La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2017 | FRANCE | N°15/07680

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 09 novembre 2017, 15/07680


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2017



(n° 2017- , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07680



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 13/01178





APPELANTE



La SARL FONCIERE IMMOBILIERE D'APPORT ET DE GESTION, agissant en la personne de son repr

ésentant légal

N° SIRET : 746 551 019 00019

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée et assistée à l'audience de Me Florence REMY de l'ASSOCIATION INCHAUSPE REMY, avocat au barreau de ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2017

(n° 2017- , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07680

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 13/01178

APPELANTE

La SARL FONCIERE IMMOBILIERE D'APPORT ET DE GESTION, agissant en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 746 551 019 00019

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée et assistée à l'audience de Me Florence REMY de l'ASSOCIATION INCHAUSPE REMY, avocat au barreau de PARIS, toque : R066

INTIMES

Monsieur [B] [O] [W]

Né le [Date naissance 1] 1962

[Adresse 3]

[Adresse 2]

ET

Madame [H] [W] [H]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

ET

Monsieur [T] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

ET

La société THELEM ASSURANCES , prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistés à l'audience de Me Dominique NICOLAI LOTY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0420

Monsieur [C] [E] [J]

Né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1]

[Adresse 6]

[Adresse 2]

ET

Madame [A] [J]

Née le [Date naissance 3] 1965 en CHINE

[Adresse 6]

[Adresse 2]

ET

Monsieur [M] [J]

Né le [Date naissance 4] 1989 à [Localité 2]

[Adresse 6]

[Adresse 2]

ET

La SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 722 057 460 01971

[Adresse 7]

[Adresse 8]

Représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistés à l'audience de Florence ROSANO, avocate au barreau de PARIS, toque B 390

Monsieur [N] [F]

Né le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 3]

[Adresse 9]

[Adresse 10]

ET

Madame [Z] [G] épouse [F]

Née le [Date naissance 6] 1958 à [Localité 4]

[Adresse 9]

[Adresse 10]

ET

Monsieur [J] [F]

Né le [Date naissance 7] 1989 à [Localité 5]

[Adresse 9]

[Adresse 10]

ET

La Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (MACIF)

N° SIRET : 781 452 511 00814

[Adresse 11]

[Adresse 12]

Représentés par Me Marie CORNELIE-WEIL de la SELARL CABINET CORNELIE-WEIL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201

Assistés à l'audience de Me Romain MAMPOUMA de la SELARL S.E.D.E.X., avocat au barreau de COMPIEGNE

Monsieur [I] [L]

Né le [Date naissance 8] 1957 à [Localité 6]

[Adresse 13]

[Adresse 2]

ET

Madame [G] [Z] épouse [L]

Née le [Date naissance 9] 1959 à [Localité 7]

[Adresse 13]

[Adresse 2]

ET

Monsieur [K] [L]

Né le [Date naissance 10] 1989 à [Localité 8]

[Adresse 13]

[Adresse 2]

ET

La MATMUT, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 775 70 1 4 77

[Adresse 14]

[Adresse 15]

Représentés et assistés à l'audience de par Me Solange IEVA-GUENOUN de la SCP IEVA-GUENOUN/PAIN, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 octobre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***************

La SARL Foncière immobilière d'apport et de gestion dite Fonciag est propriétaire d'un ensemble immobilier sis à la [Localité 9], aux numéros [Adresse 16].

Le 12 juin 2005, un incendie s'est déclaré au sein des bâtiments dits «'[Adresse 17]'».

Par effet d'un arrêté municipal de péril imminent du 5 juillet 2005, la société Fonciag a été tenue de démolir l'ensemble des bâtiments sinistrés.

Une enquête pénale a été diligentée, à l'issue de laquelle ont été mis en cause quatre mineurs, [K] [L], [T] [W], [M] [J] et [J] [F].

Après l'échec de discussions amiables entreprises entre la société Fonciag, les parents des mineurs et leurs assureurs, la société Fonciag a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux, le 10 décembre 2008, la désignation d'un expert judiciaire afin d'évaluer l'étendue du préjudice subi du fait de l'incendie, ainsi que la condamnation in solidum des parents des mineurs et de leurs assureurs respectifs, à l'exception des parents et de l'assureur de [J] [F], à lui payer la somme de 345 037 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice.

Après infirmation partielle de cette ordonnance par la cour d'appel de Paris le 7 octobre 2009 puis cassation partielle le 11 septembre 2011, l'affaire a été examinée à nouveau par la cour d'appel de Paris, laquelle a, dans un arrêt du 25 septembre 2012, dit n'y avoir lieu à provision, étant précisé que la société Fonciag n'était pas comparante devant la cour de renvoi.

Le 5 septembre 2012, l'expert judiciaire, M. [Y] [E], a déposé son rapport.

Par actes d'huissier du 28 décembre 2012 et des 2, 7, 16, 17, 18, et 31 janvier 2013, la SARL Fonciag a fait assigner M. [T] [W], M. [B] [O] [W], pris en sa qualité de représentant légal de son fils [T] [W], Mme [H] [W] [H] prise en sa qualité de représentante légale de son fils [T] [W], ( ci-après 'les consorts [W]' ) et leur assureur la société Thelem France, M. [M] [J], M. [C] [E] [J], pris en sa qualité de représentant légal de son fils [M] [J], Mme [A] [J], prise en sa qualité de représentante légale de son fils [M] [J] ( ci-après 'les consorts [J]' ) et leur assureur la SA Axa France Iard venant aux droits de la compagnie Axa Assurances, M. [J] [L] [F], M. [N] [F], pris en sa qualité de représentant légal de son fils [J] [F], Mme [Z] [G], prise en sa qualité de représentante légale de son fils [J] [F] ( ci-après 'les consorts [F]' ) et leur assureur, la Macif, M. [K] [L], M. [I] [L], pris en sa qualité de représentant légal de son fils [K] [L], Mme [G] [Z], prise en sa qualité de représentante légale de son fils [K] [L] ( ci-après 'les consorts [L]' ) et leur assureur la société Matmut Assurances, aux fins de condamnation à lui payer la somme de 4 169 473 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé, invoquant la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs, la procédure pénale ayant permis selon elle d'établir que les mineurs, seuls présents sur les lieux au moment du déclenchement de l'incendie, en étaient les auteurs.

Par jugement rendu le 19 mars 2015, le tribunal de grande instance de Meaux a :

-Débouté la SARL Fonciag de l'intégralité de ses demandes,

-dit ne pas avoir lieu à statuer sur la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire présenté par la société Axa France Iard, M. [M] [J], M. [C] [E] [J] et Mme [A] [J],

-condamné la SARL Fonciag aux dépens avec distraction,

-condamné la SARL Fonciag à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros à la société Thelem France, M. [T] [W], M. [B] [O] [W] et Mme [H] [W] [H], la somme de 2 000 euros à la société Axa France Iard ( venant aux droits de la société Axa Assurances ), M. [M] [J], M. [C] [E] [J], et Mme [A] [J], la somme de 2 000 euros à la société Macif, M. [J] [F], M. [N] [F] et Mme [Z] [G], la somme de 2 000 euros à la société Matmut assurances, M. [K] [L], M. [I] [L], et Mme [G] [Z],

-dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

La SARL Fonciag a interjeté appel du jugement par déclaration du 8 avril 2015.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2017, la SARL Fonciag demande à la cour, au visa des articles 1153-1, 1154, 1382 et suivants du code civil, L.121-2 et L.124-3 du code des assurances, et des articles 696, 699, et 700 du code de procédure civile, de :

-Juger irrecevable l'appel incident des consorts [L] et de leur assureur,

-débouter les consorts [L] et leur assureur la Matmut, les consorts [F] et leur assureur la Macif, les consorts [W] et leur assureur la société Thelem France, les consorts [J] et leur assureur Axa France Iard, de l'ensemble de leurs demandes et notamment de leur demande de nullité du rapport d'expertise,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux en toutes ses dispositions,

-condamner solidairement les intimés à lui régler la somme de 4 169 473 euros HT en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2008, date de l'assignation en référé, subsidiairement à compter de la date du jugement, et avec anatocisme,

-subsidiairement, si une faute devait être reconnue à son encontre, dire que la conséquence ne peut être qu'un partage de responsabilité limité à un cinquième du préjudice subi à sa charge de sorte que les intimés devront être condamnés solidairement à lui verser les quatre-cinquième des sommes indemnitaires ;

-condamner solidairement les intimés aux dépens de première instance comprenant le coût de l'expertise et d'appel ainsi qu'à lui verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2017, les époux [L] pris en leur qualité de représentants légaux de leur fils [K] [L], mineur au moment des faits, M. [K] [L] devenu majeur et de leur assureur la Matmut, sollicitent de la cour, au visa des articles 1382 et 1384 du code civil, qu'elle :

-Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

-ordonne le remboursement par la SARL Fonciag des sommes déjà versées par la Matmut avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt du 25 septembre 2012,

-déboute la SARL Fonciag de ses demandes,

à titre subsidiaire, si le jugement déféré devait être infirmé,

-déboute la société Fonciag de l'intégralité de ses demandes,

à titre infiniment et très infiniment subsidiaire,

-dise que la société Fonciag a commis plusieurs fautes ayant contribué à la réalisation du dommage et réduisant son droit à indemnisation,

-limite l'indemnisation du préjudice de la SARL Fonciag à 715 000 euros,

-dise que seul un quart des sommes accordées à la société Fonciag pourra être mis à la charge définitive de la société Matmut, les trois autres quarts devant être réglés par les autres assureurs,

-déduise la franchise de 120 euros ainsi que la somme de 115 512,33 euros déjà versée,

-déboute la société Fonciag de sa demande de report du point de départ de l'intérêt au taux légal au 19 juin 2008 ou à compter du 19 mars 2015, et de sa demande de capitalisation des intérêts,

en tout état de cause,

-condamne tout succombant à payer aux consorts [L] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction';

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2017, les époux [F], en leur qualité de représentants légaux de leur fils [J] [F], mineur au moment des faits, M. [J] [F] devenu majeur et de leur assureur la MACIF, demandent à la cour, au visa des articles 1382 et 1384 du code civil, outre divers dire et juger qui ne sont que la reprise de leurs moyens, de :

-Déclarer la société Fonciag irrecevable et mal fondée en son appel,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-débouter la société Fonciag et toutes les autres parties de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire :

-juger que la faute de la société Fonciag exonère les parents ès qualités de toute responsabilité fondée sur l'article 1384 du code civil ;

à titre infiniment subsidiaire,

-prononcer un partage de responsabilité entre la société Fonciag et les quatre jeunes responsables, leurs civilement responsables et leurs assureurs dans les conditions suivantes':

-90% à la charge de la société Fonciag,

-10% à la charge de l'ensemble des défendeurs,

-limiter le préjudice de la société Fonciag à la somme de 774 000 euros, toutes causes confondues,

-fixer le préjudice de la société Fonciag mis à la charge de l'ensemble des défendeurs à la somme de 77 400 euros,

en tout état de cause,

-condamner la société Fonciag à verser à la MACIF et aux consorts [F] la somme de 25000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2017, les époux [J], en leur qualité de représentants légaux de leur fils [M] [J], mineur au moment des faits, M. [M] [J] devenu majeur et de leur assureur Axa France Iard, prient la cour, au visa des articles '75" et 237 du code de procédure civile, outre divers dire qui ne sont que la reprise de leurs moyens, de':

-Confirmer le jugement entrepris,

-prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [E],

à titre subsidiaire,

-mettre hors de cause [M] [J], ses parents, et leur assureur,

à titre plus subsidiaire,

-débouter la société Fonciag de sa demande d'indemnisation, plus subsidiairement, dire que la société Fonciag a commis une faute et a contribué à son propre préjudice, son droit à indemnisation devant être réduit à hauteur de 50 %,

-condamner la société Fonciag à rembourser à la compagnie Axa France Iard la somme de 115 512,33 euros au titre de la répétition de l'indu avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2012,

-condamner la société Fonciag à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2016, M. [W] et Mme [H], en leur qualité de représentants légaux de leur fils [T] [W], mineur au moment des faits, M. [T] [W] devenu majeur et de leur assureur Thelem assurances, demandent à la cour, au visa des articles 1153-1 et suivants et 1382 et suivants du code civil, de :

-Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

-débouter la société Fonciag de l'ensemble de ses demandes,

-à titre très subsidiaire, limiter l'indemnisation à la charge de la société Thelem Assurances et des consorts [W] [H] à 72 168,25 euros (correspondant au coût HT des travaux de démolition, soit 288 673 € HT, divisé par le nombre de responsables),

-limiter l'indemnisation due par la société Thelem Assurances au plafond de garantie prévue par son contrat, soit 622 816 euros,

-juger que les intérêts ne sauraient courir qu'à compter de la délivrance de l'assignation au fond,

en tout état de cause,

-condamner la société Fonciag à verser à la société Thelem Assurances et aux consorts [W] [H] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec distraction.

L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire a été rendue le 20 septembre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

Sur la responsabilité civile :

La société Fonciag qui recherche la responsabilité des quatre mineurs ayant été vus sortant de l'immeuble en flammes et ayant reconnu y avoir pénétré avant que l'incendie se déclare, et de leurs parents sur le fondement des articles 1382 et suivants devenus 1240, 1241 et 1242 du code civil doit rapporter la preuve d'un acte commis par les quatre garçons en lien de causalité direct et certain avec le dommage qu'elle a subi. Il lui appartient ainsi d'établir que, par leur fait - même non fautif s'agissant de la responsabilité de plein droit des parents-, leur négligence ou leur imprudence les mineurs, ou certains d'entre eux, ont été à l'origine de l'incendie ayant détruit l'immeuble.

Les premiers juges ont donc à juste titre affirmé que la recherche de responsabilité personnelle des mineurs et/ou de leurs père et mère suppose de pouvoir imputer l'incendie aux mineurs en la cause.

Ils ont aussi à bon droit relevé que l'acceptation par les mineurs et leurs parents d'une mesure de réparation pénale ne signe pas une reconnaissance de responsabilité civile à raison de l'incendie et qu'en l'absence d'une reconnaissance de responsabilité par les assurés, l'éventuelle reconnaissance de garantie par les sociétés Axa France Iard et Matmut pendant la phase précontentieuse ne les engage pas dans le cadre de l'instance judiciaire.

Les premiers juges ont relevé avec exactitude que :

-l'incendie s'est déclaré peu de temps avant 17h45, heure d'arrivée des pompiers qui ont vu les quatre mineurs sortir précipitamment du bâtiment ; les mineurs reconnaissent avoir passé environ 1h30 dans l'immeuble et aucun autre individu n'a été vu dans les lieux ;

-le rapport d'opération de police technique réalisé le lendemain de l'incendie, après une intervention des pompiers pendant huit heures, est très succinct sur l'origine de l'incendie et il n'y a pas eu d'investigation technique complémentaire ;

-le système de mise à feu est particulièrement incertain et les mineurs n'ont été trouvés porteurs d'aucun objet susceptible de déclencher un incendie ;

-l'hypothèse retenue à l'issue de l'enquête pénale d'une action sur une tondeuse située dans le bâtiment et reconnue par [K] [L] en ces termes : actionnant la tondeuse, on a pu mettre le feu accidentellement et que ce sinistre se soit déclenché lentement, n'est nullement étayée par les éléments de l'enquête, ne peut être tenue pour acquise en la seule absence d'une explication alternative et ne coïncide pas avec les déclarations concordantes des mineurs et des pompiers qui évoquent un départ de feu au premier étage et non au rez-de-chaussée ;

-compte-tenu des incertitudes pesant sur le caractère non spontané du départ de l'incendie, du lieu de départ et du système de mise à feu, les éléments de l'enquête pénale sont insuffisants à établir l'imputabilité du sinistre aux mineurs ; on ne peut tirer un lien de causalité de la seule concomitance entre la présence des mineurs dans les lieux et la déclaration de l'incendie ; au surplus, l'action particulière de chacun des mineurs n'est pas caractérisée ;

-les quatre mineurs ont toujours contesté être à l'origine de l'incendie, [K] [L] n'ayant fait que confirmer l'hypothèse d'un déclenchement de l'incendie à partir de son action sur la tondeuse sans formellement reconnaître être à l'origine du départ de feu.

La cour tient à préciser les points suivants :

-les parties ne disposent d'aucune expertise technique, plus approfondie que celle effectuée par le technicien en identification criminelle dans le cadre de l'enquête de flagrance ;

-les déclarations des quatre mineurs ont toujours été constantes et ne comportent aucune contradiction entre elles alors qu'ils ont été interpellés très rapidement après qu'ils ont quitté le bâtiment incendié et n'ont pas eu le temps de s'accorder sur une version des faits ;

-le rapport d'opération de police technique contenu dans l'enquête préliminaire de gendarmerie ne comporte aucune constatation matérielle quant au lieu exact de départ du feu, le technicien [V] [K] n'émettant qu'une hypothèse en ces termes : Il semble que l'incendie a démarré au niveau d'un escalier métallique qui mène au sous-sol du bâtiment; cette hypothèse est contredite par les déclarations des pompiers et des mineurs aux termes desquelles à l'arrivée des pompiers et au moment de la fuite des mineurs, le feu se propageait au premier étage du bâtiment et aucune flamme n'avait pas été observée au rez-de-chaussée ;

-l'enquête de flagrance ne comporte aucun élément objectif corroborant les déclarations des mineurs sur l'existence au rez-de-chaussée d'une tondeuse ; notamment, le technicien [V] [K] ne note pas la présence d'un tel objet à l'endroit supposé du départ de feu ; par ailleurs, si [K] [L] mentionne la présence d'une odeur légère d'essence émanant de la tondeuse, il précise aussi que le réservoir était vide et indique n'avoir jamais vu d'étincelles lors des essais de démarrage de l'engin ; la présence à proximité de l'escalier menant au sous-sol, de toilettes dans lesquelles ont été retrouvés deux bidons plastiques ayant contenu du carburant ne permet pas à elle seule d'affirmer que le feu est parti de l'escalier et qu'il a été allumé grâce au contenu des bidons, étant rappelé que le bâtiment étant désaffecté depuis plusieurs années et encombré de nombreux objets, il ne peut être tiré aucune conséquence particulière de la présence de ces bidons dans des toilettes ;

-s'il apparaît aux termes de l'enquête de gendarmerie que [K] [L] a pu, pendant quelques instants, se dissocier du groupe et rester seul au premier étage, rien ne permet d'affirmer qu'il a profité de cette occasion pour allumer un feu ;

-contrairement aux affirmations de la société Fonciag, l'hypothèse d'un départ de feu par l'action des jeunes sur la tondeuse n'est pas la seule explication possible à l'incendie, d'autres causes ne pouvant être totalement exclues, notamment celle d'un départ spontané ou de l'intervention d'autres personnes non identifiées par l'enquête, dès lors qu'aux termes de son rapport : Il semble que la thèse de l'incendie volontaire peut être privilégiée, le technicien n'exprime aucune certitude, que le bâtiment était abandonné depuis plusieurs années et servait de dépôt 'sauvage' pour de nombreux objets, notamment des produits inflammables à proximité de ballots de vêtements et qu'il était régulièrement visité par les jeunes des alentours.

Il résulte de tous ces éléments que la société Fonciag échoue à établir le fait, fautif ou non, commis par le groupe de jeunes garçons dans le cadre d'une coaction ou par l'un seul d'entre eux, à l'origine de l'incendie et des dommages dont elle demande réparation.

Dans ces conditions, le jugement déféré qui a débouté la société Fonciag de toutes ses demandes en retenant qu'en l'état de l'enquête pénale et des positions des parties, ni la responsabilité délictuelle des mineurs et de leurs parents, ni la garantie de leurs assureurs ne pouvaient être engagées, doit être confirmé.

Sur la nullité du rapport d'expertise :

Par conséquent, ainsi que l'ont justement dit les premiers juges, la demande tendant à voir reconnaître la nullité du rapport d'expertise judiciaire portant sur l'évaluation des dommages, établi par M. [E], devient sans objet.

Sur les demandes de remboursement :

Les sociétés d'assurance Axa France Iard et Matmut demandent à être remboursées par la société Fonciag de la somme de 115 512,33 euros à chacune d'elles, représentant le tiers de la condamnation provisionnelle prononcée par le juge des référés près le tribunal de grande instance de Paris.

Toutefois, dès lors que cette ordonnance rendue le 10 décembre 2008 a été infirmée par arrêt de la présente cour en date du 25 septembre 2012, cet arrêt vaut titre de restitution et la demande dans le cadre de la présente instance est dépourvue d'intérêt.

Elle sera donc rejetée.

Sur les autres demandes :

La société Fonciag qui succombe, supportera les dépens de la procédure d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles engagés pour la présente procédure. Il leur sera accordé des indemnités telles que fixées au dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes de remboursement formées par les sociétés Axa France Iard et Matmut ;

Condamne la SARL Fonciag à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :

- 2 000 euros à la société Thelem France, M. [T] [W], M. [B] [O] [W] et Mme [H] [W] [H],

- 2 000 euros à la société Axa France Iard ( venant aux droits de la société Axa Assurances ), M. [M] [J], M. [C] [E] [J], et Mme [A] [J],

- 2 000 euros à la société Macif, M. [J] [F], M. [N] [F] et Mme [Z] [G],

- 2 000 euros à la société Matmut assurances, M. [K] [L], M. [I] [L], et Mme [G] [Z] ;

Condamne la SARL Fonciag aux entiers dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit de Maître Fromantin, de Maître Solange Ieva-Guenoun de la SCP Eva-Guenoun-Pain, de Maître Marie Cornelie Weil et de la SCP Regnier Bequet Moisan.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/07680
Date de la décision : 09/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°15/07680 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-09;15.07680 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award