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01/12/2017 | FRANCE | N°16/06057

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4- chambre 1, 01 décembre 2017, 16/06057


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 01 DÉCEMBRE 2017

(no, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 06057

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2016- Tribunal de Grande Instance de MEAUX-RG no 15/ 01379

APPELANTE

SARL ENSEMBLE ET TOIT, prise en la personne de ses représentants légaux
No Siret : 480 243 344

ayant son siège au 77, rue du Général de Gaulle-77230 DAMMARTIN EN GO

ELE

Représentée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : E1677

INTIMÉS

Monsieur Agostinho X...Y...
né le 25 ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 01 DÉCEMBRE 2017

(no, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 06057

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2016- Tribunal de Grande Instance de MEAUX-RG no 15/ 01379

APPELANTE

SARL ENSEMBLE ET TOIT, prise en la personne de ses représentants légaux
No Siret : 480 243 344

ayant son siège au 77, rue du Général de Gaulle-77230 DAMMARTIN EN GOELE

Représentée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : E1677

INTIMÉS

Monsieur Agostinho X...Y...
né le 25 octobre 1967 à Villa Réal (PORTUGAL)
et
Madame Idalia Z...Y...
née le 20 décembre 1967 à Villa Réal (PORTUGAL)

demeurant ...

Représentés tous deux par Me Bruno THORRIGNAC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0125
Assistés sur l'audience par Me Thomas BLAN, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué sur l'audience par Me Dalila ELMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0125

Monsieur Rémy A...
né le 10 août 1974

demeurant ...

non représenté
Signification de l'assignation le 25 avril 2016 et des conclusions le 15 juin 2016 par acte délivré en vertu de l'article 659 du Code de Procédure Civile.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : DÉFAUT

-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte sous seing privé du 21 juin 2014 rédigé par l'EURL Ensemble et toit, agent immobilier ayant préalablement reçu mandat de recherche d'acquéreur, M. Agostino X...Y...et Mme Idalia Z...Y...son épouse (les époux Y...) ont promis de vendre à M. Rémy A..., qui s'est engagé à acquérir, la maison dont ils étaient propriétaires à Longperrier (77), moyennant le prix de 394 000 €, incluant une somme de 14 000 € au titre de la rémunération de l'agent immobilier.

Par acte sous seing privé du 27 août 2014, les époux Y...consentaient une nouvelle promesse de vente aux mêmes condition de ce même bien, mais cette fois aux père et mère de M. Rémy A..., M. Régis A...et Mme Marie-Céline A...son épouse.

Par acte sous seing privé du 09 septembre 2014, les époux consentaient une promesse de vente du même bien aux mêmes conditions, mais à M. Rémy A...de nouveau. Cette dernière promesse était à échéance au 9 décembre 2014.

La somme de 31 520 € que le bénéficiaire, dans chacune des promesses, s'était engagé à verser à un notaire désigné séquestre, à titre de dépôt de garantie, n'a jamais été payée par M. Rémy A..., qui, en définitive, n'a pas voulu signer l'acte authentique.
Les époux Y...l'ont assigné, par acte extra-judiciaire du 6 mars 2015, devant le tribunal de grande instance de Meaux, pour le voir condamner à leur payer la somme de 38 000 € correspondant à l'indemnité prévue par les parties aux termes de la clause pénale de l'avant-contrat. Les époux Y...assignaient également l'EURL Ensemble et toit à qui ils reprochaient des manquements contractuels dommageables à leur égard.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 02 février 2016, le tribunal de grande instance de Meaux a :

- condamné M. A...et l'EURL Ensemble et toit, " conjointement ", à payer aux époux Y...la somme de 38 000 € outre intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2015,
- condamné les mêmes aux dépens et à payer aux époux Y...une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 16 septembre 2016, la société Ensemble et toit, appelante, demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à indemniser les époux Y...;
- dire qu'elle ne saurait être condamnée à payer une clause pénale à laquelle elle n'a pas consenti ;
- dire, en l'absence de préjudice démontré, même au titre de la perte de chance, qu'elle ne peut être condamnée à indemniser les époux Y...du fait qu'ils n'ont pas pu vendre leur bien à M. A...;
- débouter les époux Y...de toutes leurs demandes dirigées contre elle ;
- les condamner in solidum à lui verser une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de supporter la charge des dépens.

Par dernières conclusions du 25 juillet 2016 signifiées à M. A...le 29 juillet 2016 selon la procédure de l'article 659 du code de procédure civile, les époux Y...prient la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. A...et la société Ensemble et toit à leur payer 38 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2015 ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation conjointe ;
- statuant à nouveau, prononcer une condamnation in solidum à leur profit de M. A...et de la société Ensemble et toit ;
- à titre subsidiaire :
- leur allouer une somme de 38 000 € à charge de M. A...et une somme de 28 368 € au titre de la perte de chance d'obtenir le règlement de la somme de 31 520 €, à la charge de la société Ensemble et toit et dire que M. A...et la société Ensemble et toit seront tenus in solidum à concurrence de la plus faible de ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2015 ;
- condamner les mêmes, in solidum, aux dépens et au versement de la somme de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Rémy A...n'a pas constitué avocat.

SUR CE
LA COUR

Sur la responsabilité de M. Rémy A...

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. Rémy A...au paiement de la somme de 38 000 € au titre de la clause pénale prévue par l'avant-contrat du 9 septembre 2014, dès lors que cet acquéreur, qui s'était engagé à acquérir avant l'expiration du délai de 3 mois suivant la signature de l'acte, a fait savoir au notaire désigné dans l'avant-contrat pour recevoir l'acte authentique et par courrier du 11 décembre 2014, ainsi qu'en atteste l'officier ministériel dans une lettre du 17 novembre 2014 adressée aux époux Y..., qu'il décidait de mettre un terme à la procédure d'acquisition. Or, l'engagement ayant été souscrit avec renonciation expresse de l'acquéreur à toute condition suspensive d'obtention de prêt, il n'est par ailleurs pas établi qu'ait été défaillie l'une quelconque des autres conditions de la vente. Alors qu'il n'est nullement contesté que le délai de rétractation de l'acquéreur de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation avait été valablement purgé par l'agent immobilier rédacteur, l'avant-contrat prévoit expressément la possibilité pour les vendeurs qui ne seraient pas en défaut et qui renonceraient à agir en vente forcée, de prendre acte du refus de l'acquéreur de signer l'acte authentique et d'invoquer la résolution du contrat avec versement de l'indemnité forfaitaire égale à 10 % du prix " net vendeur " de 380 000 €. Dès lors, M. Rémy A...est redevable de la somme de 38 000 € à titre de clause pénale.

Toutefois, la preuve n'étant pas administrée de ce que M. Rémy A...aurait reçu la lettre recommandée adressée le 29 janvier 2015 par le conseil des époux Y..., les intérêts au taux légal ne pourront courir qu'à compter de l'assignation introduisant l'instance, soit le 6 mars 2015.

Sur la responsabilité de l'agent immobilier

La société Ensemble et toit a manifestement engagé sa responsabilité en n'effectuant aucune vérification des capacités financières de M. A...qui pour la deuxième fois, indépendamment de l'acte signé par ses père et mère, s'était engagé, d'une part, à acquérir le bien litigieux en renonçant expressément à toute condition suspensive d'obtention de prêt, alors que le courrier précité du notaire révèle qu'au contraire il ne disposait pas des fonds nécessaires à l'opération et, d'autre part, s'était engagé à verser entre les mains d'un tiers séquestre, une somme de 31 520 €, alors qu'il ne s'est jamais exécuté sur ce point non plus et ce sans que l'agent immobilier démontre avoir effectué des diligences en vue du versement.

La circonstance alléguée par la société Ensemble et toit et selon laquelle cet agent immobilier aurait sans faute prévu de confier au notaire la mission de recevoir les fonds à titre de séquestre, au motif qu'il n'aurait pas disposé de la garantie financière exigée par la loi lui permettant de percevoir les fonds, laisse demeurer que l'agent immobilier rédacteur de l'acte est responsable des conséquences dommageables de l'erreur indéniable de rédaction de l'acte litigieux qui, de manière inexacte et contradictoire, énonce, d'une part, que la somme de 31 205 € a été versée " à l'instant " entre les mains du notaire désigné séquestre et, d'autre part, que le versement de cette somme devait s'effectuer au plus tard 8 jours après l'expiration du délai de rétractation de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation et qu'à l'issue de ce délai, le versement par l'acquéreur était une condition suspensive de l'avant-contrat. Si ces dernières stipulations reprennent les dispositions de l'article L 271-2 alinéa 1 du code de la construction et de l'habitation, pour le cas où le professionnel dépositaire des fonds ne disposerait pas d'une garantie financière pour les représenter, elles ne peuvent pas avoir été applicables en même temps que celles selon lesquelles le notaire pouvait recevoir les fonds sans attendre la purge du droit de rétractation, conformément aux dispositions de l'article L 271-2 alinéa 2 du même code. Le professionnel, qui ne justifie nullement avoir exercé son devoir de conseil sur ce point, faute, notamment, d'avoir prévenu les vendeurs qu'il ne pouvait encaisser immédiatement les fonds et qui a établi un acte incohérent, est donc responsable d'avoir fait s'engager les vendeurs sans que ceux-ci bénéficient de la sécurité du dépôt de garantie stipulé, à laquelle ils pouvaient légitimement s'attendre pour avoir conclu l'acte par l'intermédiaire d'un professionnel. A cet égard, il sera observé que l'avant-contrat permettait au vendeur de faire bloquer la somme séquestrée jusqu'à accord amiable entre les parties ou décision de justice attribuant les fonds.

Ces négligences de l'agent immobilier ont fait perdre au vendeur, d'une part, une chance sérieuse de ne pas contracter avec un acquéreur qui n'avait manifestement pas les moyens d'acquérir et, d'autre part, une chance sérieuse de ne pas contracter avec un acquéreur dénué de sérieux au point de ne pas même verser le dépôt de garantie stipulé, occasionnant ainsi une immobilisation inutile du bien sur plusieurs mois et rendant par sa faute plus difficile et onéreuse la perception de la juste indemnité forfaitaire stipulée pour le cas l'acquéreur ne s'exécuterait pas, toutes conditions suspensives étant par ailleurs réalisées ou réputées réalisées par la faute de celui-ci.

Ce préjudice causé par l'agent immobilier sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 12 000 € à titre de dommages et intérêts. Les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter du présent arrêt.

Le jugement entrepris, qui a retenu à tort que l'agent immobilier avait contribué directement à la réalisation du dommage évalué à 38 000 € correspondant au gain dont auraient été privés les époux Y...au titre de la clause pénale, sera donc infirmé en ce sens. Les époux Y...ne peuvent en effet soutenir que l'insolvabilité éventuelle de M. A...constituerait un préjudice certain, ni même qu'ils auraient perdu une chance de recouvrer le dépôt de garantie, l'insolvabilité de M. A...pour payer les sommes mises à sa charge par le présent arrêt n'étant en rien établie. Par ailleurs, la société Ensemble et toit n'est manifestement pas redevable de la clause pénale à laquelle elle n'est pas partie.

Le préjudice réparé par les dommages et intérêts mis à charge de la société Ensemble et toit étant distinct du préjudice réparé par le montant alloué de la clause pénale et en l'absence de stipulation des parties, les obligations d'indemnisation de l'agent immobilier et de l'acquéreur ne peuvent être déclarées solidaires.

Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et l'indemnité de procédure et, en outre, M. A...et la société Ensemble et toit verseront aux époux Y..., en équité, une somme supplémentaire de 2 000 € en plus de supporter la charge des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement querellé en ce qu'il a condamné M. Rémy A...à payer aux époux Y...une somme de 38 000 € en principal et en ce qu'il a condamné in solidum M. Rémy A...et l'EURL Ensemble et toit aux dépens pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement aux époux Y...d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme pour le surplus,

Dit que la somme de 38 000 € due par M. Rémy A...aux époux Y...porte intérêt au taux légal depuis le 06 mars 2015,

Condamne la SARL Ensemble et toit à payer aux époux Y...une somme de 12 000 € à tire de dommages et intérêts,

Déboute les époux Y...du surplus de leur demande d'indemnisation,

Condamne in solidum M. Rémy A...et l'EURL Ensemble et toit à payer aux époux Y...une somme supplémentaire de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. Rémy A...et l'EURL Ensemble aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés comme prévu à l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4- chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/06057
Date de la décision : 01/12/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2017-12-01;16.06057 ?
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