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12/10/2017 | FRANCE | N°16/20269

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 12 octobre 2017, 16/20269


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2017



(n°576/17 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20269



Décision déférée à la cour : jugement du 19 juillet 2016 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil - RG n° 16/00449





APPELANT



Monsieur [W] [S]

né le [Date naissance 1] 1965 à [

Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Nadia Bouzidi-Fabre, avocat au barreau de Paris, toque : B0515







INTIMÉE



Fonds de garantie des victimes des actes de terrorism...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2017

(n°576/17 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20269

Décision déférée à la cour : jugement du 19 juillet 2016 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil - RG n° 16/00449

APPELANT

Monsieur [W] [S]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Nadia Bouzidi-Fabre, avocat au barreau de Paris, toque : B0515

INTIMÉE

Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Denis Latremouille, avocat au barreau de Paris, toque : P0178

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 septembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre

Mme Anne Lacquemant, conseillère

M. Gilles Malfre, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure et prétentions des parties

Vu la déclaration d'appel en date du 11 octobre 2016';

Vu les conclusions de M. [S], en date du 18 juillet 2017, tendant à voir infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à titre principal, à voir dire et juger qu'il n'a jamais manqué à l'exécution de ses obligations vis-à-vis du FGTI, que sa dette d'un montant de 35'311,29 euros ne saurait par conséquent porter intérêt sur le fondement de l'article 1153-1 du code civil, à voir condamner le FGTI à rembourser à M. [S] les frais bancaires d'un montant de 78 euros prélevés indûment, dire que le FGTI a déjà saisi 542,84 euros sur les comptes de M. [S], à titre subsidiaire, s'il était fait droit à l'application d'un intérêt au taux légal à la dette de M. [S], à voir dire et juger que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la signification en date du 17 novembre 2015 de la décision de la CIVI qui fonde la créance et le droit à agir du FGTI, exonérer M. [S] de la majoration de 5 points prévue à l'article L. 313 du code monétaire et financier en application du second alinéa de cet article, à titre infiniment subsidiaire, à voir dire et juger que les intérêts au taux légal ne peuvent courir au-delà du 17 novembre 2010, soit plus de cinq années avant la signification de la décision de la CIVI en date du 17 novembre 2015, à titre infiniment subsidiaire, voir dire et juger que la majoration de 5 points prévue à l'article L. 313 du Code monétaire et financier n'est applicable à la dette de M. [S] qu'à compter du 18 janvier 2016, en tout état de cause, condamner le FGTI à payer à M. [S] la somme de 6'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

Vu les conclusions du FGTI, en date du 05 juillet 2017, tendant à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

SUR CE

Par arrêt du 12 juin 1998, la cour d'assises du Val d'Oise a condamné M. [S] à payer, in solidum avec d'autres condamnés, à diverses parties civiles, la somme de 1 261.714 francs, soit 192 347,06 euros. Une décision de la CIVI du tribunal de grande instance de Pontoise du 19 février 2001 allouait la somme de 158 156,71 euros aux parties civiles. Le Fonds de Garantie des Victimes d'Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions (le fonds de garantie) a versé cette somme à l'ensemble des victimes les 23 et 27 mars 2001.

Le fonds de garantie a limité sa créance à l'égard de M. [S] à la somme de 39 141, 29 euros et lui a accordé des délais de paiement.

M. [S] n'ayant pas satisfait aux demandes du fonds de garantie d'augmenter le montant de ses versements, celui-ci a, le 10 novembre 2015, en vertu de ces décisions de justice, fait diligenter à son encontre une saisie-attribution pour la somme de 76'791,14 en principal, intérêts et frais.

Par acte du 23 décembre 2015, M. [S] a fait assigner le fonds de garantie devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil pour obtenir le cantonnement de la saisie à la somme de 35'341,29 euros ainsi que l'exonération de la majoration du taux d'intérêt légal de cinq points.

Par jugement en date du 19 juillet 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil a débouté M. [S] de sa demande.

C'est la décision attaquée.

- Sur l'existence d'une novation

A l'appui de son appel M. [S] soutient qu'il a respecté l'accord de règlement consenti par le fonds de garantie, soit 20'€ par mois, porté à 30'euros à compter du 05 avril 2006, que dès lors le fonds de garantie ne pouvait rompre unilatéralement par lettre du 20 octobre 2015 cet accord et lui demander le règlement de la somme de 35 341, 29'euros, comportant des intérêts au taux légal, augmentés de 5'%.

Il soutient qu'il y a eu novation de la dette indemnitaire, devenue contractuelle, et qu'en l'absence de défaillance de sa part, il ne peut y avoir ni déchéance du terme, ni capitalisation des intérêts.

Cependant, aux termes de l'article 1273' du code civil, dans sa rédaction alors applicable, la novation ne se présume pas et il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

En l'espèce, ainsi qu'il est soutenu par l'intimé, la facilité de paiement échelonné accordée par le fonds de garantie par lettre du 15 septembre 2004 ne vaut pas renonciation du fonds de garantie à une poursuite judiciaire. Par ailleurs, sa lettre du 10 novembre 2005 avait informé M. [S] de ce qu''«'en cas de déclaration erronée d'un remboursement mensuel inférieur à [sa] quotité saisissable ou dans l'hypothèse d'une constitution d'épargne supérieure à 1 500,00 euros, la procédure d'exécution serait sans avis préalable, mise en 'uvre'». Il en résulte, l'intimé ne produisant aucun autre document à l'appui de cette prétention, qu'aucune novation n'est intervenue et que c'est à bon droit que le fonds de garantie a fait procéder à une saisie-attribution.

- Sur le montant de la dette

M. [S] soutient que le fonds de garantie ne tient pas compte d'un règlement de 30 euros effectué en novembre 2015 et qu'il ne doit donc, en principal, que la somme de 35 311,29 euros.

Il résulte du décompte établi par le fonds de garantie que ce versement, et du relevé de compte produit par M. [S] que ce prélèvement n'a pas été pris en compte.

- Sur le point de départ des intérêts

M. [S] soutient, en premier lieu, que l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur, ne lui est pas applicable puisqu'il n'a pas été défaillant dans l'exécution de son obligation contractuelle à l'égard du fonds de garantie.

Cependant, ainsi que le relève, à bon droit, le fonds de garantie, d'une part, cet article n'est pas applicable à l'inexécution d'une obligation contractuelle, au demeurant inexistante en l'espèce, d'autre part, il prévoit que la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à moins que le jugement n'en dispose autrement, ce qui n'a pas été le cas.

M. [S] soutient, en deuxième lieu, que la décision de la CIVI ne lui pas été notifiée de sorte qu'elle n'était pas exécutoire à son égard et que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la signification en date du 17 novembre 2015 tandis que le fonds de garantie expose que cette signification a été effectuée au visa de l'article 503 du code de procédure civile et a eu pour seul effet de permettre l'exécution de la décision à l'encontre de l'appelant.

Cependant, le fonds de garantie a agi en sa qualité de subrogé dans les droits des parties civiles tels qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'assises du 12 juin 1998 de sorte qu'il bénéficiait de ce titre exécutoire depuis le versement effectué au profit des victimes et que la signification du 17 novembre 2015 a eu pour effet, en application de l'article 503 du code de procédure civile, d'en permettre l'exécution à l'encontre de M. [S].

M. [S] soutient, en troisième lieu, qu'en application de l'article 2224 du code civil, le fonds de garantie ne peut obtenir le recouvrement des intérêts échus plus de cinq ans avant la signification du 17 novembre 2015.

Cependant, la prescription quinquennale prévue à cet article n'est pas applicable aux intérêts dus sur la somme objet de la condamnation dès lors, d'une part, que le créancier qui agit en recouvrement de cette somme ne met pas en 'uvre une action en paiement des intérêts mais agit en vertu d'un titre exécutoire en usant d'une mesure d'exécution, laquelle action, en application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution peut être poursuivie pendant dix ans, d'autre part, qu'en vertu de la nature de la créance, les intérêts dus sur celle-ci, en application de l'article 2226 du code civil, se prescrivent par dix ans.

Il en résulte que, le fonds de garantie ayant poursuivi l'exécution du titre exécutoire le 10 novembre 2015, les intérêts dus sur la créance en principal du fonds de garantie ne peuvent remonter au-delà du 10 novembre 2005.

Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté M. [S] de sa demande tendant à voir courir les intérêts à une autre date que celle du 24 mars 2001 et, statuant à nouveau, de dire que ceux-ci courent à compter de 10 novembre 2005.

- Sur les demandes relatives à la majoration de l'intérêt légal

A l'appui de sa demande, M. [S] soutient, en premier lieu, qu'en application de l'article L. 313-3, alinéa 1er, du code monétaire et financier, la majoration du taux d'intérêt légal n'est applicable qu'à l'expiration du délai de deux mois à compter du jour où la décision a été notifiée, même en présence d'un jugement assorti de l'exécution provisoire et que le jugement de la CIVI' ne lui ayant été notifié que le 17 novembre 2015, la majoration de l'intérêt légal ne pourrait intervenir qu'à compter du 18 janvier 2016.

Le fonds de garantie lui oppose qu'il n'a fait partir le cours des intérêts au taux légal que le lendemain du règlement des indemnités par ses soins, soit les 24 mars 2001 et 28 mars 2001. Ainsi, la majoration de cinq points n'est appliquée que deux mois après ce point de départ.

Cependant, la majoration du taux de l'intérêt légal n'est applicable qu'à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter du jour où la décision de condamnation a été notifiée et aux termes de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements, y compris ceux de la CIVI, ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. Il en résulte que la majoration du taux de l'intérêt légal n'était due par M. [S] que deux mois après la notification du 17 novembre 2015, soit à compter de 17 janvier 2016. Il convient donc d'infirmer la décision attaquée en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [S] tendant à être exonéré de la majoration de l'intérêt légal et, statuant à nouveau, de dire que la majoration de l'intérêt légal courra à compter du 17 janvier 2016.

M. [S] demande, en second lieu, à être exonéré de cette majoration en raison de la mauvaise foi du fonds de garantie et de sa parfaite obligation de ses engagements de remboursement.

Si l'alinéa 2 de l'article L.313-3 du code monétaire et financier permet au juge de l'exécution d'exonérer le débiteur de cette majoration ou d'en réduire le montant en considération de la situation du débiteur, M. [S], qui ne justifie pas de difficultés financières, a déjà bénéficié de délais importants, et la majoration du taux d'intérêt légal constitue une juste compensation au retard pris dans le règlement de sa créance.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties succombant partiellement en leurs prétentions devront supporter les dépens qu'elles ont exposés en première instance et en appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de cantonnement de la saisie-attribution à la somme de 35 341, 29 euros ;

Et statuant à nouveau,

Dit que le fonds de garantie n'a pas tenu compte d'un versement de 30 euros en date du 10 novembre 2015 ;

Dit que les intérêts courent à compter du 10 novembre 2005';

Dit que la majoration de l'intérêt légal court à compter du 17 janvier 2016';

Cantonne à due concurrence les causes de la saisie-attribution du 10 novembre 2015 et en ordonne mainlevée pour le surplus ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que chaque partie supportera les dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/20269
Date de la décision : 12/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°16/20269 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-12;16.20269 ?
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