Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 7
ARRET DU 31 JANVIER 2018
(n° 1 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/23965
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/18373
APPELANTE
SAS MAISONS PIERRE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 487 514 267
Représentée par Me Laurent LEVY susbtitué par Me Mickaël PIQUET-FRAYSSE, de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485
INTIMEE
Association ASSOCIATION D'AIDE AUX MAITRES D'OUVRAGES INDIVIDUELS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée et assistée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : E1677
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Pierre DILLANGE, Président de la chambre
M. François REYGROBELLET, Président
Mme Sophie- Hélène CHATEAU, Conseillère
qui en ont délibéré sur le rapport de François REYGROBELLET
Greffier, lors des débats : Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Pierre DILLANGE, président et par Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI, greffier présent lors du prononcé.
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Statuant sur les appels du demandeur la personne morale 'Maison Pierre SAS' et l'appel incident de l'intimée l'association d'aux maîtres d'ouvrages individuels' contre le jugement déféré ;
Rappel des faits et de la procédure de première instance
Par assignation du 17 décembre 2015, la personne morale ' Maison Pierre', représentée par son représentant légal, a engagé l'instance contre l'association 'd'aide aux maîtres d'ouvrages individuels' en dénigrement fautif de produits et services sur le fondement de l'article 1382 du code civil à raison de la mise en ligne de vingt textes sur le site internet de l'association intitulé www.aamoi.fr.
La procédure a été clôturée le 26 septembre 2016 puis l'affaire a été appelée à l'audience civile de la chambre de la presse du tribunal de grande instance de Paris ce 26 septembre 2016.
A l'issue du délibéré, le tribunal a :
- requalifié les faits support de l'action en dénigrement en faits contraires à l'honneur ou à la considération de la personne morale et jugé que l'action relevait de la loi du 29 juillet 1881 modifiée (article 29 alinéa 1 de la loi),
- constaté l'extinction de l'action par effet de l'acquisition de la prescription de trois mois pour dix-huit des textes poursuivis,
- jugé comme n'étant pas prescrits deux textes mis en ligne les 8 octobre et 4 novembre 2015,
- débouté la personne morale de ses demandes concernant ces deux textes,
- condamné la société demanderesse au dépens ainsi qu'au paiement de la somme de deux mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Appel a été formé par la demanderesse le 28 novembre 2015,
Devant la cour,
Par ses dernières conclusions signifiées le 21 juin 2017, l'appelante principale fait valoir et soutient que :
- le jugement déféré doit être confirmé en ce que le tribunal avait retenu qu'une action sur le fondement de la diffamation pour les publications 'maison pierre vendre sans scrupules' et 'des faux devis remis à des clients Maisons Pierre'
- le jugement déféré devait ensuite être infirmé pour le surplus
A TITRE PRINCIPAL
- l'acte introductif d'instance devait être requalifié de manière distributive publication par publication
- la défenderesse devait être jugée comme ayant dénigré la société Maisons Pierre par diffusion d'une fiche dans la rubrique Top constructeur
- les deux articles appréciés comme relevant du régime juridique de la diffamation publique devaient être jugés comme tel et ouvraient droit à réparation
A TITRE SUBSIDIAIRE
La cour précise que la demande formée à titre principal concernant les deux textes qui viennent d'être cités est reprise a ce titre
Les demandes indemnitaires et autres mesures réparatrices du dommage allégué sont détaillées à la rubrique 'en tout état de cause' du dispositif des écritures déposées
En réplique, l'intimée l'association 'd'aide aux maîtres d'ouvrages individuels' et appelante incidente a, dans ses dernières conclusions signifiées le 21 avril 2017, fait soutenir que le jugement devait être confirmé et à titre subsidiaire que 'si la Cour devait recevoir l'appelante en son action pour la publication 'Top constructeur' aucun dénigrement n'avait été commis'.
Appelante incidente, l'association demande la publication de l'arrêt à venir dans quatre publications outre sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et celle sur les dépens qui doivent être mis à la charge de l'appelante.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2017.
SUR CE,
LA COUR,
Considérant que les appels régulièrement formés seront reçus par la cour ;
Considérant qu'il est constaté par la Cour que l'appel principal ne porte, selon les écritures de l'appelant, plus que sur trois textes : celui titré 'top constructeur' et les deux texte mis en ligne les 8 octobre et 4 novembre 2015 ;
Considérant que la personne morale appelante ayant selon ses écritures 'cantonné ses demandes au titre du dénigrement à la rubrique consacrée au classement des constructeurs' (cf conclusion d'appel page 6), les 17 autres textes ne sont plus en la cause ; seuls subsistant en sus de ce 'classement' les deux derniers textes reconnus désormais par l'appelante comme relevant du régime juridique de l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée ;
Considérant que du fait de l'appel la cour est légalement tenue de se prononcer sur le caractère dénigrant de ce classement peu important que deux autres textes, distincts, relèvent du régime juridique de la loi sur la presse ;
Considérant que l'association assignée a mis en ligne un classement qui recense le top constructeur et classe en dernière place du barème la société appelante ;
Considérant que pour qualifier cette publication sur le média internet de dénigrante, l'appelante retient :
- l'emploi du procédé graphique de la couleur noire lorsqu'elle est citée à la dernière place, le fait qu'un bonnet d'âne soit inséré à côté d'un podium étant aussi mentionné,
- l'affirmation que ce classement ne repose sur aucune étude sérieuse car seuls des critères subjectifs seraient à l'origine de ce classement et l'association n'avait pas vérifié le bien fondé des informations qu'elle mettait en ligne (cf conclusions d'appel pages 6 à 12),
Considérant que, pour la cour, la lecture de ce 'Classement' fait ressortir sans ambiguïté que la page 'Top constructeur' fait référence soit aux dossier d'adhérents de l'association, soit aux condamnations prononcées contre l'appelante ; qu'ainsi il est mentionné:
- la décision prononcée le 28 mai 2010 par le TGI d'Orléans annulant un contrat de la société appelante,
- le jugement prononcé le 30 août 2010 par le TGI de Melun ayant condamné cette personne morale,
- le jugement de débouté de l'appelante suite à l'action engagée le 24 juillet 2006,
- l'arrêt de condamnation prononcé le 22 septembre 2010 contre la société appelante par la cour d'appel de Rouen ainsi que les décisions de condamnation des 10 mai 2011 et 11 septembre 2013,
- les décisions ayant débouté la société ici appelante de ces actions engagées contre ses contractants des 10 et 23 janvier 2014,
Considérant qu'il ressort de la lecture de ce texte que ce rappel de décisions de justice est accompagné des doléances d'adhérents, seulement signalés par leur numéro ; que la cour fait sur ce point expressément référence aux écritures d'appel de l'intimé qui les détaille aux pages 14 à 18 de ces écritures ;
Considérant que la synthèse de ces données s'impose au juge car elles délimitent l'étendue du litige ; que cette synthèse n'étant pas contestée par l'appelante, emporte que ce classement est fondé sur des faits objectifs (les décisions de justice) et des témoignages multiples qui les complètent du point de vue des personnes ayant soit contracté, soit envisagé de contracter avec la société 'Maison Pierre' ; qu'il ne peut en conséquence être jugé qu'en procédant de la sorte à un classement qui n'a que la portée de faire valoir un point de vue (ce classement n'ayant aucune incidence légale ou réglementaire), l'association intimée a commis une faute car ce classement est le résultat de la constatation de faits judiciairement constatés comme effectifs et au détriment des personnes ayant contacté ou eu des relations d'affaire avec la société appelante ;
Considérant que, pour la Cour, il convient de préciser que la preuve ou démonstration formelle du bien fondé de ce 'classement' n'est pas nécessaire eu égard aux caractéristiques d'espèce qui viennent d'être précisées ;
Considérant que, concernant le procédé graphique d'emploi de la couleur noire, celui ci n'a pas en lui-même d'effet dénigrant des produits et prestations de la société appelante et n'est qu'un procédé de présentation ;
Considérant que, pour ces motifs, le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé que ce texte relevait du régime juridique de la diffamation ; la cour jugeant le caractère fautif dénigrant non établi ; que l'appelante sera déboutée de sa demande portant sur le prétendu caractère dénigrant de ce classement ;
Considérant, sur les deux autre textes mis en ligne les 8 octobre et 4 novembre 2015, au sujet desquels l'appelante principale ne conteste plus qu'il s'agit de deux textes relevant de l'article 29 alinéa 1 de la loi sur la presse ; qu'il doit être rappelé que tout fait contraire à l'honneur ou à la considération d'une personne doit satisfaire aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée ; qu'il doit être articulé à l'acte introductif d'instance quelle est l'expression qui est arguée comme étant diffamatoire ; qu'ainsi que le tribunal l'a à bon droit rappelé, la reproduction intégrale d'un texte lorsqu'il comprend deux imputations diffamatoires, la simple reproduction d'un texte est contraire à la norme juridique de précision du fait poursuivi ;
Considérant que, devant la cour et concernant le texte mis en ligne le 8 octobre, la société appelante s'est bornée pour la première fois à préciser quelles étaient les deux imputations qui, de son point de vue, étaient diffamatoires à son endroit ;
Considérant que ce procédé étant étranger au droit de la diffamation, le tribunal quoique, non saisi d'une exception de nullité de la procédure, était fondé à se prononcer ainsi qu'il est consigné en page 7 de sa décision ; que par adoption expresse des motifs du tribunal sur ce point le jugement sers confirmé ;
Considérant, sur le second texte, qu'il est constant qu'il n'a fait l'objet d'aucune retranscription aux divers constats d'huissier qui constituent le support matériel de la poursuite ; que la cour doit constater qu'en cause d'appel l'appelante se satisfait de produire pour la première fois le texte attaqué et d'en proposer afin de l'imposer un sens diffamatoire ;
Considérant que ce procédé qui consiste en premier lieu a faire mention d'un texte sans en citer les termes supposés diffamatoires puis à le verser aux débats d'appel pour la première fois le le 21 juin 2017, soit près de deux ans depuis la première mise en ligne, prive le juge dela faculté de pouvoir envisager avec le degré de certitude suffisant que ce texte émane de l'association poursuivie et qu'elle doit répondre des éventuelles conséquences dommageables que sa mise en ligne serait susceptible d'entraîner ; que pour ces motifs, le jugement sera confirmé concernant ce texte ; que l'appelante sera déboutée de ces demandes concernant ces deux textes ;
Considérant que, s'agissant de la demande par l'association intimée de la publication de l'arrêt, elle n'est pas fondée en ce que l'action engagée n'est pas dilatoire et que le support textuel de cette demande n'est pas précisé ; qu'elle sera donc rejetée ;
Considérant qu'il est équitable de permettre à l'association défenderesse au principal de recevoir au titre des frais de procédure d'appel la somme de huit mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, que la société appelante sera condamné au paiement de cette somme ;
Considérant que succombant l'appelante sera condamnée au paiement des entiers dépens dans les termes détaillés au dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Statuant dans leurs limites,
Confirme le jugement entrepris sur la requalification de dix-neuf des textes attaqués à l'exception du texte titré 'Top constructeur ', de la prescription de dix-sept de ces textes à l'exception des deux textes mis en ligne les 4 octobre et 8 novembre 2015 et le débouté de la société Maison Pierre concernant ces textes ;
Confirme le jugement sur le défaut de caractérisation du caractère diffamatoire de deux textes mis en ligne les 8 octobre et 4 novembre 2015 ;
Confirme le jugement sur le débouté de la société Maison Pierre à raison de ces dix-neuf textes ;
Réformant partiellement sur le texte mis en ligne sous le titre 'Top constructeur' ;
Dit que ce texte n'entre pas dans les prévisions de l'article 29 aliéna 1 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée ;
Dit qu'en mettant en ligne ce texte l'association dite 'd'aide aux maîtres d'ouvrages individuels'n'a commis aucune faute ;
Déboute la société Maison Pierre de ses demandes concernant ce texte ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de publication formée par l'association 'd'aide aux maîtres d'ouvrages individuels' du présent arrêt ;
Condamne la personne morale Maison Pierre à payer à l'association d'Aide aux maîtres d'ouvrages individuels la somme de huit mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Maison Pierre aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être exécuté par Maître Skog, avocat au barreau de Paris, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER