Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2017
(no, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 01888
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2015- Tribunal de Grande Instance de Bobigny-RG no 11/ 02551
APPELANTS
Madame Cherifa X...
née le 01 Décembre 1954 à Beni Saf (ALGERIE)
demeurant...
Représentée par Me Karima TAOUIL de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
Assistée sur l'audience par Me Manuel BOSQUE de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Monsieur Abess X...
né le 07 Octobre 1956 à VILLEPINTE
demeurant...
Représentée par Me Karima TAOUIL de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
Assistée sur l'audience par Me Manuel BOSQUE de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Monsieur Boualem X...
né le 21 Avril 1953 à Beni Saf
demeurant...
Représentée par Me Karima TAOUIL de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
Assistée sur l'audience par Me Manuel BOSQUE de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Monsieur Mustapha X...
né le 13 Avril 1959 à VILLEPINTE
demeurant...
Représentée par Me Karima TAOUIL de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
Assistée sur l'audience par Me Manuel BOSQUE de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Madame Yamina X...
née le 21 Janvier 1961 à Aulnay sous Bois
demeurant...
Représentée par Me Karima TAOUIL de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
Assistée sur l'audience par Me Manuel BOSQUE de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
INTIMÉS
Madame Micheline Y... épouse Z...
née le 10 Janvier 1949 à PARIS
demeurant...
Représentée par Me Marc GOUDARZIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1657
Monsieur Narinderjit A...
né le 01 Juillet 1956 à KHAJURELLA (INDE)
et
Madame B... épouse A...
née le 25 Novembre 1953 à LALTON KHURD (INDE)
demeurant...
Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Noureddine HABIBI ALAOUI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 93
Madame Amélie C... titlulaire de l'Office notarial sis...
née le 12 Août 1972 à LILLE
demeurant...
Représentée par Me Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
Assistée sur l'audience par Me Christiane ROBERTO, avocat au barreau de VAL D'OISE
Madame Malika X...
née le 13 Décembre 1957 à AULNAY SOUS BOIS
demeurant...,...
Représentée par Me Manuel BOSQUE de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Représentée par Me Karima TAOUIL de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
Société BRED BANQUE POPULAIRE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
No SIRET : 552 091 795
ayant son siège au 18 Quai de la Rapée-75012 PARIS
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée sur l'audience par Me Maxime OTTO de la SELARL OTTO-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J059
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
M. Dominique GILLES, Conseiller
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier présent lors du prononcé.
*
* *
Georges Y... a acquis, suivant acte authentique du 23 juin 1924, un terrain situé a Aulnay-sous-Bois,..., aujourd'hui..., sur lequel il a fait édifier un pavillon.
Il est décédé le 2 décembre 1954, laissant pour lui succéder sa fille naturelle Jacqueline Y..., née à Pantin le 25 janvier 1924, qu'il avait eue de Félicité D... épouse E.... Il avait institué Jacqueline Y... légataire universelle par testament olographe du 1er mai 1931, ainsi que le relate l'acte de notoriété dressé, le 05 octobre 1955 par Raymond F..., notaire à Aulnay-sous-Bois et les extraits d'actes de l'état civil annexés. Le notaire a précisé à cet acte de notoriété que le testament, dont il était dépositaire, pouvait recevoir sa pleine et entière exécution, le décès de Félicité D..., désignée légataire de l'usufruit des biens du défunt, étant survenu le 25 mai 1955.
Jacqueline Y..., hospitalisée depuis le 28 mai 1955 à l'Hôpital Départemental des Petits Prés à Plaisir, où elle est restée domiciliée jusqu'à sa mort, a fait l'objet d'une mesure d'interdiction judiciaire de sa personne et de ses biens, aux termes d'un jugement du tribunal civil de Versailles du 08 octobre 1958. A la suite, un conseil de famille a été réuni par le juge de paix du canton ouest de Versailles et, par délibération du 27 février 1959, lui ont été désignés un tuteur, en la personne de Roger G... et un subrogé tuteur, en la personne de Marcel H.... Jacqueline Y... a été placée de plein droit sous le régime de la tutelle des majeurs, à compter du 1er novembre 1968. Le juge des tutelles de Versailles, par jugement du 9 janvier 1974, a constaté que le tuteur désigné, Roger G..., était décédé le 09 novembre 1972 et, eu égard à la modicité du patrimoine seulement constitué de 1 000 francs en valeurs mobilières, a décidé qu'il convenait de désigner, en remplacement du tuteur, le gérant de tutelle de l'Hôpital Départemental des Petits Prés, selon le régime de la tutelle en gérance.
Jacqueline Y... est décédée le 21 avril 1996, laissant pour lui succéder, selon acte de notoriété établi, le 02 août 2013, par Laurent I..., notaire associé à Dinard, sa fille unique, Mme Micheline Y... épouse Z..., née le 10 janvier 1949.
Par arrêté du 31 octobre 2001, le Préfet de la Seine Saint-Denis a déclaré le bien immobilier litigieux " vacant et sans maître " et l'a attribué a l'Etat.
Mohamed X... et Fatima J... épouse X... s'étaient de longue date installés dans les lieux.
Mohamed X... est décédé le 17 décembre 2000 et son épouse le 14 avril 2005, en laissant pour héritiers leurs six enfants, Boualem, Cherifa, Abess, Malika, Moustapha et Yamina X... (ci-après les consorts X...).
Les consorts X... faisaient établir, le 09 octobre 2007, par le ministère de Mme Amélie C..., notaire à Aulnay-sous-Bois, un acte de notoriété acquisitive relatant que leur père et mère avaient possédé le bien immobilier litigieux à titre de propriétaire, de façon paisible et continue, depuis 1963 et qu'ils en étaient devenus propriétaires par prescription, de sorte qu'il leur avait été transmis par suite de leur décès.
Par lettre du 29 mars 2007, la Direction nationale des interventions domaniales avait demandé au notaire de lui transmettre l'acte de notoriété, après publication au service de la publicité foncière, afin de permettre l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 octobre 2001.
Par acte authentique du 2 août 2010, les consorts X... ont cédé le bien à
M. Narinderjit A... et Mme B... épouse A... pour un prix de 195 000 € en présence de la BRED Banque Populaire (ci-après, la BRED), en sa qualité de prêteur de deniers. Les époux A... avaient préalablement obtenu de la banque un prêt immobilier d'un montant de 175 000 € remboursable au taux d'intérêt annuel nominal de 4, 5 %, sur une durée de 300 mois.
En garantie du remboursement du prêt, la BRED a fait publier une inscription de privilège de prêteur de deniers le 30 septembre 2010.
Par acte d'huissier en date du 12 janvier 2011, Mme Micheline Y... épouse
Leclerc a fait assigner M. et Mme A... devant le tribunal de grande instance de Bobigny notamment aux fins devoir déclarer recevable son action en revendication du bien immobilier situé..., cadastré BK no68, dire qu'elle en est propriétaire, expulser ces derniers et fixer le montant de l'indemnité d'occupation dont ils lui sont redevables a compter du 9 octobre 2007.
Par jugement du 15 novembre 2011, le tribunal a ordonné la réouverture des débats, en enjoignant a la demanderesse d'assigner en intervention forcée la BRED.
Par acte d'huissier en date du 20 décembre 2011, Mme Y... a attrait la BRED à la procédure.
Par actes d'huissier en date des 29 février, 6, 16 et 20 mars 2012, la BRED a fait assigner Mme C... ainsi que Mmes et MM. Boualem, Cherifa, Abess, Malika, Moustapha et Yamina X... en intervention forcée.
La jonction entre les procédures a été prononcée par le juge de la mise en état.
C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Bobigny, par jugement du 18 décembre 2015, a :
- dit qu'aucune usucapion n'était intervenue,
- déclaré Mme Micheline Y... propriétaire du bien immobilier litigieux,
- ordonné la libération des lieux par les époux A... et à défaut leur expulsion et celle de tous occupants de leur chef,
- fixé à la somme de 1 000 € par mois, à compter du 12 janvier 2011 et jusqu'à la libération des lieux, l'indemnité d'occupation due par les époux A...,
- dit que les consorts X... sont débiteurs de la garantie d'éviction au bénéfice des époux A...,
- dit que Mme Amélie C..., notaire, a commis une faute au préjudice des époux A...,
- condamné in solidum les consorts X..., d'une part, et Mme C..., d'autre part, à restituer aux époux A... la somme de 195 000 € eu titre du prix versé pour la vente,
- condamné in solidum les consorts X..., d'une part, et Mme C..., d'autre part, à verser aux époux A..., à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :
. 14 000 € au titre des frais d'acte,
. 27 090 € au titre des intérêts d'emprunt,
. 3 985 € au titre d'une pénalité pour remboursement anticipé d'emprunt,
. 25 000 € au titre du préjudice moral,
- dit que Mme C... doit garantie aux époux A... au titre du prix de vente et de l'indemnité d'occupation jusqu'à la signification du jugement en cas d'insolvabilité des consorts X... et à la mesure de cette insolvabilité,
- alloué à Mme Y..., aux époux A... pris ensemble, et à la BRED une somme de 3 000 € à chacun et condamné in solidum les consorts X..., d'une part, et Mme C..., d'autre part, à verser une telle indemnité,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné in solidum les consorts X..., d'une part, et Mme C..., d'autre part, aux dépens pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions d'appelant du 29 septembre 2017, les consorts X... demandent à la Cour de :
- vu les articles 781 " et suivants ", 789, 2555 et 2272 du code civil, " dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 " s'agissant de l'article 789 ;
- déclarer prescrite l'option successorale exercée par Mme Y... et en conséquence la déclarer irrecevable en toutes ses demandes ;
- la débouter de son action en revendication ;
- à titre subsidiaire
-débouter les époux A... de leur appel en garantie au titre de l'indemnité d'occupation,
- cantonner cette indemnité d'occupation à 800 € par mois ;
- réduire les demandes des époux A... ;
- condamner Mme Y... à leur payer une somme de 120 000 € au titre de l'enrichissement sans cause ;
- vu l'article 1382 du code civil ;
- condamner Mme C... à les garantir de toute condamnation éventuelle ;
- rejeter toutes autres demandes ;
- en tout état de cause
-leur allouer une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera mise à charge de tout succombant qui sera également tenus aux dépens, ceux-ci pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 04 octobre 2017, Mme Y... prie la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter les consorts X..., les époux A... et Mme C... de toutes leurs demandes dirigées contre elle ;
- condamner tout succombant à lui verser une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge de tous les dépens pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 1er juin 2016, les époux A... demandent à la Cour de :
- à titre principal
-débouter Mme Y... de toutes ses demandes ;
- à titre subsidiaire, pour le cas où serait établie sa qualité de propriétaire par voie de succession
-dire que leur statut d'acquéreur de bonne foi ne peut être écarté sans porter atteinte à leurs droits acquis ;
- condamner solidairement les consorts X... et Mme C... à leur payer telle somme qu'il plaira à la Cour à titre de dommages et intérêts ;
- à défaut
-condamner solidairement les consorts X... et Mme C... à leur payer les sommes versées par eux au titre de la vente :
. 195 000 € au titre du prix d'acquisition ;
. 14 000 € au titre des frais d'acte notarié ;
. 3 985 € au titre des pénalités pour remboursement anticipé ;
. 30 000 € à titre de provision correspondant aux intérêts déjà acquittés auprès de la banque, somme à parfaire ;
- condamner solidairement les consorts X... et Mme C... à leur payer les sommes suivantes :
. 80 000 €, pour préjudice financier ;
. 50 000 €, pour préjudice moral ;
- condamner solidairement les consorts X... et Mme C... à payer directement à Mme Y... toutes indemnités d'occupation que la Cour viendrait à fixer au profit de cette dernière, sans qu'ils soient eux-mêmes recherchés ou inquiétés ;
- en tout état de cause :
- condamner solidairement les consorts X... et Mme C... à leur payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 11 octobre 2017, Mme C... demande à la Cour de :
- vu l'article 1382 du code civil ;
- infirmer le jugement entrepris ;
- statuant à nouveau
-déclarer Mme Y... irrecevable en ses demandes ;
- en tout état de cause
-débouter les époux A..., les consorts X... et Mme Y... de toutes leurs demandes contre elle ;
- dire la BRED mal fondée en son appel incident et la débouter de toutes les demandes dirigées contre elle ;
- lui allouer 5 000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge des consorts X... ou tous succombants, tenus in solidum, lesquels seront semblablement condamnés aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 03 novembre 2016, la BRED Banque Populaire prie la Cour de :
- prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande d'infirmation et sur l'action en revendication exercée ;
- si la Cour devait prononcer la caducité du contrat de prêt à la date du présent arrêt :
. condamner les consorts A... à lui restituer une somme de 149 722, 18 € au titre du capital restant dû ;
. condamner les consorts A... à lui payer une somme de 4 491, 66 € au titre du remboursement anticipé du prêt ;
. condamner in solidum Mme C... et les consorts X... à lui payer une somme de 73 999, 66 € au titre du préjudice financier résultant de son manque à gagner ;
- si la Cour devait fixer la date de restitution à une autre échéance, dire que les époux A... seraient tenus de restituer, en deniers ou quittances, la somme de 175 000 € diminuée du montant déjà remboursé à la date d'arrêt des comptes, tel que détaillé dans le tableau d'amortissement ;
- si la Cour devait annuler le contrat de prêt :
. condamner les époux A... à lui restituer la somme de 175 000 € ;
. condamner solidairement Mme C... et les consorts X... à l'indemniser de son préjudice à hauteur des sommes suivantes :
* 42 811, 88 € au titre de la restitution des intérêts perçus par la banque ;
* 600 € au titre des frais de dossier ;
* 150 € au titre des frais d'inscription du privilège de prêteur de deniers ;
* 73 999, 66 € au titre du manque à gagner relatifs à la perte des intérêts contractuels ;
- en tout état de cause :
- quelle que soit la décision de la Cour sur le régime et la date des restitutions ou remboursements, à titre de garantie, et afin d'éviter toute éventuelle insolvabilité des consorts A..., vu la difficulté de mettre en œuvre, dans cette hypothèse, le privilège de prêteur de deniers, condamner les consorts X..., vendeurs de mauvaise foi, et le notaire fautif, Mme C..., in solidum, à lui verser directement, en lieu et place
des époux A..., le montant du prêt consenti par la Bred soit la somme de 175 000 €, en deniers ou quittances (vu le remboursement partiel par les époux A... d'une partie du principal de l'emprunt) ;
- condamner solidairement Mme C..., notaire, et les consorts X..., ainsi que tout succombant à lui verser une somme de 15 000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile, en sus de supporter la charge des dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE
LA COUR
Sur la prescription de l'option successorale
Si la succession est acquise au seul héritier, désigné légataire universel ou non, sans besoin que celui-ci ne manifeste sa volonté, il n'en reste pas moins que la loi n'admet pas de successible nécessaire et, afin d'éviter d'imposer une succession à celui qui n'en voudrait pas, le successible dispose d'un droit d'option.
En application de l'article 789 du code civil applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions, l'héritier qui n'exerçait pas son option successorale pendant plus de trente ans était réputé renonçant ; s'agissant d'une prescription extinctive, ce délai était suspendu et ne pouvait courir contre un majeur en tutelle ou un mineur ; cette cause de suspension étant, cependant, purement personnelle à l'incapable, elle ne peut être invoquée par son héritier. Le point de départ du délai pour exercer l'option est le même pour tous les successibles, quel que soit leur rang et il s'agit de la date du décès du de cujus, qui marque l'ouverture de la succession. Le successible de second rang peut toujours accepter la succession à titre éventuel, pour le cas où le successible de premier rang renoncerait ou n'exercerait pas l'option. Enfin, le successible qui revendique un bien héréditaire passé le délai pour exercer l'option doit prouver qu'il a accepté dans le délai.
En l'espèce, le délai pour exercer l'option a commencé à courir le 2 décembre 1954, à l'égard de Jacqueline Y..., majeure, qui n'était pas encore placée sous un régime d'incapacité.
Or, il est établi que les organes de la tutelle n'ont en rien tenu compte du bien immobilier échu à Jacqueline Y..., dont l'existence dans le patrimoine de la majeure protégée n'était pas même connue du juge des tutelles à l'ouverture de la mesure. Mme Micheline Y... avait quant à elle connaissance de l'existence de ce bien lorsqu'elle a été informée par lettre du 17 octobre 1994 du successeur de Raymond F..., les notaires associés Jeulin-Kraus-Revet-Fosset, de ce que la dévolution successorale de Georges Y... avait été établie au profit de sa mère, Jacqueline Y..., en 1955 ; le notaire lui demandait à cette occasion la copie du jugement plaçant celle-ci sous protection et son adresse, pour déterminer le juge des tutelles compétent ; enfin, le notaire l'interrogeait pour savoir si elle pensait venir elle-même mettre en vente l'immeuble, sis à Aulnay-sous-Bois, qui dépendait de cette succession ou bien si elle préférait traiter avec lui à distance.
Mme Micheline Y..., après s'être manifestée auprès des notaires associés Jeulin-Kraus-Revet-Fosset, s'est rapprochée du tuteur. Une lettre manuscrite du 30 décembre 1994, dont le sens indique qu'elle a été adressée au tuteur, révèle qu'elle ne savait pas pourquoi sa mère avait été hospitalisée, ni dans quelles conditions et qu'elle n'avait eu depuis lors aucun contact avec elle. Mme Micheline Y... a également communiqué par cette lettre un plan du terrain litigieux et a indiqué que la maison était occupée par les consorts X.... A la suite, le tuteur a entrepris des recherches au sujet du bien litigieux échu à sa protégée. Il est encore établi par une lettre du maire d'Aulnay-sous-Bois reçue le 25 avril 1995 par le tuteur, que celui-ci, le 07 avril 1995, a interrogé la commune sur la situation d'occupation du bien appartenant à Jacqueline Y.... Le maire, en réponse, a précisé que le propriétaire présumé serait bien Georges Y..., que les impôts fonciers n'avaient jamais été recouvrés et que la taxe d'habitation " serait effectivement perçue au nom d'X... ". Le maire s'est déclaré incapable de déterminer si ces occupants bénéficiaient ou non d'un bail ou si des loyers étaient perçus en contrepartie de la jouissance de ce bien, s'agissant d'une affaire de " droit privé ". Le maire concluait ainsi : " Dès lors, il ne tient qu'à vous d'engager une procédure afin de faire reconnaître les droits de Mme Y... Jacqueline, en l'occurrence par une action pétitoire devant le tribunal de grande instance ".
Le 20 novembre 1995, le tuteur adressait une lettre à M. Mohamed X..., faisant état de ce que l'immeuble appartiendrait à Jacqueline Y..., pour l'avoir hérité de son père et lui demandant s'il existait un bail et si des loyers étaient versés et à qui. Le tuteur mentionnait qu'à défaut de réponse, il en serait référé au juge des tutelles de Versailles.
Toutefois, il n'est établi par aucun élément que Jacqueline Y... aurait accepté la succession de son père, fût-ce tacitement, entre la date du décès de celui-ci et celle de sa mise sous régime de protection juridique des majeurs, date à compter de laquelle le délai pour exercer l'option a été suspendu. Il n'est pas établi que la suspension du délai ait été mise à profit par le tuteur pour accepter la succession. Or, contrairement à ce que soutient Mme Micheline Y..., l'acte de notoriété de 1955, établi pendant le cours de l'hospitalisation de sa mère, sur la comparution de deux personnes dont rien n'indique qu'elles auraient agi à la demande de celle-ci, ne prouve en rien une manifestation de volonté emportant acceptation de la succession. Par conséquent, il doit être retenu que Jacqueline Y... est décédée sans avoir exercé son option successorale. Mme Micheline Y... ne peut donc exercer l'action en revendication au titre des droits sur le bien qu'elle aurait recueillis dans la succession de sa mère, puisque la suspension du délai de prescription pour cause de tutelle ne peut lui profiter et que plus de trente années se sont écoulées depuis l'ouverture de la succession de Georges Y.... Elle ne pourrait par conséquent se prévaloir que de sa vocation successorale propre en sa qualité d'héritière de second rang de son grand-père. Dès lors qu'elle savait, depuis 1994, que le tuteur était saisi de l'existence du bien immobilier héréditaire et qu'elle ne justifie, à compter du 10 janvier 1970, date de sa majorité, d'aucun empêchement légitime à exercer son option, fût-ce à titre éventuel et pour le cas où sa mère serait demeurée passive, il doit être retenu que, faute d'avoir exercé son option avant le 11 janvier 2000 par quelqu'acte que ce soit marquant sa volonté de ce comporté en propriétaire, elle est réputée avoir renoncé.
Tout intéressé, en particulier les consorts A..., le notaire et les consorts X... peuvent se prévaloir de la prescription extinctive. C'est pourquoi, il est nécessaire en l'espèce d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer Mme Micheline Y... irrecevable comme prescrite en sa demande en revendication, qui sera rejetée, ainsi que toutes les prétentions qui en découlent.
Sur les demandes accessoires
La solution nécessaire du procès laisse demeurer que les consorts X... ont pu revendre au prix de 195 000 € un bien immobilier acquis au seul moyen de l'installation sans droit ni titre de leur auteur, Mohamed X..., sans que ni loyer ni prix de vente ait jamais été acquitté auprès du véritable propriétaire et ce, pendant le temps nécessaire à l'extinction des droits des héritières de Georges Y....
C'est pourquoi, à titre exceptionnel, les consorts X... seront tenus aux dépens de première instance et d'appel et s'acquitteront auprès de Mme Y..., des époux A..., pris ensemble, et de la BRED d'une somme supplémentaire de 2 000 € à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement de première instance étant confirmé en ce qu'il leur a déjà alloué une somme de 3 000 € chacun.
En équité, le surplus des demandes d'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en particulier celle du notaire, sera rejeté.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné les consorts X... aux dépens, et à payer à Mme Y..., aux époux A... pris ensemble, et à la BRED une somme de 3 000 € à chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau
Déclare Mme Y... irrecevable comme prescrite en son action en revendication,
Rejette toutes ses demandes au titre de la propriété du bien immobilier, de sa libération par les époux A... et des indemnités d'occupation,
Condamne les consorts X... aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés comme prévu à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne les consorts X... à payer à Mme Y..., aux époux A..., pris ensemble, et à la BRED une somme supplémentaire de 2 000 € à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
Le Greffier, La Présidente,