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11/10/2017 | FRANCE | N°16/18098

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 octobre 2017, 16/18098


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/18098



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juillet 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/06297





APPELANTES



Madame [W] [B] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

[Ad

resse 1]

[Adresse 1]



Madame [O] [J]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/18098

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juillet 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/06297

APPELANTES

Madame [W] [B] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [O] [J]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistées de Me Philippe LAUZERAL de la SELAS CVML, avocat au barreau de PARIS, toque : R059

INTIMÉE

Madame [A] [J] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3])

représentée et assistée par Me Christian BREMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : R038

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dorothée DARD, Président

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dorothée DARD, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.

***

[Z] [X] veuve [J] est décédée le [Date décès 1] 1997, laissant pour lui succéder ses deux enfants, Mme [A] [J] épouse [N] et [D] [J], lui-même décédé le [Date décès 2] 1997, laissant pour lui succéder Mme [W] [J] née [B], sa veuve, et Mme [O] [J], sa fille.

L'acte de partage de la succession de [Z] [X] veuve [J] a été signé le 27 février 1998. 28.239 actions de la société Les Frères [J] dépendant de sa succession ont été attribuées à l'indivision successorale de [D] [J], composée de Mme [W] [J] et Mme [O] [J].

Le même jour, soit le 27 février 1998, Mme [O] [J] a acquis de Mme [A] [N] 5.880 actions de la société Les Frères [J] ; la participation de Mme [A] [N] a été ramenée à 9,74 %, le nombre total d'actions de la société Les Frères [J] étant de 81.918.

Mme [W] [J] et Mme [O] [J] ont ensuite cédé la totalité de leurs actions à la société Gadol Optic 2000 le 20 décembre 2003. Cette vente était prévue en deux étapes, au plus tard le 30 avril 2004 pour 20% des actions de la société Les Frères [J] pour la somme de 5.200.127 euros, et au plus tard le 2 janvier 2009 pour le reste des actions dont elles étaient propriétaires.

Par acte d'huissier de justice en date des 24 et 25 mars 2005, Mme [A] [N] a assigné Mme [W] [J] et Mme [O] [J] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'exécution d'une convention datée du 28 février 1998 relative à la répartition entre les parties de la plus-value en cas de vente dans les dix ans des 14.120 actions attribuées lors du partage de la succession de [Z] [J] et des 5.880 actions cédées par Mme [A] [N] à Mme [O] [J] le 27 février 1998.

Le 25 janvier 2006, le tribunal a sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur l'action engagée également par Mme [A] [N] le 6 décembre 2001, en rescision du partage de la succession de [Z] [X] veuve [J].

Par un arrêt de cette cour en date du 5 novembre 2008, confirmatif du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 27 septembre 2007, Mme [A] [N] a été déclarée irrecevable en sa demande en rescision du partage de la succession de [Z] [X] veuve [J] pour dol et mal fondée en sa demande en rescision de ce même partage pour lésion, instance introduite le 6 décembre 2001.

Mme [A] [N] a conclu le 5 avril 2011 à la reprise de l'instance introduite les 24 et 25 mars 2005.

Par jugement rendu le 23 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré Mme [A] [N] recevable en son action,

- condamné in solidum Mme [W] [J] et Mme [O] [J] à payer à Mme [A] [N] la somme de 2.039.775,20 euros,

- condamné Mme [O] [J] à payer à Mme [A] [N] la somme de 849.424,80 euros,

- débouté Mme [W] [J] et Mme [O] [J] de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire subordonnée à la condition que Mme [A] [N] fournisse une caution, délivrée par un établissement de crédit ou une société d'assurances, couvrant le montant des condamnations,

- condamné in solidum Mme [W] [J] et Mme [O] [J] à payer à Mme [A] [N] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 5 septembre 2013, Mme [W] [J] et Mme [O] [J] ont interjeté appel de cette décision.

Le 23 septembre 2014, le conseiller de la mise en état a fait droit à la demande formée par Mme [A] [N] de radiation de l'affaire du rôle sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.

Le 3 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a, notamment, débouté Mme [A] [N] de son incident de péremption et l'a déclarée recevable mais non fondée, en sa nouvelle demande de radiation sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions n°7 du 2 août 2017, Mme [W] [J] et Mme [O] [J] demandent à la cour de :

- les dire recevables et bien fondées en leur appel,

en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 juillet 2013 par la 9ème chambre section 1 du tribunal de grande instance de Paris et, statuant à nouveau :

à titre principal :

. vu le principe général de droit selon lequel "nul ne peut se contredire au détriment d'autrui",

. vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable l'action engagée par Mme [A] [N] à leur encontre,

à titre subsidiaire :

. vu les articles 887, 1116 et 1131 du code civil et le principe d'ordre public de l'égalité du partage successoral,

- prononcer la nullité de la "convention du 28 septembre 1998",

- en conséquence, débouter Mme [A] [N] de l'ensemble de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire :

- constater l'absence totale de préjudice subi par Mme [A] [N],

- en conséquence, débouter Mme [A] [N] de l'ensemble de ses demandes,

à titre encore plus subsidiaire :

- constater que Mme [A] [N] ne peut prétendre au titre des 6.624 actions cédées par l'indivision formée par elles-mêmes, à plus que 722.612,16 euros (en deniers ou quittances),

en tout état de cause,

- débouter Mme [A] [N] de son appel incident,

- condamner Mme [A] [N] à leur payer, à chacune, une somme de 500.000 euros pour procédure abusive, en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, sans préjudice de sa condamnation au paiement de telle amende civile qu'il plaira à la cour de fixer,

- condamner Mme [A] [N] à leur payer, à chacune, une somme de 225.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Lissarague Dupuis Boccon-Gibod (Lexavoues Paris), conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions n°5 du 28 août 2017, Mme [A] [N] demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en son principe, le réformant pour les quantum,

- constater que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] ont cédé la totalité de leurs actions de la Société Les Frères [J] le 20 décembre 2003,

. en conséquence, faisant application de la convention,

- condamner solidairement Mme [W] [J] et Mme [O] [J] à lui payer la somme de 2.261.388,60 euros,

. en conséquence, faisant application de la convention,

- condamner Mme [O] [J] à lui verser la somme de 941.711,40 euros,

. ajoutant au jugement,

- dire que les sommes auxquelles seront condamnées Mme [W] [J] et Mme [O] [J] seront productives des intérêts de droit à compter du 1er décembre 2005,

- dire que les intérêts courus depuis plus d'une année seront capitalisés et ajoutés au capital pour produire eux-mêmes intérêts à compter de la signification des conclusions du 3 février 2014, puis encore à la date de signification des conclusions du 6 janvier 2017,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour interpréterait la convention en ce qu'elle l'oblige à payer 50 % de la fiscalité sur la plus-value au-delà de 350 francs, dire que les prélèvements sociaux et les frais ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de la fiscalité sur la plus-value,

. en conséquence,

- condamner solidairement Mme [W] [J] et Mme [O] [J] à lui payer la somme de 2.057.143 euros,

- condamner Mme [O] [J] à lui verser la somme de 856.657 euros,

- condamner Mme [W] [J] et Mme [O] [J] solidairement d'une part et Mme [O] [J] d'autre part, aux intérêts légaux sur les condamnations à compter du 1er mai 2004 pour 16.384/20.000èmes des sommes et à compter du 1er décembre 2005 pour 3.616/20.000èmes des sommes,

- dire que les intérêts dus depuis plus d'une année seront incorporés au capital à la date de signification des conclusions du 3 février 2014, puis encore à la date des conclusions du 6 janvier 2017,

- condamner solidairement Mme [W] [J] et Mme [O] [J] à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, lesquels pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître Christian Brémond.

SUR CE,

Considérant que la convention dont Mme [A] [N] demande l'application est rédigée dans les termes suivants :

"[W] [J] et Mademoiselle [O] [J] ont été attributaires par l'intermédiaire de la succession de [Z] [J] de 14.120 actions des FRÈRES [J] et Mademoiselle [O] [J] a racheté à Madame [A] [N] 5.880 actions des FRÈRES [J].

Au titre de ces actions et si celles-ci sont vendues, dans un délai maximum de dix ans, les propriétaires devront verser à Madame [A] [N] 50% de la diff érence par action entre le prix de vente moins 350 Francs, le tout net de la fiscalité sur la plus-value.

Fait à PARIS, le 28 février 1998" ;

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] contestent le principe de créance qui résulterait de l'application de la convention litigieuse et les sommes réclamées ;

sur le principe de créance

. sur la recevabilité de l'action engagée et sur le respect du principe général de droit selon lequel "nul ne peut se contredire au détriment d'autrui"

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] prétendent que l'action en exécution de cette convention engagée par Mme [A] [N] à leur encontre est irrecevable et que l'intimée qui a contesté le partage en demandant une rescision pour lésion, ne peut se prévaloir, sans se contredire, de la convention litigieuse qui est intervenue précisément à l'occasion de ce partage, insistant sur le fait qu'il y a eu, dans un premier temps, un sursis à statuer ;

Considérant que Mme [A] [N] estime que la présente action qui ne contredit pas son action précédente en contestation du partage, est recevable ;

Considérant que l'irrecevabilité soulevée doit sanctionner le comportement contradictoire d'une partie ayant fait naître une fausse représentation chez son adversaire ;

Considérant au regard de la chronologie des instances introduites rappelées ci-dessus, qu'il est établi que Mme [A] [N] n'a pas modifié ses prétentions au cours de l'actuel débat judiciaire et qu'elle ne s'est donc pas contredite au détriment de Mme [W] [J] et Mme [O] [J] qui n'ont pu se méprendre sur les intentions de celle qui avait pris l'initiative en décembre 2001 de la procédure qui était, prioritairement, d'obtenir la rescision du partage, raison pour laquelle il était nécessaire de surseoir à statuer, et de façon plus secondaire, d'obtenir l'exécution de la convention litigieuse ; que l'irrecevabilité soulevée sera donc écartée ;

. Sur la validité de la convention

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] soutiennent que la "convention du 28 'septembre' (février) 1998, est nulle ;

' sur l'existence d'un dol

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] font plaider un dol ; qu'elles soutiennent qu'aucun document n'a été signé le 28 février 1998 ; que leur consentement a été surpris, que la convention a sans doute été glissée parmi les feuillets, nombreux, qu'elles ont dû signer le 27 février 1998, qu'il ne leur en a d'ailleurs été remis aucune copie alors qu'elles n'auraient pas manqué, si elles avaient eu connaissance de cette convention, d'en discuter les termes avec leur conseil ;

Considérant que Mme [A] [N] conclut au rejet de ce moyen dont elle souligne qu'il est soulevé pour la première fois en appel, et ajoute que la convention a bien été signée le 28 février 1998, en même temps que celle d'abandon de compte courant de 3.000.000 de Francs qui n'est pas contestée ;

Considérant qu'il appartient à Mme [W] [J] et Mme [O] [J] d'apporter la preuve de l'existence de manoeuvres dolosives qui auraient déterminé l'expression de leur consentement ; qu'elles ne dénient pas que chacune de leur signature est bien apposée sur la convention critiquée ; qu'aucune circonstance particulière ne permet de confirmer l'existence de manoeuvres frauduleuses alors que le même jour et dans les mêmes conditions a été également signée une autre convention portant sur l'abandon à la société Les frères [J] du compte courant de 3.000.000 Francs par les parties représentant la succession de [Z] [J], à savoir elles-mêmes et Mme [A] [N] ; que faute de preuve du dol ce moyen sera rejeté ;

' sur le respect de la règle d'ordre public relative à la rescision pour lésion de plus du quart

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] soutiennent que cette convention qui n'est qu'une manière de prévoir une faculté de révision de la valeur des actions inclues dans la succession, vise à remettre en cause le partage aujourd'hui définitif (arrêt précité du 5 novembre 2008) notamment, quant à l'évaluation des biens ;

Considérant que Mme [A] [N] fait valoir à l'inverse, que rien n'interdisait aux parties de consentir au partage de la plus-value obtenue de la revente des attributions des lots et ce, postérieurement au partage ;

Considérant qu'il est exact que nul ne peut remettre en cause indéfiniment le partage ;

Considérant cependant que la convention litigieuse qui n'est pas insérée dans l'acte de partage n'a en outre, remis en cause ni les attributions résultant du partage de la succession de [Z] [J] ni les valorisations qui y étaient retenues ; qu'aucune atteinte à 'l'ordre public successoral' n'est constatée ; que ce moyen sera écarté comme cause de nullité de la convention ;

' sur l'absence de cause

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] prétendent que la convention litigieuse est dépourvue de cause puisqu'elles n'étaient aucunement débitrices de Mme [A] [N] ;

Considérant que Mme [A] [N] fait valoir que rien n'interdit que la cause d'une convention ne soit pas expressément exprimée dans l'acte lui-même et précise que la convention n'a nullement pour but de compenser une dette de Mme [W] [J] et Mme [O] [J] par une créance à son bénéfice ; que cette convention ne vise, en considération d'une part, de l'attribution à Mme [W] [J] et Mme [O] [J] de la totalité des actions de la société Les Frères [J] qui figuraient dans la succession, d'autre part, du rachat par Mme [O] [J] d'actions à sa tante, qu'à partager le profit résultant de la plus-value tirée d'une cession desdites actions à l'intérieur d'un certain délai ;

Considérant que l'article 1132 du code civil dispose que 'la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée' ; qu'il résulte de ce texte que la preuve du défaut de cause est à la charge de celui qui l'invoque ;

Considérant qu'aux termes de la convention litigieuse signée le 28 février 1998, Mme [W] [J] et Mme [O] [J] sont débitrices d'une obligation de remboursement d'une partie de la plus-value en cas de vente, dans un délai de 10 ans, des actions de la société familiale qui leur ont été attribuées lors du partage ou qui ont été cédées à Mme [O] [J] par Mme [A] [N] ; que le même jour , une autre convention a été signée par les parties dans les termes suivants :

'Madame [W] [J] et Mademoiselle [O] [J]...

Madame [A] [N]...

Les soussignées représentant la succession de [Z] [J]

1) constatant que [Z] [J] a déposé une somme de 3.000.000 francs en compte courant dans la société Les Frères [J] ,

2) constatant que la société Les Frères [J] n'a pas rémunéré ce compte courant en raison de ses résultats comptables depuis la date du dépôt en 1992,

3) constatant que la société Les Frères [J] ne peut rembourser le compte courant du fait notamment de l'absence de soutien des banques rendant absente sa liquidité

EN CONSÉQUENCE

d'abandonner le compte courant de 3.000.000 francs au profit de la société Les Frères [J] sans retour à meilleure fortune au 31 décembre 1997' ;

que par cette deuxième convention, la succession de [Z] [J] renonce à une créance au bénéfice de la société dont Mme [W] [J] et Mme [O] [J] sont propriétaires à plus de 90% ; qu'en raison de cette circonstance, bien que non précisée dans la convention, l'absence de cause n'est pas démontrée, de sorte que la convention signée le 28 février 1998 relative à la répartition de la plus-value ne peut être invalidée ;

sur le caractère fondé de la demande

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] soutiennent que la demande n'est pas fondée puisque Mme [A] [N] ne subit aucun préjudice ; qu'elles sollicitent donc le rejet des demandes de cette dernière ;

Considérant cependant que Mme [A] [N] n'a pas à rapporter la preuve d'un quelconque préjudice, sa demande portant sur l'exécution d'une convention qui a été reconnue valable ; que ce moyen sera rejeté ;

sur le montant de la créance

. les actions concernées

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] prétendent que, sur les 20.000 actions (14.120 actions issues du partage successoral et 5880 acquises de Mme [A] [N] par Mme [O] [J]), 7.000 données à M. [V] [G] le 30 novembre 2005 et 6.376 cédées seulement le 29 juillet 2008, après le délai de 10 ans, ne sont pas concernées par l'application de la convention litigieuse qui ne doit porter que sur 6.624 actions vendues le 30 novembre 2005 ; qu'elles précisent que la date d'inscription en compte correspond à la date du transfert de propriété qui détermine la date de cession en application de l'article L 228-1 du code du commerce ;

Considérant que Mme [A] [N] indique, au contraire, que la convention datée du 20 décembre 2003, en deçà du délai de 10 ans, vaut vente et porte, de surcroît, sans distinction, sur la totalité des actions détenues par Mme [W] [J] et Mme [O] [J], peu important qu'une partie des actions aient été vendues 'à terme';

Considérant que les articles 1582 et 1583 du code civil disposent que 'la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer' et qu'elle est 'parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée et le prix payé' ;

Considérant que ce texte s'applique donc à la vente à terme ; que l'accord sur la chose et le prix suffit pour dire la vente parfaite ;

Considérant que le contrat signé le 20 décembre 2003 entre Mmes [J] et la société Gadol Optic 2000 précise en page 8, que le prix global des 57.366 'Actions Cédées à Terme' est de 18.207,427 euros, 'soit un prix par action de 317,39056 euros' ;

Considérant que, s'il a bien été convenu en page 7 de ce même acte passé le 20 décembre 2003 'que le transfert de la propriété et de la jouissance de ces actions interviendra(it) à la date de réalisation du terme', le contrat est d'effet immédiat et la vente parfaite à cette date, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de faire une distinction entre les lots d'actions cédées selon la date de leur transfert effectif de propriété ou de faire application de l'article L 228-1 du code du commerce, texte indifférent à la solution du litige ; qu'en conséquence la convention litigieuse s'applique aux 20.000 actions comprenant les 14.120 actions attribuées à Mmes [J] à l'issue du partage de la succession de [Z] [J] et les 5.880 actions rachetées par Mme [O] [J] à Mme [A] [N] ;

. l'application de la clause 'le tout net de la fiscalité sur la plus-value'

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] soutiennent qu'en application de 1162 du code civil, la clause doit être interprétée dans le sens qui leur est le plus favorable ;

Considérant que Mme [A] [N] demande la confirmation du jugement qui a écarté la demande que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] forment à ce titre, soutenant que 'le tout net de la fiscalité sur la plus-value' signifie que le calcul doit être opéré sans incidence de la fiscalité et que leur interprétation de la clause relative à la fiscalité dénature la convention, ajoutant au surplus, que les prélèvements sociaux ne sont pas des impôts et ne seraient donc pas concernés par cette disposition de la convention ;

Considérant qu'il résulte de l'article 1138 du code civil que les clauses claires et précises ne sont pas sujettes à interprétation, à peine de dénaturation de l'acte ; qu'il convient de constater le caractère non ambigu de la clause litigieuse 'le tout net de la fiscalité sur la plus-value' qui signifie que la bénéficiaire n'a pas à se préoccuper de cet impôt et que la somme qui doit lui être payée correspond à un calcul qui ne prend pas en compte la fiscalité sur les plus-values ;

Considérant qu'il n'y a pas davantage lieu de déduire du prix de vente les prélèvements sociaux (CSG et CRDS) ainsi que le réclament les appelantes, puisque la convention ne le prévoit pas ;

. le prix des actions concernées

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] prétendent que les 6.624 actions ont été cédées à un prix moyen de 271,54 euros par action, net d'imposition sur les plus-values tenant compte des prélèvements sociaux (précédemment écartés) et du protocole transactionnel signé par Optic 2000 en juillet 2007;

Considérant que Mme [A] [N] refuse de voir appliquer ce protocole qui ne lui a pas été communiqué en entier et entend voir retenir un prix moyen par action de 373,6732 euros, réévaluant ainsi sa créance par rapport à ses demandes formées devant le tribunal de grande instance ;

Considérant que pour l'application de la convention litigieuse, le prix retenu sera celui résultant de la vente intervenue le 20 décembre 2003 et de l'accord des parties (Mmes [J] et la société Optic 2000) qui le formalise ;

Considérant que le protocole qui ramène ce prix par action à la somme de 288,30396 euros au lieu des 317,39056 euros initialement retenu, n'est pas communiqué en entier, que cette négociation n'est pas opposable à l'intimée ; que cette pièce sera écartée ;

Considérant que la somme due par Mme [W] [J] et Mme [O] [J] sera donc calculée selon la règle suivante :

la moitié de (317,39056-53,36 euros (350 francs))x 14.120 = 1.864.055,75 euros ;

Considérant qu'en l'absence de solidarité légale ou conventionnelle, la condamnation sera prononcée 'in solidum' ;

Considérant que la somme due par Mme [O] [J] sera donc calculée selon la règle suivante : la moitié de (317,39056-53,36 euros)x 5880 = 776.249,85 euros ;

sur les intérêts

Considérant que Mme [A] [N] demande que les intérêts soient calculés en considération des dates effectives de transfert de propriété, à compter du 30 avril 2004 pour 16.384 actions et du 30 novembre 2005 pour le solde, précisant qu'elle a adressé à Mme [W] [J] et Mme [O] [J] une lettre de mise en demeure le 12 janvier 2004 ; qu'elle sollicite en outre la capitalisation de ces intérêts dans ses dernières écritures ;

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] s'opposent aux demandes faites sur les intérêts au motif que l'intimée aurait sciemment fait en sorte de retarder l'exécution du jugement dont appel ; que la lettre de mise en demeure du 12 janvier 2004 ne peut constituer le point de départ des intérêts ; qu'il s'agirait d'une mise en demeure 'préventive' donc inopérante ; qu'elles contestent la capitalisation des intérêts ;

Considérant que la convention litigieuse ne comporte aucune disposition sur les intérêts qui ne seraient donc dûs, au regard de la solution retenue, qu'à compter de la date de l'assignation et qui le sont donc, ainsi qu'il est demandé, à compter du 1er décembre 2005, au taux légal, en application de l'article 1153 du code civil ;

Considérant que Mme [A] [N] demande que les intérêts courus depuis plus d'une année soient capitalisés et ajoutés au capital pour produire eux-mêmes intérêts à compter de la signification des conclusions du 3 février 2014, puis encore à la date de signification des conclusions du 6 janvier 2017 ; que la capitalisation des intérêts qui est de droit, sera ordonnée dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil ; qu'en application de ce texte, le point de départ des intérêts capitalisés ne peut être antérieur à la demande de capitalisation figurant pour la première fois dans les conclusions signifiées le 3 février 2014 dans le dossier RG 13/17864 ;

sur les dommages et intérêts et les autres demandes accessoires

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] arguent du harcèlement dont elles sont l'objet de la part des 'Consorts [N]' pour solliciter 500.000 euros de dommages et intérêts ; qu'il n'est pas démontré cependant que Mme [A] [N] ait abusé de son droit d'ester en justice dans le cadre de la présente procédure ; que les appelantes seront donc déboutées de leur demande ;

Considérant que la cour ne trouve pas matière en la cause, au prononcé d'une amende civile ;

Considérant que Mme [W] [J] et Mme [O] [J] qui succombent seront condamnées aux dépens ; que dans un souci d'apaisement, les parties seront déboutées de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions ayant :

- condamné in solidum Mme [W] [J] et Mme [O] [J] à payer à Mme [A] [N] la somme de 2.039.775,20 euros,

- condamné Mme [O] [J] à payer à Mme [A] [N] la somme de 849.424,80 euros,

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [W] [J] et Mme [O] [J] à payer à Mme [A] [N] la somme de 1.864.055,75 euros,

Condamne Mme [O] [J] à payer à Mme [A] [N] la somme de 776.249,85 euros,

avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2005

et capitalisation des intérêts à compter du 3 février 2014,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées à ce titre,

Rejette toute autre demande,

Condamne Mme [W] [J] et Mme [O] [J] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/18098
Date de la décision : 11/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°16/18098 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-11;16.18098 ?
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