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02/11/2017 | FRANCE | N°16/03549

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 02 novembre 2017, 16/03549


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 02 Novembre 2017

(n° 641 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03549



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/00790



APPELANT

Monsieur [F] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

comparan

t et assisté par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185, substitué par Me Anaïs MOLINIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185





INTIMEE

SASU LOOMIS FRANCE

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 02 Novembre 2017

(n° 641 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03549

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/00790

APPELANT

Monsieur [F] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

comparant et assisté par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185, substitué par Me Anaïs MOLINIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

INTIMEE

SASU LOOMIS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 479 048 597

représentée par Me Arnaud DE SAINT LEGER, avocat au barreau de LYON, toque : 275

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine BEZIO, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseiller

Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS :

M. [F] [U] a été embauché le 19 décembre 1988 par la société SECURIPOST dans l'emploi d'escorteur de fonds.

Par avenant en date du 27 avril 1990, il a été nommé escorteur messager à effet au 1er mai 1990 puis selon avenant du 18 juin 1991, convoyeur messager à effet au 1er juillet 1991.

Le contrat de travail de M. [U] a été transféré à la société ARDIAL puis VALIANCE FIDUCIAIRE puis à la société SECURITAS devenue LOOMIS.

Le 11 septembre 2012, M. [U] a été nommé par le syndicat CGT TRANSPORTS membre de la commission départementale de sécurité de transports de fonds pour la préfecture de Seine Saint Denis.

Le 26 septembre 2012, la société LOOMIS a notifié à M. [U] son licenciement pour 'refus de travail' le 30 juillet 2012 et le 5 septembre 2012 sans retenir de faute grave.

M. [U] a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Par jugement en date du 26 janvier 2016, le conseil a dit que le licenciement de M. [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la SASU LOOMIS FRANCE à payer à M. [U] la somme de 16 000 euros sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail et la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a dit que les créances indemnitaires porteraient intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, a débouté M. [U] du surplus de ses demandes, a débouté la SASU LOOMIS FRANCE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SASU LOOMIS FRANCE aux dépens.

M. [U] a interjeté appel le 9 mars 2016.

Par conclusions visées par le greffier le 14 septembre 2017 et exposées oralement à l'audience, M. [U] demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de nullité du licenciement et ses demandes de dommages-intérêts relatives au non respect des visites médicales et pour non remise de la médaille du travail et de :

- dire que son licenciement est nul, à titre principal, de plein droit pour violation du statut protecteur édicté par l'article L2234-3 du code du travail, à titre subsidiaire sur le fondement des articles L4131-3 et L1132-4 du code du travail,

- ordonner sa réintégration à son poste sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

- condamner la société LOOMIS à lui payer la somme de 161 890,88 euros à titre d'indemnité compensatrice pour perte de salaire du 27 novembre 2012 au 14 septembre 2017, outre la somme de 16 189,08 euros au titre des congés payés incidents, sans préjudice des salaires à échoir jusqu'à la réintégration effective,

- ordonner la remise des bulletins de paie de novembre 2012 jusqu'à la réintégration effective, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par bulletin de paie,

- condamner la société LOOMIS à lui payer la somme de 17 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul sur le fondement, à titre principal, des articles L2251-1, L2234-3 et L2411-3 du code du travail et à titre subsidiaire des articles L4131-3 pour entrave au droit de retrait, L1132-2 et L2141-5 du code du travail pour discrimination syndicale,

et à titre infiniment subsidiaire de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de porter le quantum des dommages-intérêts à ce titre à la somme de 100 000 euros,

en tout état de cause, condamner la société LOOMIS à payer à M. [U] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des visites médicales et la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour non remise de la médaille du travail, ordonner à la société LOOMIS de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, dire que la Cour se réservera de liquider les astreintes, de condamner la société LOOMIS à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de celle allouée par le conseil, et aux dépens, de dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et du prononcé de la décision concernant les créances indemnitaires, avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil.

Au soutien de ses demandes, M. [U] fait valoir que son licenciement a été prononcé en violation de son statut protecteur et est donc nul de plein droit. Il soutient qu'il était membre de la commission nationale paritaire professionnelle de l'emploi et de la formation professionnelle des transports routiers et des activités auxiliaires du transport (CNPE) il bénéficiait du statut de salarié protégé en vertu de l'article L2234-3 du code du travail et que sa nomination le 11 septembre 2012 à la commission départementale de sécurité de transport de fonds lui conférait également le statut de salarié protégé.

Il invoque, à titre subsidiaire, l'exercice de son droit de retrait pour justifier son refus de travail du 5 septembre 2012 et souligne qu'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié qui se retire d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux. Il soutient avoir exercé son droit de retrait en découvrant le matin de sa tournée que le fourgon blindé affecté à celle-ci était un fourgon deux volumes, et non trois volumes, qui selon lui ne présentait pas toutes les assurances nécessaires pour garantir sa sécurité et celle de ses équipiers.

Il considère, en outre, avoir été licencié en raison de son appartenance à la CGT, de son implication et de sa proximité avec les élus CGT.

Il relève que, par ailleurs, la société LOOMIS ne démontre pas les griefs formulés dans la lettre de licenciement.

Par conclusions visées par le greffier le 14 septembre 2017, la société LOOMIS FRANCE demande à la Cour d'infirmer le jugement et de juger que les manquements de M. [U] constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, de débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes et à titre subsidiaire de cantonner l'indemnité éventuellement allouée à M. [U] à la somme de 15 600 euros.

La société sollicite le rejet de la demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale et la confirmation du jugement de première instance ayant rejeté la demande de dommages-intérêts pour non délivrance de la médaille du travail.

Elle demande à la Cour de débouter M. [U] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société fait valoir qu'à la date de son licenciement, M. [U] n'était plus investi d'aucune mission représentative syndicale connue de l'employeur et ne justifie pas avoir informé son employeur de l'existence de l'un ou l'autre des mandats extérieurs qu'il invoque de sorte qu'il ne lui sont pas opposables. Elle considère que le fait que M. [U] ait été mandaté par la CPNE afin de la représenter au sein des jurys d'agrément CQP ne fait pas de lui un membre de la commission.

Elle conteste l'exercice allégué du droit de retrait et toute discrimination syndicale.

MOTIFS :

Sur la nullité du licenciement :

- au motif de la qualité de salarié protégé :

Selon l'article L2234-3 du code du travail, les accords instituant des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles fixent, en faveur des salariés participant aux négociations, de même qu'aux réunions des commissions paritaires, les modalités d'exercice du droit de s'absenter, de la compensation des pertes de salaires ou du maintien de ceux-ci, ainsi que de l'indemnisation des frais de déplacement.

Ces accords déterminent également les modalités de protection contre le licenciement des salariés membres de ces commissions et les conditions dans lesquelles ils bénéficient de la protection prévue par les dispositions du livre IV relatif aux salariés protégés.

En l'espèce, M. [U] justifie avoir représenté la commission nationale paritaire professionnelle de l'emploi et de la formation professionnelle des transports routiers et des activités auxiliaires du transport en 2011 et 2012 au jury d'agrément des Certificats de Qualification Professionnelle et a bénéficié à ce titre d'autorisation d'absences conformément à l'article 24 de l'accord du 1er février 2011relatif à la formation professionnelle lesquelles figurent sur ses bulletins de paie aux dates des jurys.

Toutefois, M. [U] produit à ce titre des convocations établies par la commission nationale paritaire professionnelle de l'emploi et de la formation professionnelle des transports routiers et des activités auxiliaires du transport libellées de la manière suivante : ' nous avons pris note de votre accord pour représenter la CNPE dans le jury d'agrément qui se tiendra le ..'. Ces convocations qui mandatent M. [U] pour être membre d'un jury ne suffisent pas à établir que M. [U] était membre de la commission paritaire comme le relève, à juste titre, la société LOOMIS FRANCE.

Au surplus, les parties n'établissent pas que l'accord interprofessionnel ayant institué la CNPE garantisse une protection contre le licenciement à ses membres.

M. [U] invoque, par ailleurs, sa qualité de membre de la commission départementale de la sécurité des transports de fonds de la préfecture de Seine Saint Denis.

Toutefois, il s'agit d'une commission administrative et non paritaire qui n'entre pas dans le champ des accords visés par l'article L2234-3 du code du travail.

M. [U] ne bénéficie donc pas de la protection conférée aux salariés par l'article L2234-3 du code du travail qu'il invoque.

- au motif de l'exercice du droit de retrait :

En vertu de l'article L4131-1 du code du travail, le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.

Selon l'article L4131-3 du code du travail, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux.

Il incombe au salarié qui exerce son droit d'alerte d'en informer immédiatement l'employeur.

En l'espèce, le 5 septembre 2012, M. [U] n'a pas formulé par écrit l'exercice du droit de retrait qu'il invoque et ne verse pas aux débats d'attestations de collègues témoins d'une expression verbale d'un tel droit de retrait. Les documents syndicaux et pétitions communiqués invoquent certes l'attention particulière portée par les salariés à leur sécurité mais ne mentionnent pas que M. [U] ait exercé immédiatement un droit de retrait le 5 septembre 2012.

M. [U] a invoqué ce motif pour la première fois lors de l'entretien préalable à son licenciement le 20 septembre 2012.

Le courrier rédigé par le syndicat SUD le 24 septembre 2012 à l'attention de la DIRECCTE 93 l'informant 'qu'un droit de retrait a été effectué sur plusieurs blindés de la société LOOMIS FRANCE' ne suffit pas établir que M [U] a informé son employeur le 5 septembre 2012 de l'exercice d'un droit de retrait.

Dès lors, l'exercice invoqué d'un droit de retrait n'est pas caractérisé.

En conséquence, M. [U] ne peut se prévaloir d'une nullité de son licenciement au motif de l'exercice d'un droit de retrait.

- au motif de la discrimination syndicale :

Selon l'article L1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison de son (..) ses activités syndicales ou mutualistes (..).

Au sens de l'article premier de loi n°2008-496 du 27 mai 2008, 'Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle ['] une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été, dans une situation comparable'.

Aux termes de l'article L. 2141-5 du code du travail, 1er alinéa, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : ' Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.'

En vertu de l'article L. 1134-1 du code du travail : ' Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

En l'espèce, M.[U] invoque des faits datant de 2001 à 2011, notamment

- le fait d'avoir été placé d'office en congés sans solde par son ancien employeur en 2001 au motif que son autorisation de port d'arme n'était pas à jour, et ce jusqu'à ce que l'inspecteur du travail demande à la société de justifier du motif de cette décision ou de régulariser la situation,

- le fait de ne pas avoir été sollicité pour occuper un poste de formateur messager en 2003 lequel a été proposé à un délégué d'un autre syndicat,

- le lien entre son mandat syndical et son licenciement envisagé lors de la cession de l'activité de VALIANCE FIDUCIAIRE à SECURITAS et ayant pour ce motif fait l'objet d'une décision de refus d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail le 13 décembre 2004,

- le fait de ne pas avoir reçu de carte professionnelle du 1er janvier au 9 février 2010,

- le fait pour l'employeur de ne sanctionner que M. [U] pour son départ de son lieu de travail le 30 juillet 2012 et non les deux autres collègues qui ont aussi quitté leur poste,

- le fait de lui reprocher la non réalisation de la tournée BANQUE DE FRANCE alors qu'il avait exercé son droit de retrait,

- la conservation au dossier de M. [U] et la communication au cours de l'instance de sanctions disciplinaires amnistiées.

Les faits antérieurs à 2010 sont anciens. Ils ne peuvent sérieusement être invoqués alors qu'une période de huit à onze années s'est écoulée entre ces faits et les faits les plus récents invoqués par M. [U] et alors que celui-ci n'a pas formulé à titre personnel de réclamation au titre d'une discrimination à l'époque des faits les plus anciens.

En revanche, considérés dans leur ensemble, les faits de non délivrance de la carte professionnelle du 1er janvier au 9 février 2010, de sanction exclusive de M. [U] pour son départ de son lieu de travail le 30 juillet 2012 et non de ses deux autres collègues ayant aussi quitté leur poste, le grief de non réalisation de la tournée BANQUE DE FRANCE alors qu'il avait selon lui exercé son droit de retrait, et la conservation au dossier de M. [U] de sanctions disciplinaires amnistiées font présumer une situation de discrimination syndicale.

Si, comme le relève la société LOOMIS FRANCE, M. [U] n'exerçait plus de mandat syndical au moment de son licenciement, et représentait seulement le syndicat CGT dans le cadre de la commission administrative de Seine Saint Denis, l'employeur avait toutefois connaissance de son activité syndicale. Ce moyen ne peut donc renverser la présomption c'est donc de façon inopérante que la société LOOMIS FRANCE le soutient.

Il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Concernant le retard dans la délivrance de la carte professionnelle, l'employeur ne fournit pas de justification objective.

S'agissant de la décision de la société LOOMIS de sanctionner M. [U] et non ses collègues ayant également quitté l'entreprise le 30 juillet 2012, elle s'explique, au vu des pièces produites, par un élément objectif consistant dans l'existence d'un deuxième grief à l'égard de M. [U] à savoir son refus de réalisation de la tournée Banque de France le 5 septembre 2012.

Par ailleurs, la sanction de ce deuxième fait trouve une justification objective dans l'absence d'exercice immédiat du droit de retrait allégué.

S'agissant des sanctions disciplinaires invoquées dans le cadre de l'instance, l'employeur relève à juste titre que les dispositions concernant l'amnistie n'ont pas, par elles-mêmes, pour objet d'interdire à un employeur de faire référence devant une juridiction à des faits ayant motivé une sanction disciplinaire amnistiée dès lors que cela est strictement nécessaire à l'exercice de ses droits de la défense.

Dès lors, l'absence de justification objective du retard dans la délivrance de la carte professionnelle ne saurait à lui-seul suffire à caractériser une discrimination syndicale alors qu'il résulte des justifications apportées par l'employeur que le salarié n'a pas été licencié en raison de ses activités syndicales mais pour des motifs autres qu'il convient d'examiner dans le cadre de l'appréciation du bien fondé des motifs du licenciement.

Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement mentionne : 'Nous avons à déplorer, de votre fait, les faits fautifs, inacceptables, suivants :

1) Le 30 juillet 2012, vous êtes planifié à 6h30, heure de début de tournée, en tant que convoyeur-garde afin d'effectuer la tournée 05 et vous connaissez cette information depuis deux semaines.

A sept heures et quinze minutes, sans aucune autorisation, vous abandonnez votre poste de travail et quittez les locaux de l'entreprise.

En début de semaine suivante, vous nous remettez votre fiche individuelle de saisie d'activité, dite Fisa, qui mentionne pour la journée du 30 juillet 2012, que vous avez réalisé sept heures de

travail.

Cette action est inacceptable puisque vous avez quitté votre poste de travail à 7h15 sans autorisation et au mépris des règles de l'entreprise.

Vous ne contestez pas votre départ de l'agence, mais vous affirmez que c'était avec l'accord d'une hiérarchie, le régulateur, ce que ce dernier dément formellement.

Il est de toute façon peu probable que le régulateur vous ait autorisé à quitter les locaux de l'entreprise, compte tenu de la période de sous effectif engendrée par les congés payés.

2) Le 5 septembre 2012, vous êtes planifié à six heures et 30 minutes, heure de début de tournée, en tant que convoyeur-conducteur sur la tournée Banque de France et vous connaissez cette information depuis deux semaines.

Le fourgon blindé affecté à cette tournée est le fourgon blindé immatriculé [Immatriculation 1].

Vous refusez de réaliser cette tournée au motif que ce fourgon blindé serait non conforme à la législation. Ce véhicule, est, contrairement à vos assertions, parfaitement conforme aux dispositions légales et réglementaires.

La mission, compte tenu de son importance, a dû être confiée à l'un de vos collègues, compte tenu de votre carence.

L'arrêté du 28 avril 2000 fixe les normes minimales en matière de fourgon blindé de la façon suivante : « la partie du véhicule destinée à recevoir les fonds doit être entièrement isolée de la cabine de conduite par une cloison blindée, dans laquelle est aménagée une porte de communication, également blindée, et équipée d'une serrure de sûreté' »

De plus, en votre qualité de convoyeur-conducteur pour cette tournée, vous êtes, notamment chargé du « respect de l'ensemble des réglementations propres au véhicule utilisé».

Le fourgon blindé qui vous est confié est parfaitement conforme à ces dispositions.

Votre refus est d'autant plus inacceptable que la tournée à laquelle vous étiez affecté et que vous avez refusé de réaliser ne nécessitait pas d'ouverture des portes sur la voie publique, la prestation devant être effectuée de sas à sas, à savoir centre fort d'Aubervilliers et Banque de France.

Ces faits sont d'une extrême gravité et sont inacceptables dans la mesure où ils dénotent, de votre part, deux refus de travail sur une très brève période, pour des fonctions entrant pleinement dans le cadre de votre emploi de convoyeur de fonds.

Ces refus de travail doivent être considérés comme des refus d'exécuter les tâches relevant de votre contrat de travail.

Votre comportement est également intolérable au regard des affirmations que vous diffusez sur la conformité du matériel qui vous est confié, créant un trouble parmi vos collègues et discréditant votre hiérarchie, dans un métier où la sécurité est une priorité de l'entreprise, sans avoir pris la peine de vérifier vos sources.

Ces refus de travail sont donc insupportables tant au niveau du fonctionnement de l'entreprise que vous pénalisez qu'au niveau de vos non respects patents des dispositions réglementaires, conventionnelles et du règlement intérieur.

Votre ancienneté dans le métier de convoyeur de fonds est un facteur aggravant.

L'ensemble de ces faits nous contraint à vous notifier votre licenciement.

Votre licenciement sera effectif le 1er octobre 2012, date qui marquera le point de départ de votre préavis, d'une durée de deux mois, que nous vous dispensons d'effectuer et qui vous sera rémunéré aux dates normales d'échéance de paie.

Nos relations contractuelles seront donc rompues le 30 novembre 2012.

Seule votre ancienneté nous fait surseoir à une décision de licenciement pour faute grave, privative d'indemnités de préavis et de licenciement. (')'

La société soutient que sa décision de licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse de nature à justifier le licenciement consistant en un refus de travail les 30 juillet 2012 et 5 septembre 2012.

Pour caractériser le grief du 30 juillet 2012 invoqué dans la lettre de licenciement, la société LOOMIS produit, d'une part, le message électronique adressé le 30 juillet 2012 par M. [J] [K]-[R] directeur de division à M. [G] [W], directeur des ressources humaines, mentionnant ' ce matin 3 convoyeurs ont abandonné leur poste =$gt; [K], =$gt; [U] =$gt; [E] [X] pour cause de parking VL inaccessible! Merci de les convoquer pour un entretien sanction lundi 6 à 15h+ 15H30+16H', d'autre part, l'attestation de M. [G] [J], chef d'équipe n°2 lequel déclare 'qu'alors que j'étais chargé du départ des convoyeurs, sans son autorisation, le lundi 30 juillet 2012 à 7H15, Monsieur [U] [F] a quitté son poste de travail et les locaux de l'entreprise. En cette période de congés payés, alors que nous étions en sous-effectif, je n'aurais pas pu donner une telle autorisation à M.[U]. Le départ de ce dernier a eu des conséquences sur la réalisation de la tournée pour laquelle il était prévu. Si j'avais dû prendre une telle décision, je ne l'aurai prise qu'après le départ de toutes les tournées et après en avoir informé le responsable d'activité. Les propos tenus par M. [U] sont mensongers'.

M. [U] soutient avoir été autorisé à quitter son lieu de travail, s'être dès lors trouvé en dispense d'activité et non en absence injustifiée, ce qui selon lui justifiait de mentionner 7 heures sur sa fiche d'activité.

Il produit une attestation de M. [X] [E], son collègue, lequel déclare 'le lundi 30 juillet 2012, lors de ma prise de service à 6H30, ainsi que mon collègue M. [U] atteste que le ' responsable' présent ce jour là m'a informé à 8H30 que vous pouviez rentrer chez vous' dont la formulation ambiguë n'est pas de nature à déterminer si M. [X] a seul été autorisé à quitter la société ou si M. [U] l'a également été.

Le message électronique désignant M. [X] [E] comme expéditeur, adressé à un destinataire non précisé et daté du 29 septembre, sans mention de l'année, indiquant : 'je certifie que M. [U] [F] et moi même étions bien présent le 30 juillet 2012 à 6H30 et que nous sommes partis à 8H15.' ne revêt pas plus de force probante.

S'agissant du refus de procéder à la tournée Banque de France du 5 septembre 2012, M. [U] ne conteste pas ce refus. Le fait qu'il invoque l'exercice d'un droit de retrait ne constitue pas une justification de nature à enlever à son refus le caractère d'inexécution de ses obligations contractuelles dans la mesure où la Cour a considéré que les conditions d'exercice d'un droit de retrait n'étaient pas réunies en l'absence d'information immédiate de l'employeur.

Ces deux faits établissant en définitive, une soustraction caractérisée du salarié à des obligations contractuelles et singulièrement, au respect du pouvoir de direction et d'instruction de l'employeur, constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement du conseil est infirmé de ce chef et en ce qu'il a accordé des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect des visites médicales :

Selon l'article L4121- 1 du code du travail, L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En exécution de cette obligation, M. [U] a été examiné par le médecin du travail à la demande de son employeur le 11 avril 2011. Le médecin l'a déclaré 'apte avec bilan médical régulier à revoir dans six mois'.

M. [U] allègue avoir nécessairement subi un préjudice du fait de l'absence de visite en octobre 2011.

Toutefois, il lui incombe de rapporter la preuve du préjudice qu'il allègue avoir subi.

Or, il ne démontre aucun préjudice.

En conséquence, sa demande est rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non délivrance de la médaille du travail :

En vertu du Décret n°84-591 du 4 juillet 1984 relatif à la médaille d'honneur du travail, la médaille d'honneur du travail est décernée par arrêtés du ministre chargé du travail. Son attribution est matérialisée par l'attribution d'un diplôme.

La remise d'une médaille peut être sollicitée par le salarié ou l'employeur à son initiative ou selon les dispositions d'un accord collectif.

Selon l'accord paritaire d'entreprise LOOMIS FRANCE de février 2011, en son article 7-2, 'les médailles sont fournies et gravées aux frais de la société'.

Dès lors, en accordant à M. [U] la gratification attachée à la médaille d'argent du travail pour 20 années de service sans lui fournir ladite médaille gravée, la société LOOMIS n'a pas exécuté son obligation conventionnelle privant ainsi M. [U] de l'obtention de cette médaille.

Il en subi un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 500 euros sans qu'il y ait lieu à ordonner la remise de la médaille sous astreinte.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'appelant succombant partiellement en son appel, est condamné aux dépens d'appel.

La situation économique de M. [U] [F] commande de rejeter la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 26 janvier 2016 en ce qu'il a dit que le licenciement de M.[U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et accordé une indemnité de 16 000 euros à M [U],

statuant de nouveau,

Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société LOOMIS FRANCE à payer à M. [U] [F] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de remise de la médaille du travail,

Rejette la demande tendant à ordonner la remise de la médaille sous astreinte,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Rejette la demande formée par la société LOOMIS FRANCE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] [F] aux dépens d'appel.

La greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/03549
Date de la décision : 02/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°16/03549 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-02;16.03549 ?
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