RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 07 décembre 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00862- BD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 12/04097
APPELANTE
Madame [X] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Manuel DAMBRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894, substitué par Me Tristan AUBRY-INFERNOSO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894
INTIMEE
SAS EURO TVS TRAITEMENT DES VALEURS ET SERVICES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Richard TECHEL, avocat au barreau de STRASBOURG, toque : 96, substitué par Me Laurie TECHEL, avocat au barreau de STRASBOURG, toque : 96
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Nadège BOSSARD, conseiller
M. Benoît DEVIGNOT, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffier de la mise à disposition et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
VU la décision prononcée le 09 décembre 2014 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Bobigny, section activités diverses, qui a notamment débouté [X] [V] de l'ensemble de ses prétentions, mais s'est déclarée en partage de voix sur la demande reconventionnelle présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
VU la décision du 05 juin 2015, par laquelle le juge départiteur statuant seul, après avis des conseillers présents, a constaté son dessaisissement ;
VU la déclaration d'appel total interjeté par [X] [V] par voie de lettre recommandée avec accusée de réception postée le 20 janvier 2015, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification reçue le 17 janvier 2015 ;
VU les conclusions déposées à l'audience du 02 octobre 2017, visées par le greffier et soutenues oralement, par lesquelles [X] [V] demande que la cour infirme le jugement du 09 décembre 2014 et, en conséquence :
- dise le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamne la S.A.S. Euro.TVS à lui payer :
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 90000 euros net ;
* à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 5212,44 euros ;
* au titre des congés payés y afférents, la somme de 521,44 euros ;
* à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de consultation des représentants du personnel, la somme de 10000 euros ;
- dise que les condamnations prononcées porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, 'en application de l'article 1154 du code civil' ;
- condamne, en outre, la S.A.S. Euro.TVS à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
VU les conclusions déposées à l'audience du 02 octobre 2017, visées par le greffier et soutenues oralement, par lesquelles la S.A.S. Euro.TVS sollicite :
- la confirmation du jugement du 09 décembre 2014, en ce qu'il a rejeté les demandes de [X] [V] ;
- que le licenciement de [X] [V] soit déclaré comme reposant bien sur une cause réelle et sérieuse ;
- la condamnation de [X] [V] à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
VU le procès-verbal de l'audience du 02 octobre 2017 en formation de conseiller rapporteur, sans opposition des parties ;
VU les autres pièces de la procédure et celles produites par les parties ;
VU les articles L. 1233-3 et suivants, L.1233-45, L.2323-4 et suivants, L.4612-8 et suivants et L. 4614-9 du code du travail ;
Remarque liminaire :
Le procès-verbal d'audience du 03 octobre 2016, signé par la greffière, mentionne un désistement.
Il s'agit d'une erreur matérielle manifeste, dans la mesure où :
- selon le même procès-verbal, les parties n'étaient ni présentes ni représentées à ladite audience du 03 octobre 2016 ;
- ni le dossier ni la messagerie électronique (RPVA) ne contiennent de courrier de désistement ;
- l'affaire a été renvoyée, ce qui n'est pas compatible avec un désistement entraînant extinction de l'instance ;
- aucune mention d'un désistement n'a été portée manuellement sur la cote du dossier;
- aucun arrêt de désistement ne figure dans les pièces.
Interrogés à l'audience du 02 octobre 2017, les avocats des parties ont confirmé ne pas y avoir eu désistement.
Il doit donc être passé outre à la mention figurant sur le procès-verbal du 03 octobre 2016.
Considérant qu'après plusieurs contrats de mission temporaires, la S.A.S. Euro.TVS a embauché par contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet du 17 juin 2002 [X] [V] Minh, en qualité de ETAM, opérateur ;
Que, selon avenant accepté le 20 juin 2009, [X] [V] travaillait du lundi au samedi de 20H00 à 03H00 avec une pause rémunérée d'une demi-heure ;
Considérant que, par courrier du 22 mai 2012, la S.A.S. Euro.TVS a proposé à la salariée une modification du contrat consistant à occuper un poste en journée ;
Que, le 08 juin 2012, [X] [V] a opposé un refus ;
Que, par lettre recommandée du 16 juillet 2012 avec avis de réception, la S.A.S. Euro.TVS a rappelé à la salariée les motifs économiques conduisant à envisager une mesure de licenciement:
'Du fait du transfert des volumes de nuit en journée, il n'y avait aucune raison de maintenir une activité de nuit résiduelle pour des petits traitements qui étaient faits à Paris et en Province. Ainsi, tous les petits traitements ou reliquats de traitement qui étaient traités de nuit, seront transférés en journée.
La volonté de la société est de conserver ses clients et de s'adapter aux évolutions qui s'imposent. Euro TVS n'a pas de difficultés économiques. Les changements d'organisation de deux de ses clients qui représentent environ 85% des volumes traités la nuit, conduisent la société à revoir sa propre organisation et à supprimer le travail de nuit qui n'est plus justifié.
Les volumes de nuit étant transférés dans des applications en journée, l'activité de la société ne diminue pas et tous ses salariés sont nécessaires pour réaliser les traitements. Euro TVS n'est donc pas dans une démarche de suppression d'emploi.(...)
Attention, si vous adhérez au contrat de sécurisation professionnelle, vous devrez nous adresser les documents de demande d'adhésion complétés, ainsi que les pièces demandées, obligatoirement par écrit AVANT la date limite du délai de réflexion, comme le prévoit la législation.
Votre contrat de travail serait alors rompu d'un commun accord le 26 juillet 2012, et la procédure de licenciement s'interrompra' ;
Que [X] [V] a accepté la proposition de convention de reclassement personnalisée plaçant ainsi la date de rupture du contrat de travail au 26 juillet 2012 ;
1°/ Sur le motif économique de la rupture du contrat de travail :
Considérant qu'une lettre de licenciement qui fait mention du refus d'une modification du contrat de travail consécutive à une réorganisation de l'entreprise, dont il appartient à la juridiction de vérifier qu'elle était destinée à sauvegarder sa compétitivité, est suffisamment motivée ;
Considérant qu'en l'espèce, la S.A.S. Euro.TVS exerce une activité de services, spécialisée dans la gestion de documents et plus particulièrement dans le traitement des chèques pour le compte de divers organismes bancaires ;
Que, consécutivement à la décision de trois clients très importants (CM-CIC, BRED et CMC), décision liée au processus de dématérialisation, la S.A.S. Euro.TVS a estimé ne plus devoir maintenir qu'une activité très résiduelle la nuit ;
Que [X] [V] réplique que, d'une part, la lettre de licenciement, à aucun moment, ne mentionne une quelconque menace sur la compétitivité de l'entreprise ou la nécessité de sauvegarder celle-ci, et que, d'autre part, aucune preuve n'est rapportée ;
Considérant que la lettre de licenciement évoque bien la nécessité de revoir l'organisation de l'entreprise et la volonté de conserver les clients ;
Considérant que la S.A.S. Euro.TVS produit un courrier du 03 septembre 2012 du GIE CM-CIC Services, dont il ressort que ce GIE a décidé le transfert des traitements de nuit vers le jour ;
Que la nécessité pour l'entreprise de réduire l'activité de nuit n'a jamais été contestée lors des réunions du CE ou du CHSCT, telles qu'elles résultent des nombreux comptes-rendus produits;
Qu'il est aussi rappelé en préambule d'un accord signé le 22 décembre 2011 entre l'employeur et le syndicat CGT qu'un changement d'organisation du travail s'est 'imposé' à la société ;
Que, surabondamment, l'intimée verse aux débats un tableau des volumes traités sur le site de Paris qui montre une chute continue de la production de nuit, notamment à compter de l'année 2011 (3394721 opérations traitées en juin 2011, 751043 en juin 2012) ;
Considérant que l'activité de jour ayant elle fortement progressé, une réorganisation de l'entreprise était manifestement nécessaire ;
Considérant que si la S.A.S. Euro.TVS n'adaptait pas son activité à l'évolution du marché et aux exigences de ses principaux clients, elle risquait de perdre des contrats représentant une forte part de son activité et être ainsi confrontée à de graves difficultés économiques la contraignant à des licenciements massifs ;
Considérant qu'il y avait donc bien un motif économique de rupture du contrat de travail ;
2°/ Sur le respect de l'obligation de reclassement :
Considérant que la proposition d'une modification du contrat de travail que le salarié peut refuser ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement consistant en l'obligation pour celui-ci de rechercher et proposer au salarié les postes disponibles dans l'ensemble de l'entreprise;
Que la recherche des possibilités de reclassement doit s'apprécier au sein de la société lorsqu'elle comporte plusieurs établissements ou à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permette d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Considérant qu'à la lecture du courrier du 08 juin 2012 de [X] [V], celle-ci entendait manifestement refuser tout poste entraînant une modification de ses horaires de travail et la perte de la prime de nuit ;
Que, dès lors, il ne peut être fait grief à l'employeur - dont l'activité de nuit chutait fortement et qui devait réaffecter des salariés sur des horaires de jour - de ne pas avoir offert de reclassement à [X] [V] Minh sur un autre poste que celui proposé par la lettre du 22 mai 2012 (poste de jour : 15h00 à 23h00 dont une heure de coupure) ;
Que, par ailleurs, la S.A.S. Euro.TVS justifie de l'envoi de nombreux courriers personnalisés de recherche de reclassement auprès de sociétés du groupe, puis des réponses négatives reçues ;
Considérant qu'en résumé, la S.A.S. Euro.TVS rapporte la preuve du respect de son obligation légale de reclassement ;
3°/ Sur la priorité de réembauche :
Considérant que le courrier du 16 juillet 2012 a informé [X] [V] de son droit à priorité de réembauche, à la condition d'informer l'employeur de son désir d'en user ;
Que l'appelante ne justifie pas en avoir fait la demande ;
4°/ Sur le non-respect de la procédure de licenciement pour motif économique :
Considérant que l'employeur justifie, par la production de comptes rendus signés, avoir consulté le 13 décembre 2011 le CHSCT, puis le CE, sur le projet de suppression du travail de nuit ;
Qu'est produite la convocation du CHSCT avec l'ordre du jour et une notice jointe relative au projet ;
Qu'après avoir reçu des explications complémentaires, le CHSCT a donné un avis favorable à l'unanimité et le comité d'entreprise un avis majoritairement favorable (trois voix pour, une voix contre, ainsi qu'une abstention) ;
Considérant que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins cinquante salariés ;
Que l'employeur doit adresser précédemment aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif ;
Considérant qu'en l'espèce, le 19 juin 2012, le comité d'entreprise a approuvé le projet de licenciement économique par deux voix pour (une voix contre) ;
Que l'employeur produit une note adressée auparavant, fût-ce pour une précédente réunion, au Comité d'entreprise et intitulée 'Projet de licenciement économique de 2 à 9 salariés sur une même période de 30 jours. Réunion du C.E. du 11 mai 2012" ;
Que l'appelante ne précise pas en quoi cette note serait incomplète ;
Que le procès-verbal de la réunion du 19 juin 2012 fait apparaître une information détaillée et loyale donnée par l'employeur aux membres du comité d'entreprise ;
Considérant qu'en résumé, tant le CHSCT que le comité d'entreprise ont été régulièrement consultés ;
Qu'en tout état de cause, l'appelante ne donne aucun élément pour apprécier l'existence et l'étendue du préjudice qu'elle subirait du fait d'une prétendue irrégularité ;
Qu'ainsi, la demande tendant à des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement doit être écartée ;
Considérant qu'il résulte de la motivation ci-dessus, que [X] [V] doit voir rejeter ses demandes en dommages et intérêts, en indemnité compensatrice de préavis, en congés payés y afférents, et en intérêts de retard ;
5°/ Sur les dépens, ainsi que l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que [X] [V] doit être condamnée aux dépens de première instance comme d'appel ;
Considérant que les parties seront déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 09 décembre 2014 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Bobigny, section activités diverses ;
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [X] [V] aux dépens de première instance comme d'appel.
La greffière Le Président