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08/12/2017 | FRANCE | N°16/09366

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4- chambre 1, 08 décembre 2017, 16/09366


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2017

(no, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 09366

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2012- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 10/ 09162
Arrêt du 6 mars 2014- Cour d'appel de PARIS-RG no12/ 20291
Décision du 28 janvier 2016 de la Cour de Cassation-Pourvoi noW 14-24. 294

APPELANT

Monsieur Gilles Pierre X...
né le 21

Septembre 1956 à CLICHY (92110)

demeurant ...

Représenté et assisté sur l'audience par Me Albert COHEN de la SCP COHEN/ H...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2017

(no, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 09366

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2012- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 10/ 09162
Arrêt du 6 mars 2014- Cour d'appel de PARIS-RG no12/ 20291
Décision du 28 janvier 2016 de la Cour de Cassation-Pourvoi noW 14-24. 294

APPELANT

Monsieur Gilles Pierre X...
né le 21 Septembre 1956 à CLICHY (92110)

demeurant ...

Représenté et assisté sur l'audience par Me Albert COHEN de la SCP COHEN/ HYEST, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉE

Madame Germaine A... épouse Y...
née le 24 août 1946 à GRIGNY (91)

demeurant ...

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assisté sur l'audience par Me ïerre-Olivier, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, et M. Dominique GILLES, Conseiller chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
M. Dominique GILLES, Conseiller
Mme Béatrice CHARLIER-BONATTI, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

M. Dominique GILLES a été entendu en son rapport

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

M. X...a acquis, par acte authentique du 14 décembre 2002, un bien immobilier sis ..., qui est issu de la division d'une propriété plus importante ayant appartenu à une indivision dont faisait partie Mme Z...et qui a fait l'objet d'une adjudication en plusieurs lots par acte authentique du 22 mai 1930. Sa parcelle est contiguë avec celle, issue de la même propriété divisée, appartenant à Mme A..., dont un des murs de la maison sert de limite séparative.

Par acte d'huissier délivré le 22 novembre 2010, M. X...a fait assigner Mme A... devant 1e tribunal de grande instance d'Evry pour la voir condamner à murer la fenêtre perçant le mur séparatif.

C'est dans ces conditions que par jugement du 22 octobre 2012, le tribunal de grande instance d'Evry a :

- déclaré recevable la demande de M. X...,
- au fond, débouté M. X...de toutes ses demandes,
- débouté Mme A... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
- condamné M. X...aux dépens,
- autorisé Maitre B...à recouvrer les dépens dans les conditions prévues par l'article 699
du code de procédure civile.

M. X...ayant interjeté appel de ce jugement, la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 06 mars 2014, a confirmé le jugement entrepris et a condamné M. X...à payer à Mme A..., tenue aux dépens, une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été cassée et annulée en toutes ses dispositions, à la suite du pourvoi formé par M. X..., par arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2016 qui a renvoyé la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé, devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par conclusions du 21 février 2017 dernièrement rendues avant la clôture, M. X..., appelant, demande à la Cour de :

- vu les articles 637 et 639 du code civil ;
- vu l'article 686 du code civil ;
- vu les articles 2227 et 2261 du code civil ;
- reformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- condamner Mme A... à faire définitivement murer, à ses frais exclusifs, la fenêtre située sur le mur séparatif d'avec sa propriété désignée sur les plans par le mur KL, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard, a compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification du présent arrêt ;
- rejeter toutes les demandes de Mme A... ;
- condamner Mme A... à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme A... aux dépens, pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 février 2017 dernièrement rendues avant la clôture, Mme A... prie la Cour :

- vu les articles 2227 et 2265 du code civil ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé prescrite l'action de M. X...;
- condamner M. X...à lui payer une somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de supporter la charge des dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 23 février 2017, l'affaire étant fixée à plaider au 9 mars 2017, pour raison médicale invoquée par le conseil de Mme A.... L'affaire a été renvoyée d'accord entre les parties, à l'audience du 9 novembre 2017.

Mme A... a conclu en date du 26 octobre 2017 et demande à la Cour de :

- vu les articles 784, 15 et 16 du code de procédure civile et le principe du contradictoire ;
- révoquer l'ordonnance de clôture du 23 février 2017 et prononcer la clôture au jour des plaidoiries ;
- recevoir ses conclusions présentes et sa pièces no6 ;
- vu les articles 1358, 2227, 2265 et 2272 nouveaux du code civil ;
- dire qu'elle prouve par présomption le maintien en service de la fenêtre litigieuse et de ses volets pendant plus de trente années ;
- dire que sa possession de la servitude de vue a présenté les qualités requises par l'article 2261 du code civil ;
- dire que " bien qu'exercée en contradiction avec le titre constitutif de la servitude, la possession a produit son effet extinctif par le délai trentenaire " ;
- en conséquence, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé prescrite l'action de M. X...;
- le condamner à lui payer 9 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de première instance et d'appel, en sus de devoir supporter la charge des dépens de ces mêmes instances avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 31 octobre 2017, M. X...demande le rejet des écritures et de la pièces adverse no6 produites après la clôture ; en tout état de cause, il forme les même prétentions que dans ses conclusions susvisées, sauf à porter à 5 000 € la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE
LA COUR

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

Soutenant que les premières conclusions au fond de M. X...après cassation, notifiées le 26 janvier 2017 invoquent sous la qualification nouvelle de vice de la possession de Mme A... des arguments de fait déjà connus, dénués de toute réalité et de toute portée juridique, celle-ci a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture du 23 février 2017 et l'admission de conclusions du 26 octobre 2017 ainsi que d'une pièce no6.
L'ordonnance de clôture ne peut-être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. Or, en l'espèce, les circonstances invoquées à l'appui de la demande de révocation ne caractérisent pas de cause grave survenue depuis la clôture.

Les conclusions postérieures à la clôture et la pièce no 6 seront donc écartées des débats.

Sur le fond

Le titre de M. X...et ceux de ces auteurs, reprenant les termes de l'acte d'adjudication de 1930, énoncent que : " Le mur KL séparatif de l'habitation du premier lot d'avec la cour du troisième lot sera mitoyen en sol et en construction seulement à hauteur de deux mètres du sol, il appartiendra pour le surplus au premier lot.
La fenêtre existant au rez-de-chaussée et toutes autres ouvertures qui pourraient exister actuellement dans ce mur continueront d'exister jusqu'au décès de Mme veuve Z...; elles seront à cette époque murées aux frais du propriétaire du premier lot ".

Si le titre de Mme A... et ceux de ses auteurs ne mentionne pas cette obligation, il n'est pas établi que M. X...ou ses auteurs auraient renoncé à leur droit de ne plus subir de charge de vue au profit du fonds voisin et de faire murer ces ouvertures.

Dès lors, M. X...agit conformément à son titre pour défendre le droit de propriété imprescriptible que celui-ci lui confère, lequel, par les dispositions expresses de l'acte authentique, n'est plus grevé de charge de vue au profit du fonds voisin à compter du décès de Mme Z..., cet événement ayant rendu exigible l'obligation du propriétaire du fonds voisin de murer les ouvertures litigieuses.

M. X..., qui ne peut donc pas se voir opposer de prescription extinctive trentenaire de son action en revendication, ne peut voir son action rejetée que si Mme A..., qui supporte la charge de la preuve, démontre qu'elle a acquis la vue litigieuse sur le fonds de son voisin par usucapion, étant précisé que la seule prescription applicable aux servitudes continues et apparentes telle la servitude de vue est la prescription trentenaire.
Le tribunal a retenu la prescription acquisitive de servitude de vue au bénéfice du fonds de
Mme A..., aux motifs que Mme Z..., née en 1856, était décédée lorsque les époux C...ont, en 1961, vendu le bien à M. D...qui l'a revendu aux parents de Mme A... et que la vue litigieuse qui existe dans le mur de la maison de celle-ci depuis plus de trente années, aurait fait l'objet d'une possession continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque par les propriétaires successifs.

Le tribunal a affirmé qu'" il est évident qu'une fenêtre murée ne comporte plus de volets " et a tiré conséquence des déclarations de M. X...dans son titre aux termes desquelles il était " parfaitement informé que ces servitudes et notamment les ouvertures n'ont jamais été murées depuis l'origine ".

M. X...soutient au contraire que les volets, avant juillet 2008 et au moins depuis 1983 étaient toujours restés fermés, de sorte qu'il avait été impossible de vérifier le sort que les propriétaires successifs du bien échu à Mme A... avaient réservé à ces ouvertures.

Or, en l'absence d'autre acte interruptif de prescription que l'assignation introductive d'instance du 22 novembre 2010, dès lors que Mme Z...était née en 1856, il doit être présumé qu'elle est décédée avant le 22 novembre 1980, soit plus de trente années avant cette assignation.

Les époux E..., auteurs direct de M. X..., avaient acquis le bien par un acte authentique du 13 décembre 1983 qui est produit aux débats.

Selon le titre des époux E..., ceux-ci avaient acquis le bien des époux Camille et Albertine F..., par un acte authentique du 31 juillet 1976, qui n'est pas produit. Mme Denise F...atteste cependant valablement avoir habité les lieux entre le 1er septembre 1953 et 31 mai 1959 et n'avoir jamais vue ouverts les volets de la maison donnant sur le jardin.

Les époux E...n'ayant pu attester de l'état de l'ouverture litigieuse antérieur à leur entrée en possession, les énonciations du titre de M. X...selon lesquelles " les ouvertures n'ont jamais été murées depuis l'origine " ne peuvent pas prouver l'état des lieux pour la période commençant au décès de Mme Z..., lui même antérieur au 22 novembre 1980, et allant jusqu'au13 décembre 1983, date de la prise de possession réelle et effective du bien par les époux E....

Mme A... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'avant cette date, non seulement n'était pas murée l'ouverture litigieuse, mais encore, si elle ne l'était pas, que des volets ne la fermaient pas en permanence, ni que les auteurs des époux E...savaient que cette ouverture n'était pas murée. Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ne peut être présumé que la fenêtre n'était pas murée du seul fait que des volets de bois recouvraient son emplacement.

Mme A... invoque vainement l'âge des volets, le barreaudage de la fenêtre et l'absence de buisson planté devant la fenêtre litigieuse, qui ne constituent pas des indices de la possession de vue alléguée.

Ainsi, Mme A..., qui ne démontre pas la possession de la vue sur le fonds de son voisin continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque par les propriétaires successifs depuis au moins trente ans, doit être déboutée de ses demandes.

Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé et il sera fait droit à la demande de M. X..., sauf à aménager, tel que précisé au dispositif, l'astreinte qui s'avère nécessaire à garantir l'exécution de l'obligation de Mme A...

Sur les autres demandes

Mme A... supportera la charge des dépens de l'instance qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et, en équité, elle versera à M. X...une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats toutes conclusions au fond notifiées après l'ordonnance de clôture et toute pièce produite après celle-ci,

Infirme le jugement entrepris,

Condamne Mme A... a faire définitivement murer, à ses frais exclusifs, la fenêtre située sur le mur séparatif d'avec la propriété de M. X...désigné sur les plans par le mur KL, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant deux mois, à compter de l'expiration d'un délai de deux mois jours suivant la signification du présent arrêt,

Déboute Mme A... de toutes ses demandes,

La condamne aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

La condamne à verser à M. X...une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4- chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/09366
Date de la décision : 08/12/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2017-12-08;16.09366 ?
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