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11/01/2018 | FRANCE | N°15/03266

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 11 janvier 2018, 15/03266


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 11 Janvier 2018

(n° 24 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03266



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/17078



APPELANTE

Madame [B] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

co

mparante en personne, assistée de Me Françoise DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525 substitué par Me Charles ROUSSELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 11 Janvier 2018

(n° 24 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03266

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/17078

APPELANTE

Madame [B] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Françoise DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525 substitué par Me Charles ROUSSELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525

INTIMEE

INSTITUT NATIONAL DE LA TRANSFUSION SANGINE (INTS)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 180 036 139 00012

représentée par Me Alexandra VOIRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E2042, M. [P] [W] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, Conseiller

Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière, à laquelle la minute a été remise.

Faits et procédure :

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er octobre 1985, le Centre National de Transfusion Sanguine , devenu le GIP Institut National de Transfusion Sanguine, ci-après GIP INTS, a embauché Madame [B] [F] pour exercer les fonctions d'assistante au service d'enseignement à temps partiel, puis de chef d'unité à temps complet, pour une rémunération brute moyenne de 7.890,20 € au moment de la rupture de la relation de travail .

A la suite de la réorganisation de l'unité d'enseignement, effective à compter du 1er janvier 1992, l'activité de Madame [F] a été partagée entre l'enseignement pour 75% et la recherche pour 25%.

Le 16 décembre 1994, Madame [F] a accepté le transfert de son contrat de travail au profit du groupement d'intérêt public 'Institut National de la Transfusion Sanguine ', ci-parès GIP INTS.

Conformément aux dispositions de la convention collective du GIP INTS, applicable, Madame [F] a été reclassée dans le groupe 8 en qualité de chef d'unité.

A compter du 1er octobre 2013, elle a été en arrêt de travail pour maladie.

Le 27 novembre 2013, elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 15 septembre 2014, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive de Madame [F] et après lui avoir adressé quatre propositions de reclassement qui sont restées sans réponse, l' INTS l'a licenciée pour inaptitude définitive d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 28 novembre 2014.

A l'audience du 20 février 2015, Madame [F] a maintenu sa demande initiale au titre du harcèlement moral et, y ajoutant, a demandé au conseil de prud'hommes de juger que son licenciement était nul et de condamner l'employeur au paiement des indemnités afférents au licenciement illégal, de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et pour manquement à l'obligation de sécurité, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par décision en date du 20 février 2015, le conseil de prud'hommes a débouté Madame [F] de l'ensemble de ses demandes et l'INTS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 24 mars 2015, Madame [F] a fait appel de la décision.

A l'issue de l'audience devant la cour d'appel et au cours du délibéré, par courrier en date du 9 mai 2016, Madame [F] a informé la cour de la décision de la CPAM ayant considéré que son inaptitude avait pour origine professionnelle et a sollicité la réouverture des débats.

Par décision en date du 26 mai 2016, la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 28 septembre 2017.

Madame [F] demande à la cour de :

- fixer la moyenne de ses salaires des douze derniers mois à la somme de 7.890,20 €,

-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

A titre principal,

- dire et juger que son licenciement est nul,

- condamner l'INTS à lui payer la somme de 189.364,80 € à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l' INTS à lui payer la somme de 189.64,80 € à titre de dommages et intérêts,

Avant dire droit,

- condamner l' INTS à produire, pour les années 2012, 2013 et 2014 et sous astreinte de 500 € par jour de retard, les contrats de travail et avenants contractuels, les bulletins de paye et les tableaux d'avancement et de promotion de Madame [D] et de Monsieur [C] ainsi que les critères retenus pour décider des augmentations individuelles de salaire,

En tout état de cause,

- condamner l' INTS à lui verser les sommes suivantes:

** 47.341,20 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par la violation de son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral,

** 47.341,20 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par les agissements de harcèlement moral,

** 23.670,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

** 2.367,06 € au titre des congés payés afférents,

** 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et 2.000 € au titre de l'appel,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer leur capitalisation en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.

L' INTS demande à la Cour de dire que le licenciement de Madame [F] est valable et de la débouter de ses demandes, à titre subsidiaire, de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande avant dire droit et à titre reconventionnel, de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 28 septembre 2017, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION :

Sur la demande, avant dire droit, de communication de pièces et la discrimination salariale :

Madame [F] qui dit avoir été victime de discrimination salariale, demande à la cour, avant dire droit, d'ordonner sous astreinte à l' INTS de produire pour les années 2012 à 2014, les contrats de travail, avenants, bulletins de salaire, tableaux d'avancement et de promotion de Madame [D] et de Monsieur [C] ainsi que les critères retenus pour décider des augmentations individuelles de salaire.

Il apparaît toutefois, au vu des pièces produites par l'INTS, qu'ainsi que l'a exposé le conseil de prud'hommes, si Madame [D] et Monsieur [C] étaient comme elle chefs d'unité, la preuve est rapportée que Madame [D] avait non seulement une ancienneté supérieure à la sienne puisqu'elle était entrée dans l'organisme le 1er février 1979 alors que Madame [F] l'avait intégré le 1er octobre 2005, mais aussi une responsabilité supérieure puisqu'elle encadrait 15 personnes alors que l'appelante n'en encadrait que 5.

S'agissant de Monsieur [C], il s'avère qu'il n'était pas seulement chef d'unité d'un laboratoire de biologie spécialisée, comme Madame [F], mais que son laboratoire constituait aussi un Centre National de Référence, en l'espèce, le Centre National de Référence des Groupes Sanguins (CNRGS), qui se consacre à l'étude des problèmes complexes d'immuno- hématologie, seul organisme français assurant la conservation et la distribution des réactifs de référence et d'échantillon érythrocytaires rares. Il s'avère aussi CNRGS fonctionne avec des contraintes et procédures particulières auxquelles Madame [F] n'est pas soumise qui exigeait du chef d'unité une compétence spécialisée « très pointue. »

Il résulte de ces éléments que Madame [D] et Monsieur [C] ne sont donc pas dans des situations identiques à celle de Madame [F].

Au surplus, l' INTS produit des décisions qui établissent que Madame [F] a vu sa rémunération régulièrement augmenter et qu'elle a entrepris des démarches aux fins d'égalité de rémunération entre les salariés se trouvant dans des situations identiques, ce qui, ainsi qu'il est dit ci-dessus n'était pas le cas de l'appelante, comparée à Madame [D] et Monsieur [C].

Dès lors, il apparaît qu'aucun élément ne permet de présumer que Madame [F] a été victime d'une discrimination salariale par rapport à ses deux collègues.

En conséquence, Madame [F] est déboutée de sa demande de communication sous astreinte de documents concernant la rémunération de Madame [D] et de Monsieur [C]. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.

Sur le harcèlement moral :

En application des articles L.1152-1 et suivants du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En cas de litige, en application de l'article L.1154-1 du Code du travail, dès lors que le salarié concerné établi des faits qui, globalement, permettent de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.

En l'espèce, Madame [F] déclare avoir subi des faits de harcèlement moral qui se sont manifestés par :

** le comportement de son supérieur hiérarchique, le Professeur [V], à son égard,

** l'absence de contrepartie financière lors du changement de la procédure de facturation des expertises,

** la non-assistance de l'INTS lors de son redressement fiscal,

** sa rétrogradation,

** le silence de l'INTS au sujet de la sous-traitance intégrale par le laboratoire des expertises confiées au Professeur [V],

Sur le comportement de son supérieur hiérarchique, le Professeur [V], à son égard :

Madame [F] expose que depuis 1985 son activité au sein de l'INTS se déroulait sous les meilleurs auspices lorsque vers la fin de l'année 2005, elle a rencontré des difficultés avec le Professeur [V], directeur général et expert judiciaire, et a découvert -elle-même étant agréée en qualité de deuxième expert judiciaire de l'établissement- que depuis plusieurs années, le Professeur [V] se faisait payer directement par la régie du tribunal sur présentation de mémoires la totalité des honoraires d'expertises, puis en reversait 76% à l'INTS pour l'utilisation de ses moyens techniques et de ses ressources de l'établissement public.

Elle précise que cette modalité de facturation heurtant son sens de l'éthique, elle avait demandé au Professeur [V], qui était aussi son supérieur hiérarchique, de faire établir les facturations la concernant au profit de l'INTS et que, parallèlement, son salaire soit augmenté compte-tenu de ses nouvelles responsabilités, mais qu'elle s'était heurtée à un refus formel et n'avait pas vu d'autres solution que de s'adresser par courrier à l'Avocat Général près la cour d'appel de Paris chargé des experts qui, toutefois, n'y avait pas donné suite à sa démarche.

Madame [F] ajoute que, malgré son refus, le Professeur [V] lui avait donné pour instructions de percevoir elle-même les honoraires des expertises qu'elle pratiquait, procédé qu'elle avait été contrainte de mettre en place.

Elle fait valoir que toutes les démarches entreprises auprès de personnalités extérieures à l'INTS n'avaient pas abouti et qu'elle avait fini par accepter, en décembre 2007, que ses expertises lui soient facturées directement.

L'appelante ajoute que le Professeur [V] a intensifié les pressions qu'il exerçait sur elle pour qu'elle accepte - après avoir consenti à se désigner comme bénéficiaire direct des honoraires des expertises qu'elle effectuait- d'effectuer les expertises en mettant les honoraires au bénéfice de son supérieur hiérarchique.

L'appelante considère que le Professeur [V] a multiplié les menaces et man'uvres pour la contraindre à « rentrer dans le rang » et qu'outre les humiliations subies, l'opacité du système mis en place par le directeur général l'a directement atteinte puisqu'elle n'a jamais pu obtenir une revalorisation de son salaire fixe qui a quasiment stagné de 2006 à 2014.

Au soutien des faits reprochés, Madame [F] verse aux débats les courriers qu'elle a échangés tant avec l'INTS, qu'avec le professeur [V] et des interlocuteurs extérieurs, qu'il s'agisse de magistrats de la cour d'appel de Paris, du tribunal de grande instance ou de la cour des comptes. Ces pièces établissent que des difficultés sont apparues dans la mise en 'uvre des modalités de paiement des honoraires d'expertises civiles qu'effectuaient l'appelante et que Madame [F] contestaient la légalité de la procédure suivie par le Professeur [V].

S'il résulte plus particulièrement des échanges avec le Professeur [V] que leur appréhension des modalités de paiement des expertises était opposée, il n'en demeure pas moins que la teneur des courriels échangés ne rapporte la preuve d'aucune tension particulière entre les parties et Madame [F] ne justifie d'aucun élément matériel probant établissant l'effectivité des pressions ou menaces dont elle se plaint l'ayant contrainte à respecter les instructions données par son supérieur hiérarchique -et ce, d'autant, que les pièces produites par l'appelante démontrent qu'elle a effectué des expertises tant en qualité d'expert indépendant qu'en qualité de salariée de l'INTS.

Au surplus, il convient de préciser qu'en l'espèce, il n'appartient pas à la cour d'apprécier la régularité et le bien fondé du système de facturation des honoraires d'expertise tel qu'existant au moment des faits qui, d'ailleurs a été modifié suivant note du directeur général, Monsieur [O], ayant succédé au Professeur [V], notifiée à Madame [F] le 12 avril 2013. Il sera, toutefois, observé que les régies des juridictions ont toujours validé ses mémoires en paiement d'honoraires d'expertises judiciaires civiles en recherches de paternité.

Alors que Madame [F] se plaint des pressions et humiliations de la part du Professeur [V], elle n'apporte, en définitive, aucun élément matériel probant, qu'il s'agisse de courriels, d'attestations... établissant l'effectivité du comportement de son supérieur qu'elle déplore.

L'appelante soutient, par ailleurs, qu'à titre d'humiliation supplémentaire, le Professeur [V] a cessé de procéder à son évaluation annuelle à compter de l'année 2010, ajoutant que c'était par écoeurement et lassitude devant la réaction violente de son supérieur hiérarchique qu'elle avait noté à l'issue de l'entretien de l'année 2009 :

« tout va bien dans mes deux pôles d'activité », alors que cet entretien s'était particulièrement mal passé. Elle considère que le refus du Professeur [V] de la recevoir pour les entretiens annuels ultérieurs est un des éléments du harcèlement moral qu'elle a subi de sa part.

S'il s'avère qu'effectivement Madame [F] n'a plus eu d'entretiens annuels avec son supérieur hiérarchique à compter de l'année 2010, elle ne verse aucun élément probant remettant en cause l'effectivité de la mention qu'elle a indiquée sur sa dernière évaluation, quant à son poste, les moyens mis à sa disposition, ses fonctions et son évolution lors de sa dernière évaluation « tout va bien dans mes deux pôles d'activité, enseignement et labo d'empreintes ».

Au surplus, l'appelante n'apporte aucun élément probant établissant que l'absence d'évaluation annuelle résulte d'une volonté d'humiliation de la part du Professeur [V] avec lequel elle travaillait depuis des années et auquel elle n'a jamais demandé les raisons de cette carence, étant précisé que les entretiens annuels produits établissent que depuis son entrée à l'INTS, elle n' a pas bénéficié chaque année d'un entretien annuel.

Au vu des pièces produites il apparaît que, quel que soit le bien fondé du système mis en place par le Professeur [V] pour le paiement des honoraires des expertises judiciaires civiles, aucun élément n'établit la réalité des pressions, humiliations et actes de déstabilisation dont elle déclare avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique. Les faits dont elle se prévaut de la part du Professeur [V] ne sont pas établis.

Madame [F] soutient aussi que les faits de harcèlement moral qu'elle a subis ont perduré à compter de la fin de l'année 2012, lorsque le Professeur [O] a remplacé le Professeur [V].

Elle expose que ces faits de harcèlement moral se sont matérialisés par :

- l'absence de contrepartie financière lors du changement de procédure de facturation des expertises,

- l'absence d'assistance de l'INTS lors de son redressement fiscal,

- sa rétrogradation,

- le silence de l'INTS au sujet de la sous-traitance intégrale par le laboratoire des expertises confiées au Professeur [V]

S'agissant de l'absence de contrepartie financière lors du changement de procédure de facturation des expertises, l'appelante souligne que depuis 2006, elle avait indiqué à son employeur qu'elle souhaitait que son activité d'expert soit effectuée dans le cadre de son travail salarié à l'INTS, moyennant une augmentation individuelle de son salaire et que lors de l'arrivée de Monsieur [O] en qualité de directeur général, elle lui avait demandé de supprimer le système de paiement des expertises judiciaires civiles en contrepartie d'une revalorisation de son salaire d'une somme mensuelle forfaitaire nette de 1.000 €.

A cet effet, Madame [F] justifie que lorsqu'elle a cessé de percevoir des honoraires à la suite de la mise en 'uvre d'un système permettant à l'INTS de percevoir directement les honoraires des expertises judiciaires civiles, ses revenus ont diminué mais que malgré les démarches entreprises, aucune compensation n'a été mise en 'uvre par l'employeur alors qu'elle menait de front ses activités d'expert judiciaire et de chef d'unité. Elle considère que le nouveau directeur général, après s'être engagé à augmenter sa rémunération de base, n'a pas tenu sa promesse.

Outre le fait que les pièces versées aux débats établissent que c'est en qualité d'expert exerçant à titre indépendant que Madame [F] a perçu l'essentiel de ses honoraires provenant d'expertises, elle ne produit aucun élément probant établissant l'engagement du Professeur [O], directeur général, de compenser la perte de ces revenus annexes par une augmentation de salaire brut de 1.000 €, et ce, même si elle justifie avoir réclamé à plusieurs reprises une telle augmentation de salaire destinée, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, à compenser un manque à gagner ne résultant pas uniquement de son activité salariée. Le fait évoqué n'est pas établi.

Sur la non-assistance de l'INTS lors de son redressement fiscal :

Madame [F] fait valoir que, compte-tenu du système de perception direct des honoraires d'expertise mis en 'uvre par le Professeur [V], la direction générale des finances publiques l'a mise en demeure de produire les déclarations de TVA relatives à son activité d'expert judiciaire et l'a informé d'une procédure de vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a réclamé au titre des années 2010, 2011 et 2012, la somme de 97.553 € en droits et celle de 17.553 €, soit 115.406 €.

Elle souligne ne pas avoir compris le bien fondé de ce rappel de TVA alors, d'une part, que les factures qu'elle adressait aux juridictions avaient été émises sans TVA et, d'autre part, que la demande de l'administration fiscale portait sur l'intégralité des honoraires perçus et non à la seule part qu'elle avait conservée.

L'appelante ajoute qu'elle s'était alors tournée vers sa hiérarchie et l'agent comptable de l' établissement public mais que, contrairement à ses attentes, l'INTS l'avait littéralement « lâchée » ce qui l'a contrainte à solliciter elle-même un avocat fiscaliste, celui-ci ayant confirmé la position de l'administration fiscale au vu des pièces dont elle disposait et a mis en demeure l'employeur de lui adresser les factures rectificatives mentionnant la TVA au taux en vigueur pour les années 2010 à 2013.

Il résulte de l'application des dispositions de l'article L. 1152-1 du Code du travail qu'un comportement passif peut caractériser un harcèlement moral.

En l'espèce, les pièces versées aux débats rapportent la preuve que, malgré ses demandes, elle n'a pu être reçue par le Président du conseil d'administration de l'INTS et que ce n'est que le 30 septembre 2013, soit plus de deux mois après la lettre de l'administration fiscale l'informant d'une procédure de vérification de sa comptabilité que l'INTS a saisi le service juridique de la direction générale de la fonction publique (DGFP).

Le fait est établi.

Pour ce qui concerne les faits de rétrogradation, Madame [F] expose que l'INTS lui a retiré ses prérogatives d'enseignement et produit à cet effet un organigramme en date du 2 septembre 2013 duquel elle a purement et simplement disparu .

A cet effet, elle verse aux débats l'annuaire de l'INTS, ses évaluations et les compétences du service dans lequel elle exerçait qui établissent que jusqu'à septembre 2013 , elle assurait une fonction d'enseignement en tant que chef de l'unité formation et chef de l'unité génétique humaine- filiations. Elle verse aussi aux débats un courriel du 4 septembre par lequel Madame [L] [M], qui a assuré des formations à sa demande, lui fait part de son incrédulité face au retrait des fonctions d'enseignement de l'appelante et considère la décision comme impensable, impossible, inconcevable et injuste.

Au vu de ces pièces, le fait reproché est établi.

Pour ce qui est, enfin, du silence de l'INTS au sujet de la sous-traitance intégrale par le laboratoire des expertises confiées au Professeur [V], Madame [F] fait valoir qu'elle a attiré l'attention du directeur général, le Professeur [O], sur le fait qu'elle continuait à effectuer des expertises en lieu et place du Professeur [V] alors que celui-ci n'étant plus directeur, n'avait plus autorité sur le laboratoire et n'était plus en mesure de la solliciter pour la sous-traitance de ses expertises.

Toutefois, l'intimée produit un courriel du 28 octobre 2013, par lequel le Professeur [V] a écrit au service des expertises du tribunal de grande instance de Paris pour indiquer que, compte-tenu de son état de santé, il lui demandait de désigner en ses lieu et place en qualité d'expert, Madame [F] ou son collègue Monsieur [Q] tandis qu' à la même époque , pour le même motif, l'appelante sollicitait , elle aussi, son remplacement dans les expertises qui lui avaient été confiées Ces éléments tendent à démontrer que le système critiqué par Madame [F], contrairement à ses dires, ne s'est ainsi pas pérennisé et celle-ci ne verse d'ailleurs aux débats aucune pièce tendant à établir le contraire.

Le fait reproché n'est pas établi.

Au vu des éléments ci-dessus exposés, seuls, les faits de non-assistance lors du contrôle fiscal et de rétrogradation laissent globalement présumer que Madame [F] a subi des faits de harcèlement moral pendant la période au cours de laquelle le Professeur [O] était directeur général.

L'INTS conteste tout harcèlement moral à l'égard de Madame [F] et expose que s'agissant du contrôle fiscal subi par Madame [F] fin juillet 2013, contrôle qui la concernait personnellement au titre non de ses revenus non salariaux mais de ses honoraires d'expert considérés comme des bénéfices non commerciaux tels que déclarés pour les années 2010 à 2012.

Il précise que, contrairement à ce que soutient l'appelante, il a immédiatement pris des mesures concrètes pour éclaircir la question de l'assujettissement à la TVA des expertises judiciaires par Madame [F] et avait saisi l'agent comptable qui avait sollicité l'avis de son autorité de tutelle s'agissant des expertises en recherche de paternité, alors que les prélèvements sanguins étaient considérés comme des examens de biologie médicale non soumis à TVA.

L'intimé considère avoir agi rapidement et avoir soutenu sa salariée et qu'aucun manquement ne peut lui être reproché à ce titre.

Au soutien de ses arguments, l'INTS produit aux débats les courriels concernant :

* la saisine de l'agent comptable de l'établissement, Madame [U], dès le 2 août 2013,

* les démarches entreprises par celle-ci auprès du ministère des finances dès le 2 août,

* les échanges que Madame [U] a eus avec Madame [F],

* ses démarches auprès d'un avocat fiscaliste, suite aux échanges par courriel au cours des mois d'août et début septembre,

* son courrier adressé au ministère des finances s'agissant des règles de TVA applicables aux analyses d'identification par empreintes génétiques.

Outre le fait que le contrôle fiscal de Madame [F] s'est déroulé sur plusieurs mois, il ne peut être reproché à l'INTS la réponse tardive du ministère des finances le 30 avril 2014 ce qui a permis à l'avocat fiscaliste de l'INTS d'éblir une note le 13 mai 2014.

Ces éléments établissent que contrairement à ce qu'elle soutient, Madame [F] n'a pas été victime de « non-assistance » par l'INTS durant son contrôle fiscal mais qu'au contraire celui-ci a été réactif, a entrepris des démarches concrètes pour la soutenir et l'assister ce qui a d'ailleurs conduit l'administration fiscale à annuler toutes les pénalités mises à la charge de l'appelante et permis l'obtention de la déductibilité de la TVA sur les expertises que d'ailleurs Madame [F] avait effectuées à titre d'expert indépendant.

Pour ce qui concerne les faits de rétrogradation, l' INTS conteste avoir rétrogradé Madame [F] et expose que l'organigramme diffusé le 2 septembre 2013 n'avait pas pour objet d'y faire figurer l'intégralité des personnes travaillant au sein d'un pôle vu leur nombre élevé (200) mais de n'y faire apparaître que les chefs de départements, notamment Monsieur [R] pour le pôle formation et enseignement.

De ce fait, et contrairement à l'organigramme établi le 1er juillet 2012, tant le nom de Madame [F] que celui de ses autres collègues travaillant au pôle formation n'y figuraient plus, en particulier les chefs d'unité qui, comme l'appelante, cumulaient leurs fonctions de chefs d'unité dans un laboratoire avec des activités d'enseignement et ce, dans un souci de meilleure lisibilité de l'organigramme.

Au soutien de l'absence de rétrogradation, l' INTS verse aux débats les organigrammes des 1er juillet 2012 et 2 septembre 2013 qui permettent de constater, conformément à ce que soutient l'intimé, que les chefs d'unités ayant, outre leurs activités de chef d'unité des activités d'enseignement ne sont plus mentionnés dans le pôle formation sans que cela implique l'arrêt de leurs activité d'enseignement.

Il en résulte que c'est pour des raisons objectives que Madame [F], comme ses collègues dans la même situation n'est plus mentionné au titre du Pôle formation dans l'organigramme du 2 septembre 2013, raisons objectives qui d'ailleurs ont très très précisément exposés à l'appelante dans le courrier que lui a adressé le directeur général, Monsieur [O], le 13 novembre 2013.

Au vu des éléments exposés, il n'est pas prouvé que Madame [F] a subi des faits de harcèlement moral de la part de l'INTS et sa demande de dommages et intérêts est rejetée. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.

Sur le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement :

Selon les dispositions de l'article L. 1226-1 du Code du travail ' Lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités;

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail avec aménagement du temps de travail'.

Il résulte de l'application de ce texte que seul le médecin du travail est habilité à apprécier l'aptitude du salarié à un poste de travail et que l'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher toutes les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise.

Madame [F] déclare que l' INTS a manqué à son obligation de reclassement en mettant plus d'un mois après l'avis du médecin du travail pour lui proposer quatre propositions de reclassement d'un niveau très largement inférieur à sa qualification et à sa classification fonctionnelle.

En l'espèce, il est justifié que Madame [F] a été en arrêt de travail à compter du 13 octobre 2013, que le 29 août 2014, elle a passé une première visite d'aptitude au terme de laquelle le médecin du travail a indiqué : «une inaptitude au poste est envisagée. Un deuxième examen est prévu dans 15 jours. Une étude de poste est à effectuer. En attendant, l'état de santé de Madame [F] ne lui permet pas d'être affectée à un emploi dans l'entreprise ».

A la suite de la deuxième visite de reprise, le 15 septembre 2014, le médecin du travail a jugé Madame [F] « inapte au poste de chef de service en unité de polymorphisme génétique. Son état de santé ne permet pas de faire des propositions de tâches dans l'entreprise ».

En application des dispositions de l'article L. 1226-2 du Code du travail, l'employeur est tenu de se conformer à cet avis qui lui imposait de rechercher un poste de reclassement à l'extérieur de l'établissement.

En l'espèce, l'INTS justifie que c'est sans délai qu'il a entrepris des recherches aux fins de reclassement tenant compte des préconisations du médecin du travail auprès des structures susceptibles d'accueillir Madame [F], en leur adressant des éléments précis et détaillés sur le profil et les compétences de l'appelante.

Au surplus, et même si le licenciement est fondé sur une inaptitude d'origine non professionnelle, l'INTS justifie de la consultation des délégués du personnel, le 14 octobre 2014 sur les six postes disponibles dans l'entreprise pour lesquels l'employeur et les délégués se sont accordés sur le fait que les postes de technicien de sérologie et de biologie moléculaire ne pouvaient être proposés au titre du reclassement à la salariée.

A l'issue ce cette réunion, le 14 octobre 2014, l' INTS a adressé à Madame [F] quatre propositions de reclassement qui n'ont donné lieu de sa part à aucune observation puisque le courrier est demeuré sans réponse, la qualification des postes et leur rémunération n'étant pas remises en cause par l'appelante avant l'audience devant le conseil de prud'hommes.

Au vu des pièces produites, il est établi que l'INTS a procédé à des recherches sérieuses pour proposer un poste de reclassement et justifie que les postes proposés étaient les seuls disponibles ; Madame [F] ne prétend d'ailleurs pas le contraire.. Dès lors, il doit être considéré que l'INTS a respecté son obligation de reclassement.

Il en résulte que le licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement est bien fondé et justifié et Madame [F] est déboutée de sa demande à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.

Madame [F] est condamnée aux dépens.

Pour faire valoir ses droits, le GIP INTS a dû engager des frais non compris dans les dépens. Au vu des éléments de la procédure, Madame [F] est condamnée à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamne Madame [B] [F] aux dépens et au paiement au GIP INSTITUT NATIONAL DE TRANSFUSION SANGUINE de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/03266
Date de la décision : 11/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/03266 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-11;15.03266 ?
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