La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2018 | FRANCE | N°16/082557

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 12 janvier 2018, 16/082557


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 12 JANVIER 2018

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08255

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG no 14/04945

APPELANTS

Monsieur Cyrille X...
né le [...]            à BAGNEUX (36210)

demeurant [...]                                        

Représenté

et assisté sur l'audience par Me Stéphanie Y... de la SELARL EGIDE AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

Madame Catherine Z...
née le [...] à BLOIS (41000)

demeurant [...] ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 12 JANVIER 2018

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08255

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG no 14/04945

APPELANTS

Monsieur Cyrille X...
né le [...]            à BAGNEUX (36210)

demeurant [...]                                        

Représenté et assisté sur l'audience par Me Stéphanie Y... de la SELARL EGIDE AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

Madame Catherine Z...
née le [...] à BLOIS (41000)

demeurant [...]                                       

Représentée et assistée sur l'audience par Me Stéphanie Y... de la SELARL EGIDE AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉS

Madame A... B...
née le [...]        à C... M... (Algérie)

demeurant [...]                                                 

Représentée par Me Rémy D... de la SELARL BREMARD/D... etamp; ASSOCIES, avocat au barreau d'ESSONNE
Assistée sur l'audience par Me Frédéric E..., avocat au barreau de CHARTRES

Monsieur Khalid F...
né le [...]           à CASABLANCA (Maroc)

demeurant [...]                                                 

Représenté par Me Rémy D... de la SELARL BREMARD/D... etamp; ASSOCIES, avocat au barreau d'ESSONNE
Assistée sur l'audience par Me Frédéric E..., avocat au barreau de CHARTRES

SA CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilie en cette qualité audit siège
No SIRET : (...)

ayant son siège au [...]                            

Représentée par Me Béatrice H... G... de la SELARL PUGET H... - G..., avocat au barreau de PARIS, toque : R029
Assistée sur l'audience par Me Patrice H... de la SELARL PUGET H... - G..., avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 30

SARL IMMO 91 prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège au [...]                                     

Représentée par Me Karine I..., avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
M. Dominique GILLES, Conseiller
Mme Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

M. Dominique GILLES a été entendu en son rapport

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier présent lors du prononcé.

*

* *

Par acte authentique des 23 et 24 décembre 2013, M. Cyrille X... et Mme Catherine Z... son épouse ont vendu à M. Khalid F... et Mme A... B... , un terrain à bâtir sis [...]                                          , cadastré section [...] , moyennant le prix de 185 000 €, outre la commission de 5 000 € de la SARL Immo 91 qui leur avait présenté le bien en vertu d'un mandat donné par les vendeurs et avait établi l'avant-contrat sous seing privé. Cette acquisition a été partiellement financée par un prêt consenti par le Crédit Foncier de France (CFF) à hauteur globale de 205 753 € stipulé remboursable en 30 ans au taux d'intérêt nominal annuel de 3,40%, suivant offre préalable du 03 mai 2013 acceptée le 16 mai 2013 et prolongée jusqu'au jour de la vente. Cette offre de prêt était destinée à l'achat du terrain à hauteur de la somme de 35 651,00 €, le surplus devant financer la construction ; l'offre de prêt comportait en outre un prêt relais de 112 000 €, ces deux dernières sommes ayant été versées dans la comptabilité du notaire en prévision de la vente.

La demande de permis de construire déposée par M. F... et Mme B... le 04 juillet 2013 avait été accordée par le maire aux termes d'un arrêté du 28 novembre 2013, reproduit dans l'acte authentique. Toutefois, cet arrêté a été déféré par le préfet au tribunal administratif de Versailles, par requête du 31 janvier 2014, pour qu'il soit annulé au titre de la violation de la réglementation d'urbanisme applicable aux zones inondables.

M. F... et Mme B... soutiennent avoir appris à l'occasion de ce recours préfectoral que les vendeurs avaient déjà tenté de vendre ce terrain, par l'entremise du même agent immobilier, lequel avait également rédigé un avant-contrat signé le 19 novembre 2011 par les acquéreurs, M. J... et Mme K... qui, après avoir obtenu, le 10 avril 2012, un arrêté de permis de construire la parcelle, ont également vu celui-ci déféré par le préfet au juge administratif, ce qui a entraîné l'échec de la vente.

M. F... et Mme B..., estimant que les vendeurs leur ont intentionnellement dissimulé que le terrain était inconstructible et les ont ainsi trompés sur une qualité substantielle de la chose vendue ont, par acte extrajudiciaire du 4 juin 2014, assigné, d'une part, leur vendeur et l'agent immobilier pour voir annuler la vente et se faire indemniser de leur préjudice et, d'autre part, leur prêteur de deniers, pour voir annuler les prêts affectés au financement du prix.

C'est dans ces conditions que par jugement du 21 mars 2016, le tribunal de grande instance d'Evry a :

- annulé la vente pour dol,
- constaté l'annulation de plein droit des deux contrats de prêts consentis par CFF aux consorts F... B...,
- ordonné la restitution du terrain aux époux X...,
- condamné solidairement les époux X... à restituer à Mme B... et M. F... la somme de 185 000 €,
- condamné Mme B... et M. F... à restituer à CFF la somme de 147 651,00 €,
- condamné CFF à restituer à Mme B... et M. F... la somme de 6 759,07 €,
- ordonné la compensation de ces deux créances réciproques,
- condamné solidairement les époux X... à payer à Mme B... et M. F... une somme de 3 000 € en réparation de leur préjudice moral,
- condamné la SARL Immo 91 à verser à Mme B... et M. F... une somme de 10 000 €,
- condamné in solidum la SARL Immo 91 et les époux X... à verser à CFF une somme de 5 000 €,
- dit que la SARL Immo 91 devait garantir les époux X... à hauteur de 50%, sauf pour ce qui concerne la restitution du prix de vente,
- condamné in solidum les époux X... et la SARL Immo 91 à verser à Mme B... et M. F... une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les époux X... de leur demande sur le même fondement,
- ordonné la publication du jugement à la charge de la partie la plus diligente,
- condamné in solidum les époux X... et la SARL Immo 91 aux dépens, pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions du 26 octobre 2017, les époux X..., appelants demandent à la Cour de :

- vu les articles 1134, 1110 et 1116 anciens du code civil ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- statuant de nouveau :
- dire qu'ils n'ont commis aucun dol de nature à entraîner la nullité de la vente ;
- dire que le consentement des acquéreurs n'a pas été vicié par erreur et que l'inconstructibilité survenue n'est pas un vice caché de la chose vendue ;
- dire qu'ils n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité contractuelle à l'égard des acquéreurs ;
- vu l'article 1382 ancien du code civil ;
- dire qu'ils n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité à l'égard de CFF ;
- à titre subsidiaire, si la vente devait être annulée et s'ils devaient indemniser les acquéreurs et l'établissement de crédit :
- infirmer le jugement en ce qu'il a limité la garantie de la société Immo 91 à la moitié des condamnations prononcées ;
- condamner la SARL Immo 91 à les garantir en totalité des condamnations prononcées, hors restitution du prix de vente ;
- condamner solidairement Mme B..., M. F... et CFF à leur payer une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de supporter la charge des dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 13 novembre 2017, Mme B... et M. F... prient la Cour de :

- vu les articles 1110, 1116, 1147, 1382 et 1641 du code civil,
- confirmer le jugement entrepris "sauf en ce qu'il n'a pas complètement fait droit [à leurs demandes] ci-dessous";
- ordonner la publication du jugement et de l'arrêt qui sera effectuée aux seuls frais des époux X..., à peine d'astreinte ;
- dire qu'à l'égard de CFF, ils ne seront tenus que du remboursement du capital emprunté ;
- condamner les époux X... à leur rembourser le prix de vente et les frais pour un montant global de 206 274,31 € ;
- condamner les époux X... à leur payer une somme de 1 651 € au titre des frais de dossier et garantie afférents aux prêts ;
- condamner les époux X... à leur payer 10% du prix de vente, soit 19 000 € au titre de leur préjudice moral ;
- condamner la SARL Immo 91 à leur rembourser une somme de 10 000 € au titre de la commission d'agence et à leur payer une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de son devoir de conseil ;
- dire que toutes les sommes allouées doivent porter intérêt depuis la date de l'assignation en vertu de l'article 1153 du code civil ;
- condamner solidairement les époux X... aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamner les mêmes sous la même solidarité à leur payer une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 07 novembre 2017, la SARL Immo 91 demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- condamner Mme B... et M. F... à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens ;
- subsidiairement :
- confirmer le jugement et le partage de responsabilité entre les époux X... et la société Immo 91 ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par dernières conclusions du 16 août 2016, la société CFF prie la Cour de :

- "Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Evry en date du 21 mars 2016 en toutes ses dispositions,
- et statuant à nouveau" ;
- débouter l'ensemble des parties de leurs demandes en tant que dirigées contre elle ;
- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur le litige opposant les acquéreurs et les vendeurs ;
- pour le cas où la vente serait annulée, entraînant ipso facto l'annulation des contrats de prêt la concluante, tout en demandant confirmation du jugement entrepris, reprend les mêmes demandes déjà jugées en première instance pour les restitutions et les dommages et intérêts ;
- dire que l'inscription de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle subsistera jusqu'à complet remboursement par Mme B... et M. F... du montant des restitutions leur incombant ;
- condamner les époux X... à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, ainsi que de toutes les conséquences que pourrait avoir une résolution de son contrat ;
- condamner solidairement les parties succombantes à lui verser une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE
LA COUR

Sur le dol et le comportement des vendeurs et de l'agent immobilier

Alors que l'acte authentique reproduit le permis de construire du 28 novembre 2013 obtenu par M. F... et Mme B... et porte mention des avis donnés par le notaire sur les conditions dans lesquelles un permis de construire n'est plus susceptible de recours des tiers, il n'est pas établi, contrairement à ce qu'ils soutiennent, qu'à la date de la vente, les 23 et 24 décembre 2013, les époux X... savaient que le terrain n'était pas constructible.

En effet, à la date de cette vente, la cour administrative d'appel de Versailles, à la demande de la commune de Viry-Chatillon et par une ordonnance de référé du 17 mai 2013, avait annulé l'ordonnance du 19 octobre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles avait suspendu l'exécution du permis de construire accordé à M. J... le 10 avril 2012. La juridiction administrative des référés du second degré a ainsi retenu, alors que l'article B-A 9 du règlement de la zone bleue du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la Seine dont dépend la parcelle litigieuse permettait de construire, sous certaines conditions limitativement énumérées, dans les "dents creuses" de l'urbanisation actuelle, définies comme des unités foncières non bâties d'une superficie maximale de 1 000 m², que rien n'avait pu autoriser le juge du premier degré, pour refuser l'autorisation de construire, à se fonder sur la superficie de la parcelle d'origine, avant sa division régulière, qui était supérieure à 1 000 m², pour exclure la parcelle issue de la division du bénéfice des règles permettant de construire les "dents creuses".

Le préfet de l'Essonne, dans sa requête en suspension de l'arrêté de permis de construire accordé à M. F... et Mme B..., selon les termes de l'ordonnance du 21 février 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles qui y a fait droit, a fait valoir ce même moyen qui avait rejeté par la cour administrative d'appel dans l'instance intéressant les époux J... et l'a fait parmi deux autres moyens opposés à M. F... et Mme B..., incriminant, d'une part, l'incohérence interne des pièces justificatives de la surface de la maison existante et, d'autre part, le non respect du style pavillonnaire de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle. Or, ces deux moyens étaient fondés sur des faits seulement imputables à l'auteur de la demande d'autorisation de construire et se distinguent du caractère inconstructible de la parcelle.

Ce n'est que par jugement du 13 avril 2015 que le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de permis de construire du 28 novembre 2013 au bénéfice de M. F... et Mme B..., considérant que si les "données de l'urbanisation actuelle" à prendre en compte pour l'application de l'article B-A 9 sont les données de fait à la date de la décision statuant sur l'autorisation de construire, le préfet, néanmoins, visait à titre principal l'irrespect du plan de prévision des risques naturels d'inondation de la vallée de la Seine. Et ce n'est qu'après avoir considéré ce moyen que le juge administratif a affirmé que la hauteur altimétrique du terrain d'assiette de la construction envisagée constituait "un danger entachant d'erreur manifeste d'appréciation l'autorisation" de construire délivrée par le maire.

Certes, auparavant, le tribunal administratif de Versailles, par jugement du 30 janvier 2014, avait annulé le permis de construire accordé à M. J..., mais il l'avait fait au motif que le projet de construction était en coeur d'ilôt, alors que les constructions de l'environnement urbain étaient implantées dans la moitié des terrains proches des voies, de sorte que le projet des époux J... ne pouvait bénéficier des dispositions permettant de construire les "dents creuses" ; il doit être relevé qu'un tel motif est pris de la nature particulière du projet constructif objet de l'autorisation et non du caractère radicalement inconstructible de la parcelle, qui est celui qui a été finalement opposé aux intimés.

Ainsi, à supposer que les époux X... aient été tenus au courant des développements de la procédure administrative intéressant M. J... et Mme K..., il n'est pas prouvé que ces vendeurs connaissaient le caractère inconstructible du terrain faisant obstacle au projet constructif des acquéreurs lorsqu'ils ont vendu le bien à M. F... et Mme B....

La lecture du jugement du 31 août 2015 ayant débouté les époux X... de leur action au titre de la clause pénale figurant dans l'avant-contrat signé par M. J... et Mme K..., intentée le 19 juin 2013, ne prouve pas le contraire, le débat ayant essentiellement porté sur la question de savoir si la condition suspensive d'obtention du permis de construire était ou non réputée réalisée par la faute des époux J... qui, précisément, n'ont été déclarés coupables d'aucune faute.

Le tribunal ne peut donc être approuvé d'avoir prononcé la nullité de la vente pour dol.

Le jugement doit être infirmé, en ce que le dol du vendeur n'est pas cas caractérisé et en ce que les époux X..., contre lesquels aucune faute n'est démontrée à l'occasion de la conclusion du contrat, ont été condamnés à des dommages et intérêts à l'égard des acquéreurs et de la société CFF.

En présence d'un acte authentique, M. F... et Mme B... ne peuvent se prévaloir des vices ayant affecté l'avant-contrat établi par la société Immo 91. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'agent immobilier, la société Immo 91, aurait commis quelque faute que ce soit de nature à dissimuler le caractère inconstructible du terrain à l'occasion de la signature de l'avant-contrat du 13 février 2013, ni, à la suite, jusqu'à la signature de l'acte authentique. Ni le jugement du 31 août 2015 rendu entre les époux X..., les époux J... et la société Immo 91, celle-ci n'étant intervenu volontairement que le 25 septembre 2013 à la procédure introduite le 19 juin 2013 par les époux X..., ni aucun autre élément de preuve ne le démontre. Il n'est en outre pas valablement reproché à l'agent immobilier d'avoir manqué à son devoir de conseil lors de la rédaction de l'avant-contrat. Le jugement doit donc également être infirmé d'une part en ce qu'il a condamné l'agent immobilier à payer des dommages et intérêts à M. F... et Mme B... ainsi qu'à la société CFF et, d'autre part, en ce qu'il a retenu que la société Immo 91 devait garantir les époux X..., lesquels ne rapportent pas davantage la preuve de manquements contractuels commis à leur égard par l'agent immobilier.

Sur la nullité pour erreur

Il est cependant établi, au vu de ce qui précède, d'une part que M. F... et Mme B..., se sont de bonne foi et en tant que profanes portés acquéreurs du terrain litigieux, en considération du fait qu'ils pourraient le faire bâtir, sans même qu'il puisse leur être reproché d'avoir en connaissance de cause pris le risque de conclure la vente avant que le permis de construire ne soit devenu définitif et alors que le terrain a été à la suite déclaré radicalement inconstructible ; d'autre part, il est établi que si M. F... et Mme B... avaient connu ce motif d'inconstructibilité, ils n'auraient pas conclu la vente. Une telle erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue entraîne, par conséquent, la nullité de la vente qui sera prononcée.

Sur les restitutions et les conséquences de l'annulation

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution du terrain aux époux X... et la restitution du prix de 185 000 € à M. F... et à Mme B....

Si M. F... et Mme B... forment une demande plus ample de 206 274,31 € et si leurs écritures renvoient, non comme ils l'indiquent, à un décompte notarié mais au compte de la vente établi par le notaire dans ces propres livres et incluant un ensemble des frais afférents à celle-ci, les restitutions consécutives à l'annulation de la vente et à charge des vendeurs ne peuvent porter que sur le remboursement du prix. M. F... et Mme B... qui en ont la charge ne justifient pas en quoi les autres frais de la vente perçus par des tiers devraient leur être remboursés par les vendeurs. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a limité au prix de vente la somme due par les vendeurs à la suite de la seule annulation de la vente.

Alors que le jugement a refusé de faire droit à la demande de 1651 € formée par M. F... et Mme B... contre la société CFF au titre des frais de dossier et de garantie au motif qu'elle n'était pas justifiée au-delà du remboursement d'une somme de 500 € de frais de dossier allouée par ailleurs, ces intimés n'apportent, en cause d'appel, pas davantage de justificatif probant qu'en première instance, alors qu'ils se bornent à viser à leurs écritures la seule offre de prêt qui ne mentionne qu'une évaluation des frais de garantie de 1 151 € ; la preuve d'une dépense actuelle à ce titre n'est pas rapportée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Ainsi que le demande en particulier la société CFF, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné Mme B... et M. F... à restituer à CFF la somme de 147 651,00 €, correspondant au capital débloqué et versé des prêts litigieux et en ce qu'il a condamné la société CFF à restituer à Mme B... et M. F... la somme de 6 759,07 € correspondant au montant en capital et intérêts des échéances versées sur ces prêts.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la compensation des créances réciproques entre vendeurs et acquéreurs d'une part et entre acquéreurs et établissement de crédit d'autre part.

Le jugement doit encore être confirmé d'avoir ordonné le remboursement par la société Immo 91 de la commission de 5 000 € qu'elle a perçue de Mme B... et M. F..., la présente annulation de la vente s'analysant comme si cette opération n'avait pas été effectivement conclue, ce qui entraîne la perte du droit à rémunération de l'agent immobilier.

Si la publication du jugement entrepris et de l'arrêt doit être ordonnée et incombe à la partie la plus diligente, celle-ci faisant l'avance des frais, la charge définitive de ces frais suivront le sort des dépens tel que prévu par le présent arrêt. Cette précision étant apportée, le jugement sera confirmé sur ce point et il n'y a pas lieu de mettre les frais de la publication à la charge exclusive des époux X... ni, a fortiori, d'ordonner une d'astreinte pour les contraindre à s'exécuter.

La demande de la société CFF visant le maintien des sûretés prises de l'inscription du privilège de prêteur de deniers et de l'hypothèque conventionnelle, qui est l'accessoire des demandes de restitution, n'est pas contestée et apparaît bien fondée ; en effet, l'obligation de restituer les sommes prêtées inhérentes au contrat de prêt demeure valable en dépit de la nullité de celui-ci tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la convention annulée. Il sera donc fait droit à cette demande.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les premiers juges ayant exactement statué sur les dépens de première instance et l'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement doit être confirmé sur ces points.

Si la solution donnée au litige conduit à condamner in solidum Mme B... et M. F... aux dépens d'appel, puisque ces intimés succombent partiellement, il convient toutefois, en équité, d'écarter le prononcé de toute indemnité supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel pourront, comme ceux de première instance, être recouvrés comme prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le dol, condamné les époux X... et la société Immo 91 à payer des dommages et intérêts à M. F... et Mme B... et à la société CFF, et en ce qu'il a condamné la société Immo 91 à garantir les époux X...,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déboute M. F... et Mme B... de l'action en annulation pour dol,

Déboute M. F... et Mme B... de leurs demandes en dommages et intérêts contre les époux X... et la société Immo 91,

Déboute la société CFF de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute les époux X... de leur demande de garantie contre la société Immo 91,

Annule pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue la vente consentie par acte authentique des 23 et 24 décembre 2013 par M. Cyrille X... et Mme Catherine Z... son épouse à M. Khalid F... et Mme A... B... , relativement à un terrain à bâtir sis [...]                                          , cadastré section [...] , ladite vente ayant été conclue par acte dressé par M. Pascal L... notaire associé à Viry–Chatillon, publié et enregistré le 23 janvier 2014 au SPF de Corbeil 2 (volume 2014 P No 597),

Confirme pour le surplus le jugement entrepris,

Dit que si la publication du jugement et du présent arrêt est aux frais avancés par la partie la plus diligente qui procède à la formalité, la charge définitive de ces frais suit le sort des dépens tel que réglé par le présent arrêt,

Dit que l'inscription de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle subsistera jusqu'à complet remboursement par M. F... et Mme B... à la société CFF des sommes mises à leur charge au titre des restitutions, à la suite de l'annulation des contrats de prêt annulés,

Condamne in solidum M. F... et Mme B... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

En équité, dit n'y avoir lieu à nouvelle indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/082557
Date de la décision : 12/01/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-01-12;16.082557 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award