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12/10/2017 | FRANCE | N°15/02501

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 12 octobre 2017, 15/02501


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 12 octobre 2017

(n° 581 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02501



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 12/00344





APPELANT

Monsieur [P] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1988 Ã

  [Localité 2]

représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 135





INTIMEE

SAS CABINET [S] ET [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jérôme A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 12 octobre 2017

(n° 581 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02501

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 12/00344

APPELANT

Monsieur [P] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 2]

représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 135

INTIMEE

SAS CABINET [S] ET [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jérôme ARTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 mars 2017, en audience publique, double rapporteur devant la Cour composée de :

Madame Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat à durée indéterminée en date du 20 août 2007, Monsieur [A] a été embauché par le Cabinet [S] ET [T] en qualité d'assistant opérateur géomètre, coefficient 236, niveau N2, échelon E1.

Le cabinet [S] ET [T] comptait plus de 10 salariés et les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des cabinets ou entreprises de Géomètres experts, Géomètres-Topographes, Photogrammètres et Experts Fonciers.

Le 26 mars 2010 Monsieur [A] a été élu délégué du personnel.

Le 15 avril 2010 Monsieur [A] a été désigné délégué syndical par l'organisation syndicale C.G.T de DRANCY.

Par courrier en date du 26 octobre 2011 adressé au cabinet [S] ET [T], Monsieur [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail. A cette époque, son salaire brut moyen était de 1.600 €.

Le 26 janvier 2012, Monsieur [A] a saisi le conseil de prud'hommes de BOBIGNY aux fins d'obtenir la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul pour violation du statut protecteur et la condamnation du cabinet [S] ET [T] à lui verser les indemnités afférentes à ce licenciement.

Par jugement en date du 30 janvier 2015, le juge départiteur a requalifié la prise d'acte en démission, a débouté Monsieur [A] de ses demandes et l'a condamné à payer au cabinet [S] ET [T] la somme de 3.200€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

Le 4 mars 2015 Monsieur [A] a fait appel de la décision.

Monsieur [A] demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement déféré,

- de requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement nul pour violation du statut protecteur.

- de condamner en conséquence l'employeur à verser les sommes suivantes:

**3.200€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 320€ de congés payés afférents.

**1.333,33€ à titre d'indemnité de licenciement.

**56.000€ à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur correspondant aux salaires que le salarié protégé aurait perçu jusqu'au terme de la période de protection (35 mois).

** 9.600€ à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- de débouter le cabinet [S] ET [T] de ses demandes

- de le condamner aux dépens et au paiement la somme de 2. 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le Cabinet [S] ET [T] demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, de débouter Monsieur [A] de ses demandes et de le condamner aux dépens et au paiement de la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 30 mars 2017, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION

Sur la nature de la prise d'acte

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, 1237-2 et 1235-1 du Code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite des relations de travail.

Elle produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués sont fondés, soit les effets d'une démission s'ils sont infondés.

Comme tout salarié ordinaire, le salarié protégé peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations. Toutefois, si les manquements ayant justifié la prise d'acte sont fondés, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul lorsque le salarié est titulaire d'un mandat électif ou de représentation.

Il incombe au salarié d'apporter la preuve des manquements de l'employeur qu'il allègue.

Il apparaît que peuvent justifier une prise d'acte, une modification contractuelle, un non-respect par l'employeur des obligations inhérentes au contrat de travail, un manquement à l'obligation de sécurité de résultat et, s'il s'agit d'un salarié protégé, une modification de ses conditions de travail sans son accord préalable ou un manquement aux exigences propres à l'exécution du ou des mandats dont il est investi.

Par ailleurs, il résulte de l'application de l'article L. 1231-1 précité que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige et que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Selon la teneur du courrier du 26 octobre 20111, Monsieur [A] considère qu'il a été victime d'un délit d'entrave dans l'exercice de ses fonctions syndicales et qu'il a subi des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale, faits qui ne lui permettaient plus de poursuivre son activité au sein du Cabinet [S]-[T].

Sur le délit d'entrave :

Selon Monsieur [A] le délit d'entrave s'est manifesté :

- lors de la négociation annuelle de septembre 2010,

- par l'organisation d'une réunion qui a débouché par une pétition à son encontre,

- par les difficultés l'empêchant d'exercer pleinement son mandat.

Selon les dispositions de l'article L.2316-1 du Code du travail, constitue un délit d'entrave le fait de porter ou de porter atteinte à la libre désignation des délégués du personnel

Selon les dispositions de l'article L. 2242-1 du Code du travail, la négociation annuelle est obligatoire sur certains thèmes dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales.

En l'espèce, au vu des pièces produites, il apparaît qu' à la suite de à la demande de Monsieur [A], formée lors d'une réunion du 6 septembre 2010, le Cabinet [S] ET [T] après avoir répondu favorablement à la demande du délégué syndical, par courrier en date du 8 octobre 2010, a informé celui-ci du fait que l'entreprise n'était pas soumise à la NAO (négociation annuelle obligatoire) et qu'il annulait les réunions programmées.

Il apparaît qu'à cette date, même si Monsieur [A] était délégué syndical, il n'existait dans l'entreprise aucune section syndicale ce qui établit que le Cabinet [S] ET [T] n'était pas tenu d'organiser la NAO et aucun manquement ne peut lui être reproché.

S'agissant de l'organisation par le Cabinet [S] ET [T] d'une réunion le 13 octobre 2010 à l'issue de laquelle dix-sept salariés ont signé une pétition demandant à Monsieur [A] de démissionner, l'appelant expose que la seule finalité de cette réunion était de dénigrer son action en tant que représentant du personnel ce qui, selon lui, constitue, outre des faits de délit d'entrave, des faits de harcèlement et de discrimination syndicale.

Au soutien des faits reprochés à l'employeur, Monsieur [A] verse aux débats, outre le texte de la pétition qui fait mention, avant les signatures, des manquements reprochés au représentant syndical, l'attestation de Monsieur [V] [M], salarié du cabinet [S] ET [T] du 15 octobre 2007 au 18 avril 2011 qui indique que le 13 octobre 2010, les employés ont été convoqués par Monsieur [T] qui a évoqué une « possible peine de prison qui aurait pu conduire le cabinet à fermer ».

Le témoin considère que certains salariés ont certainement été affolés par l'idée de perdre leur travail et ont fait leurs les suppositions de l'employeur concernant la dangerosité des revendications émises par l'appelant, qui étaient pourtant également formulées par certains salariés. Monsieur [M] précise que la réunion s'est terminée sur les invitations à quitter l'entreprise adressées à Monsieur [A], même si la plupart des salariés se sont abstenus de tout commentaire.

Il s'avère, toutefois, que Monsieur [M] n'apporte aucune précision sur les motifs pour lesquels l'employeur a évoqué une « possible peine de prison ». Au surplus, Le Cabinet [S] ET [T] produit une quinzaine d'attestations précises et détaillées de salariés qui remettent en cause le comportement de Monsieur [A], lui reprochant une attitude volontairement agressive à l'égard de l'intimé, un exercice individuel de son mandat syndical sans prise en compte des souhaits de ses collègues et une modalité d'exercice de ses heures de délégation sans tenir compte des contraintes liées au fonctionnement de l'entreprise, obligeant les autres salariés à s'organiser dans l'urgence pour prendre en charge les tâches que devaient exécuter l'appelant.

Au vu des éléments ci-dessus exposés, il convient de considérer que Monsieur [A] n'apporte pas d'éléments probants établissant que la pétition lui demandant de démissionner résulte d'un délit d'entrave commis par le Cabinet [S] ET [T] et non de la libre volonté de certains salariés. Dès lors, le manquement reproché n'est pas établi.

Monsieur [A] reproche aussi à l'employeur de lui avoir demandé de justifier de l'utilisation de ces heures de délégation. Au soutien de ce manquement, il produit une attestation de Monsieur [I] [O], fonctionnaire à la Bourse du travail qui déclare que, le 13 octobre 2010, Monsieur [T] s'est présenté, énervé, à la Bourse du travail et lui a demandé où était Monsieur [A]. Il précise lui avoir répondu qu'il n'avait pas à lui répondre, que ce lieu était pour les salarié et lui a demandé de quitter les lieux.

Il résulte de l'application des articles L. 2143-13 et suivants du Code du travail, si le délégué syndical utilise librement ses heures de délégation, il ne peut être reproché à l'employeur de lui imposer l'usage des bons de délégation qui visent à l'avertir de l'intention du représentant syndical de se mettre en délégation et lui permet d'organiser le fonctionnement de l'entreprise.

Au surplus, et ainsi que le soutient le Cabinet [S] ET [T], l'attestation de Monsieur [O] n'apporte aucun élément précis sur les circonstances dans lesquelles Monsieur [T] a pu se rendre à la Bourse du travail alors que les pièces versées aux débats établissent que les conditions dans lesquelles Monsieur [A] exerçait ses fonctions de délégué syndical perturbait le fonctionnement de l'entreprise. Monsieur [A] ne démontrant pas que le Cabinet [S] ET [T] voulait contrôler ses activités syndicales, le manquement reproché n'est pas caractérisé, étant précisé que l'intimé justifie que la mise en place de bons de délégation est antérieure à l'entrée en fonction de l'appelant.

S'agissant de l'absence de local reprochée par Monsieur [A], le Cabinet [S] ET [T], en l'absence de section syndicale, n'était pas tenu de mettre à disposition des représentants syndicaux un local particulier et soutient, sans être contredit, qu'il a toujours mis à la disposition de l'appelant un local pour lui permettre de tenir des réunions mensuelles -étant précisé que ce local était également utilisé par les représentants du personnel et disposait d'une ligne téléphonique.

Au vu des pièces produites, il apparaît que Monsieur [A] n'apporte aucun élément matériel probant remettant en cause les affirmations de l'intimé selon lesquelles il respectait ses obligations.

Enfin, Monsieur [A] reproche aussi au Cabinet [S] ET [T] de lui avoir fait subir des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale.

Pour ce faire, en application des dispositions des articles L. 1152-1 et L.1132-1, il lui incombe de rapporter la preuve de faits laissant présumer des manquements revendiqués.

Outre que les faits reprochés au titre du délit d'entrave ne sont prouvés, Monsieur [A] n'apporte aucun autre élément matériel, laissant présumer qu'il a subi des faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale. En effet, le seul fait d'affirmer que le Cabinet [S] ET [T] contrôlait constamment ses actes ne saurait pallier l'absence de preuves.

Il apparaît qu'aucun des manquements reprochés par Monsieur [A] au Cabinet [S] ET [T] n'est établi. Dès lors, et en application des dispositions des articles L. 1231-1, 1237-2 et 1235-1du Code du travail précités, il convient de considérer que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail adressée par Monsieur [A] au Cabinet [S] ET [T] le 26 octobre 2010 produit les effets d'une démission.

Le jugement déféré est donc confirmé en cette disposition.

En application des dispositions de l'article L. 1237-1 du Code du travail, le jugement déféré est également confirmé, en ce qu'il a condamné Monsieur [A] à payer à la SAS Cabinet [S] ET [T] la somme de 3.200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

Monsieur [A] est condamné aux dépens.

Pour faire valoir ses droits, le Cabinet [S] ET [T] a dû engager des frais non compris dans les dépens. Au vu des éléments du dossier, l'équité commande de laisser ces frais à sa charge et de la débouter de sa demande formée en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS LA COUR,

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamne Monsieur [P] [A] aux dépens,

- déboute la SAS Cabinet [S] ET [T] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/02501
Date de la décision : 12/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/02501 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-12;15.02501 ?
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