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02/11/2017 | FRANCE | N°14/05626

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 02 novembre 2017, 14/05626


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 02 novembre 2017

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05626



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/07902





APPELANT

Monsieur [N] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 2]

représenté par

Me Vanessa COULOUMY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0197 substitué par Me Pierre NEHORAI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0671



INTIMEE

SARL PETISAL

[Adresse 2]

[Localité 3...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 02 novembre 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05626

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/07902

APPELANT

Monsieur [N] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 2]

représenté par Me Vanessa COULOUMY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0197 substitué par Me Pierre NEHORAI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0671

INTIMEE

SARL PETISAL

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 414 573 758

représentée par Me Marie-gaelle MAUZE, avocat au barreau de PARIS, M. [Y] [E] (Employeur) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Patricia DUFOUR, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffier de la mise à disposition et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Suivant contrat à durée indéterminée du 4 octobre 2009, la société Le Comptoir du Commerce a embauché Monsieur [N] [N] en qualité de serveur, niveau 2, échelon 1, moyennant une rémunération brute horaire de 16 €, outre des avantages en nature, pour une durée de travail à temps partiel fixée à 23 heures hebdomadaires.

La société Le Comptoir du Commerce exerce une activité de restauration et la relation de travail est régie par la convention collective nationale des Hôtels, Cafés et Restaurants.

Par avenant en date du 1er février 2010, la SARL PETISAL est devenue l'employeur de Monsieur [N] pour un emploi de Garçon de brasserie, niveau 2, échelon 2, moyennant une rémunération brut horaire de 16,89 €, outre une majoration de 10% du taux horaire de base pour les heures accomplies entre la 36ème et la 39ème heure hebdomadaire pour un temps de travail de 43 heures hebdomadaires.

Par lettre en date du 7 février 2013, la SARL PETISAL a convoqué Monsieur [N] à un entretien préalable fixé au 19 février puis l'a licencié pour motif économique par lettre notifiée le 28 février 2013.

Le 8 mars 2013, la SARL PETISAL a accusé réception de l'adhésion de Monsieur [N] au Contrat de Sécurisation Professionnelle (C.S.P.) qui lui avait été proposée au cours de l'entretien préalable.

Contestant son licenciement, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 30 mai 2013, d'une demande tendant en son dernier était à le voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL PETISAL au paiement des indemnités afférentes à ce licenciement abusif, de rappels de salaires, des dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements, d'une indemnité pour travail dissimulé, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 25 mars 2014, Monsieur [N] a été débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.

Le 22 mai 2014, Monsieur [N] a fait appel de la décision.

Il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de dire son licenciement pour motif économique abusif,

- en conséquence, condamner la SARL PETISAL à lui payer les sommes suivantes :

** 6.776,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

** 677,70 € au titre des congés payés afférents,

** 20.331 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

** subsidiairement, 20.331 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements,

** 15.429,02 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 1er février 2010 au 31 décembre 2011 de la 44ème à la 50ème heure par semaine,

** 1.542,90 € au titre des congés payés afférents,

** 3.477,23 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 1er février 2012 au 12 mars 2013 de la 44ème à la 46ème heure par semaine,

** 347,72 € au titre des congés payés afférents,

** 20.331 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- dire que les sommes porteront intérêts au taux légal et ordonner leur capitalisation,

- débouter la SARL PETISAL de ses demandes,

- la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL PETISAL demande à la cour :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, en cas de violation de l'obligation de reclassement et requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constater que Monsieur [N] n'a subi aucun préjudice,

- le débouter de toutes ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que les règles relatives à l'ordre des licenciements n'ont pas été respectées,

- constater que Monsieur [N] n'a subi aucun préjudice,

- le débouter de toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [N] aux dépens et au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 5 mai 2017, reprises et complétées à l'audience.

Motivation

Sur l'exécution du contrat de travail :

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du Code d travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L.3121-22 du même code.

 

Aux termes de l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

Monsieur [N] expose que l'établissement était ouvert 7 jours sur 7, ouvrait dès 7 heures du matin pour fermer à 2 heures avec un service en continu de 11 heures 30 à minuit. Il précise qu'entre le 1er février 2010 et le 31 décembre 2011, il travaillait en continu du samedi au mardi de midi à minuit, soit 13 heures en continu, bénéficiait d'une pause repas de 30 minutes par jour, assurait la fermeture à 1 heure ou 2 heures du matin et bénéficiait de trois jours de repos consécutifs du mercredi au vendredi.

Il ajoute qu'à compter du 1er janvier 2012, il n'assurait plus la fermeture mais l'ouverture et travaillait en continu de 7 heures à 19 heures, soit 12 heures en continu sur 4 jours.

Il soutient avoir effectué 50 heures par semaine de février 2010 à décembre 2011 puis 46 heures de janvier 2012 à mars 2013 alors qu'il était payé sur la base de 43 heures par semaine.

De son côté, la SARL PETISAL déclare que, contrairement à ce que soutient l'appelant, si du 1er février 2010 au 1er janvier 2012, il travaillait du samedi au mardi sur une plage horaire de midi à minuit, il bénéficiait d'une coupure de 2 heures 30 le lundi et le mardi de 15 heures 30 à 18 heures puis à compter du 8 août 2011, d'une coupure de 2 heures de 16 heures à 18 heures. Elle précise qu'il bénéficiait aussi de deux pauses repas par jour d'une durée de 30 minutes et journellement de 15 minutes pour fumer.

L'intimée ajoute qu'entre le 1er janvier 2012 au 12 mars 2013, Monsieur [N] travaillait de 7 heures à 19 heures du samedi au mardi, ne bénéficiait plus de coupure journalière mais de 2 pauses repas de 30 minutes et d'une pause de 15 minutes. Elle affirme que les heures supplémentaires qu'a pu effectuer le salarié ont toutes été payées.

Pour justifier du bien fondé de sa demande d'heures supplémentaires effectuées et non payées, Monsieur [N] verse aux débats un tableau récapitulatif de ses horaires de travail ainsi que diverses attestations et la SARL PETISAL produit le détail des horaires effectués par l'appelant au cours de leur relation de travail.

Il résulte de l'examen de ces pièces que le détail des horaires, tel que produit par la SARL PETISAL, détaille, pour chaque jour travaillé, le nombre d'heures effectuées de 12 heures à minuit, de minuit à 2 heures, les temps de pause, en individualisant les pauses repas, les pauses cigarette et la coupure journalière prise jusqu'au 1er janvier 2012.

Si le tableau remis par Monsieur [N] est lui aussi précis, il convient de constater d'une part qu'il globalise par semaine les heures effectuées et les heures de pause et n'apporte aucun élément probant remettant en cause le bien fondé des heures effectuées telles qu'elles sont exposées par l'employeur. Par ailleurs, il apparaît que des heures supplémentaires effectuées au-delà de celles prévues par le contrat de travail, soit 43 heures de travail hebdomadaires, ont été dûment payées à l'appelant qui n'a jamais contesté les décomptes de l'employeur.

Au surplus, les attestations produites par Monsieur [N] n'apportent pas davantage d'éléments probants puisqu'elles confirment qu'il assurait jusqu'au 1er janvier 2012 la fermeture de l'établissement.

Il en résulte que, faute de rapporter la preuve qu'il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées, Monsieur [N] est débouté de sa demande. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.

Sur le licenciement pour motif économique :

Selon les termes de l'article 1233-3 du Code du travail « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Il résulte de l'application de ce texte que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et qu'il n'existe aucune possibilité de reclassement dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise, les offres de reclassement proposées au salarié devant être écrites et précises.

Dès lors, il incombe au juge de vérifier que :

- les difficultés économiques ou les mutations technologiques avérées ont abouti à la suppression de l'emploi du salarié ou à une modification substantielle de son contrat de travail qu'il n'a pas acceptée ;

- le reclassement du salarié est impossible.

En cas de contestations, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif économique allégué et de ce qu'il a satisfait à l'obligation de reclassement lui incombant.

A défaut d'établir un seul de ces éléments, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L. 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Selon la lettre notifiée le 28 février 2013, la SARL PETISAL expose ainsi le licenciement pour motif économique :

« ' Lors de notre entretien préalable à un licenciement en date du mardi 19 février 2013, nous vous avons exposé les problèmes économiques que nous rencontrions, et les difficultés croissants de trésorerie auquel nous devons faire face.

En effet, après avoir eu un résultat déficitaire en 2010 de 34 166 €, nous avions réussi à renouer avec un résultat bénéficiaire en 2011 de 14 353 €.

Nous avons arrêté une situation comptable au 31 octobre 2012 qui présente un déficit supérieur à 50.000 €.

Dès lors, notre situation a continué à se dégrader et notre trésorerie ne nous permet plus de faire face à nos règlements fournisseurs et dettes sociales dans les délais impartis.

De plus, chaque fin de mois nous avons des difficultés à faire les échéances salariales.

Nous avons donc décidé de réorganiser notre activité, en modifiant tant en cuisine qu'en salle nos façons de faire et d'ajuster notre masse salariale, en proportion de notre activité économique réelle. Et il ne nous est plus possible d'attendre une reprise de l'activité qui est plus qu'incertaine.

Notre clientèle réduisant sa fréquentation et sa consommation au sein de notre établissement depuis plusieurs mois d'une manière progressive ; malgré les efforts de l'équipe pour réaliser une prestation de qualité.

Et ce, sans compter l'augmentation du coût des produits et de nos différentes charges d'exploitation, et malgré nos efforts de réduction de coût, qui affectent d'une manière très sensible notre marge brute.

La masse salariale de votre poste de travail représente au 31 décembre 2012 pour une année 58 791 euros, charge qui ne peut plus être supportée par notre exploitation.

Nous sommes donc contraints de vous licencier pour le motif économique du fait de la suppression de votre travail de Garçon de Brasserie, niveau 2, échelon1.

Nous vous avons remis, le 19 février 2013, une proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

Le délai de réflexion dont vous disposiez pour l'accepter ou la refuser n'est pas encore expiré.

Nous vous rappelons que vous avez jusqu'au 9 mars 2011 inclus pour nous donner votre réponse.

Nous vous rappelons également qu'en cas d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle : votre contrat de travail sera réputé rompu, aux conditions qui figurent dans le document d'information qui vous a été remis' ».

Monsieur [N] conteste les difficultés économiques alléguées et expose qu'en fait la SARL PETISAL a été confrontée à une légère diminution du chiffre d'affaires sur 2012 par rapport à 2011 mais surtout à une forte augmentation de ses charges salariales et des achats externes due principalement à l'embauche d'une nouvelle serveuse en contrat à durée indéterminée en juillet 2012.

Il considère que l'entreprise n'a fait aucun effort pour diminuer ses charges d'exploitation ce qui a généré des difficultés de trésorerie et qu'il pouvait s'agir de difficultés passagères non constitutives de difficultés économiques justifiant le bien fondé de son licenciement.

Pour la SARL PETISAL, les difficultés économiques étaient bien réelles d'autant qu'au moment où elle a obtenu la location gérance de la brasserie, elle était déjà en déficit et que c'était pour remédier à la situation qu'elle avait décidé quelques mois plus tard d'augmenter la masse salariale en recrutant Monsieur [N] à temps plein, espérant que cela augmenterait le chiffre d'affaires. Elle précise que l'exercice 2011 s'est terminé par un léger bénéfice mais que l'amélioration a été brève puisque dès l'exercice 2012 elle a connu un déficit de plus de 50.000 €.

L'intimée ajoute que pour remédier à la situation elle a réorganisé l'entreprise en mettant en place de nouveaux horaires d'ouverture le matin et le midi plutôt que le soir afin de mieux répondre aux besoins de la clientèle d'un quartier d'affaire, mais que cela a été insuffisant pour permettre une exploitation bénéficiaire de l'établissement.

Elle conteste toute faute de gestion, fait valoir qu'elle a assuré le remplacement d'un serveur par des extras mais que c'était insuffisant et a dû embaucher une personne en contrat à durée indéterminée et soutient que le licenciement pour motif économique de Monsieur [N] était justifié.

Sur la réalité du motif économique

Il résulte de l'application des dispositions de l'article L. 1233-3 du Code du travail, que les difficultés économiques doivent être distinguées des fluctuations normales du marché; dès lors, ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre, ni la baisse des bénéfices ne suffit, à lui seul, à établir la réalité de difficultés économiques. Toutefois, lorsque l'entreprise est dans une situation de surendettement constant et subit une baisse de son chiffre d'affaires, l'existence de ces difficultés économiques peut justifier des licenciements pour motif économique.

Le motif économique doit s'apprécier au moment du licenciement mais le juge peut tenir compte d'éléments postérieures à cette date pour vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise.

En revanche, le licenciement économique n'est pas fondé si l'employeur a organisé lui-même sa propre insolvabilité ou ses difficultés financières.

La suppression d'emploi, à l'origine du licenciement , doit être la conséquence directe d'un des motifs allégués par l'article L. 1233-3 précité et il appartient au juge de vérifier l'effectivité de la suppression d'emploi alléguée par l'employeur. Il en résulte que le licenciement n'est pas justifié lorsque l'entreprise a embauché ultérieurement un salarié pour occuper un poste similaire.

Pour justifier des difficultés économiques, la SARL PETISAL les bilans des exercices 2010, 2011 et 2012 qui établissent qu'après avoir connu un résultat déficitaire de -34.166 € en 2010, le résultat était bénéficiaire de 14.363 € au 31 décembre 2011 et à nouveau déficitaire de -60.307 € au 31 décembre 2012. Toutefois, contrairement à ce que soutient Monsieur [N], les éléments financiers produits ne démontrent pas que le déficit résulte d'une embauche non justifiée, d'autant que pour faire fonctionner l'entreprise dans le cadre de la réorganisation plus adaptée à la clientèle d'un quartier d'affaires, l'entreprise était fondée à recruter du personnel en nombre suffisant pour assurer un service rapide à des clients disposant de peu de temps.

Les éléments financiers établissent que la réorganisation a été insuffisante pour permettre à la SARL PETISAL de se redresser et d'assurer sa pérennité sur ce seul changement d'horaires d'ouverture puisqu'elle justifie des démarches entreprises auprès des organismes sociaux et des services des impôts pour l'obtention de délais et de ses retards dans le paiement de certains de ses fournisseurs.

Il en résulte que les difficultés économiques alléguées sont justifiées et que les documents financiers ne permettent pas de considérer que l'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable en recrutant une serveuse en contrat à durée indéterminée pour remplacer un salarié ayant quitté l'entreprise alors que pendant quelques temps il avait recouru à des extras pour assurer ce remplacement.

Si les difficultés économiques sont établies, il n'en demeure pas moins que, selon les termes de l'article L.1233-3 précité, elles doivent conduire à la suppression de l'emploi du salarié concerné par le licenciement. Toutefois, ainsi qu'il ressort de la lettre de licenciement, ce n'est pas l'emploi de Monsieur [N] qui est supprimé mais son poste puisque l'employeur indique 'La masse salariale de votre poste de travail représente au 31 décembre 2012 pour une année 58.791 €, charge qui ne peut plus être supportée par notre exploitation'. Au surplus, si Monsieur [N] avait été embauché comme Garçon de brasserie, l'employeur considère qu'il occupait un emploi de serveur et que c'est d'ailleurs en tant que tel qu'il l'a intégré dans la grille d'évaluation déterminant l'ordre de licenciement -établi sur la base de critères fort opportunément choisis, aboutissant à ce que Monsieur [N] soit licencié.

Il apparaît donc qu'en visant dans la lettre de licenciement ,la suppression du poste de Monsieur [N] et non, d'un emploi de serveur, la SARL PETISAL a violé les dispositions de l'article L. 1233-3 et le licenciement pour motif économique doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement pour motif économique fondé.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Au moment de la rupture du contrat de travail, le 12 mars 2013, Monsieur [N] avait une ancienneté de 3 ans et 6 mois et son salaire brut moyen mensuel est fixé, au vu des bulletins de salaire, à la somme de 3.388,48 €.

Il résulte de l'application de l'article L.1233-65 du Code du travail qu'en l'absence de motif économique du licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) n'a pas de cause et que l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents et ce, même s'il a versé les sommes correspondant au préavis à Pôle-emploi dans le cadre du CSP.

Compte-tenu de son ancienneté, Monsieur [N] bénéficie d'un préavis de deux mois. La SARL PETISAL est condamnée au paiement de la somme de 6.776,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et à celle de 677,25 € au titre des congés payés afférents.

Compte-tenu de l'effectif de la société PETISAL inférieur à 11 salariés, Monsieur [N] bénéficie sur le fondement de l'article L.1235-5 du Code du travail, de dommages et intérêts pour licenciement abusif en fonction du préjudice subi.

Il sollicite à ce titre la somme de 20.331,48 € correspondant à 6 mois de salaire et expose qu'au moment de son licenciement il était âgé de 55 ans, que son adhésion au CSP lui a permis de bénéficier d'une allocation de sécurisation d'un montant brut initial de 2.749,80 € et que faute de retrouver un emploi, il a finalement créé sa propre entreprise.

Au vu des pièces produites, et notamment de l'absence d'éléments sur sa situation financière au-delà d'octobre 2013, la cour fixe le préjudice de Monsieur [N] à la somme de 10.000 € et condamne la SARL PETISAL au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Il convient de rappeler que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2013, date de réception par la SARL PETISAL de la lettre de licenciement et les autres créances à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts dès qu'ils seront dûs pour une année entière.

Sur le fondement de l'article L. 8322-1 du Code du travail, Monsieur [N] sollicite l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Toutefois, l'intégralité des heures de travail effectuées ayant été payées, cette demande est rejetée et le jugement confirmé en cette disposition.

Il convient d'ordonner à la SARL PETISAL de remettre à Monsieur [N] les documents sociaux conformes à la présente décision.

Sur le fondement de l'article L. 1235-4 du Code du travail, il convient d'ordonner à la SARL PETISAL de rembourser à Pôle emploi les allocations de sécurisation professionnelle versées à Monsieur [N] dans la limite de 2 mois.

La SARL PETISAL est condamnée aux dépens de première instance et d'appel,

Pour faire valoir ses droits, Monsieur [N] a dû engager des frais non compris dans les dépens, la SARL PETISAL est condamnée à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [N] [N] à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées et non payées et à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- l'infirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit que le licenciement pour motif économique de Monsieur [N] [N] n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- fixe le salaire brut moyen mensuel de Monsieur [N] à la somme de 3.338,48 €,

- condamne la SARL PETISAL à payer à Monsieur [N] les sommes suivantes :

** 6.776,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

** 677,96 € au titre des congés payés afférents,

** 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2013, date de réception par la SARL PETISAL de la lettre de licenciement et les autres créances à compter de la présente décision,

- ordonne la capitalisation des intérêts dès qu'ils seront dûs pour une année entière.

- ordonne à la SARL PETISAL de remettre à Monsieur [N] les documents sociaux conformes à la présente décision,

- ordonne à la SARL PETISAL de rembourser à Pôle emploi les allocations de sécurisation professionnelle versées à Monsieur [N] dans la limite de 2 mois.

- condamne la SARL PETISAL aux dépens de première instance et d'appel,

- la condamne à payer à Monsieur [N] [N] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/05626
Date de la décision : 02/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/05626 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-02;14.05626 ?
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