du même code ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE