Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 19 JANVIER 2018
(n°8, 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02910
Décision déférée à la Cour : jugement du 08 janvier 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°13/08556
APPELANTS
M. [P] [K]
Né le [Date naissance 1] 1959
Domicilié [Adresse 1]
M. [L] [M]
Né le [Date naissance 2] 1959
Domicilié [Adresse 2]
S.A. EUROPACORP, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro B 384 824 041
Représentés par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 18
Assistés de Me Arnaud DE SENILHES (LACROIX DE CARIES), avocat au barreau de PARIS, toque C 2320
INTIMES
M. [R] [O]
Né le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 2]
De nationalité française
Exerçant la profession d'auteur dessinateur réalisateur
Demeurant [Adresse 3]
M. [Y] [T]
Né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 3]
De nationalité française
Exerçant la profession d'auteur dessinateur réalisateur
Demeurant [Adresse 4]
M. [X] [Y]
Né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 3]
De nationalité française
Exerçant la profession d'auteur dessinateur réalisateur
Demeurant [Adresse 5]
M. [U] [U]
Né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 2]
De nationalité française
Exerçant la profession d'auteur dessinateur réalisateur
Demeurant [Adresse 6]
Représentés par Me Audrey LOUAPRE, avocat au barreau de PARIS, toque E 376
M. [E] [I]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Mme [T] [I]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assistés de Me Angélique BERES, avocat au barreau de PARIS, toque A 457
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 18 octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Colette PERRIN, Présidente
Mme Véronique RENARD, Conseillère
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
M. [P] [K] est réalisateur de film, il a notamment réalisé une trilogie de films d'animation intitulés '[D] et les minimoys', '[D] et la vengeance de Malthazard' et '[D] et la guerre des deux mondes'.
Ces trois films ont été produits par la société Europacorp, société de production cinématographique fondée en 2000 par M. [P] [K].
M. [L] [M] est compositeur et a travaillé avec M. [K] pour les films de la trilogie.
M. [K] expose que l'origine des films provient d'un concept imaginé par les époux [I].
M. [E] [I] et Mme [T] [I] sont respectivement dessinateur et scénariste. M. [E] [I] travaille depuis 1991 avec M. [P] [K] et lui a proposé de produire un film ayant pour sujets des lutins, dont [D], à partir d'une histoire de Mme [T] [I].
M. [E] [I] a sollicité M. [R] [O] pour travailler avec lui sur ce projet et ce dernier a ensuite agrandi l'équipe avec M. [X] [Y] et M. [U] [U].
Un pilote de film d'animation intitulé « [D] » a été développé en 2001, la réalisation et la direction artistique du pilote ayant été confiées à M. [E] [I] au générique duquel figure M. [E] [I] en qualité de réalisateur, Mme [T] [I] comme assistante du réalisateur et M. [R] [O] comme « Matte Digital ». En 2002 la décision de produire un film d'animation était prise.
Par deux contrats tous deux en date du 30 avril 2002, la société Europacorp a acquis les droits d'auteur de Mme [T] [I] sur le séquencier et les droits d'auteur réalisateur de M. [E] [I].
Un contrat en date du 1er février 2002, avait été conclu entre la société Europacorp et [R] [O] pour la 'conception graphique de personnages et de décors dessinés'.
Un second contrat intitulé 'conception graphique de personnages secondaires, accessoires et de décors dessinés'était conclu entre les mêmes parties qui s'accordent à dire qu'il venait en remplacement du premier contrat. Ce contrat est également daté du 1er février 2002 mais M. [O] affirme qu'il a été antidaté et aurait été conclu courant 2004.
Un avenant a été signé le 31 décembre 2003 augmentant à la somme de 43.857,91 euros le montant forfaitaire de la cession des droits d'auteur consentie en 2002 à hauteur de 34.710,97 euros HT.
Messieurs [X] [Y] et [U] [U] ont signé un contrat d'auteur-conception graphique des personnages secondaires, accessoires et décors dessinés daté du 1 décembre 2004, au terme duquel ils ont été rémunérés de façon forfaitaire à hauteur de 18.000 euros par application de l'article L. 131-4,4° du code de la propriété intellectuelle.
Le premier opus '[D] et les minimoys' est sorti en France le 29 novembre 2006.
M. [Y] [T] a rejoint l'équipe de dessinateurs pour la création des deux autres opus.
Messieurs [R] [O], [X] [Y], [U] [U] et [Y] [T] ont signé un contrat de cession de leurs droits d'auteur (pour la «conception graphique des personnages secondaires, accessoires, et de décors dessinés ») le 15 novembre 2008 pour le deuxième volet de la trilogie, le film '[D] et la vengeance de Malthazard' puis un autre contrat le 20 novembre 2008 pour le troisième volet, le film '[D] et la guerre des deux mondes'.
Aux termes de chacun des contrats conclus en 2008, contrairement aux premiers contrats qui ne prévoient aucune rémunération en ce sens, le droit au marchandisage des quatre dessinateurs a été cédé mais une rémunération supplémentaire a été prévue à l'article 4 bis pour toutes les représentations et reproductions sous réserve qu'elles portent uniquement sur un personnage secondaire dont ils sont les co-auteurs.
Messieurs [R] [O] , [X] [Y], [U] [U] et [Y] [T] ont en outre cédé le 10 février 2009 leurs droits pour la réalisation d'un court métrage adapté des personnages et des décors de la trilogie et destiné à être diffusé au sein du parc Futuroscope [Localité 5] dans le cadre d'une attraction basée sur l'univers de la trilogie, et ce moyennant le paiement de la somme forfaitaire de 7 000 euros bruts.
Le 23 mars 2010 par un courrier recommandé avec accusé de réception de leur conseil ils ont demandé paiement de cette rémunération et la transmission des comptes d'exploitation découlant des contrats d'auteurs principaux relatifs au marchandisage.
Ce paiement a été effectué le 30 mars 2010.
Par acte en date du 20 janvier 2012, messieurs [R] [O] , [X] [Y], [U] [U] et [Y] [T] ont fait assigner devant la juridiction des référés du tribunal de grande instance de Paris, [P] [K] et la société Europacorp en présence de [E] [I], [T] [I] et de [L] [M] le compositeur du film, aux fins de voir désigner un expert avec pour mission notamment de se faire remettre tout document permettant de déterminer les montants des exploitations au titre du marchandisage effectué sur les films de la trilogie et aux fins de voir condamner cette société à leur verser, à titre provisionnel, la somme de 100 000 euros à valoir sur leur rémunération et/ou dommages et intérêts au titre du marchandisage sur les films litigieux.
A l'issue de l'audience de plaidoiries, le juge des référés a invité les parties à participer à une médiation afin de trouver une solution amiable à leur litige. Les parties ont accepté cette médiation qui n'a pas abouti, l'affaire a été rappelée devant le juge des référés.
Par ordonnance en date du 13 novembre 2012, le juge des référés a débouté messieurs [R] [O], [X] [Y], [U] [U] et [Y] [T] de leurs demandes d'expertise et de provision.
Par exploit du 17 juin 2013, messieurs [O], [U], [Y] et [T] ont saisi le tribunal de grande instance de Paris en nullité des contrats de cessions de droits d'auteurs et dommages et intérêts pour des exploitations contrefaisantes indiquant avoir découvert que la société Europacorp continuait d'exploiter dans le monde entier leurs créations, et notamment au sein du parc d'attractions allemand Europa-Park inauguré en 2013, sans leur accord ni contrat, ni rémunération.
Par jugement contradictoire en date du 8 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 19 novembre 2015 par les époux [I] une minute avant l'audience du juge de la mise en état ayant prononcé la clôture de l'instruction, ainsi que les nouvelles pièces numérotées 32 à 38 ;
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 19 novembre 2015 après cette ordonnance par la société Europacorp ;
- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des demandeurs soulevée par la société Europacorp ;
- déclaré prescrite l'action en nullité des contrats d'auteur conclus le 1 février 2002 entre M. [R] [O] et la société Europacorp et des contrats d'auteur conclus le 1er décembre 2004 entre messieurs [Y] et [U] et la société Europacorp ;
- débouté en conséquence les demandes de messieurs [O], [Y], [U], tendant à voir fixer une rémunération proportionnelle au titre de ces contrats ;
- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats conclus les 15 et 20 novembre 2008 entre messieurs [O], [Y], [U], [T] et la société Europacorp ;
- prononcé la nullité des contrats conclus les 15 et 20 novembre 2008 entre messieurs [O], [Y], [U], [T] et la société Europacorp ;
- dit qu'en représentant ou en reproduisant sans le consentement de messieurs [O], [Y], [U], [T] leurs créations portant sur les personnages, tant principaux que secondaires, les accessoires et les décors des films « [D] et la vengeance de Malthazard» et «[D] et la guerre des deux mondes», la société Europacorp a commis des actes de contrefaçon ;
- avant dire droit sur la réparation des préjudices, ordonné une mesure d'expertise et désigné M. [C] [W], [Adresse 8] comme expert avec pour mission de :
- se faire remettre par les parties, tous documents, contrats, pièces comptables et relevés bancaires pour déterminer le montant total des recettes générées année par année par l'exploitation sous toute forme des films « [D] et la vengeance de Malthazard » et « [D] et la guerre des deux mondes » depuis la première représentation publique de ces films jusqu'au 17 juin 2013, date de l'assignation ;
- se rendre chez tout distributeur, diffuseur, exploitant, pour se faire remettre tout document permettant de déterminer ces recettes ;
- se rendre au Registre Public de la Cinématographie et de l'Audiovisuel pour se faire remettre un état précis de toute cession de droits enregistrée concernant ces films ;
- procéder à tout acte, entendre tout sachant de façon à lister de façon précise le montant des droits qui ont été versés à messieurs [O], [Y], [U] et [T] ;
-donner au Tribunal tout élément permettant d'évaluer le préjudice éventuel de messieurs [O], [Y], [U] et [T];
- dit que pour procéder à sa mission l'expert devra :
- convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ;
- se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission;
- à l'issue de la première réunion d'expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l'actualiser ensuite dans le délai:
- en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations;
- en les informant de l'évolution de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires ;
- en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
- au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport (par ex. : réunion de synthèse; communication d'un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
- fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
- rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai.
- fixé à la somme de 5 000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par les demandeurs à la régie du tribunal (Escalier D, 2e étage) le 15 février 2016 au plus tard ;
- dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal de grande instance avant le 30 juin 2016 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du contrôle ;
- dit que l'expert tiendra le juge de la mise en état informé de l'avancement de ses opérations et le saisira de toute difficulté, et qu'il sera pourvu au remplacement éventuel de l'expert selon les conditions prévues par les articles 234 et 235 du Code de procédure civile ;
- condamné la société Europacaorp à verser à titre de provision à valoir sur leur préjudice
- à M. [R] [O] la somme de 15.000 euros ;
- à M. [X] [Y] la somme de 15.000 euros ;
- à M. [U] [U] la somme de 15.000 euros ;
- à M. [Y] [T] la somme de 10.000 euros ;
- condamné la société Europacorp à verser à l'ensemble des demandeurs la somme totale de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 10 mars 2016, dix heures, pour vérification de la consignation ;
- réservé les dépens.
L'exécution provisoire prévue dans la motivation du jugement n'était pas ordonnée dans son dispositif. Les opérations d'expertises n'ont pas eu lieu.
La société Europacorp et messieurs [K] et [M] ont interjeté appel le 2 février 2016.
Les époux [I] ont interjeté appel le 17 février 2016.
Les deux appels ont été joints par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 mars 2016.
Après des échanges d'écritures entre les parties la procédure a été clôturée le 23 février 2017, les plaidoiries étant fixées au 8 mars 2017.
A cette date, la cour a décidé de révoquer la clôture et de renvoyer la procédure à la mise en état en fixant la date de clôture au 7 septembre 2017 et la date des plaidoiries au 18 octobre 2017.
La cour fixait un calendrier précis :
18 mai 2017 pour dernières conclusions des intimés
22 juin pour dernières conclusions des appelants.
Les intimés, messieurs [O], [Y], [U] et [T] ont signifié des conclusions récapitulatives n°3 le 18 mai 2017 aux termes desquelles ils sollicitent de la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action en nullité de Messieurs [R] [O], [U] [U] et [X] [Y] prescrite au titre de leur contrat de cession de droits d'auteur portant sur le film « [D] et les Minimoys »;
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions, en ce,
Dire et juger l'action de Messieurs [R] [O], [U] [U] et [X] [Y] et [Y] [T] non prescrite et la dire recevable;
Venant au fond
- Dire et juger la participation des intimés à la création des éléments graphiques de chacun des trois films de la trilogie essentielle et non accessoire ;
- Dire et Juger le recours au forfait illicite ;
En conséquence,
- Prononcer la nullité des contrats de cession de droits d'auteurs conclus entre la société Europacorp et Messieurs [R] [O], [U] [U], [X] [Y] et [Y] [T] pour les trois films de la trilogie « [D] et les Minimoys » ;
- Condamner en conséquence la société Europacorp en contrefaçon ;
- Dire et juger que Messieurs [R] [O], [U] [U] et [X] [Y] sont co-créateurs des personnages principaux de la trilogie avec [E] [I]
Y ajoutant
Constater que la société Europacorp a exploité sans droits les personnages principaux des trois films de la trilogie ;
Condamner en conséquence la société Europacorp au titre de l'exploitation contrefaisante des personnages principaux
Condamner la société Europacorp à indemniser Messieurs [R] [O], [U] [U], [X] [Y] et [Y] [T] de l'ensemble du préjudice subi en conséquence ;
Confirmer la mesure d'expertise ordonnée ;
Y ajoutant, étendre le périmètre des opérations d'expertise confiées à l'expert désigné aux recettes d'exploitation générées par le premier film de la trilogie « [D] et les Minimoys » toutes exploitations confondues ;
Subsidiairement,
- Constater la lésion de plus des 7/12 ème subie par les intimés ;
- Prononcer la révision du forfait ;
Très subsidiairement,
- Constater l'absence de remise d'exemplaire de produits de marchandisage, l'absence de reddition de comptes sincères et fidèles, la mauvaise foi dans l'exécution de la clause léonine de rémunération au titre du marchandisage ;
- Constater de ces chefs la violation par Europacorp de ses obligations contractuelles ;
- Condamner en conséquence la société Europacorp à payer à Messieurs [R] [O], [U] [U], [X] [Y] et [Y] [T] la somme de 100 000 euros chacun ;
- Constater les atteintes portées au droit moral des intimés et condamner en conséquence la société Europacorp à payer à Messieurs [R] [O], [U] [U], [X] [Y] et [Y] [T] la somme de 80 000 euros chacun en réparation de ces atteintes ;
- Débouter la société Europacorp et M. [E] [I] de toutes leurs demandes ;
- Condamner solidairement la société Europacorp et M. [E] [I] à payer à Messieurs [R] [O], [U] [U], [X] [Y] et [Y] [T] la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Me LOUAPRE conformément aux dispositions de l'article 699 de code de procédure civile.
La société Europacorp et messieurs [K] et [M] ont signifié des conclusions récapitulatives n°3 le 22 juin 2017 aux termes desquelles ils sollicitent de la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a déclaré
prescrite l'action en nullité des contrats d'auteur conclu le 1er février 2002 et le 1er décembre 2004 ;
- réformer le jugement en toutes ses autres dispositions ;
Par voie de conséquence,
- dire et juger que la contribution des intimés à la trilogie [D] n'est pas essentielle ;
- dire et juger que la contribution des intimés à la trilogie [D] est accessoire ;
- dire et juger que la contribution des intimés à la trilogie [D] est collective ;
- dire et juger qu'au regard des règles de prescription la contribution des intimés au titre des deux derniers opus de la série [D] ne peut s'apprécier qu'au regard des seuls éléments spécifiques aux dits opus ;
- dire et juger que les contrats signés entre les parties sont licites ;
- dire et juger que la société Europacorp n'a commis aucun acte de contrefaçon à l'encontre des intimés ;
Subsidiairement :
- dire et juger que l''uvre graphique est une 'uvre collective justifiant le recours au forfait et de ce fait réformer le jugement dans toutes ses dispositions;
En tout état de cause :
- dire et juger que les pièces adverses n°56 à 62, 63, 65, 66 à 70 doivent être écartées des débats ;
- dire et juger que les demandes nouvelles des intimés concernant les personnages principaux du premier opus de la trilogie [D] sont irrecevables et devront être écartées par la Cour ;
- dire et juger que les demandes des intimés concernant le marchandisage sont infondées et les en débouter ;
- dire et juge que l'ensemble des autres demandes des intimés sont infondées et les en débouter ;
- dire et juger que les intimés doivent restituer à la société Europacorp un montant de 160.000 euros au titre des trop-perçus de rémunération forfaitaire par rapport à la rémunération proportionnelle ;
- condamner conjointement et solidairement les intimés à 300.000 euros chacun au titre du recours abusif et ce au profit de chacun des appelants ;
- condamner les intimés à 150.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner les intimés aux entiers dépens.
M. et Mme [I] ont signifié des conclusions récapitulatives n°3 le 24 juillet 2017 aux termes desquelles ils sollicitent de la cour de :
- confirmer le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a déclaré l'action en nullité de messieurs [O], [Y] et [U] prescrite pour les contrats portant sur le film « [D] et les Minimoys » ;
- déclarer irrecevable l'action en contrefaçon nouvelle en cause d'appel ;
- déclarer irrecevable toute demande des intimés au titre des personnages tant principaux que secondaires créés dans l'Opus 1 de la Trilogie;
Venant au fond
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions;
- dire et juger que les personnages principaux sont l'élément essentiel de l'univers graphique d'un film d'animation ;
- dire et juger que les personnages secondaires ne sont pas l'élément essentiel de l'univers
graphique d'un film d'animation ;
- dire et juger que l'apport créatif des intimés a porté exclusivement sur un élément accessoire de l''uvre graphique présente dans la Trilogie « [D] et les Minimoys » ;
- dire et juger qu'Europacorp n'a pas commis de contrefaçon au préjudice des intimés en exploitant les personnages principaux dont les droits d'exploitation ont été régulièrement acquis auprès de [E] [I] ;
En conséquence :
- prononcer la validité des contrats de cession de droits des intimés de 2008 pour les Opus 2 et 3 de la Trilogie ;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes ;
- les condamner in solidum à payer à chacun des époux [I] la somme de 100.000 euros pour procédure abusive ;
- les condamner in solidum à payer aux époux [I] la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du CPC, et aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la SCP AFG dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile
Le 3 septembre 2017, messieurs [O], [Y], [U] et [T] signifiaient de nouvelles écritures n°4 dont le dispositif était identique à ses écritures signifiées le 18 mai 2017 et communiquaient cinq pièces nouvelles numérotées 92 à 96.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 septembre 2017.
Par des conclusions notifiées le 6 octobre 2017, la société Europacorp et messieurs [K] et [M] sollicitent de la cour :
A titre principal
- Déclarer les conclusions et pièces notifiées le 3 septembre 2017 par [O] et
Consorts irrecevables pour avoir été notifiées postérieurement aux dates fixées par le
conseiller de la mise en état ;
- Déclarer irrecevable la pièce adverse n° 63 ;
- Déclarer irrecevable les pièces adverses n°1 à 62.
En tout état de cause
- Débouter tout contestant.
Par des conclusions notifiées le 14 octobre 2017, les intimés sollicitent de :
- Déclarer recevables les conclusions de Messieurs [O], [U], [Y] et [T] du 3 septembre 2017 ;
- Déclarer recevables les pièces 1 à 63 versées aux débats par Messieurs [O], [U], [Y] et [T] ;
En conséquence,
- Débouter la société Europacorp de sa demande de rejet des conclusions et pièces susvisées ;
- Condamner la société Europacorp aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Me LOUAPRE conformément aux dispositions de l'article 699 de code de procédure civile.
L'audience des plaidoiries s'est tenue le 18 octobre 2017.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des conclusions et des pièces notifiées le 3 septembre 2017 par messieurs [O], [U], [Y] et [T]
La cour avait à l'audience du 8 mars 2017 fixé un calendrier précis qui imposait aux intimés d'avoir à procéder à la notification de leurs dernières conclusions le 18 mai 2017.
Les intimés ont néanmoins communiqué de nouvelles écritures et de nouvelles pièces le 3 septembre 2017 et la société Europacorp demande qu'elles soient écartées des débats.
Ces conclusions qui comportent un dispositif identique à celles signifiées le 18 mai ne semblent pas apporter de modifications aux thèses développées précédemment, étant précisé que la comparaison des deux jeux d'écritures est difficile car les ajouts ne sont pas comme cela est préconisé surlignés pour être rendus rapidement visibles.
Elles sont en revanche l'occasion de la communication de 5 pièces nouvelles numérotées 92 à 96 comportant notamment de nouvelles présentations qui seraient exploitées par Europacorp dont un cd de vidéos de références, un procès verbal de constat en date du 25 août 2017 établi sur les 3 DVD de la trilogie et une attestation.
La cour constate que ces pièces et conclusions signifiées 3 jours ouvrés seulement avant la clôture et en contrariété avec le calendrier impératif qui avait été fixé le 8 mars 2017 apparaissent dès lors manifestement tardives ; en conséquence, il y a lieu d'écarter ces dernières conclusions et les pièces communiquées numérotées 92 à 96.
Sur la recevabilité des pièces 1 à 62 et de la pièce 63 du bordereau de messieurs [O], [U], [Y] et [T]
La société Europacorp et messieurs [M] et [K] affirment que les pièces 1 à 62 mentionnées au bordereau de pièces communiquées par les intimés ne l'auraient été qu'en première instance et non en cause d'appel.
Cependant ces pièces mentionnées aux bordereaux annexés aux jeux d'écritures successifs pris devant la cour d'appel par les intimés doivent être considérées comme régulièrement signifiées en cause d'appel.
Il en est de même de la pièce 63 également mentionnée comme communiquée depuis le premier jeu d'écriture des intimés notifié le 1er juillet 2016.
La société Europacorp et messieurs [M] et [K] sont mal fondés à se prévaloir d'un tel défaut de communication de pièces pourtant régulièrement listées en annexe des conclusions signifiées la veille de la clôture.
Les pièces 1 à 63 seront dès lors retenues dans les débats.
Sur les prescriptions des actions en nullité des contrats conclus pour le premier volet de la trilogie
Ainsi que l'a justement analysé le tribunal le litige porte sur la cession des droits patrimoniaux correspondant à la contribution des intimés en leur qualité d'auteurs sur les trois films de la trilogie [D] et les Minimoys.
Les intimés contestent la validité des contrats conclus avec la société Europacorp pour méconnaissance des règles impératives du Code de la propriété intellectuelle, et notamment celles relatives à la rémunération proportionnelle prévue à l'article L. 131-4 de ce code.
C'est à juste titre et par des motifs que la cour fait siens, que les premiers juges ont dit que l'action en nullité ouverte au profit de l'auteur se prescrit par cinq ans conformément aux dispositions de l'article 1304 du code civil en sa version applicable à l'espèce.
Dès lors, l'action en nullité des contrats litigieux conclus pour la réalisation du 1er volet de la trilogie [D] et le Minimoys, par la société Europacorp le 1er février 2002 avec Monsieur [O], et le 1er décembre 2004 avec Messieurs [Y] et [U] était donc prescrite lorsque ces derniers ont engagé leur action devant le juge des référés, le 20 janvier 2012, et a fortiori lorsqu'ils ont agi au fond par assignation du 17 juin 2013.
Les intimés soutiennent que le second contrat daté du 1er février 2002 venant annuler le premier contrat conclu entre la société Europacorp et M. [O] aurait été antidaté et n'aurait en réalité été signé que dans le courant de l'année 2004 sans autre précision. Pour autant, et même s'il était démontré que le contrat avait été signé le 31 décembre 2004, la prescription resterait acquise au 31 décembre 2009.
S'agissant des contrats signés par messieurs [Y] et [U], le tribunal à retenu à juste titre qu'ils ont été signés au 1er décembre 2004, tels que datés et que la simple production aux débats d'une lettre émanant de la société Europacorp en date du 21 mai 2007 aux termes de laquelle celle-ci adresse à Monsieur [Y] l'exemplaire lui revenant du contrat pour les créations de personnages et décors du film « [D] et le minimoys » n'est pas de nature à modifier la date à prendre en compte pour la conclusion de son contrat, cette lettre ne faisant qu'attester tout au plus qu'un « exemplaire » de ce contrat, conclu en 2002, lui a été transmis en mai 2007.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit prescrites les actions en nullité des contrats d'auteur conclus par Messieurs [O], [Y] et [U] pour le premier volet de la trilogie et datés des 1er février 2002 et 1er décembre 2004.
Sur les actions en nullités des contrats conclus pour les second et troisième volets de la trilogie
Les contrats d'auteur pour les 2ème et 3ème volets de la trilogie, ont été conclus entre les parties les 15 et 20 novembre 2008. Le délai de prescription de cinq ans expirait en conséquence pour l'action en nullité intentée à l'encontre de ces contrats respectivement les 15 novembre et 20 novembre 2013.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit non prescrites les actions en nullité des contrats d'auteur conclus par Messieurs [O], [Y] et [U] pour les second et troisième volets de la trilogie et datés des 15 et 20 novembre 2008.
Messieurs [O], [Y] et [U] soutiennent que ces contrats conclus par chacun d'eux distinctement avec la société Europacorp seraient nuls car la rémunération des auteurs étaient fixée par une somme forfaitaire alors qu'elle ne pouvait déroger à la règle posée, à peine de nullité des cessions, par l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle d'une rémunération proportionnelle.
Le tribunal leur a donné satisfaction sur ce point ce que contestent les époux [I] et la société Europacorps rappelant notamment que les contrats de 2008 n'avaient pas pour objet la création de personnages principaux, au demeurant déjà créés et cédés dans le cadre du premier opus de la trilogie et que la référence explicite à l'exception prévue L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle permettant une rémunération proportionnelle était signée en toute connaissance de cause et en parfaite adéquation avec la réalité du travail de création de chacun.
L'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que la cession par l'auteur de ses droits sur son 'uvre peut être totale ou partielle et doit comporter à son profit la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation.
Il est toutefois précisé que la rémunération de l'auteur peut être évaluée forfaitairement dans 6 cas énumérés dont au 4° si :
«La nature ou les conditions de l'exploitation rendent impossible l'application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l''uvre, soit que l'utilisation de l''uvre ne présente qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité».
Les contrats litigieux conclus en 2008, selon des termes et conditions exactement identiques, se réfèrent expressément à cette exception pour justifier du choix d'une rémunération forfaitaire.
L'intitulé des contrats vise la «Conception graphique des personnages secondaires, accessoires et de décors dessinés».
Dans le préambule de ces contrats il est rappelé que :
« La société EUROPACORP a développé en 2001 un pilote de film d'animation intitulé « [D] » dont le créateur graphique des personnages était Monsieur [I].
Ensuite la société EUROPACORP a produit en 2006 un film principalement d'animation réalisé par [P] [K] intitulé « [D] et les Minimoys » dont le créateur graphique des personnages était Monsieur [I] »
L'objet des contrats prévu dans l'article 1 précise que l'auteur devra travailler «à partir des instructions et des éléments fournis par [P] [K] » et «en concertation permanente avec l'auteur réalisateur et le producteur». Il est également précisé que « l'auteur s'engage à accepter de procéder ou de voir procéder par les coauteurs aux modifications et remaniement de sa création... ».
Il ressort par ailleurs tant de la lettre des contrats que des éléments apportés aux débats qu'il n'est pas possible d'identifier la contribution de tel ou tel auteur et que les personnages ou décors crées sont le plus souvent la création combinée des intimés agissant ensemble, voir de M. [I].
Il convient par ailleurs de rappeler que les contrats de 2008 constituent bien les suites de ceux de 2002.
Or, il convient de rappeler que ces contrats de 2002 et les clauses qu'ils comportaient doivent être considérés comme valides et recevoir application.
Ces contrats de 2002 et 2004 comportaient notamment une clause de cession de droits (article 2) ainsi rédigée :
« Article 2 - CESSION DE DROITS
Sous réserve de l'exécution intégrale du présent contrat et du parfait paiement, par le PRODUCTEUR, des sommes énoncées ci-après, l'AUTEUR cède au PRODUCTEUR, pour l'univers entier, à titre exclusif et pour la durée précisée à l'Article 3 ci-dessous, les droits d'exploitations (droit de reproduction, droit de représentation, droit d'utilisation secondaire et dérivé) ci-après définis découlant de sa collaboration au Film faisant l'objet du présent contrat.
(')
C - Les droits d'utilisations secondaires et dérivés suivants:
(')
7- Le droit de réaliser des suites, des « prequels », (par droit de suite, « prequel », on entend le droit de réaliser et d'exploiter une ou plusieurs 'uvres audiovisuelles reprenant certains éléments du Film ( titre, thème, personnages, décors, etc'), éventuellement sous la forme d'une série destinée à une exploitation par télédiffusion) uniquement dans l'hypothèse où ceux-ci découlent expressément d'éléments originaux de l'Auteur.
8- Le droit de réaliser des « spin of », c'est à dire le droit de réaliser ou faire réaliser une ou plusieurs 'uvres audiovisuelles reprenant certains éléments du Film (titre, thèmes, personnages, décors, etc') et/ou tout autre élément du Film en vue de l'intégrer dans une nouvelle 'uvre audiovisuelle, éventuellement sous la forme d'une série destinée à une exploitation par télédiffusion uniquement dans l'hypothèse où ceux-ci découlent expressément des éléments originaux de l'auteur. »
(')
« Article 3 - DUREE
1. Les droits énumérés à l'article 2 ci dessus sont cédés à titre exclusif au PRODUCTEUR pour une durée de 30 années à dater de la première représentation commerciale du Film,
(') ».
Ainsi, les droits patrimoniaux et les droits d'utilisation et d'adaptation les plus larges portant sur l'ensemble des éléments créés par les auteurs lors du premier opus ont été régulièrement acquis par EuropaCorp aux termes des contrats du 1er février 2002 et du 1er décembre 2004 et la rémunération perçue à ce titre par les intimés ne peut être remise en question.
C'est à tort que le tribunal a pu se convaincre du caractère non accessoire de la création des intimés en utilisant la liste des designs en 2D jointe au courrier en date du 2 mars 2009, de Maître [V], conseil des intimés qui effectue une liste de 57 personnages (hors les personnages principaux) et 23 accessoires additifs aux personnages principaux .
Il n'est cependant pas justifié, s'agissant des seuls personnages et accessoires qui ne figuraient pas dans le premier opus de la trilogie, de l'apport de chacun des intimés et de leur caractère non accessoire.
En réalité, les intimés tous assistés par le même avocat, Maître [V], lors de la conclusion des contrats de 2008 étaient parfaitement informés des enjeux et du contenu du travail qu'ils auraient à fournir et des méthodes de travail qui avaient été celles du premier film.
Les contrats de 2008 ont en effet été conclus plus de deux ans après la sortie en salle du premier Opus '[D] et les minimoys' et il est incontestable que les auteurs connaissaient très précisément le rôle qui avait été le leur et celui respectivement de [E] [I] et de [P] [K].
Pour autant, ils n'ont pas la moindre prétention sur la paternité des personnages principaux, qui ont tous été créés sur l'opus 1, ni sur l'étendue et le rôle de leur contribution artistique en qualité de co-auteurs des personnages secondaires, accessoires et décors du film, ni de réclamation concernant la rémunération forfaitaire qu'ils ont perçue ou qu'ils entendent percevoir pour les opus 2 et 3 en contrepartie de leur travail créatif.
Pourtant les nouveaux contrats qu'ils concluent avec le producteur pour leur participation aux opus 2 et 3 sont négociés et rédigés en pleine connaissance de cause alors qu'ils sont assistés de leur conseil, Maître [V].
Maître [V] écrit à cette occasion à Europacorp le 20 février 2008 :
« J'ai pu apprécier la nature et l'étendue de leurs créations (...)[portant] sur l'adaptation des personnages principaux et la création des nombreux personnages secondaires, des décors et des accessoires de la trilogie »
Ces contrats portent exclusivement sur les recherches graphiques et les créations sur les personnages secondaires, les accessoires et les décors qu'ils sont chargés d'effectuer en collaboration avec [E] [I] et prévoient en contrepartie une rémunération forfaitaire en application de l'article L.131-4 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle.
Les circonstances et les conditions dans lesquelles les intimés se sont engagés à collaborer comme co-auteurs aux deux nouveaux Opus établissent de façon certaine que leur engagement a été libre et éclairé et correspond à la réalité des faits. Ils ont en connaissance de cause établi la nature et l'étendue de leurs droits d'auteur.
Ce n'est qu'en 2013 lors de la présente procédure au fond que les intimés, assistés du même conseil que celui qui a négocié les contrats incriminés, invoquent pour la première fois la nullité des dits contrats alors même qu'il avaient demandé dans le cadre de la procédure de référés l'application de ces contrats dont ils ne contestaient pas la validité.
La cour dès lors constate que les éléments de la procédure ne permettent pas de dire illicite la rémunération forfaitaire prévue aux contrats conclus en 2008 en vertu de l'article L.131-4 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle qui seront dès lors déclarés valides.
Sur la demande subsidiaire de rescision pour lésion
Les intimés sollicitent à titre subsidiaire que la cour constate la lésion de plus des 7/12 ème qu'ils ont subi sur l'ensemble des contrats de cessions d'auteurs qu'ils ont signés et qu'elle procède à la révision du forfait par application de l'article L.131-5 du Code de propriété intellectuelle qui dispose que :
« En cas de cession du droit d'exploitation, lorsque l'auteur aura subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l''uvre, il pourra provoquer la révision des conditions de prix du contrat.
Cette demande ne pourra être formée que dans le cas où l''uvre aura été cédée moyennant une rémunération forfaitaire.
La lésion sera appréciée en considération de l'ensemble de l'exploitation par le cessionnaire des 'uvres de l'auteur qui se prétend lésé. (') »
La lésion, seule invoquée par les intimés, se distingue de l'insuffisance de prévision des produits de l''uvre et doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat.
L'action en rescision pour lésion ne peut plus être invoquée s'agissant des contrats conclus en 2002 et 2004 comme étant prescrite.
Le demande des intimés ne peut dès lors que porter sur les contrats conclus en 2008.
De plus l'appréciation ne peut se faire globalement mais contrat par contrat.
La charge de la preuve des lésions, ainsi définies, incombe aux intimés qui n'effectuent pas cette démonstration.
Leurs demandes de ce chef seront donc rejetées.
Sur la demande encore plus subsidiaire de non respect par la société Europacorp de ses obligations contractuelles
Les intimés demandent à la cour de constater l'absence de remise d'exemplaire de produits de marchandisage, l'absence de reddition de comptes sincères et fidèles, la mauvaise foi dans l'exécution de la clause léonine de rémunération au titre du marchandisage et de condamner en conséquence la société Europacorp à leur payer à chacun la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Pour autant,même si la société Europacorp ne conclue pas sur ce point, les éléments produits aux débats ne permettent de retenir ni l'existence des manquements contractuels allégués, ni l'existence d'un préjudice qui serait causé par chacun des manquements allégués.
Les intimés seront déboutés de leur demande de ce chef.
Sur les demandes relatives à des actes de contrefaçon formées à l'encontre de la société Europacorp
Les intimés reprennent leur argumentation de première instance en demandant à la cour de tirer les conséquences de la nullité des contrats de cessions qu'ils souhaitent voir prononcer en constatant qu'en l'absence de cessions régulières l'utilisation par la société Europacorp des créations des intimés constituent des actes de contrefaçon.
Le cour ayant reconnu la validité de la totalité des contrats en cause, les intimés seront nécessairement déboutés de leurs demandes fondées sur la contrefaçon des 'uvres cédées.
En cause d'appel, les intimés constatant que le jugement avait retenu qu'ils n'avaient pas cédé leur droits sur les personnages principaux de la trilogie que la société EUROPACORP a exploitée et continue d'exploiter, ils forment une demande de condamnation pour contrefaçon des personnages principaux indépendamment de la nullité des contrats.
Les appelants soulèvent l'irrecevabilité de cette demande au regard de l'article 564 du Code de procédure civile qui dispose :
«Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Les intimés qui ne contestent pas qu'une telle demande n'avait pas été formulée en première instance ne donne aucune justification à ces prétentions nouvelles.
Par conséquent, elle sera déclarée irrecevable.
Sur l'atteinte au droit moral des auteurs alléguée
Les intimés reprochent à la société Europacorp de porter atteinte à l'intégrité des 'uvres des dessinateurs en indiquant que les images des dessinateurs sont très souvent déformées, de mauvaise qualité et les personnages n'ont parfois plus rien de commun avec les traits que leur ont imaginés les auteurs.
Ils lui reprochent également de violer le droit de paternité en ne mentionnant pas leur nom sur les produits de marchandisage.
Pour autant les intimés en se contentant d'affirmer ces points sans détailler ni les 'uvres concernées, ni l'auteur précis de celles ci, ni encore les manquements reprochés ne mettent pas la cour en mesure de faire droit à leurs demandes.
Ils seront dès lors déboutés de leurs demandes relatives à des atteintes au droit moral.
Sur les demandes fondées sur l'abus de procédure présentées par les appelants
L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
La société Europacorp et les époux [I] seront déboutés de leurs demandes à ce titre faute de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part des intimés qui ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour leur défense.
Sur les autres demandes
Les intimés qui succombent seront condamnés aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
La société Europacorp et les époux [I] ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré prescrite l'action en nullité des contrats d'auteur conclus le 1er février 2002 entre M. [R] [O] et la société Europacorp et des contrats d'auteur conclus le 1er décembre 2004 entre messieurs [Y] et [U] et la société Europacorp,
- débouté en conséquence de leurs demandes messieurs [O], [Y], [U], tendant à voir fixer une rémunération proportionnelle au titre de ces contrats,
- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats conclus les 15 et 20 novembre 2008 entre messieurs [O], [Y], [U], [T] et la société Europacorp,
L'infirme en ce qu'il a :
- prononcé la nullité des contrats conclus les 15 et 20 novembre 2008 entre messieurs [O], [Y], [U], [T] et la société Europacorp,
- dit qu'en représentant ou en reproduisant sans le consentement de messieurs [O], [Y], [U], [T] leurs créations portant sur les personnages, tant principaux que secondaires, les accessoires et les décors des films « [D] et la vengeance de Malthazard» et «[D] et la guerre des deux mondes», la société Europacorp a commis des actes de contrefaçon ;
- avant dire droit sur la réparation des préjudices, ordonné une mesure d'expertise,
- condamné la société Europacorp à verser des dommages et intérêts provisionnels et des sommes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Y substituant et y ajoutant :
- Déclare irrecevables les conclusions et les pièces notifiées le 3 septembre 2017 par messieurs [O], [U], [Y] et [T],
- Déclare recevables les pièces numérotées 1 à 63 communiquées par messieurs [O], [U], [Y] et [T],
- Déclare irrecevables comme nouvelles les demandes de messieurs [O], [U], [Y] et [T] tendant à voir retenues des contrefaçons à l'encontre de la société Europacorp pour des personnages principaux qui n'étaient pas visés par les contrats de cession,
- déboute messieurs [O], [Y], [U] et [T] de leurs demandes tendant à voir fixer une rémunération proportionnelle au titre des contrats conclus les 15 et 20 novembre 2008,
- déboute messieurs [O], [Y], [U] et [T] de leurs demandes de rescision pour lésion,
- déboute messieurs [O], [Y], [U] et [T] de leurs demandes formées à l'encontre de la société Europacorp pour contrefaçon, non respect de leur droit moral et non respect de ses obligations contractuelles,
- déboute la société Europacorp et les époux [I] de leurs demandes fondées sur l'abus de procédure,
- déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- condamne in solidum messieurs [O], [Y], [U] et [T] à payer d'une part à la société Europacorp et d'autre part aux époux [I] la somme de 6 000 euros soit 12 000 euros au total sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamne aux dépens de la première instance et de l'appel avec distraction au profit de la SCP AFG dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente