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27/10/2017 | FRANCE | N°16/24169

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 27 octobre 2017, 16/24169


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1



ARRET DU 27 OCTOBRE 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24169



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Novembre 2016 - Président du TGI de BOBIGNY - RG n° 16/01519







APPELANTE :



FEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DU RAIL SOLIDAIRES UNITAIRES ET DEMOCRATIQUES SUD

-RAIL représenté et dûment mandaté par le Bureau Fédéral selon délibération du 15 juin 2016

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, to...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRET DU 27 OCTOBRE 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24169

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Novembre 2016 - Président du TGI de BOBIGNY - RG n° 16/01519

APPELANTE :

FEDERATION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DU RAIL SOLIDAIRES UNITAIRES ET DEMOCRATIQUES SUD-RAIL représenté et dûment mandaté par le Bureau Fédéral selon délibération du 15 juin 2016

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242, avocat plaidant

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250, avocat postulant

INTIMÉE :

EPIC SNCF MOBILITES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665, substitué par Me Isabelle GOESTER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2017, en audience publique, devant Madame Mariella LUXARDO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Mariella LUXARDO, Présidente

Madame Florence PERRET, Conseillère

M Laurent BEDOUET, conseiller de permanence

Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Mariella LUXARDO, président et par Mme Martine JOANTAUZY, greffier présent lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Des préavis de grève ont été déposés entre février 2016 et mai 2016 au sein de la SNCF par plusieurs organisations syndicales.

Par lettre du 21 avril 2016 adressée à la DRH du groupe, la Fédération Sud-Rail a critiqué le plan de transport mis en oeuvre par certaines directions régionales qui selon elle portaient atteinte à l'exercice du droit de grève des agents.

Le 11 mai 2016, la Fédération Sud-Rail a déposé un préavis de grève devant débuter le 17 mai 2016.

Compte tenu du désaccord persistant sur l'affectation des agents ayant établi leur déclaration individuelle, la Fédération Sud-Rail a fait assigner la SNCF Mobilités devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, qui a par ordonnance rendue le 18 novembre 2016, dit n'y avoir lieu à référé.

La Fédération Sud-Rail a interjeté appel de cette décision le 28 novembre 2016.

Par conclusions du 1er juin 2017, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- dire qu'il y a lieu à référé,

- constater le trouble manifestement illicite et y mettre fin,

- faire interdiction à l'EPIC SNCF Mobilités d'affecter dans le Plan de Transport Adapté avant leur entrée en grève, les agents qui ont déposé une déclaration individuelle d'intention dans les 48 heures du début de leur participation à la grève et qui n'ont pas renoncé à y participer dans les 24 heures précédentes l'heure prévue - heure concomitante à leur prise de service,

- prononcer une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, à compter du 8ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans les casiers de chacun des agents de l'EPIC SNCF Mobilités,

- condamner l'EPIC SNCF Mobilités aux dépens et à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 24 août 2017, l'EPIC SNCF Mobilités demande à la cour de :

- constater que le placement des agents roulants en service facultatif en cas de grève et que les modalités de leur affectation dans ce cadre sont parfaitement conformes à la réglementation en vigueur et ne caractérisent aucun trouble manifestement illicite;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 18 novembre 2016,

- dire qu'il n'y a pas lieu à référé et rejeter les demandes du syndicat SUD Rail,

- condamner le syndicat Sud-Rail aux dépens et à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 8 septembre 2017.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application de l'article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de l'article 809, alinéa 1er, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Sur le trouble manifestement illicite

Le litige entre les parties porte sur l'organisation du service dans le plan de transport adapté (dit PTA) par la SNCF Mobilités après dépôt d'un préavis de grève et l'affectation des agents ayant établi une déclaration individuelle d'intention de participer à la grève lorsque le début du mouvement collectif ne correspond pas à leur reprise de poste.

Selon la Fédération Sud-Rail, la SNCF Mobilités considère à tort que les agents qui ont établi leur déclaration individuelle, restent disponibles entre la fin de leur repos journalier et l'heure à laquelle ils ont indiqué leur participation à la grève. Le syndicat fait valoir que du fait de leur affectation dans le plan de transport dès la fin de leur repos journalier, ils se trouvent ensuite en repos obligatoire, ce qui les empêche d'exercer leur droit de grève.

La Fédération Sud-Rail en déduit que cette organisation a pour effet à la fois de dissuader les agents de participer aux mouvements de grève et de minimiser le taux de participation à la grève.

Ces moyens sont formellement contestés par la SNCF Mobilités qui considère qu'elle respecte les temps de repos obligatoire et que la réglementation actuelle l'autorise à affecter les agents ayant établi leur déclaration individuelle, dès la fin de leur repos journalier puisqu'à ce moment ils ne sont pas grévistes dès lors que leur intention est de participer à la grève à leur prise de poste qui résulte de leur déclaration individuelle.

En droit, le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit ; l'atteinte au droit de grève, liberté fondamentale garantie par les préambules de la Constitution du 27 octobre 1946 et de la Constitution du 4 octobre 1958, constitue par elle-même une voie de fait causant un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser.

En l'espèce, la compétence de la juridiction de référé est fondée sur l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale, susceptible d'être caractérisé par l'effet des conditions d'organisation du service prises unilatéralement par la SNCF.

Le juge des référés est donc compétent pour examiner si ces conditions sont de nature à porter atteinte au droit de grève des agents.

L'ordonnance critiquée sera donc infirmée en ce qu'elle a écarté la compétence du juge des référés alors qu'en réalité le juge a procédé à une analyse des conditions d'application des dispositions légales encadrant l'exercice du droit de grève des agents de la SNCF.

Sur le bien-fondé de la demande

La Fédération Sud-Rail estime que lorsque la SNCF Mobilités a connaissance des déclarations individuelles des agents grévistes, elle ne doit pas pouvoir les affecter dans le plan de transport adapté. Elle ne pourrait le faire que si ces agents déclarent renoncer à participer à la grève, 24h. avant le début du préavis.

La SNCF Mobilités soutient en réplique qu'un agent ne peut être considéré comme gréviste que lorsqu'il interrompt son travail, à sa prise de poste initialement prévue dans le roulement. Par suite, cet agent peut être utilisé dès la fin de son repos journalier et jusqu'à l'heure à laquelle il a indiqué qu'il participait à la grève.

En droit, il résulte de l'article L.1324-7 du code des transports qu'en cas de grève, les salariés relevant des catégories d'agents mentionnées dans l'accord collectif ou le plan de prévisibilité prévus à l'article L. 1222-7 informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer. Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l'organisation du service durant la grève.

Le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure prévue de sa participation à la grève afin que ce dernier puisse l'affecter dans le cadre du plan de transport. Cette information n'est pas requise lorsque la grève n'a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève.

Le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l'affecter dans le cadre du plan de transport. Cette information n'est pas requise lorsque la reprise du service est consécutive à la fin de la grève.

Il ressort de l'article L.1222-7 du code des transports que dans les entreprises de transports, l'employeur et les organisations syndicales représentatives concluent un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic.

L'accord collectif de prévisibilité du service recense, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d'agents et leurs effectifs ainsi que les moyens matériels, indispensables à l'exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur applicables à l'entreprise, de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transports adapté.

Il fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l'organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en ouvre du plan de transports adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non grévistes.

A défaut d'accord applicable, un plan de prévisibilité est défini par l'employeur.

En l'espèce, les dispositions légales sont mises en oeuvre par le référentiel RH 0924 de la SNCF, qui indique à son chapitre 3 consacré au plan de transports adapté, que dès que des perturbations sont annoncées, la SNCF doit adapter son plan de transport et prévoir les moyens nécessaires pour le réaliser. La loi permet de réaffecter les agents disponibles en fonction des besoins, l'objectif étant d'assurer dans les meilleures conditions le plan de transports annoncé et de mettre en oeuvre le plan d'information des voyageurs. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non grévistes.

En outre, l'article 2 du chapitre 3 du référentiel RH 0924 dispose qu'en cas de grève sont réaffectables tous les agents, soumis ou non à la DII, ce qui résulte également de l'article 6 du référentiel RH 0077 qui dispose que dans ce cas, l'agent est dévoyé de son roulement et il peut être utilisé dès l'expiration de la durée du repos journalier.

Par lettre du 21 avril 2016, la Fédération Sud-Rail a attiré l'attention de la DRH de la SNCF Mobilités d'une difficulté concernant l'affectation des agents grévistes dans le PTA avant leur prise de poste et dès la fin de leur repos journalier, ce qui avait pour effet de les considérer sur une même journée calendaire comme grévistes et agents travaillant affectés au PTA, avec des incidences sur les retenues pécunaires et la comptabilisaton du taux de participation à la grève.

Dans son courrier en réponse, du 3 mai 2016, la SNCF Mobilités indique que "l'agent qui a déposé sa déclaration individuelle de faire grève (dépôt d'une DII) est considéré comme gréviste uniquement à compter du moment où il prend part à la cessation concertée du travail, c'est-à-dire en cessant son travail. En dehors de cette période, il fait partie du personnel réaffectable au même titre que ceux qui n'ont pas déposé de DII."

La SNCF Mobilités invoque à l'appui de cette position, l'article 6 paragraphe 3 du référentiel RH 0077 qui dispose que "En cas de grève ... l'agent est dévoyé de son roulement et placé en service facultatif. Il peut être utilisé dès l'expiration de la durée du repos journalier prévu à l'arrticle 15" qui définit les temps de repos journaliers obligatoires.

La SNCF Mobilités en déduit que l'agent ayant déposé une DII peut être utilisé le même jour dans le PTA, dès l'expiration de son repos journalier et jusqu'à l'heure à laquelle il a indiqué qu'il participait à la grève (indication portée sur la DII).

Cette décision a été confirmée lors de la réunion des délégués du personnel du 19 mai 2016.

Toutefois, cette interprétation ne tient pas compte des dispositions claires et précises de l'article L.1222-7 du code des transports qui dispose qu'en cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non grévistes, principe réaffirmé dans le préambule du chapitre 3 du référentiel RH 0924.

Les difficultés soulevées par le syndicat proviennent du fait de la disparité des heures de service des agents, alors que certains entendent participer à un mouvement collectif d'arrêt de travail.

Il n'est pas contestable que la réaffectation de tous les agents, y compris des personnels ayant déposé une DII, sur des horaires distincts de la prise de service initialement prévue, aboutit à une simple réorganisation des horaires de service entre les agents, de sorte que la SNCF peut considérer comme disponible le matin, un agent déclaré en grève l'après-midi, ce qui au surplus ne lui permet pas de bénéficier de son temps de repos obligatoire dès la fin de son service.

Il existe par suite un risque d'abus dans l'utilisation des déclarations individuelles qui ne peut être écarté qu'en précisant que sur les journées concernées par un mouvement collectif, les agents déclarés comme grévistes ne peuvent pas être intégrés au PTA.

La SNCF ne peut donc pas affecter dans son plan les agents grévistes au seul motif que leur repos journalier a expiré. Elle doit également tenir compte de leur déclaration individuelle d'intention de participer au mouvement de grève, à la condition de ne pas avoir renoncé à la grève.

Par suite, la demande du syndicat apparaît bien fondée.

Sur les mesures accesoires

Compte tenu de la solution du litige qui régle la difficulté d'interprétation du texte, il n'y a pas lieu d'ordonner les mesures accesoires sollicitées par la Fédération Sud-Rail, astreintes et publication de la décision.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront supportés par la SNCF Mobilités qui devra verser à la Fédération Sud-Rail la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance du 18 novembre 2016 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la juridiction de référé est compétente pour statuer sur la demande de la Fédération Sud-Rail,

Dit la demande de la Fédération Sud-Rail bien fondée,

Dit que la SNCF Mobilités ne peut pas affecter dans le plan de transport adapté en cas de grève, les agents grévistes au seul motif que leur repos journalier a expiré,

Dit que la SNCF Mobilités doit tenir compte lors de l'établissement du plan de transport adapté en cas de grève, des déclarations individuelles d'intention de participer au mouvement de grève, des agents grévistes qui ne peuvent pas être considérés comme disponibles dès lors qu'ils n'ont pas déclaré leur intention de renoncer à la grève.

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la SNCF Mobilités aux dépens d'instance et à payer à la Fédération Sud-Rail la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, lesparties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Mariella Luxardo, présidente et Mme Martine Joantauzy, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/24169
Date de la décision : 27/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°16/24169 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-27;16.24169 ?
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