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02/11/2017 | FRANCE | N°14/08238

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 02 novembre 2017, 14/08238


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 02 Novembre 2017

(n° 630 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08238



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/00123





APPELANTE

Madame [R] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

comparante e

n personne, assistée de Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060



INTIMEE

SASU TNT EXPRESS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 973 505 357

représentée par Me...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 02 Novembre 2017

(n° 630 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08238

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/00123

APPELANTE

Madame [R] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060

INTIMEE

SASU TNT EXPRESS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 973 505 357

représentée par Me Philippe DANESI du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : R235 substituée par Me Anne CARDON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BEZIO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Nadège BOSSARD, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière de la mise à disposition, à laquelle la minute a été remise.

Statuant sur l'appel formé par Mme [R] [P] à l'encontre du jugement en date du 10 juin 2014 par lequel le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté celle-ci de ses demandes dirigées à l'égard de la société TNT EXPRESS FRANCE ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 12 septembre 2017 par lesquelles Mme [P] prie la cour , infirmant le jugement entrepris, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner, en conséquence, la société TNT EXPRESS FRANCE à lui payer une indemnité de 68 928 € à ce titre , outre 5000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral et 5720 € en remboursement de ses frais d'avocat ;

Vu les écritures développées à la barre par a société TNT EXPRESS FRANCE qui conclut à la confirmation de la décision déférée et à l'allocation de la somme de 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que Mme [P] a été engagée par la société TNT EXPRESS FRANCE à compter du 1er novembre 2010 -avec reprise de son ancienneté dans le groupr à compter du 27 avril 2001- en qualité de chargée relations clients comptes stratégiques, statut agent de maîtrise, coefficient 150, la convention collective applicable étant celle des transports routiers et l'activité de la société TNT EXPRESS FRANCE consistant dans la livraison express de colis et documents à destination des entreprises et des particuliers ;

que par avenant du 28 mai 2011, il a été convenu qu'elle ne travaillait plus à temps complet mais à temps partiel pour trois ans , dans le cadre d'un congé parental ;

que par nouvel avenant du 1er mars 2012, Mme [P] a été promue aux fonctions de coordinateur service clients, toujours statut agent de maîtrise , au salaire mensuel brut, pour 28 heures hebdomadaires, et un salaire fixe de 1950, 99 €, outre diverses primes ;

que ces dernières fonctions conduisaient Mme [P] à gérer les réclamations de la clientèle , développer le partenariat et assurer l'interface entre son équipe et les autres services de l'entreprise ;

que le 18 octobre 2012, son supérieur hiérarchique l'a surprise alors qu'elle déjeunait dans son bureau -contrairement à l'interdiction posée par le règlement intérieur et récemment rappelée au personnel, lors d'une réunion tenue la veille ; qu'elle a, alors, cherché, à savoir laquelle de ses collègues l'avait ainsi « dénoncée » à sa hiérarchie et, appelée dans le bureau de Mme [W], l'une de ses responsables, avec qui une conversation s'est engagée, elle a déclaré que la collègue l'ayant dénoncée était une « petite conne » et qu'elle « allait lui mettre une paire de gifles » ; qu'elle a également répondu à ses interlocuteurs qu'elle ne déjeunait pas à la cafétéria de l'entreprise en raison « du très grand nombre de langues étrangères » qui y étaient parlées » ;

que, le 26 novembre 2012, la société TNT EXPRESS FRANCE a notifié à Mme [P] une mesure de rétrogradation, à titre de sanction du comportement qu'elle avait eu ce 18 octobre ; que par lettre du 5 décembre suivant, Mme [P] a refusé cette rétrogradation en contestant les faits reprochés ; que, dans ces conditions, la société TNT EXPRESS FRANCE , après un entretien préalable tenu le 20 décembre, a licencié Mme [P] le 27 décembre 2012, pour cause réelle et sérieuse ;

que Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes le 9 janvier 2013 afin de contester ce licenciement et, par le jugement entrepris, le conseil a dit que le licenciement était justifié, en retenant le seul grief tiré de la violation des dispositions du règlement intérieur interdisant au personnel de déjeuner dans les bureaux ;

*

Considérant qu'en cause d'appel, Mme [P] maintient ses prétentions de première instance, tandis que la société TNT EXPRESS FRANCE , formant appel incident, prie la cour de débouter Mme [P] de toutes ses demandes ;

Considérant que les griefs reprochés à Mme [P] dans la lettre de licenciement ont trait essentiellement à la scène survenue le 18 octobtre 2012 et au comportement de Mme [P] à cette occasion ainsi que postérieurement, avec les membres de son équipe ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que ce 18 octobre 2012, Mme [P] déjeunait dans son bureau, alors que le règlement intérieur l'interdit et que les déjeuners sur place se prennent dans la « cafeteria » de l'entreprise ; que , cependant,, c'est moins l'inobservation du règlement qui est visée comme fautif dans la lettre de licenciement, que la conduite manifestée, alors, à l'égard de son supérieur, par Mme [P] , et plus précisément « lemploi d'un ton déplacé, inapproprié », une réaction « virulente et très négativement » ;

que force est, toutefois, de constater que les propos rapportés dans la lettre de licenciement ne font état que de la réponse de la salariée, à la demande qui lui était faite par son supérieur,de rejoindre la cafétéria -la salariée expliquant qu'elle ne dérangeait personne par son comportement, avant de descendre à la cafétéria ; qu'aucun propos injurieux ne peut être décelé dans la relation de ces faits ; qu'il résulte des pièces et conclusions aux débats que la salariée s'est bornée, en définitive, d'une part, à reproduire une pratique jusqu'alors courante de ses collègues à laquelle la direction avait entendu mettre fin, le 16 octobre lors d'une réunion où Mme [P] était absente et , d'autre part, à s'enquérir du nom de la collègue qui l'avait dénoncée à son responsable ;

Considérant qu' il est également acquis aux débats qu' à son retour de la cafétéria, Mme [P] a eu, avec sa responsable et dans le bureau de celle-ci un entretien dans un état d'énervement certain -qui n'est pas incompréhensible car l'appelante venait de perdre son père , ce que la direction n'ignorait pas, et qu' en dépit du règlement intérieur, elle pouvait trouver lors de la pause déjeuner, un isolement salutaire, dans son bureau ;

que dans son énervement, Mme [P] a demandé, à nouveau, à connaître le nom de la collègue ayant signalé sa présence dans le bureau durant la pause déjeuner ; qu'elle a effetivement prononcé les mots « cette petite conne » « je vais lui mettre une paire de claques pour la calmer », comme en témoignent les auteurs des diverses attestations produites aux débats, dont, celle de la salariée qui avait signalé , comme elle le reconnaît elle-même, la présence de Mme [P] dans son bureau;,que néanmoins, un tel comportement devant son responsable traduit essentiellement une colère, non sans fondement également, contre une collègue par trop zélée et peu compatissante ; qu'elle n'emporte aucun caractère fautif dès lors que Mme [P] s'est limitée à de simples menaces, proférées dans un contexte conférant de fortes « circonstances atténuantes » à l'intéressée ;

Considérant qu'enfin, l'accusation d'avoir prononcé des propos racistes se fonde sur l'explication donnée par la salariée au fait qu'elle déjeune dans son bureau et non, à la cafétéria : « trop de langues étrangères sont parlées là bas » ;

que la cour cherche vainement, comme l'appelante, en quoi cette phrase constituerait une expression outrageante ou un terme de mépris envers des personnes, alors qu'elle ne renvoie qu'au niveau sonore existant dans la cafétéria du fait de la multiplicité des langues étrangères qui y sont parlées, sans faire la moindre référence à l'une quelconque de celles-ci et « a fortiori », à quelle que personne que ce soit ;

Considérant que, dans ces conditions , bien que la société les qualifie d'intolérables , d' inadmissibles et de « contraires aux valeurs qu'(elle) véhicule », ces qualificatifs ne résultent que d'une interprétation erronée, voire d'un contre-sens de la société TNT EXPRESS FRANCE, commis pour justifier les graves accusations portées contre la salariée ;

Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que l'ensemble des griefs reprochés à Mme [P] n'est pas caractérisé ;

que pas davantage n'est établi le reproche tiré, en dernier lieu, dans la lettre de licenciement , du comportement de la salariée avec ses collègues ; qu'en effet, il est imputé à Mme [P] de « ne plus adresser la parole » aux collègues de son équipe  et la société en conclut que, ne faisant plus ainsi « l'interface » entre les intéressées et les autres services de l'entreprise, la salariée ne remplit plus ses fonctions ;

que, toutefois, la société TNT EXPRESS FRANCE ne produit que les attestations de certaines de ces collègues -soit, la personne ayant « dénoncé » Mme [P] le 18 octobre 2012, et des proches de celle-là ; que ces attestations ne font état que de considérations générales et d'ambiance pesante, alors que l'intimée ne verse aux débats aucun élément susceptible de justifier le retentissement du comportement critiqué sur le bon fonctionnement du service de Mme [P] ; qu'ainsi, à le supposer établi, le fait pour Mme [P] de n'avoir plus -à une époque coïncidant avec la procédure de licenciement (attestations datées des 17 et 21 décembre 2012)- adressé la parole aux collègues à l'origine de l'incident du 18 octobre avec son responsable, ne peut constituer un motif réel et sérieux de licenciement ;

Considérant qu'il convient donc d'accueillir la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, formée par Mme [P] ,;

Considérant que Mme [P] réclame la somme de 68 928 € à ce titre ; qu'elle justifie avoir fait de nombreuses recherches et indique avoir finalement retrouvé un emploi, sans fournir de précision ; que toutefois la rupture injustifiée de son contrat avec la société TNT EXPRESS FRANCE a , sans raison véritable, mis fin à un parcours professionnel où l'appelante avait commencé à faire carrière et jouissait d'une appréciation flatteuse ; que les motifs de son licenciement étaient, en outre, particulièrement vexatoires , avec une accusation de propos racistes, grave;

que pour les motifs qui précèdent la cour est en mesure d'évaluer l'indemnisation due à l'appelante à 35 000 € ; que la société TNT EXPRESS FRANCE sera donc condamnée au paiement de cette somme ; qu'il convient, en revanche, de débouter Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour le caractère vexatoire, selon elle, du licenciement ; qu'en effet, l'appelante ne démontre ni n'allègue que la société TNT EXPRESS FRANCE aurait, pendant la période du licenciement, usé de procédés ayant conféré à celui-ci un caractère vexatoire, distinct de celui, intrinsèque au licenciement, lui-même, précédemment indemnisé par la cour ;

Considérant qu' en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile il sera alloué à Mme [P] la somme de 3500 € ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce que le conseil de prud'hommes a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que le licenciement de Mme [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne, en conséquence, la société TNT EXPRESS FRANCE à payer à Mme [P] la somme de 35 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 3500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société TNT EXPRESS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/08238
Date de la décision : 02/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/08238 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-02;14.08238 ?
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